Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20181011

Dossier : IMM-305-18

Référence : 2018 CF 1020

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 11 octobre 2018

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

TREVOR CLIVE MONTGOMERY SMITH

Demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  M. Smith est un citoyen des Bermudes qui s’est vu refuser une autorisation de voyage électronique (AVE) par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) parce qu’il avait répondu non à une question du formulaire de demande en ligne alors qu’il aurait dû répondre oui. Bien qu’alléguant l’erreur de bonne foi, il a été déclaré interdit de territoire au Canada pour fausse déclaration en vertu de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 [LIPR]. Cette décision a des conséquences malheureuses pour M. Smith, père de triplés nés au Canada, mais il n’y a aucun motif pour que la Cour intervienne dans cette décision.

Contexte

[2]  En février 2016, M. Smith a rempli une demande d’AVE en ligne. Il a répondu non à la question « Avez-vous déjà commis une infraction criminelle dans tout pays ou territoire, ou vous a‑t‑on déjà arrêté pour une telle infraction, accusé d’une telle infraction ou reconnu coupable d’une telle infraction? », et il a reçu une AVE par la suite.

[3]  Il aurait dû répondre oui, puisqu’il avait été accusé d’infractions criminelles aux États-Unis et aux Bermudes.

[4]  En novembre 2016, son AVE a été annulée et sa demande a été rouverte. Une lettre d’équité procédurale a été envoyée à M. Smith pour l’informer de la fausse déclaration éventuelle et lui donner l’occasion de s’expliquer. M. Smith a expliqué qu’il avait mal compris la question et qu’il croyait qu’il n’avait pas besoin de dévoiler son accusation rejetée aux États-Unis et son casier judiciaire radié aux Bermudes.

[5]  Le 2 mars 2017, l’agent a conclu que M. Smith devait être interdit de territoire pour fausse déclaration aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR.

[6]  La seule question à trancher dans le présent contrôle judiciaire est de savoir si l’agent a raisonnablement considéré si M. Smith avait commis une erreur de bonne foi dans sa fausse déclaration.

Analyse

[7]  M. Smith soutient que l’agent a commis une erreur en ne tenant pas compte de son explication et en ne se demandant pas si l’exception d’erreur de bonne foi devrait s’appliquer à sa situation. Plus précisément, il allègue que, parce que l’accusation aux États-Unis a été rejetée et que son casier judiciaire aux Bermudes a été radié, il n’a pas cru nécessaire de déclarer ces faits en réponse à la question du formulaire AVE.

[8]  M. Smith signale que, dans ses instructions et lignes directrices opérationnelles, IRCC reconnaît « que des malentendus et des erreurs de bonne foi peuvent survenir quand une personne complète un formulaire de demande et répond aux questions » (Citoyenneté et Immigration Canada, Évaluation de l’interdiction de territoire, ENF 2/OP 18, « 10.3 Principes »).

[9]  M. Smith s’appuie sur l’arrêt dans l’affaire Baro c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 1299 [ci‑après Baro] où la Cour dit au paragraphe 15 : « Il y a toutefois une exception si les demandeurs peuvent démontrer qu’ils croyaient honnêtement et raisonnablement ne pas dissimuler des renseignements importants. » Dans cette affaire, le demandeur a négligé de dévoiler un précédent mariage, croyant sa première épouse décédée. Le formulaire de demande ne s’enquérait pas expressément des antécédents matrimoniaux du demandeur, mais la Cour a jugé que le tribunal en question avait raisonnablement jugé qu’il s’agissait là d’un renseignement important à dévoiler dans une demande de résidence permanente en vue de vivre avec une seconde épouse au Canada.

[10]  Toutefois, la jurisprudence indique clairement que, même en cas d’omission de bonne foi, on peut être taxé de fausse déclaration, puisqu’on a estimé que le défaut de bonne foi de dévoiler des renseignements importants relevait aussi du paragraphe 40(1) de la LIPR (décision Paashazadeh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 327 au par. 18, et affaires qui y sont citées).

[11]  Dans Osisanwo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1126 [ci‑après Osisanwo], la mère d’un enfant a eu une liaison extramaritale et a mentionné son mari comme étant le père dans l’acte de naissance. Mari et femme pensaient que l’enfant était d’eux, mais le père biologique s’est révélé être l’homme avec qui la mère avait eu cette liaison. Dans ces circonstances, la Cour a accepté d’y voir une erreur commise de bonne foi.

[12]  Dans l’affaire Oloumi c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 428, il est dit au par. 32 : « Quelques décisions prévoient une exception étroite à cette règle, mais cette exception ne s’appliquera qu’aux circonstances véritablement exceptionnelles dans lesquelles le demandeur croyait honnêtement et raisonnablement qu’il ne faisait pas une fausse déclaration sur un fait important [souligné dans l’original]. »

[13]  La question est de savoir si les circonstances de M. Smith sont « véritablement exceptionnelles ». L’intéressé signale qu’il s’est rendu au Canada à maintes reprises et qu’il ne s’est pas senti entravé dans ses déplacements. Il signale également ne pas avoir de casier judiciaire. En fait, il soutient que ses démêlés antérieurs avec la justice ne sont pas importants pour l’AVE, parce qu’ils n’ont pas entravé ses déplacements par le passé. Toutefois, la question de l’importance relative de l’omission a été abordée dans l’affaire Paashazadeh, au paragraphe 26 où il est dit : « Pour être importante, une présentation erronée n’a pas besoin d’être décisive ou déterminante. Elle est importante si elle est suffisamment grave pour nuire au bon déroulement du processus… » Dans ce cas, la fausse déclaration de M. Smith a été jugée assez importante pour compromettre la délivrance d’une AVE.

[14]  M. Smith soutient que l’agent a trop insisté sur la clarté de la question et n’a pas accepté son explication de l’erreur. Je conviens que, dans certains cas, un agent peut avoir l’obligation d’examiner les circonstances plus en détail, par exemple lorsque la question en litige se prête à diverses interprétations ou que les circonstances particulières ne sont pas une réponse à la question en litige. Dans ce cas-ci cependant, je conviens avec l’agent que la question « Avez-vous déjà commis une infraction criminelle dans tout pays ou territoire, ou vous a‑t‑on déjà arrêté pour une telle infraction, accusé d’une telle infraction ou reconnu coupable d’une telle infraction » n’est ni vague ni trompeuse.

[15]  Au contrôle judiciaire, ce n’est pas le rôle du tribunal de réévaluer la preuve là où la décision de l’agent est raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, au par. 61). Dans le présent cas, la décision est raisonnable, et elle s’inscrivait dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire de l’agent et, par conséquent, la Cour doit faire preuve de déférence.


JUGEMENT dans IMM-305-18

LE JUGEMENT DE LA COUR est le suivant :

  1. Le contrôle judiciaire de la décision rendue le 2 mars 2017 par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada est rejeté;

  2. Aucune question sérieuse n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-305-18

INTITULÉ DE LA CAUSE :

TREVOR CLIVE MONTGOMERY SMITH c. MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 AOÛT 2018

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT:

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

LE 11 OCTOBRE 2018

COMPARUTIONS :

Mario D. Bellissimo

POUR LE DEMANDEUR

Tessa Cheer

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Bellissimo Law Group PC

Barristers and Solicitors

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.