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Date : 20181003


Dossier : T-274-12

Référence : 2018 CF 983

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 3 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Bell

Dossier : T-274-12

ENTRE :

KEVIN RICE

demandeur

et

SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le 22 août 2018, la Cour a entendu une requête présentée par la défenderesse en vertu du paragraphe 215(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, en vue d’obtenir une ordonnance de jugement sommaire en faveur de la défenderesse, avec dépens. L’action concerne une allégation de faute professionnelle présentée par le demandeur, qui était, à l’époque pertinente un détenu dans un établissement fédéral où il a reçu des traitements de la part des professionnels de la santé et des membres du personnel hospitalier. Essentiellement, , le demandeur prétend que sa jambe droite a été amputée au-dessus du genou en raison de la négligence de la défenderesse. La défenderesse répond qu’elle n’a fait preuve d’aucune négligence, qu’il n’y a eu aucune négligence dans le traitement reçu par le demandeur et que, s’il y a eu négligence, ce que nie la défenderesse,  elle n’est pas responsable puisque les médecins, qui ne sont pas nommés comme défendeurs, étaient des  contracteurs indépendants. À la date de l’audience, j’ai accueilli la requête en jugement sommaire et accordé les dépens de 15 000 $, avec motifs à suivre. Mes motifs sont énoncés ci-après.

II.  Contexte judiciaire

[2]  Le 2 novembre 2016, le juge en chef Crampton a ordonné que la poursuite soit mise en procès pour une période de sept (7) jours à compter du 5 septembre 2017. Le 24 août 2017, la juge St-Louis a ordonné que le demandeur ne puisse convoquer d’autres témoins que lui-même pour appuyer sa demande. Cette ordonnance de la juge St-Louis n’a pas été interjetée en appel. Par conséquent, le demandeur n’a pas été en mesure de convoquer de témoins experts  au procès. Quoi qu’il en soit, le demandeur n’a présenté aucun rapport d’expert avant ou après le début prévu du procès.

[3]  Le 31 août 2017, la juge St-Louis a ordonné  ce qui suit : [traduction] « l’instruction s’amorcera comme prévu le mardi 5 septembre 2017 à 9 h 30 » et [traduction] « si le demandeur omet de comparaître ou s’il n’est pas entièrement préparé et disposé à poursuivre son action, celle-ci sera rejetée sur-le-champ sans autre avis ». Le demandeur n’a pas interjeté appel de cette ordonnance. Le 5 septembre 2017, à la suite d’une requête en ajournement de dernière minute du demandeur, la juge St-Louis a rendu une directive dont je cite un extrait : [traduction] « […] la Cour ajourne l’audience prévue pour […] le 6 septembre 2017 et donnera d’autres directives aux parties après que l’administrateur judiciaire ait eu l’occasion d’examiner et d’évaluer la requête ». Le 12 septembre 2017, la juge St-Louis a ordonné notamment : [traduction] « […] 1. Le procès est ajourné sine die; 2. Sous réserve du droit du défendeur de présenter une requête pour faire avancer ce dossier d’une autre façon, la Cour n’envisagera de reporter le procès qu’une seule fois et qu’à la condition que le demandeur démontre clairement et sans équivoque qu’il est médicalement apte, pleinement préparé et prêt à aller de l’avant. » Le 25 janvier 2018, la défenderesse a obtenu l’autorisation de présenter une requête en jugement sommaire.

[4]  Le 9 mars 2018, la protonotaire Tabib a rendu une ordonnance établissant l’échéancier de la requête en jugement sommaire de la défenderesse. Malheureusement, le demandeur, ayant été libéré pendant un certain temps, a été réincarcéré après le 9 mars 2018. Il est toutefois important de noter que la défenderesse est parvenue à signifier au demandeur l’ordonnance du protonotaire Tabib avant qu’il ne soit réincarcéré. À la suite de sa réincarcération, le demandeur a demandé une dispense du délai de jugement sommaire fixé par la protonotaire Tabib. Le 26 juillet 2018, la protonotaire Tabib a donné une directive dont je cite un extrait : [traduction] « […] la date à laquelle le demandeur est censé avoir été incarcéré survient après la date à laquelle l’ordonnance du 9 mars 2018 a été rendue et la date à laquelle la requête en jugement sommaire de la défenderesse lui a été signifiée. Le demandeur n’a pas communiqué avec la Cour ou la défenderesse pour demander une modification de l’annexe établie dans l’ordonnance du 9 mars 2018, afin de tenir compte de sa situation. Les délais qu’il a pris pour signifier et déposer des documents en réponse à la requête en jugement sommaire ont donc expiré; la défenderesse a donc le droit d’aller de l’avant avec sa requête par défaut. Il incombe au demandeur de veiller à ce que ses coordonnées soient mises à jour auprès de la Cour et de la défenderesse s’il souhaite être tenu au courant de la procédure. Si le demandeur souhaite assister à l’audience du 22 août 2018 par téléphone (bien qu’il ne puisse pas participer étant donné qu’il n’a pas déposé de documents de réponse), il peut communiquer avec la Cour pour prendre les dispositions appropriées ».

III.  Le critère du jugement sommaire

[5]  Le critère pour l’octroi d’un jugement sommaire est énoncé dans Oriji c. Canada, 2006 CF 1539, 154 A.C.W.S. (3d) 353; Burns Bog Conservatory Society c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 170, 242 A.C.W.S. (3d) 109; et Manitoba c. Canada, 2015 CAF 57, 250 A.C.W.S. [Manitoba c. Canada]. Le critère a été décrit de différentes manières, notamment  comme n’ayant pas d véritable question litigieuse ou que l’action n’a aucune chance de succès. Selon moi, quel que soit le terme employé, les deux signifient exactement la même chose. De plus, il a été établi qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse en l’absence d’un fondement juridique fondé sur la loi ou la preuve [Manitoba c. Canada, au paragraphe 15].

IV.  Analyse

[6]  Après avoir examiné la documentation volumineuse dont je dispose, je suis convaincu que l’action entreprise n’a aucune chance de succès pour les raisons suivantes :

  • 1) La preuve d’expert pouvant être présentée au procès démontre que le traitement médical fourni au demandeur respectait ou dépassait la norme de soins pertinente;

  • 2) La preuve d’expert et les dossiers médicaux démontrent que le demandeur a systématiquement refusé de se conformer au traitement médical recommandé, à savoir les antibiotiques administrés par voie intraveineuse. Ce refus a été un facteur important dans le malheureux résultat;

  • 3) Le demandeur a été averti que son refus de suivre le traitement médical recommandé pourrait entraîner l’amputation de sa jambe, ce qui, malheureusement, a été le résultat final;

  • 4) Il n’existe aucune preuve justifiant le refus du traitement médical par le demandeur;

  • 5) La seule défenderesse, soit Sa Majesté la Reine, n’est pas responsable des actes des médecins en l’espèce, puisqu’ils fournissaient leurs services en vertu d’un contrat et n’étaient donc ni des fonctionnaires ni des mandataires de l’État en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, ch. C-50.

V.  Dépens

[7]  La défenderesse a engagé des coûts importants dans sa défense de l’action en justice. Ces coûts découlent notamment de la production d’une défense, de l’établissement d’un affidavit de documents étoffé, de sa comparution à un interrogatoire préalable, d’avoir retenu les services d’experts et obtenu une expertise aux fins du procès, de sa participation à des motions préalables au procès et à la procédure préalable au jugement sommaire et, bien entendu, de la collecte d’affidavits et de documents nécessaires pour convaincre la Cour qu’un jugement sommaire est indiqué compte tenu des circonstances.

[8]  À l’audition de la requête en jugement sommaire, la défenderesse a déposé un mémoire de frais évalué à la colonne 3 du Tarif, qui totalisait 15 880,27 $, y compris les débours. Dans les circonstances, je suis convaincu qu’une évaluation juste et raisonnable des coûts en l’espèce est de 15 000 $ (Nova Chemicals Corp. c. Dow Chemical Co, 2017 C.A.F. 25, 276 A.C.W.S. (3d) 298; Consorzio del prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 2002 C.A.F. 417, [2003] 2 C.F. 451).


JUGEMENT dans le dossier T-274-12

La requête en jugement sommaire est accueillie et l’action est rejetée avec dépens au montant tout inclus  de 15 000 $.

LA COUR ORDONNE EN OUTRE qu’une copie des présents motifs du jugement et jugement soient signifiés au demandeur dans les 10 jours suivant leur dépôt, à la dernière adresse connue du demandeur fournie au greffe ainsi qu’à l’endroit où il est incarcéré s’il est présentement incarcéré dans un établissement fédéral.

« B. Richard Bell »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-274-12

 

INTITULÉ :

KEVIN RICE c SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 août 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LE JUGE BELL

 

DATE DES MOTIFS :

Le 3 octobre 2018

 

COMPARUTIONS :

Kevin Rice

 

SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

Helene Robertson

POUR La DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kevin Rice

 

SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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