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Date : 20181031


Dossiers : IMM-1334-18

IMM-1335-18

Référence : 2018 CF 1097

Ottawa (Ontario), le 31 octobre 2018

En présence de monsieur le juge Martineau

Dossier : IMM-1334-18

ENTRE :

MITRA KHERADPAZHOOH

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

Dossier : IMM-1335-18

ET ENTRE :

BABAK ERTEFEAI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont des époux de nationalité iranienne. En décembre 2017, ils ont déposé des demandes de visa temporaire pour un court séjour de quinze jours en Colombie-Britannique et à Montréal, du 16 à 31 mars 2018. Or, un agent d’immigration [agent] de l’ambassade de Canada en Turquie a refusé de délivrer les visas sollicités parce que, tel qu’exigé par l’alinéa 179b) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], il n’était pas satisfait que les demandeurs quitteront le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, d’où les présentes demandes de contrôle judiciaire.

[2]  Préalablement à son entrée au Canada, l’étranger a le fardeau de convaincre l’agent, selon la prépondérance des probabilités, qu’après la période autorisée de la visite, il quittera le Canada. Il s’agit donc de se demander si le refus de l’agent de délivrer des visas temporaires aux deux demandeurs est raisonnable en l’espèce (Zhou c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 465 au para 8 [Zhou]; Ajeigbe c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 534 au para 12). Mais rappelons d’abord quelques principes généraux.

[3]  Règle générale, en vertu du paragraphe 183(2) du RIPR, la période de séjour autorisée d’un résident temporaire est de six mois ou de toute autre durée que l’agent aura fixée avant l’émission du visa en se fondant sur les moyens de subsistance au Canada, la période de séjour demandée et la durée de validité du passeport (ou d’un autre titre de voyage). Il va de soi que les conditions de l’article 179 du RIPR doivent être remplies pour que l’agent délivre un visa de résidence temporaire, dont celle que l’étranger quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée et qu’il ne travaillera ou n’étudiera pas au Canada à moins d’y être autorisé.

[4]  S’agissant de déterminer si les conditions de l’alinéa 179b) du RIPR sont remplies, le but de la visite au Canada est évidemment un facteur pertinent, mais pas le seul. Les liens de famille au Canada et dans le pays de résidence, la situation économique et professionnelle de l’étranger, les tentatives passées d’émigrer au Canada (ou ailleurs), l’absence d’un historique de voyage à l’extérieur du pays de résidence, la capacité et la volonté de l’étranger de quitter le Canada à la fin de la période de séjour autorisée, sont autant de facteurs pertinents qui seront également considérés par l’agent lors de l’étude de la demande de visa temporaire.

[5]  En soi, l’existence d’un but commercial légitime, étayé par des éléments de preuve objectifs, est certainement une raison valable pour solliciter la délivrance d’un visa de résidence temporaire pour effectuer un court séjour au Canada. L’étranger n’est pas obligé de fournir un itinéraire complet de la visite anticipée. Il n’est pas tenu non plus de démontrer qu’il a « une raison impérieuse » de visiter le Canada (Agidi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 691 au para 7; Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1210 au para 15). Par contre, des motifs abstraits, flous ou non fondés sur des éléments de preuve objectifs, peuvent constituer un facteur, parmi d’autres, permettant à l’agent de conclure que l’étranger ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée (Hamad c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 600 aux paras 13-16; Omijie v Canada (Citizenship and Immigration), 2018 FC 878 au para 16.

[6]  Les faits dans le présent dossier ne sont pas véritablement contestés.

[7]  Depuis 1992, le demandeur est directeur général d’une petite société commerciale familiale qui distribue des pièces d’automobile en Iran et dont il est actionnaire à 33% [l’entreprise du demandeur]. Depuis son mariage (survenu en 1995), la demanderesse est demeurée au foyer familial. De fait, les demandeurs désirent faire une visite exploratoire à Vancouver (et à Montréal du même coup) pour s’enquérir des réalités locales avant d’investir au Canada. Ils considèrent éventuellement faire une demande de résidence permanente dans le cadre du programme provincial pour investisseurs en vigueur en Colombie-Britannique et connu sous le nom de « BC PNP Entrepreneur Immigration Program » [le programme provincial]. Ils ont plusieurs actifs immobiliers et disposent de moyens financiers suffisants pour faire le voyage et payer toutes leurs dépenses de séjour au Canada. Leurs deux enfants, âgés de quinze et vingt ans, sont encore aux études et ne doivent pas participer au voyage anticipé.

[8]  En octobre 2017, les demandeurs ont formulé une première demande de visa qui a été refusée par un agent, parce qu’à l’époque, ils n’avaient pu établir l’existence de contacts avec le lieu de la destination, ainsi que la suffisance de leurs fonds. Au soutien de leur deuxième demande, qui inclut également l’historique de voyage et la situation familiale, ils ont, entre autres, soumis les documents suivants :

  • Des copies des visas étampés dans les passeports des demandeurs;

  • Les certificats de naissance, passeports, et certificats de mariage des demandeurs ainsi que la preuve que le demandeur a effectué son service militaire obligatoire en 1992;

  • Les certificats de naissance, passeports et preuves de scolarité concernant les deux enfants en Iran;

  • Le titre de propriété de l’appartement des demandeurs et un document attestant l’existence d’un prêt hypothécaire grevant l’appartement;

  • Une lettre envoyée à l’attention des demandeurs par une agente immobilière de Vancouver en date du 21 décembre 2017. Dans cette lettre, l’agente explique qu’elle accompagnera les demandeurs pendant les visites de deux entreprises qu’ils envisagent acheter;

  • Une lettre envoyée à l’attention des demandeurs par un avocat montréalais en date du 22 décembre 2017. Cette lettre explique son intention de les aider à effectuer des investissements en Colombie-Britannique en les présentant à des associés et des avocats se spécialisant en droit des affaires et en immigration;

  • L’itinéraire du voyage démontrant que les demandeurs arriveront à Vancouver le 16 mars, à Montréal le 28 mars, et quitteront le Canada le 31 mars 2018;

  • Le certificat de l’entreprise du demandeur; les états financiers pour les années 2013 à 2017; des documents concernant l’assurance des sept employés et la sécurité sociale; le sommaire d’un contrat entre le demandeur et un fabricant d’automobiles permettant à l’entreprise de vendre les pièces d’automobiles du fabricant;

  • La traduction de l’évaluation foncière des avoirs immobiliers du demandeur qui sont estimés valoir 19 176 000 000 rials iraniens [IRR], approximativement 705 000 $ CAD, ainsi que des documents concernant les taxes foncières payées entre 2013-2014 à 2015-2016; et

  • Deux certificats attestant à la valeur des actifs bancaires des demandeurs : un compte de 814 000 000 IRR et 1 110 282 104 IRR dans un autre compte pour une valeur approximative de 65 000 $ CAD.

[9]  La Cour désire préciser que dans le cadre de leur projet de visite exploratoire de quinze jours, les demandeurs ont fait appel aux services de trois professionnels distincts. La bonne foi et les compétences de ces professionnels ne sont pas remises en cause par le défendeur. À première vue, on parle d’un modus vivendi assez standardisé de visites planifiées à l’avance. En fait, les lettres ou documents préparés par certains de ces professionnels sont très similaires à ceux qui ont été examinés par la Cour dans l’affaire Abdollahi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 972 [Abdollahi], et qui avaient été transmis à la même ambassade canadienne en Turquie par d’autres ressortissants iraniens qui désiraient faire une visite exploratoire pour motifs d’un investissement et d’un établissement éventuel au Canada.

[10]  Dans le cas présent, notons en particulier ce qui suit :

  • a) Les demandeurs ont eu des conversations avec un courtier immobilier à Vancouver, Madame Valeria Lockwood. Selon la lettre qu’elle a fournie, elle fera des visites avec les demandeurs pour trouver une entreprise dans lequel ils pourraient investir. Elle a notamment déjà identifié deux entreprises qu’elle compte présenter aux demandeurs. Celle-ci offrent des produits et des services cosmétiques et ont une valeur marchande approximative de 200 000 $ à 300 000 $;

  • b) Les demandeurs ont également consulté un avocat montréalais, Monsieur Eiman Sadegh. Selon sa lettre, il fournira des conseils juridiques aux demandeurs et les présentera à d’autres avocats pratiquant en droit des affaires et de l’immigration, pour les aider à investir en Colombie-Britannique, et ultimement, soumettre des demandes de résidence permanente dans le cadre du programme provincial. Ces deux étapes sont liées : des points sont attribués dans une demande de programme provincial pour, entres autres, le projet d’affaire proposé par un demandeur; et

  • c) Enfin, un avocat canadien agissant comme le consultant d’immigration des demandeurs, Monsieur Shahram Bahramdaryabeigi, a préparé un document de cinq pages expliquant, entre autres, le but de la visite en faisant référence aux deux autres lettres, aux liens des demandeurs en Iran, à leur expérience professionnelle, et à leur intention de retourner en Iran à la fin de la visite.

[11]  Le système administratif d’évaluation des demandes de résidence temporaire ou permanente est hautement standardisé. Les éléments justifiant un refus de visa, ou rendant un demandeur inadmissible au Canada, sont cochés d’un « X » par l’agent sur la case appropriée du formulaire IMM 5621 (03-2017) E GCMS (disponible en français IMM 5621 F) [formulaire]. On retrouve la mention suivante dans le formulaire : « [traduction] Veuillez noter que seuls les motifs cochés s’appliquent au refus de votre demande » [je souligne]. De brèves notes sont également inscrites par les agents dans le Système mondial de gestion des cas et permettent à un demandeur, voire à la Cour, de comprendre pourquoi tel élément coché sur le formulaire est problématique : (Maxim c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1029 aux paras 12-13; Kavugho-Mission c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 597 aux paras 5-6).

[12]  Le 16 mars 2018, une lettre-décision type, incorporant le formulaire, a été adressée dans chaque dossier aux demandeurs pour les aviser du refus de l’argent de délivrer les visas temporaires sollicités. En particulier, sous la case « [traduction] Vous ne m’avez pas convaincu que vous quitteriez le Canada à la fin de votre séjour à titre de résident temporaire. Pour en arriver à cette décision, j’ai pris en considération plusieurs facteurs […] », les trois sous-cases suivantes ont été cochées par l’agent : « [traduction] Antécédents de voyage », « [traduction] Durée du séjour envisagé au Canada » et « [traduction] Objet de la visite ». La sous-case du formulaire correspondant à un « [traduction] But commercial légitime » n’a pas été cochée dans le cas présent par l’agent. D’autre part, il ne semble pas que le statut, les liens de famille, la situation financière et personnelle, les possibilités d’emploi et l’occupation actuelle des demandeurs en Iran soulèvent des préoccupations particulières dans le présent dossier, puisque ces dernières sous-cases du formulaire n’ont pas été cochées par l’agent (Dhanoa c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 729 aux paras 7, 13; Abdollahi au para 11d).

[13]  Le 11 avril 2018, les notes du Système mondial de gestion des cas ont été transmises aux demandeurs suite à leur demande en vertu de la règle 9 des Règles des cours fédérales en matière de citoyenneté, d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/93-22. La lettre de transmission indique que ces notes font partie de la décision. Je suis d’accord que c’est ordinairement le cas (Rahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 793 au para 19), mais encore faut-il que les notes en question soient conformes aux motifs de refus ou d’inadmissibilité cochés sur le formulaire et ne les contredisent pas (Martinez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 636 aux paras 14-15).

[14]  Ces notes révèlent, par ailleurs, ce qui suit :

[traduction]

J’ai examiné la demande. Le demandeur vient au Canada afin d’effectuer une visite de prospection d’entreprises en Colombie-Britannique.

J’ai remarqué que le demandeur a un historique de voyage et qu’il a déclaré que des fonds sont disponibles pour le voyage en question. Cependant, cet historique n’est pas suffisant pour constituer un dossier de voyages internationaux qui serait probant aux fins de mon appréciation. De plus, je ne suis pas convaincu que la visite proposée soit raisonnable, compte tenu des facteurs suivants : le but de la visite en tant que telle ne m’apparaît pas raisonnable du fait que le demandeur prévoit demeurer au Canada pendant une période prolongée, ce qui semble en contradiction avec les liens déclarés du demandeur avec son pays de résidence, en particulier avec le fait que le demandeur et son épouse n’ont effectué qu’un bref séjour en Europe en 2009. Les autres déplacements ont été effectués au niveau régional. Il s’agit de la deuxième demande de VRT présentée par le demandeur. L’avocat du demandeur au Canada a indiqué que ses associés se rencontreront une fois arrivés au pays pour effectuer des visites en personne, sans toutefois qu’aucun nom ne soit mentionné. Le dossier comporte une invitation d’un agent immobilier. Il ne semble pas, à ce stade-ci, y avoir eu de contact entre les autorités de la province, de la ville ou de la municipalité de destination et le demandeur ou les experts-conseils. La lettre de l’avocat est donc vague et de peu de poids.

Compte tenu des motifs qui précèdent, je suis d’avis que l’incitation à demeurer au Canada peut l’emporter sur les liens du demandeur avec son pays de résidence. Pour ce motif, je ne suis pas convaincu que le demandeur quittera le Canada à la fin de la période de séjour autorisée.

[Je souligne.]

[15]  Devant cette Cour, les demandeurs soutiennent que la conclusion générale de l’agent est déraisonnable et contraire à la preuve au dossier. La capacité financière des demandeurs, les actifs en Iran, la situation d’emploi du demandeur, le montant de la participation financière dans l’entreprise du demandeur, l’existence de liens familiaux importants en Iran, le but commercial légitime de leur courte visite au Canada et les précisions ayant été fournies à ce chapitre n’ont pas été considérés ou ont autrement été écartés arbitrairement par l’agent. Du reste, l’agent n’a pas tenu compte du fait que le programme provincial encourage les investisseurs intéressés à faire une visite exploratoire en Colombie-Britannique avant de présenter une demande en vertu du programme provincial. Il est donc logique que des lettres d’appui des autorités provinciales et municipales n’aient pas été fournies à cette étape du dossier, puisqu’aucune lettre d’appui n’est fournie à un demandeur à l’occasion d’une visite exploratoire. Le courtier immobilier et les avocats sont des contacts suffisants. De plus, l’agent n’a pas tenu compte de plusieurs éléments de preuve crédibles qui démontrent le but légitime de la visite – dont la visite planifiée de deux petites sociétés commerciales à Vancouver où le demandeur pourrait vouloir investir. La conclusion de l’agent à propos de l’historique de voyage est également déraisonnable, puisque les demandeurs ont toujours respecté les conditions des visas délivrés par d’autres pays. Lorsqu’on considère l’ensemble de la preuve au dossier, la conclusion générale de l’agent n’est donc pas une issue acceptable.

[16]  Le défendeur rétorque que l’agent devait être satisfait que les demandeurs quitteront le Canada à l’expiration des visas temporaires. Les demandeurs sont tout simplement insatisfaits avec l’évaluation de la preuve par l’agent. Or, l’agent jouit d’une large discrétion et son expertise dans ce domaine est reconnue par cette Cour. Il faut également présumer que l’agent a tenu compte des preuves et représentations soumises. Le défendeur soumet que les notes du Système mondial de gestion des cas indiquent que toute la preuve au dossier a été évaluée par l’agent, même si certains éléments n’ont pas été explicitement mentionnés. Le défendeur note que l’agent n’a pas douté l’authenticité des lettres de courtier immobilier et des avocats, il a tout simplement trouvé ces documents non probants. On ne peut donner un « chèque en blanc » aux demandeurs. Le problème fondamental, c’est qu’ils n’ont aucun projet d’affaires définitif, tandis que les lettres produites sont de nature générale et spéculative. De plus, les conclusions de l’agent quant à l’historique de voyage sont neutres : l’historique de voyage était simplement insuffisant pour convaincre l’agent de la bonne foi des demandeurs. Le rejet des demandes de visas est donc une issue acceptable.

[17]  Il y a lieu d’intervenir en l’espèce.

[18]  Tout d’abord, soulignons que l’agent avait devant lui une volumineuse documentation dont l’authenticité et la pertinence n’ont pas été remises en question dans le présent dossier. Bien que l’agent est présumé d’avoir soupesé et considéré toute la preuve au dossier (Zhou au para 20), s’il ignore des éléments de preuve pertinents qui contredisent ses conclusions, on peut inférer qu’il n’a pas examiné cette preuve ou l’a écarté arbitrairement (Canada (Citizenship and Immigration) c Tefera, 2017 CF 204 aux paras 30-31; Shakeri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1327 aux paras 21-23). À première vue, une visite de prospection d’entreprises en Colombie-Britannique constitue un but commercial légitime pour solliciter un visa de résident temporaire. En l’espèce, l’agent a ignoré ou écarté arbitrairement la preuve concrète des motifs de visite des demandeurs et les liens familiaux et économiques très forts des demandeurs avec leur pays habituel de résidence. Cette preuve contredit fortement la conclusion de l’agent que les motivations de rester au Canada après l’expiration du visa sont plus importantes que les liens des demandeurs avec l’Iran.

[19]  Au risque de me répéter, il apparaît raisonnable que les demandeurs fassent le voyage projeté en Colombie-Britannique pour mieux connaître les conditions du marché immobilier et les perspectives d’investissement en Colombie-Britannique avant de présenter une demande formelle comme investisseur dans le cadre du programme provincial (Abdollahi au para 11d)). Le programme provincial vise justement à évaluer des candidatures ayant un projet d’affaires viable dans une région de la province de la Colombie-Britannique permettant une stimulation économique et la création d’emplois. Le programme provincial fonctionne sur un système de sélection. Sur un total de 200 points, un demandeur dans cette catégorie peut se voir attribuer 80 points selon le projet d’affaires qui serait présenté. Le demandeur peut également se voir attribuer 32 points au niveau de l’adaptabilité. Sous ce dernier critère, l’autorité provinciale peut attribuer jusqu’à 4 points si le demandeur démontre avoir précédemment visité la Colombie-Britannique. L’existence d’un voyage exploratoire préalable est donc un facteur positif, d’autant plus qu’un demandeur doit démontrer sa capacité d’adaptation.

[20]  D’un autre côté, les demandeurs ont deux enfants qui poursuivent leurs études en Iran, sont les propriétaires d’un appartement en Iran, tandis que le demandeur gère une entreprise dont il est actionnaire à 33% et qui emploie sept autres salariés. Il ne s’agit pas d’une instance où l’étranger qui demande un visa temporaire au Canada n’a pas d’emploi, de famille ou de biens dans son pays de résidence, n’a aucun antécédent de voyage ou son historique de voyage est défavorable. En l’espèce, les demandeurs ont effectué plusieurs voyages touristiques relativement courts. Ils ont visité l’Allemagne en 2009, les Émirats arabes unis en 2010, Chypre en 2012, et ils ont visité la Turquie trois fois entre 2013 et 2017. Le demandeur a visité seul la Chine en 2007, la Thaïlande en 2008 et l’Arménie en 2008. D’ailleurs, dans le cas de plusieurs visites, les demandeurs ont dû obtenir un visa (par exemple pour le voyage en Allemagne). Également, il n’était pas raisonnable de qualifier un court séjour de quinze jours comme constituant « [traduction] une période prolongée ». Le refus d’émettre des visas temporaires aux demandeurs n’est pas une issue acceptable.

[21]  Pour ces motifs, la Cour accueille les demandes de contrôle judiciaire. Les décisions contestées sont cassées et les demandes de visa sont renvoyées pour un nouvel examen par un agent différent, après que les demandeurs auront eu la possibilité de compléter leurs demandes de visa (puisque la date du voyage de deux semaines à l’extérieur de l’Iran est maintenant passée). Aucune question d’importance générale n’a été soulevée par les procureurs.


JUGEMENT aux dossiers IMM-1334-18 et IMM-1335-18

LA COUR STATUE que les demandes de contrôle judiciaire sont accueillies. Les décisions contestées sont cassées et les demandes de visa sont renvoyées pour un nouvel examen par un agent d’immigration différent après que les demandeurs auront eu la possibilité de compléter leurs demandes de visa. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1334-18

 

INTITULÉ :

MITRA KHERADPAZHOOH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

ET DOSSIER :

IMM-1335-18

 

INTITULÉ :

BABAK ERTEFEAI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 octobre 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 octobre 2018

 

COMPARUTIONS :

Madame Mbombo Mujanji,

stagiaire en droit

 

Pour la demanderesse

Madame Mbombo Mujanji,

stagiaire en droit

 

Pour le demandeur

Me Lisa Maziade

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cabinet Hugues Langlais

Montréal (Québec)

 

Pour la demanderesse

Cabinet Hugues Langlais

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour le défendeur

 

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