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Date : 20181011


Dossier : IMM-772-18

Référence : 2018 CF 1019

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 11 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

BEHZAD POOYA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision du 30 janvier 2018 [la décision] de la Section de la protection des réfugiés [SPR ou la Commission] en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] rejetant sa demande d’asile ou de reconnaissance du statut de personne à protéger. Je ferai droit à cette demande pour les motifs qui suivent.

II.  Contexte

[2]  Le demandeur, citoyen afghan de 30 ans, est arrivé au Canada en août 2012 en utilisant la carte de résident permanent [RP] d’une autre personne et un faux passeport. Il a fondé sa demande sur le fait qu’il était ciblé en raison de son travail auprès des femmes et sur la situation des femmes en Afghanistan.

[3]  Selon sa demande, lui et plusieurs autres étudiants de l’Université d’éducation sociale de Kaboul ont formé une organisation appelée Education Scientific Research Organization [ESRO]. Après avoir obtenu son diplôme en 2011, le demandeur a continué de travailler à l’ESRO, dont les travaux portaient principalement sur les droits des femmes, et a terminé un projet qui consistait à sensibiliser les gens aux problèmes de santé des femmes au moyen de brochures et d’ateliers.  Le demandeur affirme qu’il a également aidé l’ESRO à présenter des propositions pour d’autres projets relatifs aux droits des femmes.

[4]  Au début d’août 2012, ses parents lui ont téléphoné pour l’avertir de ne pas revenir à la maison parce que des hommes étaient venus le chercher, les avaient agressés et les avaient avertis qu’ils ne voulaient plus voir le demandeur dans les parages. Le demandeur croit qu’il s’agissait de talibans qui croyaient qu’il avait violé la tradition islamique en travaillant avec des femmes qui ne font pas partie de sa famille. Le demandeur n’est jamais rentré chez lui, fuyant plutôt au Canada.

III.  Décision faisant l’objet du contrôle judiciaire

[5]  La Commission a conclu que le demandeur n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger parce qu’il n’avait pas établi son profil d’homme qui travaillait avec des femmes pour promouvoir leurs droits. La Commission a également conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour établir le rôle qu’il prétendait avoir au sein de l’ESRO, même si elle estimait qu’il avait fourni un [traduction] « témoignage généralement clair ».

[6]  La Commission a écarté un certain nombre de documents du demandeur, y compris une copie du permis de l’ESRO, le certificat pour la réalisation de son premier projet, des photographies et une lettre justificative, en concluant que ces documents ne liaient pas explicitement le demandeur à un rôle particulier au sein de l’ESRO. La Commission a jugé important le fait que les documents ne mentionnaient pas le nom du demandeur dans la mesure où ce dernier [traduction] « s’est fortement appuyé sur eux ». Le tribunal a conclu qu’il aurait été raisonnable pour le demandeur de fournir d’autres documents pour prouver son rôle.

[7]  La Commission a également conclu à un manque général de crédibilité en raison i) de la description par le demandeur de la façon dont il a acquis une carte de RP canadien et ii) pour avoir faussement déclaré qu’il n’avait aucune famille ni aucun ami au Canada lorsqu’il s’est présenté au point d’entrée.

[8]  Quant au premier point, le demandeur a écrit dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) qu’avant l’appel téléphonique menaçant, il avait remarqué que son cousin, qui était en visite en Afghanistan depuis le Canada, avait la carte de RP d’une autre personne. Le demandeur a affirmé avoir utilisé cette carte pour entrer au Canada.

[9]  Plus tard, à son audience portant sur le statut de réfugié, le demandeur a d’abord déclaré (conformément à la version des faits dans son FRP) qu’il avait remarqué la carte de RP dans la poche de son cousin. Il a ensuite répondu à d’autres questions au sujet de la carte en déclarant qu’il l’avait remarquée lorsque son cousin était allé faire l’épicerie et qu’il avait sorti son portefeuille pour payer. Le tribunal a conclu que le demandeur avait fait évoluer son histoire au fil du temps de manière à expliquer l’invraisemblance initiale.

[10]  Le tribunal a également soulevé des préoccupations quant à la crédibilité du demandeur parce qu’il avait déclaré à l’agent du point d’entrée qu’il n’avait aucun parent au Canada. Cependant, le cousin qui lui aurait fourni la carte de résident permanent était aussi un RP du Canada.

IV.  Questions à trancher et norme de contrôle

[11]  Bien que le demandeur ait soulevé plusieurs questions, deux d’entre elles ont un effet déterminant sur le résultat :

  1. La Commission a-t-elle tiré une conclusion défavorable déraisonnable à l’égard du demandeur en se fondant sur des renseignements accessoires (c.-à-d. la carte de RP et l’absence famille au Canada)?

  2. La Commission a-t-elle tiré à l’endroit du demandeur une conclusion déraisonnable quant à la vraisemblance parce qu’il a omis de fournir une « preuve corroborante » sur son rôle au sein de l’ESRO, et a-t-elle autrement omis d’examiner adéquatement la preuve présentée?

[12]  Les parties conviennent que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable. Les conclusions négatives de la SPR sur la crédibilité sont examinées par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Thevarajah c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 458, au paragraphe 7).

V.  Analyse

A.  La Commission a-t-elle tiré une conclusion défavorable déraisonnable à l’égard du demandeur en se fondant sur des renseignements accessoires (c.-à-d. la carte de RP et l’absence de famille au Canada)?

[13]  Le demandeur soutient que la Commission a porté atteinte à sa crédibilité de façon déraisonnable en mettant l’accent sur des détails accessoires, soit l’acquisition de la carte de RP pour voyager au Canada et le fait d’avoir nié avoir de la parenté au Canada à la frontière.

[14]  Le demandeur soutient sur le premier point que la prétendue divergence dans son témoignage se voulait en fait une précision concernant son explication initiale sur la façon dont il a remarqué que son cousin possédait la carte de résident permanent d’une autre personne, c’est-à-dire qu’elle se trouvait dans la poche de son cousin. Il soutient également que les conclusions défavorables fondées sur des omissions ne devraient être tirées que lorsque les omissions sont au cœur d’une demande et non simplement des détails accessoires, comme le fait de ne pas avoir mentionné les détails sur la façon dont il avait remarqué que la carte de son cousin était dans la poche de celui-ci une fois qu’il a sorti son portefeuille à l’épicerie.

[15]  Le défendeur réplique que la Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la décision de la Commission quant à la crédibilité, qui s’est fondée sur la nature évolutive de l’histoire concernant la carte de RP, et que la Commission avait de bonnes raisons de remettre en question du témoignage du demandeur en raison de cette évolution depuis la version des faits initiale dans le FRP jusqu’aux réponses définitives du demandeur à l’audience. Le défendeur soutient que la Commission s’est ainsi fondée à juste titre sur des incohérences et des omissions dans l’exposé des faits du demandeur pour en arriver à sa conclusion sur la crédibilité.

[16]  La position du demandeur selon laquelle la Commission a accordé une importance indue à des détails accessoires, soit la façon dont il s’est rendu au Canada et l’omission de détails dans son FRP, me paraît convaincante. Si l’on s’attarde d’abord au FRP, les instructions figurant sur la version du formulaire de demande d’asile qui existait au moment de cette demande d’asile en septembre 2012 se lisaient comme suit :

[traduction]

Sur les deux pages suivantes, décrivez dans l’ordre chronologique tous les événements importants et les raisons qui vous ont amené à demander l’asile au Canada. Indiquez les mesures prises contre vous et les membres de votre famille, ainsi que contre des personnes se trouvant dans une situation semblable, et par qui ces mesures ont été prises. Indiquez les dates dans la mesure du possible.

[17]  Aucune des autres instructions qui suivent cette instruction principale n’exigeait des détails sur la façon exacte dont la personne a obtenu les documents qui lui ont permis de sortir de son pays ou d’entrer au Canada. Le demandeur a consacré trois paragraphes complets de son exposé narratif dans son FRP à la façon dont il a obtenu la carte de résident permanent de son cousin et s’est rendu au Canada avec cette carte.

[18]  La loi est claire : les contradictions et les omissions dans la preuve d’un demandeur d’asile peuvent raisonnablement mener à des conclusions défavorables sur la crédibilité (Rahal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 43). Toutefois, la SPR devrait être préoccupée par des détails ou des omissions importants, et non accessoires, dans le FRP du demandeur d’asile (Feradov c Canada (Citoyenneté et Immigration) [la décision Feradov], 2007 CF 101, au paragraphe 18). Comme l’a écrit le juge Barnes dans la décision Feradov, bien que « le défaut de mentionner des faits importants ou des faits clés relatifs à la persécution dans un FRP soit un motif raisonnable de préoccupation, l’omission d’un détail accessoire ne l’est pas ». Par conséquent, le caractère raisonnable de la conclusion défavorable de crédibilité de la Commission en l’espèce repose en partie sur l’importance des incohérences relevées.

[19]  La description que le demandeur a ajoutée à l’audience constituait un détail supplémentaire sur la façon dont il s’est rendu au Canada, après avoir été invité à donner de plus amples explications sur sa carte de RP, d’abord par le commissaire, puis par l’avocat. Le fait que la carte de RP se trouvait dans la poche de son cousin, carte qu’il a vue lorsque son cousin a sorti son portefeuille pour payer l’épicerie, est, à mon avis, un détail accessoire qui n’a rien à voir avec le fondement de la demande, qui a trait à la participation du demandeur à l’éducation des femmes en Afghanistan.

[20]  Il était donc déraisonnable de reprocher au demandeur de ne pas avoir fourni ces détails accessoires dès le départ dans le FRP, d’autant plus que les instructions afférentes ne les demandaient pas ni ne les exigeaient. Par conséquent, à mon avis, le commissaire a tiré une conclusion déraisonnable quant à la crédibilité en se fondant sur les réponses données aux questions posées à l’audience pour obtenir plus de détails au sujet de la carte de résident permanent et de la façon dont le demandeur a appris qu’elle se trouvait dans la poche de son cousin.

[21]  Ensuite, la Commission a mis en doute la crédibilité du demandeur dans sa réponse aux autorités au point d’entrée, selon laquelle il n’avait pas d’amis ni de famille au Canada. Cependant, il a plus tard concédé qu’il avait un cousin au Canada. À l’instar de la question portant sur la carte de résident permanent, il s’agit également d’un élément accessoire à la détermination du statut de réfugié. Lorsque la Commission lui a demandé pourquoi il n’avait pas fourni une réponse véridique, le demandeur a répondu qu’il était nerveux au sujet de son entrée et qu’il ne voulait pas [traduction] « causer des ennuis » à son cousin. La Commission doit toutefois faire preuve de prudence en cas de conclusion défavorable sur la crédibilité en ce qui concerne l’interpellation au point d’entrée. Comme l’a écrit le juge Martineau dans la décision Lubana c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116 :

11.  Ce ne sont cependant pas tous les types d'incohérence ou d'invraisemblance contenue dans la preuve présentée par le demandeur qui justifieront raisonnablement que la Commission tire des conclusions défavorables sur la crédibilité en général. Il ne conviendrait pas que la Commission tire des conclusions défavorables sur la crédibilité en général. Il ne conviendrait pas que la Commission tire ses conclusions après avoir examiné « à la loupe » des éléments qui ne sont pas pertinents ou qui sont accessoires à la revendication du demandeur : voir Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1989), 99 N.R. 168, au paragr. 9 (C.A.F.) (Attakora); Owusu-Ansah c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1989] A.C.F. no 442 (QL) (C.A.) (Owusu-Ansah). La Cour a statué en particulier que le fait qu'un revendicateur voyage avec de faux documents, détruit ses documents de voyage ou ment à leur sujet à son arrivée sur les instructions d'un agent est accessoire et a une valeur très limitée aux fins de l'évaluation de la crédibilité en général : voir Attakora, précitée; Takhar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 240, au paragr. 14 (QL) (1re inst.) (Takhar).

[…]

13.  […] Lorsqu'elle évalue les premiers rapports du demandeur avec les autorités canadiennes de l'Immigration ou qu'elle fait référence aux déclarations faites par le demandeur au point d'entrée, la Commission devrait être attentive également au fait que [traduction] « la plupart des réfugiés ont vécu dans leur pays d'origine des expériences qui leur donnent de bonnes raisons de ne pas faire confiance aux personnes en autorité » : voir le professeur James C. Hathaway, The Law of Refugee Status, Toronto, Butterworth, 1991, aux p. 84 et 85; Attakora, précitée; Takhar, précitée.

[22]  En résumé, j’estime que la Commission a commis une erreur en concluant de façon déraisonnable que le demandeur n’était pas crédible en raison d’explications liées à des questions accessoires concernant son entrée au Canada, qu’il a plus tard éclaircies. Ces conclusions sur la crédibilité se trouvaient au cœur du refus, entachant le témoignage complet du demandeur, et cadrent mal avec le commentaire de la Commission selon lequel le demandeur a été franc dans son témoignage.

[23]  De plus, ces conclusions défavorables sur la crédibilité semblent avoir également influencé l’autre conclusion dont s’est servie la Commission pour rejeter la demande d’asile, à savoir le défaut de fournir des éléments de preuve corroborants le liant à l’ESRO, comme nous l’expliquerons plus loin.

B.  La Commission a-t-elle tiré à l’endroit du demandeur une conclusion déraisonnable quant à la vraisemblance parce qu’il a omis de fournir une preuve corroborante?

[24]  La Commission a conclu à un manque de preuve corroborante, en ce sens que ni le permis de l’ESRO ni le certificat s’y rattachant n’établissaient son appartenance ou son rôle au sein de cette organisation, parce que les documents ne le nommaient pas. De plus, la Commission a accordé peu de poids à une lettre justificative du collègue du demandeur parce qu’elle fournissait peu de détails sur le rôle qu’occupait le demandeur au sein de l’ESRO. Enfin, le Commission a rejeté des photographies d’un atelier de l’ESRO qu’il avait soumises.

[25]  Le demandeur fait valoir que la preuve doit être examinée pour ce qu’elle dit et représente, et non rejetée pour ce qu’elle ne dit pas. Le défendeur conteste cet argument, affirmant que la Commission a tiré une conclusion appropriée quant à la suffisance de la preuve.

[26]  Pour revenir aux principes de base, les demandeurs d’asile ne sont pas tenus de fournir une preuve corroborante, à moins qu’il y ait des motifs valables de remettre en question la crédibilité d’un demandeur d’asile. Ce raisonnement s’explique par le fait que lorsque le demandeur d’asile affirme sous serment que certaines allégations sont vraies, on présume que celles-ci sont vraies, à moins qu’il existe des raisons de douter de leur véracité (Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302, au paragraphe 5, [1979] ACF no 248 (QL) (CA) [la décision Maldonado]).

[27]  La présomption de véracité évoquée dans la décision Maldonado peut donc être réfutée par des éléments de preuve contradictoires ou des conclusions selon lesquelles le témoignage manque de crédibilité ou de vraisemblance (voir par exemple : Ismaili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 84, au paragraphe 36). Autrement dit, il n’y a pas d’exigence générale en matière de corroboration et le tribunal ne peut tirer de conclusion sur la crédibilité en se fondant uniquement sur l’absence de preuve corroborante (Ndjavera c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 452, au paragraphe 6).

[28]  En l’espèce, en raison des conclusions déraisonnables de la décision sur la crédibilité fondées sur des considérations accessoires (voir la question A ci‑dessus), les conclusions de la Commission selon lesquelles la preuve corroborante insuffisante concernant le rôle du demandeur au sein de l’ESRO sont entachées d’entrée de jeu. Je soulignerai néanmoins les faiblesses des conclusions de la Commission au sujet de l’absence de preuve corroborante, indépendamment de la question A et de la présomption tirée de la décision Maldonado.

[29]  Premièrement, je conviens qu’il était déraisonnable pour la Commission de tirer une conclusion défavorable parce que le demandeur n’était nommé ni sur le permis ni sur le certificat de l’ESRO qui ont été présentés. Ces documents portaient sur le financement et les projets de l’ESRO, et il n’y avait aucune raison pour qu’ils mentionnent expressément le nom du demandeur, car ils concernaient l’organisation elle-même.

[30]  Deuxièmement, la Commission a également rejeté une photographie du demandeur qui avait été fournie à l’appui de sa participation à l’ESRO. Bien que la photographie, comme l’a fait observer la Commission dans sa décision, ne dépeigne que le demandeur, elle semble avoir été prise au même moment et au même endroit qu’une série de photographies montrant un groupe de femmes suivant un cours en classe. Plus précisément, la photographie du demandeur porte des estampilles de date et d’heure simultanées et la même toile de fond que les autres, c.-à-d. un tableau blanc et une bannière avec le logo de l’organisme qui parraine l’ESRO, qui figure également dans le certificat de l’ESRO.  La Commission a conclu que :

[traduction]

[…] en ce qui concerne la photo où le demandeur d’asile montre un tableau mural, le tribunal note que le demandeur semble être la seule personne dans la pièce. On ne peut donc pas déduire de cette photo qu’il s’adressait au groupe de femmes, ou même à qui que ce soit. Par conséquent, la photo n’appuie pas la conclusion selon laquelle le demandeur d’asile a joué le rôle qu’il prétend avoir joué au sein de l’organisation.

[31]  Bien qu’il soit tout à fait exact que la photographie ne montre que le demandeur, la Commission aurait dû au moins aborder les similitudes avec les autres photographies des femmes à un atelier, et expliquer pourquoi ces autres photographies, et leur lien apparent avec l’ESRO, n’avaient aucune pertinence à ses yeux. Si la Commission avait, par exemple, douté de la validité des autres photographies ou si elle avait cru que la photographie du demandeur n’était pas authentique, elle aurait dû fournir une explication.

[32]  La loi indique clairement que le défaut d’analyser les aspects contraires pertinents de ces éléments de preuve peut constituer une erreur (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), [1998] ACF no 1425 (QL), 157 FTR 35, au paragraphe 17).  Il ne suffit pas que la Commission mentionne simplement la preuve contraire. En l’espèce, la Commission a commis une erreur en omettant de façon déraisonnable d’analyser des éléments de preuve contradictoires, ce qui pourrait fort bien découler du fait que les conclusions accessoires concernant la carte de résident permanent et le cousin ont contaminé le reste de la preuve.

VI.  Conclusion

[33]  La norme de la décision raisonnable exige d’une décision qu’elle démontre la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Je ne crois pas que la Commission ait atteint cet objectif en l’espèce. Sans tirer de conclusion sur la relation du demandeur avec l’ESRO, je conclus que la Commission a commis une erreur en mettant l’accent sur les détails accessoires, ce qui a influé sur sa conclusion concernant la preuve corroborante. La Commission a également omis de tenir compte de certains éléments de preuve contradictoires. La demande sera conséquemment accueillie. Aucune question à certifier n’est soulevée.


JUGEMENT

LA COUR statue que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à la Commission pour nouvel examen par un autre tribunal.

  3. Aucune question à certifier n’a été plaidée ni soulevée.

  4. Aucuns dépens ne sont octroyés.

« Alan S. Diner »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-772-18

 

INTITULÉ :

BEHZAD POOYA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 3 octobre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 11 OCTOBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Britt Gunn

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Eleanor Elstub

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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