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Date : 20181207


Dossier : IMM-340-18

Référence : 2018 CF 1233

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 décembre 2018

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

MARCELA NATALY CERRA GOMEZ

TOMAS SANTIAGO MORENO CERRA

MARIA EFELIA GOMEZ VARGAS

IDIER CORREA MONCADA

EMELLYN THATYANA CORREA GOMEZ

demandeurs

Et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs sont des citoyens de la Colombie. Ils sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu qu’ils ne sont ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger, au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi). La demande de contrôle judiciaire est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi.

[2]  Pour les motifs qui suivent, je conclus que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans sa décision. La présente demande sera rejetée.

I.  Contexte

[3]  Les demandeurs sont Marcela Nataly Cerra Gomez (la demanderesse principale), son fils, Tomas Santiago Moreno Cerra (le demandeur mineur), sa mère, Maria Efelia Gomez Vargas (la demanderesse), le conjoint de sa mère, Idier Correa Moncado, et la sœur de la demanderesse principale, Emellyn Thatyana Correa Gomez. L’identité des demandeurs en tant que ressortissants de la Colombie a été établie au moyen de leurs passeports colombiens.

[4]  Les demandes d’asile présentées par les demandeurs reposent sur l’allégation selon laquelle ils ont été ciblés et menacés par des membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Les demandeurs allèguent que les FARC ont exigé qu’ils paient une somme importante, laquelle était due par le frère de la demanderesse principale, Juan Cerra Gomez, que les FARC avaient kidnappé en juillet 2015 dans le but d’obtenir une rançon. Juan a échappé aux FARC sans payer la rançon et s’est enfui vers le Canada, où il a présenté une demande d’asile.

[5]  Les demandeurs affirment qu’ils ont été abordés et menacés par des membres des FARC à de nombreuses reprises après que Juan eut quitté la Colombie. Chaque fois, les FARC exigeaient le paiement de la rançon. Les menaces ont commencé au domicile de la famille, à Guadalupe (Colombie), au début de 2016, et se sont poursuivies à Puerto Carreno (Colombie), après que la demanderesse principale eut quitté Guadalupe, au mois de mai 2016, à la recherche d’un lieu sûr. La demanderesse et les demandeurs mineurs sont restés à Guadalupe jusqu’à la fin de l’année scolaire. La demanderesse a déclaré avoir été abordée par les FARC un certain nombre de fois à Guadalupe avant leur déménagement à Acacias (Colombie). La demanderesse principale affirme avoir été abordée par les FARC une dernière fois à Puerto Carreno, en avril 2017. Les demandeurs ont quitté la Colombie le 13 mai 2017 et demandé l’asile au Canada.

II.  Décision contrôlée

[6]  La SPR a instruit les demandes d’asile des demandeurs le 10 juillet et le 21 août 2017. La décision est datée du 2 janvier 2018. Comme je l’ai mentionné, le tribunal a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi. La question au cœur des conclusions de la SPR était celle de la crédibilité de la preuve présentée par les demandeurs.

[7]  La SPR a évalué la crédibilité des demandes d’asile en examinant la série d’altercations survenues entre les FARC et les demandeurs, et qui, selon ces derniers, étaient à l’origine de leur crainte de persécution et de la menace à leur vie. Le tribunal a estimé qu’il y avait une divergence importante entre le témoignage de la demanderesse principale concernant son premier contact avec des membres des FARC et la description fournie dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA). La SPR a également remarqué qu’aucun des trois rapports de police déposés par les demandeurs ne mentionnait que les FARC avaient abordé ou menacé ces derniers entre les mois de janvier et août 2016. Le tribunal a conclu que ces divergences et omissions avaient une incidence négative sur la crédibilité de la demanderesse principale et que les demandeurs n’avaient pas été abordés par des membres des FARC à leur domicile de Guadalupe.

[8]  La SPR s’est ensuite penchée sur les menaces qui auraient été proférées contre la demanderesse principale à Puerto Carreno. Cette dernière a déclaré avoir été menacée pour la première fois à Puerto Carreno en septembre 2016. Malgré la menace, elle a emmené son fils, le demandeur mineur, à Puerto Catania en décembre de la même année. La demanderesse principale a déclaré avoir été de nouveau menacée le 25 janvier 2017, après quoi son fils est parti à Acacias rejoindre les autres demandeurs. La demanderesse principale a passé un certain temps à Acacias, mais elle est retournée à Puerto Carreno en avril 2017 en compagnie de la demanderesse et de son fils. La SPR a jugé que ce comportement était incohérent et déraisonnable, car la demanderesse principale avait sciemment emmené son fils à un endroit plus dangereux. La SPR a également souligné que la demanderesse principale n’avait pas fait état des menaces reçues le 25 janvier 2017 dans la dénonciation qu’elle a faite à la police en avril de la même année. Le fait que ces menaces ne soient pas mentionnées dans toutes les dénonciations faites à la police par elle ou en son nom a miné sa crédibilité et mené à la conclusion qu’elle n’avait pas été menacée par les FARC en janvier 2017.

[9]  La SPR a examiné le témoignage de la demanderesse concernant les menaces qu’elle aurait reçues et a remarqué des incohérences en ce qui concerne la date, en août 2016, à laquelle ces menaces ont commencé. Le tribunal n’a pas retenu l’explication de la demanderesse à ce sujet, car on lui a demandé précisément de confirmer les dates, et elle a été incapable de le faire. La demanderesse a également parlé des menaces proférées par des membres des FARC en septembre et en octobre 2016. Le tribunal a souligné que son témoignage était confus autant en ce qui concerne la question de savoir si ces menaces avaient eu lieu au mois de septembre ou d’octobre que la raison pour laquelle l’incident du mois de septembre n’était pas mentionné dans la dénonciation qu’elle a faite à la police le 15 mars 2017. La SPR n’a pas retenu l’explication qu’elle a donnée quant à ces incohérences et omissions et a conclu que son témoignage avait changé lorsque les incohérences avaient été portées à son attention. Son témoignage concernant les dates auxquelles elle avait habité chez un ami à la suite des menaces proférées par les FARC en septembre 2016 contenait aussi des incohérences. Encore là, son témoignage a changé lorsqu’elle a été interrogée au sujet des incohérences.

[10]  La SPR a accordé peu de poids aux rapports de police déposés par les demandeurs, car ils ne concordaient pas avec les témoignages et les formulaires FDA qui lui avaient été présentés. Le tribunal a également conclu que les déclarations sous serment d’amis et de membres de la famille déposées par les demandeurs avaient été rédigées en termes généraux et qu’elles fournissaient peu d’éléments de preuve corroborant les allégations selon lesquelles les FARC auraient proféré des menaces. Enfin, la SPR a fait référence à la décision rendue le 4 juillet 2016 par un autre tribunal de la SPR, qui a fait droit à la demande d’asile au Canada de Juan. Elle a examiné la décision, mais elle a déclaré que chaque demande d’asile doit être examinée en fonction des faits qui lui sont propres.

[11]  La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient été ni ciblés ni poursuivis par les FARC. Par conséquent, ils ne seraient pas exposés à une possibilité sérieuse d’être persécutés en Colombie, pas plus qu’ils ne seraient, selon la prépondérance des probabilités, personnellement exposés à une menace à leur vie, au risque de traitements ou de peines cruels et inusités ni au risque d’être soumis à la torture.

III.  Questions en litige

[12]  Les demandeurs soutiennent que la présente demande soulève quatre questions, dont deux portent sur l’appréciation de la preuve faite par la SPR, que les demandeurs ont qualifiées de questions d’équité procédurale. À mon avis, les demandeurs n’ont soulevé aucune question d’équité procédurale touchant l’appréciation de la preuve faite par la SPR. Il serait plus approprié de dire que les arguments formulés par les demandeurs concernent le caractère raisonnable de la décision. Par conséquent, les trois questions auxquelles la Cour doit répondre en l’espèce sont :

  1. La SPR a-t-elle appliqué le mauvais critère dans son analyse des demandes d’asile présentées par les demandeurs sur le fondement de l’article 96 de la Loi?

  2. L’analyse de la preuve faite par la SPR et ses conclusions concernant la crédibilité des demandeurs étaient-elles raisonnables?

  3. La SPR a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une analyse distincte, fondée sur l’article 97 de la Loi, des demandes d’asile présentées par les demandeurs?

IV.  Norme de contrôle

[13]  La première question soulevée par les demandeurs est une question de droit qui est assujettie à la norme de contrôle de la décision correcte (Ndjizera c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 601, au paragraphe 22 (Ndjizera); Mugadza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 122, au paragraphe 10).

[14]  Quant à la deuxième question, il est bien établi que les conclusions de la SPR concernant la crédibilité des demandeurs doivent être examinées par la Cour selon la norme de la décision raisonnable (Behary c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2015 CF 794, au paragraphe 7; Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319, au paragraphe 22 (Rahal); Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732, au paragraphe 4, 160 NR 315 (ACF)). L’examen des conclusions d’un tribunal concernant la crédibilité, selon la norme de la décision raisonnable, m’impose de faire preuve de beaucoup de retenue à l’égard de ces conclusions, puisque « le rôle de la Cour est très limité, étant donné que le tribunal a eu l’occasion d’entendre les témoins, d’observer leur comportement et de relever toutes les nuances et contradictions factuelles contenues dans la preuve » (Rahal, au paragraphe 42).

[15]  La question de savoir si la SPR était tenue d’effectuer une analyse distincte fondée sur l’article 97 est également assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Paramananthalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 236, au paragraphe 10; Ikeme c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 21, au paragraphe 16 (Ikeme)).

V.  Analyse

1.  La SPR a-t-elle appliqué le mauvais critère dans son analyse des demandes d’asile présentées par les demandeurs sur le fondement de l’article 96 de la Loi?

[16]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère aux fins de l’article 96 de la Loi. Ils citent l’extrait suivant de la décision (paragraphe 6) :

Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve, le tribunal conclut que les demandeurs d’asile n’ont pas qualité de réfugié au sens de la Convention, au titre de l’article 96, parce qu’ils n’ont pas établi de manière crédible qu’il existe une possibilité raisonnable qu’ils soient persécutés en Colombie.

[17]  Les demandeurs font valoir qu’aucun critère ne permet de déterminer s’il existe une « possibilité raisonnable qu’ils soient persécutés », et que le critère relatif à l’article 96 est le critère à deux volets établi dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689. Il s’agit de savoir si les demandeurs ont une crainte fondée de persécution.

[18]  Le défendeur soutient que la SPR n’a commis aucune erreur dans son examen de la question de savoir si les demandeurs ont une crainte fondée de persécution. Il cite la décision Adjei c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 CF 680 (Adjei), qui énonce le critère juridique auquel doit satisfaire un demandeur, à savoir qu’il existe une « possibilité raisonnable » qu’il soit persécuté s’il retourne dans son pays d’origine. Le défendeur fait valoir que les demandeurs ont confondu l’obligation qui incombe à un demandeur d’établir les faits à l’appui de sa demande selon la prépondérance des probabilités (la norme de preuve) avec l’obligation selon laquelle il doit démontrer que ces faits répondent au critère juridique prévu à l’article 96 de la Loi.

[19]  J’estime que la SPR n’a commis aucune erreur lorsqu’elle a parlé de « possibilité raisonnable de persécution » en Colombie. La Cour s’est souvent intéressée à la nature du critère et à la norme de preuve à laquelle doivent satisfaire les demandeurs d’asile pour établir l’existence d’une crainte fondée de persécution aux fins de l’article 96. Les mots « possibilité raisonnable » et « possibilité sérieuse », plutôt que simple possibilité, sont souvent utilisés pour expliquer le critère juridique que doivent respecter les demandeurs d’asile (Ndjizera, au paragraphe 26; Urbano c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1258, au paragraphe 5; Adjei, au paragraphe 5). La juge Gagné a très bien résumé le droit applicable, au paragraphe 26 de la décision Ndjizera :

[26] Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il convient de faire une distinction entre la norme de preuve et le critère juridique applicables. Bien que le critère juridique soit celui de la « possibilité sérieuse » ou de la « possibilité raisonnable » de persécution, le demandeur d’asile doit malgré tout établir le bien‑fondé de sa demande selon la prépondérance des probabilités. Ainsi que le juge Mosley l’a précisé dans le jugement Lopez, précité, au paragraphe 20, qui est cité par le défendeur :

Pour établir une crainte fondée de persécution, tout demandeur doit démontrer 1) qu’il éprouve une crainte subjective de persécution et 2) que cette crainte est objectivement justifiée : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, [1993] A.C.S. no 74, au paragraphe 47 (QL) [Ward]. Le demandeur doit établir suivant la prépondérance de la preuve qu’il satisfait à ce critère : Saverimuttu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1021, [2002] A.C.F. no 1329, au paragraphe 18 (QL). Cela dit, le demandeur n’a pas à démontrer qu’il est plus probable que le contraire qu’il soit victime de persécution, comme l’a exposé la Cour d’appel dans l’arrêt Adjei c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 2 C.F. 680 (C.A.F.) : « il n’y a pas à y avoir une possibilité supérieure à 50 % (c’est‑à‑dire une probabilité), et […] il doit exister davantage qu’une possibilité minime. Nous croyons qu’on pourrait aussi parler de possibilité « raisonnable » ou même de « possibilité sérieuse », par opposition à une simple possibilité ». (Non souligné dans l’original.)

Voir également l’arrêt Adjei, précité, au paragraphe 5.

[20]  Dans l’affaire qui nous occupe, la SPR a déclaré à juste titre que, pour être reconnus comme réfugiés au sens de la Convention en application de l’article 96 de la Loi, les demandeurs devaient démontrer qu’ils étaient exposés (ou risquaient d’être exposés) à une possibilité raisonnable de persécution en Colombie. Les derniers paragraphes de la décision montrent que le tribunal a bien compris les exigences énoncées par le juge Mosley dans l’extrait ci‑dessus. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi, selon la prépondérance des probabilités (la norme de preuve), qu’ils étaient ciblés par les FARC. Autrement dit, ils n’avaient pas établi le fondement factuel de leur demande d’asile. Par conséquent, les demandeurs n’étaient pas exposés à une possibilité sérieuse (ou raisonnable) de persécution en Colombie (le critère juridique relatif à la persécution).

2.  L’analyse de la preuve faite par la SPR et ses conclusions concernant la crédibilité des demandeurs étaient-elles raisonnables?

[21]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a porté atteinte à leur droit à l’équité procédurale en n’appréciant pas correctement la preuve qui lui avait été présentée. Plus précisément, ils font valoir que la SPR n’a pas procédé à évaluation indépendante de la preuve. Toutefois, j’estime que la SPR n’a commis aucun manquement à l’équité procédurale dans son examen de la preuve. Les préoccupations soulevées par les demandeurs à cet égard tiennent davantage de l’argumentation visant à contester le caractère raisonnable de l’évaluation de la preuve faite par le tribunal. La question déterminante en l’espèce est de savoir si les conclusions défavorables tirées par la SPR au sujet de la crédibilité des demandeurs et des éléments de preuve qu’ils ont présentés étaient raisonnables.

[22]  Les demandeurs soutiennent que la SPR s’est livrée à une analyse microscopique de la preuve, qu’elle s’est attardée à de légères divergences dans les détails et les dates et qu’elle a négligé l’essentiel des demandes d’asile (Jamil c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 792). Ils font valoir que la SPR n’a pas tenu compte de l’élément central, soit que les demandeurs ont été menacés de façon répétée par des membres des FARC à Guadalupe et à Puerto Carreno. Les inexactitudes quant aux dates des événements en question n’étaient pas suffisantes pour miner la crédibilité de leur récit ou des rapports de police qu’ils ont présentés à l’appui.

[23]  J’estime que, considérées dans leur ensemble, l’analyse et les conclusions de la SPR concernant le récit, le témoignage et la preuve documentaire à l’appui présentés par les demandeurs étaient raisonnables. Les motifs du tribunal sont détaillés et intelligibles. Même si je conviens avec les demandeurs que la SPR s’est concentrée indûment sur les quelques incohérences relevées dans le témoignage de la demanderesse, cette seule erreur n’a pas pour effet de rendre la décision déraisonnable dans son ensemble.

[24]  J’examinerai deux points préliminaires soulevés par les demandeurs dans leurs observations. Premièrement, les demandeurs soutiennent que la SPR n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse était âgée de 60 ans et qu’elle a témoigné par l’entremise d’un interprète. Ils font valoir que le tribunal n’a pas tenu compte non seulement des lignes directrices sur l’évaluation de la crédibilité publiée par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié mais aussi de la nervosité affichée par la demanderesse lors de son témoignage ou du traumatisme qu’elle a subi en Colombie. J’estime que les observations des demandeurs ne sont pas convaincantes. Le tribunal ne disposait d’aucune preuve que la demanderesse avait eu du mal à témoigner ou que les problèmes soulevés par les demandeurs avaient été portés à l’attention de la SPR ou encore qu’ils auraient dû être évidents durant l’audience. Pour qu’une décision puisse être contestée pour ce motif, il faut plus que simplement affirmer que le tribunal n’a pas tenu compte de ces considérations. De plus, le tribunal s’est penché sur les difficultés éprouvées par les demandeurs dans leur témoignage et a souligné dans sa décision qu’ils avaient eu des problèmes de nervosité et recouru aux services d’un interprète.

[25]  Deuxièmement, les demandeurs soutiennent que la SPR a rejeté à tort les déclarations sous serment qu’ils avaient présentées. La SPR a conclu que ces déclarations ne décrivaient aucun des incidents où les demandeurs se seraient trouvés en présence de membres des FARC. Il n’y était question que des généralités. Je souscris à la façon dont la SPR a qualifié leur contenu. Ces déclarations font état du harcèlement et de la persécution subis par certains des demandeurs et du fait que les divers déposants leur avaient offert un endroit où demeurer. Aucun des déposants n’a été témoin des menaces proférées contre les demandeurs. Par conséquent, la SPR a conclu raisonnablement que les déclarations sous serment corroboraient peu les menaces qui auraient été proférées par les FARC. Le tribunal n’a pas rejeté les déclarations; il leur a accordé peu de poids.

[26]  Je passe maintenant à l’analyse des conclusions de la SPR concernant la crédibilité. L’analyse du tribunal porte pour l’essentiel sur le témoignage et le formulaire FDA de la demanderesse principale et de la demanderesse et sur le contenu de trois rapports de police. La SPR a accordé peu de poids aux rapports de police parce qu’ils ne corroboraient pas des aspects précis du témoignage des demandeurs. Elle a également conclu que les incohérences entre le témoignage des demandeurs et les rapports de police minaient la crédibilité des demandeurs. Ceux-ci soutiennent que la SPR a commis une erreur en se concentrant sur ce que les rapports de police ne disaient pas plutôt que sur ce qu’ils disaient (Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 389, au paragraphe 11). Ils font valoir que les rapports de police confirmaient que de nombreuses menaces avaient été proférées par les FARC contre les demandeurs dans différentes villes de la Colombie.

[27]  Par souci de commodité, voici un résumé des rapports de police :

  1. Dénonciation faite le 29 septembre 2016 par Nelson Enrique Gomez Vargas, à Puerto Carreno, dans laquelle il est indiqué que des membres des FARC avaient commencé à harceler sa mère, la demanderesse, ainsi que sa sœur, la demanderesse principale. M. Vargas a déclaré que la demanderesse avait été abordée par un homme sur une motocyclette à l’extérieur de son domicile, à Guadalupe. L’homme a mentionné le nom de Juan et exigé qu’il verse de l’argent, sans quoi il y aurait des conséquences. Un autre homme a menacé la demanderesse principale à Puerto Carreno; il lui a posé des questions au sujet de Juan et exigé de l’argent. À ces deux occasions, les femmes se sont senties intimidées et menacées. Le rapport n’indique pas que les hommes ont déclaré être membres des FARC, et il ne précise pas la date des deux événements.

  2. Dénonciation faite le 24 avril 2017 par la demanderesse principale à Puerto Carreno, dans laquelle l’incident survenu le 7 avril 2017 dans la même ville est décrit en détail. La demanderesse principale a été abordée par deux personnes en motocyclette qui ont déclaré être membres des FARC. Ils l’ont menacée au moyen d’une arme à feu. Ils lui ont posé des questions au sujet de son frère et ont déclaré que ce dernier leur devait de l’argent, mais qu’elle en subirait les conséquences s’ils ne recevaient pas la somme exigée. La demanderesse principale a déclaré avoir été forcée de quitter son emploi et de déménager de Puerto Carreno par suite de cet incident.

  3. Dénonciation faite le 15 mars 2017 par la demanderesse, à Guadalupe, et décrivant un incident qui s’est produit vers le 26 août 2016. La demanderesse se promenait en motocyclette avec sa fille à Guadalupe lorsqu’elle a été interceptée par deux personnes qui ont brandi un fusil et lui ont posé des questions au sujet de son fils, Juan. Le rapport mentionne également un incident survenu en octobre 2016, alors que quatre hommes montés sur deux motocyclettes ont intercepté la demanderesse et lui ont encore une fois posé des questions sur l’endroit où se trouvait Juan; ils lui ont dit qu’ils l’abattraient s’il ne respectait pas leur accord. Appelée à préciser si les hommes étaient membres d’un groupe de hors-la-loi, la demanderesse a répondu qu’elle ne le savait pas, car elle n’arrivait pas à se rappeler s’ils avaient déclaré être membres des FARC.

[28]  La SPR a divisé son analyse de la crédibilité en six sections. Elle a d’abord examiné le témoignage de la demanderesse principale concernant son contact initial avec les FARC. Cette dernière a déclaré qu’en janvier 2016, elle avait commencé à voir, autour du domicile de la famille, à Guadalupe, des personnes qu’elle a reconnues comme étant des membres des FARC. Elle s’est fait demander si l’un de ces hommes lui avait parlé ou avait parlé à l’un des autres occupants de la maison, et elle a répondu par la négative. Par contre, dans son formulaire FDA, elle a affirmé qu’au cours de cette période, des membres des FARC venaient souvent à la maison pour demander d’un ton menaçant où se trouvait son frère. Cette divergence a été portée à l’attention de la demanderesse principale lors de l’audience, et celle‑ci a déclaré qu’elle avait oublié, durant son témoignage, que les hommes avaient posé des questions au sujet de son frère. La SPR a estimé que l’explication de cette divergence n’était pas raisonnable et a déclaré ce qui suit :

La demandeure d’asile principale a mentionné qu’elle avait décidé de déménager parce que ces hommes s’informaient au sujet de Juan. Le tribunal estime qu’il n’est pas raisonnable qu’un incident aussi important que celui de se faire précisément demander où se trouve son frère Juan ne figure pas dans le témoigne de la demandeure d’asile principale concernant les incidents, d’autant plus que l’incident en question était déjà inscrit dans le formulaire FDA. Même si le tribunal reconnaît que le fait de témoigner à une audience peut être stressant, la demandeure d’asile s’est fait directement demander si elle ou des membres de sa famille avaient été approchés, et elle a clairement répondu par la négative.

[29]  Le tribunal a également remarqué qu’aucun des trois rapports de police ne mentionnait que les FARC avaient abordé la famille entre janvier et août 2016. Le tribunal a conclu que ces différentes incohérences avaient miné la crédibilité de la demanderesse principale. Étant donné l’importance que la demanderesse principale a accordée dans son récit à ses premiers contacts avec les FARC, j’estime que la conclusion de la SPR selon laquelle elle n’avait pas démontré que des membres des FARC l’avaient abordée au domicile familial de Guadalupe est raisonnable. Contrairement à ce qu’affirment les demandeurs, le tribunal s’est concentré sur les éléments au cœur du témoignage de la demanderesse principale pour parvenir à sa conclusion, à savoir si des membres des FARC lui avaient parlé et si elle avait été menacée, ce qui aurait précipité son déménagement à Puerto Carreno.

[30]  La SPR a examiné les allégations de la demanderesse principale qui a affirmé avoir fait l’objet de menaces à Puerto Carreno. Son témoignage a porté sur des incidents qui seraient survenus en septembre 2016 et en janvier 2017. Après l’incident de septembre 2016, la demanderesse principale a déménagé dans une nouvelle résidence et a emmené son fils, le demandeur mineur, afin qu’il habite avec elle à Puerto Carreno. Elle a déclaré qu’elle pensait que le fait de déménager serait suffisant pour les protéger. La SPR a conclu que le comportement de la demanderesse principale était déraisonnable, car, si les événements se sont produits de la manière décrite, elle aurait sciemment exposé son fils à un risque à Puerto Carreno. Le fils vivait avec la famille à Acacias, où aucun incident n’était survenu avec les FARC. Le tribunal a conclu que « le comportement incohérent de la demandeure d’asile à l’égard de son fils mine sa crédibilité et démontre également l’absence d’une crainte subjective ». Il a également souligné que le rapport de police du 24 avril 2017 présenté par la demanderesse principale ne faisait aucunement état d’un incident survenu en janvier 2017. Le tribunal n’a pas retenu son explication selon laquelle elle avait oublié l’incident parce qu’elle avait peur et qu’elle était nerveuse au moment de faire sa dénonciation, car l’agent de police lui avait demandé directement si elle avait fait l’objet d’autres menaces. Le comportement de la demanderesse principale, qui s’ajoute à l’absence d’élément de preuve corroborant concernant l’incident de janvier 2017, a amené le tribunal à conclure qu’elle n’avait pas été menacée par les FARC en janvier 2017 à Puerto Carreno.

[31]  La demanderesse fait valoir que la SPR n’a pas tenu compte de la substance du témoignage de la demanderesse principale, mais l’analyse du tribunal relativement aux événements qui se seraient produits à Puerto Carreno a porté principalement sur la question de savoir si la demanderesse principale avait établi que les FARC avaient de façon régulière menacé et intimidé les membres de sa famille. C’est là l’essence des demandes d’asile des demandeurs.

[32]  La SPR a ensuite examiné la dénonciation faite à la police, le 29 septembre 2016, par le frère de la demanderesse principale. Cette dernière a affirmé qu’elle et la demanderesse avaient raconté au frère certains incidents liés aux FARC. Le frère a fait une dénonciation à la police en leur nom parce qu’elles avaient peur de le faire elles-mêmes à Guadalupe et à Puerto Carreno. Le tribunal a accordé peu de poids au rapport, car il ne contenait aucun détail concernant les deux incidents qu’il mentionnait et qu’il ne correspondait pas au témoignage et au formulaire FDA de la demanderesse principale quant au nombre d’hommes qui l’avaient abordée en septembre 2016, à Puerto Carreno. La SPR n’a pas retenu l’explication donnée par la demanderesse principale, qu’elle n’avait pas remarqué l’erreur, car il s’agissait d’une erreur évidente. J’ai examiné le rapport de police au dossier, et j’estime que la description et l’évaluation qu’en a faites le tribunal sont raisonnables. Le rapport est très peu détaillé. Il relate en termes généraux les deux incidents allégués, l’un survenu à Guadalupe et visant la demanderesse, et l’autre survenu à Puerto Carreno et visant la demanderesse principale. Aucune date ni aucun détail ne sont fournis dans le rapport.

[33]  La section suivante de l’analyse de la SPR porte principalement sur le témoignage de la demanderesse concernant un incident survenu en août 2016. La SPR a remis en question son témoignage initial selon lequel l’incident était survenu le 1er août 2016, car selon la dénonciation qu’elle a faite à la police, l’incident a eu lieu le 21 août 2016. À mon avis, cette contradiction n’est pas importante et ne touche pas à l’essence même de la description que la demanderesse a faite de l’incident. Il peut être juste de dire que la conclusion du tribunal selon laquelle la divergence minait la crédibilité de la demanderesse découlait d’un examen microscopique de son témoignage. Je reviendrai sur cette question dans mon résumé des conclusions de la SPR concernant la crédibilité de la demanderesse.

[34]  La SPR a ensuite apprécié le témoignage donné par la demanderesse au sujet d’un incident impliquant les FARC, survenu le 25 septembre 2016. La demanderesse a déclaré que des membres des FARC étaient venus à son domicile, l’avaient menacée et avaient exigé qu’elle leur cuisine un repas. La demanderesse s’est fait demander si elle avait signalé aux autorités l’incident d’août 2016 susmentionné et celui du 25 septembre 2016, et elle a répondu qu’elle l’avait fait. Or, le rapport de police du 15 mars 2017 ne faisait état que de l’incident d’août 2016 et d’un incident survenu en octobre de la même année. Il ne contenait aucune mention d’un incident qui aurait eu lieu en septembre 2016, ce que la demanderesse a expliqué en déclarant que les policiers lui avaient dit de ne parler que de la première fois et de la dernière fois où elle avait fait l’objet de menaces. La SPR a ensuite demandé à la demanderesse pourquoi elle n’avait pas mentionné l’incident d’octobre 2016 dans le formulaire FDA. Elle a répondu qu’elle avait oublié d’informer la demanderesse principale de l’incident. La demanderesse principale n’a donc pas mentionné cet incident dans l’exposé circonstancié détaillé des demandeurs figurant dans son formulaire FDA.

[35]  La SPR n’a pas retenu les explications de la demanderesse au sujet des incohérences et des omissions concernant les incidents de septembre et octobre 2016. La demanderesse a eu la possibilité de les expliquer, mais elle ne l’a pas fait. Le tribunal a conclu que le « témoignage de la demandeure d’asile relatif aux événements a changé lorsque les incohérences ont été portées à son attention ».

[36]  La demanderesse a également déclaré qu’elle avait habité chez des amis après avoir été menacée, en septembre 2016, notamment chez son ami Omar. À l’audience, elle s’est fait demander si elle avait habité chez Omar avant le mois d’août 2016, et elle a d’abord répondu par la négative. Toutefois, dans la déclaration sous serment qu’il a présentée, Omar a affirmé qu’elle avait habité chez lui en mai et en juin 2016. Interrogée au sujet de cette incohérence, la demanderesse a déclaré qu’elle avait oublié son séjour antérieur chez Omar et qu’elle était embrouillée. Le tribunal a conclu, encore une fois, que la demanderesse avait seulement changé son témoignage une fois que l’incohérence avait été portée à son attention et qu’elle avait été appelée à clarifier ses déclarations.

[37]  Bien que j’aie conclu que l’analyse de la SPR – quant aux incohérences constatées dans le témoignage de la demanderesse concernant l’incident d’août 2016 – était indûment microscopique, l’évaluation qu’elle a faite de l’ensemble de ce témoignage ne l’était pas. Il importe de se rappeler que la SPR est la mieux placée pour évaluer le témoignage des personnes qui comparaissent devant elle (Rahal, au paragraphe 42). Considérés dans leur ensemble, les problèmes que le tribunal a relevés dans le témoignage de la demanderesse sont raisonnables. La décision et la transcription de l’audience montrent clairement que la demanderesse a vraiment eu la possibilité d’examiner et d’expliquer les problèmes dont le tribunal lui a fait part. Son témoignage a changé à mesure que les incohérences dans la preuve documentaire étaient portées à son attention. La SPR s’est appuyée sur les omissions importantes relevées dans la preuve de la demanderesse, notamment son formulaire FDA et le rapport de police, pour tirer une conclusion négative concernant sa crédibilité et son récit dans son ensemble.

[38]  Les demandeurs soutiennent que la SPR s’est indûment fondée sur les omissions constatées dans les rapports de police versés au dossier pour miner leur crédibilité. Ils font valoir que le tribunal n’a pas tenu compte du contenu des rapports de police qui corroborait les nombreuses menaces proférées contre les demandeurs par les FARC. Le défendeur soutient que la SPR n’a pas écarté le contenu des rapports de police, mais qu’elle l’a plutôt examiné en tenant compte de l’ensemble de la preuve et a conclu que le témoignage des demandeurs n’était pas crédible. Je suis d’accord avec le défendeur. La SPR n’a pas écarté les trois rapports de police à cause de ce qu’ils ne disaient pas. Le tribunal s’est plutôt fié à ce que racontaient les demandeurs dans les rapports d’incidents liés aux FARC pour poser des questions au sujet de la demanderesse principale et de la demanderesse. Ces questions ont surtout porté sur les événements sur lesquels reposaient leur crainte alléguée de persécution et de préjudice aux mains des membres des FARC. La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pu expliquer adéquatement les incohérences qu’il y avait entre leurs témoignages et les incidents relatés dans les rapports de police. Le fait que la SPR a accordé peu de poids aux rapports de police parce qu’ils ne corroboraient pas le récit des demandeurs à des égards importants ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

[39]  En résumé, la SPR a procédé à un examen complet des témoignages et des éléments de preuve documentaire présentés par les demandeurs. Elle a constaté que la preuve présentait des incohérences sur des aspects importants du récit des demandeurs. Le tribunal a insisté sur les divergences de dates, les omissions, les témoignages évolutifs et les détails changeants des événements racontés par la demanderesse principale et la demanderesse. Les demandeurs font valoir que la SPR n’a pas tenu compte de l’histoire principale concernant le harcèlement que leur faisaient subir les FARC, mais cette histoire doit être établie par des éléments de preuve crédibles concernant des incidents précis. L’effet cumulatif des problèmes relevés par la SPR appuie sa conclusion selon laquelle les incidents allégués impliquant les deux femmes et les FARC n’ont pas eu lieu de la manière décrite.

3.  La SPR a-t-elle commis une erreur en ne procédant pas à une analyse distincte, fondée sur l’article 97 de la Loi, des demandes d’asile présentées par les demandeurs?

[40]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a commis une erreur en ne procédant pas à une analyse distincte, fondée sur l’article 97 de la Loi, de leurs demandes d’asile. Ils font valoir que le tribunal n’a pas bien évalué la preuve et que, même si celle‑ci présentait des problèmes de crédibilité, il était tenu de se demander si certains faits établis par la preuve pouvaient néanmoins appuyer une demande d’asile fondée sur l’article 97. Les demandeurs citent la décision de notre Cour Bouaouni c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2003 CF 1211, au paragraphe 41, à l’appui de la proposition selon laquelle une conclusion de crédibilité défavorable qui est déterminante quant à une revendication du statut de réfugié au titre de l’article 96 de la Loi n’est pas nécessairement déterminante quant à une revendication au titre de l’article 97.

[41]  Le défendeur soutient qu’il n’était pas nécessaire de procéder à une analyse distincte fondée sur l’article 97 et que l’analyse faite par la SPR en l’espèce permettait de statuer sur les demandes d’asile présentées par les demandeurs sous le régime des deux articles. Aucun élément de preuve ne pouvait à lui seul appuyer une demande d’asile fondée sur l’article 97 (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381, au paragraphe 3 (Sellan); Kugaperumal c Ministre (Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 881, au paragraphe 17).

[42]  Dans l’arrêt Sellan, la Cour d’appel fédérale a établi le critère permettant de déterminer si un décideur doit procéder à un examen distinct fondé sur l’article 97 (au paragraphe 3) :

[3] À notre avis, il faut répondre à cette question de la façon suivante : Lorsque la Commission tire une conclusion générale selon laquelle le demandeur manque de crédibilité, cette conclusion suffit pour rejeter la demande, à moins que le dossier ne comporte une preuve documentaire indépendante et crédible permettant d’étayer une décision favorable au demandeur. C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que cette preuve existe.

[43]  La question dont je suis saisie est celle de savoir si les demandeurs ont fourni une preuve indépendante et crédible permettant d’étayer une conclusion favorable au titre de l’article 97. La conclusion principale de la SPR est que les demandeurs n’ont pas établi qu’ils avaient été ciblés ou poursuivis par les FARC. Cette conclusion repose sur le manque de crédibilité que le tribunal a constaté dans les témoignages de vive voix et la preuve documentaire présentés par les demandeurs. Ce constat s’applique autant à l’article 96 qu’à l’article 97 parce qu’il réfute l’allégation au cœur même des demandes de protection des demandeurs (Ikeme, au paragraphe 42).

[44]  L’analyse, fondée sur l’article 97, des demandes d’asile présentées par les demandeurs visait à déterminer si ceux‑ci avaient besoin de protection au Canada en raison d’un danger ou d’un risque auxquels ils seraient exposés s’ils retournaient en Colombie. La conclusion de la SPR selon laquelle les FARC ne posaient pas de risque pour les demandeurs réglait leurs demandes d’asile fondées sur l’article 97 et faisait en fait partie d’une analyse confondue effectuée par le tribunal (voir Dag c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 375, aux paragraphes 11 à 13, citant Sellan; voir aussi Jiang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 222, au paragraphe 37, citant Kugaperumal). J’estime que l’analyse faite par la SPR des éléments de preuve présentés par les demandeurs réglait raisonnablement la question de leurs demandes d’asile au titre des articles 96 et 97. Même si des éléments de preuve concernant la situation générale dans le pays ont été présentés à la SPR, selon lesquels les membres de la famille ciblés par les FARC pourraient être exposés à des risques graves, les demandeurs n’ont présenté aucune preuve crédible et indépendante tendant à démontrer qu’ils étaient personnellement exposés à ces risques. Ce n’est pas parce que la demande d’asile du frère de la demanderesse principale a été accueillie que les demandeurs ont établi le risque personnel nécessaire.

VI.  Conclusion

[45]  La demande est rejetée. Les conclusions défavorables de la SPR quant à la crédibilité étaient raisonnables et justifiées, à la lumière des éléments de preuve. Le tribunal n’a commis aucune erreur d’équité procédurale.

[46]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier, et l’affaire ne soulève aucune question d’importance générale.


JUGEMENT rendu dans le dossier IMM-340-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de janvier 2019

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-340-18

 

INTITULÉ :

MARCELA NATALY CERRA GOMEZ

TOMAS SANTIAGO MORENO CERRA

MARIA EFELIA GOMEZ VARGAS

IDIER CORREA MONCADA

EMELLYN THATYANA CORREA GOMEZ c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :

le 16 AOÛT 2018

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 DÉCEMBRE 2018

 

COMPARUTIONS :

Cemone Morlese

 

POUR LES DEMANDEURS

Margherita Braccio

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Grice and Associates

North York (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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