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Date : 20181204


Dossier : IMM-230-18

Référence : 2018 CF 1219

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 4 décembre 2018

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

GARTH ANTHONY DAVIS

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Monsieur Garth Anthony Davis (le « demandeur ») sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration (la « SAI ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, datée du 21 décembre 2017. Dans sa décision, la SAI annulait le sursis du renvoi du demandeur et rejetait son appel interjeté contre la mesure d’expulsion prise contre lui le 29 mai 2007.

[2]  Le demandeur est un citoyen jamaïcain. Il est devenu résident permanent du Canada en août 1996. En mai 2007, le demandeur a fait l’objet d’une mesure de renvoi pour grande criminalité, après qu’il ait été déclaré coupable de l’infraction d’utilisation non autorisée d’un ordinateur aux termes du paragraphe 342.1(1) du Code criminel L.R.C. (1985), c. C-46.

[3]  Le demandeur a interjeté appel devant la SAI et dans une décision datée du 18 novembre 2008, il a été sursis à la mesure de renvoi pour une période de trois ans.

[4]  Le 25 avril 2012, la SAI a tenu une audience pour examiner à nouveau le sursis ordonné en faveur du demandeur. Celui-ci a omis de se présenter à l’audience et, le 25 avril 2012, la SAI a rejeté son appel. Le demandeur a sollicité avec succès la réouverture de son appel.

[5]  En décembre 2016, le demandeur a été déclaré coupable d’un certain nombre d’actes criminels, notamment de l’infraction de fraude relative à une carte de crédit, une infraction visée par l’alinéa 36(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c 27 (la Loi).

[6]  Le demandeur a également été déclaré coupable de deux infractions aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19. Ni le dossier certifié du tribunal, ni les dossiers déposés par les parties à la présente demande de contrôle judiciaire n’indiquent clairement si les infractions relatives aux drogues sont visées par l’alinéa 36(1)a) de la Loi.

[7]  Dans sa décision datée du 21 décembre 2017, la SAI a annulé le sursis et a déclaré : « l’appel est classé ». Elle a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir, aux termes du paragraphe 68(4) de la Loi, de maintenir le sursis du renvoi du demandeur, en attendant l’issue de son appel contre les infractions pénales récentes.

[8]  Le demandeur soutient que ses droits à l’équité procédurale ont été violés parce que la SAI a refusé d’ajourner l’instance pour attendre l’issue de l’appel interjeté contre certaines déclarations de culpabilité pénales. Il soutient qu’un ajournement avait été accordé auparavant au ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) et que l’équité exigeait qu’on lui accorde également un ajournement.

[9]  Le demandeur soutient également que la SAI a commis une erreur en affirmant qu’il pouvait demander la réouverture de son appel s’il obtenait gain de cause dans son appel contre la condamnation pénale.

[10]  Le défendeur soutient que la SAI a commis une erreur qui n’est pas susceptible de contrôle et que celle qui concerne la possibilité de rouvrir l’appel n’a pas influencé sa décision.

[11]  La présente demande soulève deux questions, à savoir une allégation de violation de l’équité procédurale et la raisonnabilité générale de la décision de la SAI.

[12]  La question de l’équité procédurale doit être examinée selon la norme de la décision correcte; voir l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 R.C.S. 339.

[13]  Le bien-fondé de la décision concerne une question mixte de fait et de droit; cette question est examinée selon la norme de la raisonnabilité, conformément à l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] R.C.S. 190.

[14]  D’après l’arrêt Dunsmuir, précité, la norme de la raisonnabilité exige que la décision soit transparente, justifiable et intelligible et appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[15]  J’ai examiné les observations écrites et orales des parties, ainsi que le contenu du dossier certifié du tribunal.

[16]  Je reconnais que la SAI est maîtresse de sa propre procédure, notamment pour ce qui est d’accorder ou de refuser un ajournement. Cependant, la SAI est également assujettie à l’obligation de common law de respecter l’équité procédurale dans l’exercice de son mandat conféré par la loi.

[17]  Dans Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, la juge L’Heureux-Dubé a examiné le contenu de l’obligation d’équité procédurale, et elle fait remarquer que ce contenu varie en fonction des circonstances. Elle a fourni une liste non limitative des facteurs à considérer pour décider du contenu de l’obligation d’équité, un contenu variable.

[18]  Un des facteurs est l’importance de la décision pour l’individu touché par elle; voir le paragraphe 25 de l’arrêt Baker, précité.

[19]  À mon avis, la décision de la SAI n’indique pas clairement si elle a examiné cet aspect de l’équité procédurale lorsqu’elle a rejeté la demande d’ajournement du demandeur. Le rejet de son appel risque d’avoir des conséquences graves pour le demandeur, à savoir la perte de la possibilité de demeurer au Canada. La SAI a refusé cette demande et décidé ensuite de classer le sursis et de rejeter l’appel du demandeur, conformément au droit.

[20]  Il n’est pas nécessaire que j’examine le bien-fondé de la décision de la SAI, puisque je suis convaincu que, d’après les faits de l’affaire et considérant les observations écrites du demandeur envoyées à la SAI en octobre et en décembre 2017, une violation de l’équité procédurale a été commise. Cette erreur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte.

[21]  Il est donc fait droit à la demande de contrôle judiciaire, la décision est cassée et le dossier renvoyé à un tribunal de la SAI différemment constitué. Il n’y a pas de question à certifier en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM-230-18

LA COUR STATUE qu’il est fait droit à la demande de contrôle judiciaire. La décision est cassée et le dossier renvoyé à un tribunal de la Section d’appel de l’immigration différemment constitué. Il n’y a pas de question à certifier en l’espèce.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de décembre 2018.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-230-18

INTITULÉ :

GARTH ANTHONY DAVIS c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 15 AOÛT 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DU JUGEMENT

ET DES MOTIFS :

LE 4 DÉCEMBRE 2018

COMPARUTIONS :

Steven Tress

POUR LE DEMANDEUR

Christopher Crighton

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

STEVEN TRESS

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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