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Date : 20190125


Dossier : IMM-1787-18

Référence : 2019 CF 105

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2019

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

RIZWAN AHMED KHAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Le demandeur, Rizwan Ahmed Khan, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision rendue par la Section d’appel de l’immigration (la SAI) le 22 mars 2018. Dans cette décision, la SAI a rejeté l’appel qu’il avait interjeté de la décision par laquelle un agent d’immigration du haut‑commissariat du Canada à Londres, en Angleterre (l’agent des visas), avait refusé de délivrer des visas de résident permanent à l’épouse de M. Khan, Rakhshanda Rizwan, et à leurs quatre (4) enfants mineurs.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Contexte

[3]  M. Khan est un citoyen canadien né au Pakistan. Il a été admis au Canada à titre de résident permanent le 4 octobre 2005. Le 14 janvier 2006, il a épousé sa cousine, Mme Rizwan, qui est citoyenne du Pakistan. Leur mariage a été célébré en conformité avec les traditions musulmanes.

[4]  En décembre 2010, M. Khan a présenté une demande afin de parrainer sa femme à titre de membre de la catégorie du regroupement familial. Par une lettre datée du 10 septembre 2014, l’agent des visas a informé Mme Rizwan qu’il craignait que le certificat de mariage fourni à l’appui de la demande, le nikah nama, soit frauduleux. L’agent des visas a également informé Mme Rizwan que, si un agent principal de l’immigration jugeait que les fausses déclarations visaient un fait important quant à la demande de visa de résident permanent, elle pourrait être interdite de territoire en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Le 25 septembre 2014, en réponse à cette lettre, Mme Rizwan a soumis une copie d’un certificat d’enregistrement de mariage de l’autorité nationale sur les bases de données et l’enregistrement (National Database Registration Authority ou NADRA) daté du 18 septembre 2014 et délivré par le gouvernement du Sindh au Pakistan.

[5]  Le 22 décembre 2014, l’agent des visas a rejeté la demande de parrainage de M. Khan au motif que Mme Rizwan ne satisfaisait pas aux exigences prévues dans la LIPR. Dans une lettre envoyée le même jour à Mme Rizwan, l’agent des visas a indiqué être convaincu que le nikah nama avait été contrefait. Comme la demande avait été soumise au titre de la catégorie du regroupement familial et qu’elle reposait sur le mariage de Mme Rizwan et de M. Khan, ces derniers étaient tenus de fournir un certificat de mariage pour démontrer qu’ils étaient légalement mariés. En l’absence d’un certificat de mariage authentique, Mme Rizwan ne pouvait être considérée comme appartenant à la catégorie du regroupement familial. L’agent des visas a également informé Mme Rizwan que la fourniture d’un certificat (nikah nama) contrefait constituait une fausse déclaration visée à l’alinéa 40(1)a) de la LIPR. En conséquence, conformément à l’alinéa 40(2)a) de la LIRP, Mme Rizwan a été jugée interdite de territoire au Canada pour une période de cinq (5) ans.

[6]  M. Khan a interjeté appel de la décision de l’agent des visas devant la SAI pour les motifs suivants : 1) l’agent des visas a manqué à un principe de justice naturelle en omettant de lui fournir l’occasion de répondre à ses préoccupations concernant le nikah nama; 2) la décision de l’agent des visas, fondée sur l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, est invalide en droit; 3) l’agent des visas a commis une erreur en déterminant que Mme Rizwan n’était pas membre du regroupement familial; et 4) l’agent des visas n’a pas tenu compte de l’existence de motifs d’ordre humanitaire, dont l’intérêt supérieur des enfants touchés par la décision, qui justifiaient que la SAI exerce son pouvoir discrétionnaire de prendre des mesures spéciales.

[7]  Le 22 mars 2018, la SAI a rejeté l’appel de M. Khan. Elle a conclu que l’agent des visas avait omis de fournir à M. Khan l’occasion de répondre aux questions ayant mené à la conclusion selon laquelle le nikah nama était frauduleux, ce qui constituait un manquement à l’équité procédurale. Néanmoins, la SAI a jugé qu’elle avait compétence pour examiner les questions restantes de novo. Elle a déterminé que le nikah nama était invalide en droit et que Mme Rizwan était donc interdite de territoire au Canada pour fausses déclarations. La SAI a par ailleurs conclu que sans nikah nama valide, Mme Rizwan ne pouvait pas être considérée comme étant l’épouse de M. Khan et que, par conséquent, elle ne pouvait pas être considérée comme appartenant à la catégorie du regroupement familial. Enfin, la SAI a conclu qu’elle n’avait pas compétence, sur le fondement de l’article 65 de la LIPR, pour prendre des mesures spéciales en raison de motifs d’ordre humanitaire, car Mme Rizwan n’était pas membre du regroupement familial.

[8]  M. Khan sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la SAI. Il soulève plusieurs questions qui, à mon avis, peuvent être résumées ainsi :

  • 1) La SAI a-t-elle omis d’instruire l’appel de M. Khan de novo?

  • 2) La SAI a-t-elle commis une erreur dans son analyse du nikah nama?

  • 3) La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que Mme Rizwan n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial?

  • 4) La SAI a-t-elle entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire pertinents dans le cadre de la demande?

  • 5) La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que Mme Rizwan était interdite de territoire au Canada pour fausses déclarations au titre de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR?

III.  Analyse

A.  Norme de contrôle

[9]  Les questions soulevées dans la présente demande sont des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, et elles doivent être examinées selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53 [Dunsmuir]; Del Mundo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 754, au paragraphe 10; Pinamang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 470, au paragraphe 8; Fang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 733, au paragraphe 18 [Fang]; Hannan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 14, au paragraphe 10 [Hannan]).

[10]  Lorsqu’elle contrôle une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit examiner la justification, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel et se demander si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59 [Khosa]; Dunsmuir, au paragraphe 47).

[11]  En ce qui concerne la norme de contrôle qui s’applique à l’allégation [traduction] « d’entrave au pouvoir discrétionnaire », la jurisprudence porte quelque peu à confusion. Bien que la question ait par le passé été considérée comme étant une question d’équité procédurale susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte, la Cour d’appel fédérale a laissé entendre dans l’arrêt Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 [Stemijon], que l’entrave au pouvoir discrétionnaire pouvait aussi être examinée selon la norme de la décision raisonnable. La Cour d’appel fédérale a toutefois pris soin de préciser que l’entrave au pouvoir discrétionnaire n’appartient jamais aux issues possibles acceptables pouvant se justifier et est donc, en soi, déraisonnable (Stemijon Investments, aux paragraphes 23 à 25). Aux fins de l’espèce, il est donc suffisant de conclure que l’entrave au pouvoir discrétionnaire constituerait une erreur susceptible de contrôle selon l’une ou l’autre des deux normes.

B.  La SAI a-t-elle tenu une audience de novo?

[12]  M. Khan soutient que la SAI n’a pas véritablement instruit son appel de novo. Il fait valoir que la décision de la SAI est axée sur le nikah nama et sur l’allégation selon laquelle le document serait frauduleux. M. Khan croit qu’en tenant une audience de novo, la SAI avait l’obligation de déterminer l’authenticité du mariage et d’examiner la preuve démontrant, entre autres, que le couple était ensemble depuis plus de douze (12) ans et avait quatre (4) enfants.

[13]  Je ne suis pas convaincue par l’argument de M. Khan.

[14]  La nature de novo de la procédure de la SAI signifie qu’elle peut prendre connaissance d’une preuve nouvelle et rendre sa propre décision; elle n’est pas liée par la décision du décideur initial (Fang, au paragraphe 26). Cependant, le pouvoir de la SAI lui permettant de tenir une audience de novo se limite à l’étendue que lui confère la LIPR, notamment l’article 65, relativement aux appels portant sur l’appartenance à la catégorie du regroupement familial et sur les motifs d’ordre humanitaires (Fang, au paragraphe 27).

[15]  Après avoir conclu que l’agent des visas avait manqué à l’équité procédurale en omettant de fournir à Mme Rizwan suffisamment de renseignements sur ses préoccupations relatives à l’authenticité du nikah nama dans sa lettre d’équité procédurale, la SAI a précisé que son pouvoir de tenir une audience de novo permettait de corriger le manquement en appel sans avoir à renvoyer l’affaire à l’agent des visas pour un nouvel examen. En outre, afin de répondre aux préoccupations soulevées concernant le nikah nama, M. Khan a été autorisé à soumettre de nouveaux éléments de preuve dont l’agent des visas ne disposait pas. Il a également eu l’occasion de témoigner et de soulever d’autres questions découlant de la décision de l’agent des visas.

[16]  Il demeure toutefois que M. Khan était tenu de démontrer que Mme Rizwan était son épouse et qu’elle appartenait à la catégorie du regroupement familial. À cette fin, la SAI devait être convaincue que le couple était légalement marié. D’après la preuve dont elle disposait, la SAI a jugé que le nikah nama avait été contrefait. Elle a également conclu qu’elle ne pouvait se fonder sur le certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA pour conclure que M. Khan et Mme Rizwan étaient légalement mariés. Par conséquent, et en l’absence d’éléments de preuve démontrant la validité du mariage, Mme Rizwan ne pouvait être considérée comme étant une épouse. Il n’était donc pas nécessaire pour la SAI de se pencher sur la question de savoir si le mariage était authentique. Bien que le nikah nama soit demeuré une préoccupation centrale devant la SAI, cela ne veut pas dire que la SAI n’a pas instruit l’appel de novo.

C.  La SAI a-t-elle commis une erreur dans son analyse du nikah nama?

[17]  M. Khan soutient que la SAI a mal interprété la preuve concernant le nikah nama et qu’elle a fourni des motifs inadéquats pour justifier sa décision. Il prétend que la SAI a omis de reconnaître qu’il y avait eu des problèmes importants dans l’enquête menée sur le nikah nama. Plus particulièrement, il fait valoir que la SAI s’est fondée à tort sur un rapport de l’unité antifraude et une lettre du conseil de l’union no 5 qui indiquait que le nikah nama n’était [traduction] « pas enregistré au bureau du conseil de l’union et que le qari Muhammad Akram Naqshbandi n’était pas enregistré auprès du conseil de l’union no 5 ».

[18]  Je suis d’accord avec M. Khan pour dire que la SAI a commis une erreur en concluant que la lettre du conseil de l’union no 5 indiquait que le mariage n’était enregistré dans aucun bureau du conseil de l’union. Cependant, je suis convaincue qu’il était néanmoins raisonnablement loisible à la SAI de conclure que le nikah nama était frauduleux.

[19]  Il existe dans le dossier suffisamment d’éléments de preuve contradictoires et portant à confusion concernant l’enregistrement du nikah nama pour soulever des préoccupations quant à son authenticité. M. Khan a déclaré dans son témoignage qu’il était de la responsabilité de la famille de l’épouse d’obtenir les services d’un qari pour célébrer le mariage. Il a également déclaré que le qari était responsable d’enregistrer le mariage dans le secteur où il habite. M. Khan a aussi fourni des éléments de preuve sous la forme de deux (2) lettres d’un avocat au Pakistan. Dans la première lettre, datée du 30 septembre 2016, l’avocat indique que le conseil de l’union auprès duquel le mariage devait être enregistré est le conseil no 6. Dans une deuxième lettre, qui n’est pas datée, l’avocat mentionne que le nikah nama est déposé auprès du conseil de l’union du secteur où l’époux habite. Enfin, le dossier contient des éléments de preuve démontrant que le certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA a été délivré à Mme Rizwan par le secrétaire du conseil de l’union no 4. À mon avis, il n’était pas déraisonnable pour la SAI d’accorder peu de poids aux lettres de l’avocat du Pakistan parce que le nikah nama n’était pas joint à la lettre de septembre tel qu’il était indiqué et parce que la deuxième lettre, censée être un avis juridique, n’était pas datée et contredisait les autres renseignements au dossier. En outre, la prétendue ordonnance de la Haute Cour qui, selon les dires de M. Khan, avait été obtenue par son avocat du Pakistan, n’a pas été fournie à la SAI non plus.

[20]  En plus de prendre note de ces préoccupations, la SAI a adéquatement fait remarquer que les renseignements figurant sur le nikah nama n’étaient pas identiques à ceux figurant sur le certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA. Alors que le nikah nama indiquait que le qari qui avait célébré le mariage était le qari Muhammad Akram Naqshbandi, le certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA indiquait que le mariage avait été célébré par un certain Shah Muhammad Noori.

[21]  M. Khan se fonde sur la décision Hannan pour prétendre que le raisonnement de la SAI ne peut pas résister à un examen poussé. Il soutient que, comme dans l’affaire Hannan, puisque son avocat au Pakistan a indiqué que la vérification avait été effectuée au mauvais conseil de l’union, les préoccupations de la SAI concernant le nikah nama auraient dû être dissipées. Cependant, il est clair que l’affaire Hannan se distingue de l’espèce. Contrairement à cette affaire, les incohérences relatives au nikah nama dans le cas qui nous occupe n’ont pas été expliquées par M. Khan. Les éléments de preuve provenant de l’avocat de M. Khan – les deux (2) lettres fournies – ne se contredisent pas seulement eux-mêmes; ils contredisent aussi le témoignage de M. Khan. Compte tenu de ces contradictions, des questions laissées sans réponse concernant l’enregistrement du nikah nama et des incohérences entre le nikah nama et le certificat de la NADRA, l’affaire Hannan ne peut être d’aucune aide pour M. Khan. En effet, les incohérences, qui avaient entièrement été expliquées dans l’affaire Hannan, restent sans explication en l’espèce.

[22]  Vu les renseignements contradictoires au dossier, il n’était pas déraisonnable pour la SAI de conclure que le nikah nama était frauduleux.

D.  La SAI a-t-elle commis une erreur dans son analyse de l’appartenance de Mme Rizwan à la catégorie du regroupement familial?

[23]  M. Khan soutient que la SAI a commis une erreur en concluant que Mme Rizwan n’appartenait pas à la catégorie du regroupement familial. Premièrement, il fait valoir que même s’il y avait des problèmes avec le nikah nama, la SAI avait en main le certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA qui confirmait la validité du mariage. Deuxièmement, il maintient que la SAI aurait dû se pencher sur la question de savoir si le couple entretenait une relation conjugale au moment de la demande de parrainage plutôt que de se pencher uniquement sur la question de savoir si Mme Rizwan était une « épouse ».

[24]  En ce qui concerne l’argument de M. Khan relativement au certificat d’enregistrement de mariage de la NADRA, je suis convaincue que la SAI a raisonnablement conclu qu’il n’atténuait pas ses préoccupations concernant la validité du mariage. La SAI a mentionné avec raison qu’elle ne savait pas ce que M. Khan avait présenté à la NADRA ni quels étaient les autres documents sur lesquels la NADRA s’était fondée pour délivrer le certificat d’enregistrement de mariage. En plus des renseignements contradictoires concernant l’identité de la personne ayant célébré le mariage, la SAI a noté que le champ réservé au numéro de la carte d’identité nationale informatisée de la personne qui a célébré le mariage avait été laissé vierge.

[25]  Quant à l’argument de M. Khan selon lequel la SAI aurait dû se pencher sur la question de savoir si le couple entretenait une relation conjugale au moment de la demande de parrainage, M. Khan a choisi de présenter une demande de parrainage conjugal. Dans le « Formulaire de demande générique pour le Canada », à la case 2 intitulée « Catégorie au titre sous laquelle vous présentez votre demande », M. Khan a indiqué « époux ». Le certificat de mariage était donc un document pertinent à prendre en considération dans le contexte de la demande présentée au titre de cette catégorie. Si M. Khan avait voulu que sa demande soit traitée au titre d’une autre catégorie, sans toutefois conclure que cela aurait pu être le cas, il aurait dû soulever l’argument devant la SAI, car le fardeau de la preuve associé aux catégories « conjoint de fait » et « partenaire conjugal » est différent. En conséquence, je conclus que M. Khan n’a pas démontré que la SAI, ou même l’agent des visas, avait l’obligation d’examiner toutes les catégories énoncées à l’alinéa 117(1)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR) afin de déterminer si Mme Rizwan appartenait à la catégorie du regroupement familial.

E.  La SAI a-t-elle entravé son pouvoir discrétionnaire en refusant de prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire?

[26]  M. Khan prétend que la SAI a entravé son pouvoir discrétionnaire et s’est fondée à tort sur l’article 65 de la LIPR afin de ne pas prendre de mesure spéciale. Il soutient que si la Cour reconnaît que Mme Rizwan aurait dû être considérée comme appartenant à la catégorie du regroupement familial, la SAI aurait dû prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire avancés par M. Khan et, plus particulièrement, l’intérêt supérieur des quatre (4) enfants du couple.

[27]  L’article 65 de la LIPR prévoit que la SAI ne peut pas prendre en considération les motifs d’ordre humanitaire dans le cas de l’appel d’une décision portant sur une demande au titre du regroupement familial à moins qu’il ait été statué que l’étranger fait bien partie de cette catégorie et que le répondant a bien la qualité réglementaire. À partir du moment où la SAI a décidé que Mme Rizwan n’était pas membre de la catégorie du regroupement familial, sa compétence d’examiner la demande fondée sur des circonstances d’ordre humanitaire n’existait plus (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Chen, 2014 CF 262, aux paragraphes 13, 14 et 20 à 22).

[28]  Comme j’ai déjà établi que la SAI a raisonnablement conclu que Mme Rizwan n’était pas membre de la catégorie du regroupement familial, il s’ensuit que la SAI n’avait pas compétence pour examiner les motifs d’ordre humanitaire présentés par M. Khan.

F.  La SAI a-t-elle commis une erreur en concluant que Mme Rizwan était interdite de territoire au Canada pour fausses déclarations?

[29]  Aux termes de l’alinéa 40(1)a) de la LIPR, emporte interdiction de territoire pour fausses déclarations le fait qu’un étranger « directement ou indirectement, [fasse] une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la [LIPR] ».

[30]  Étant donné ma conclusion concernant le caractère raisonnable de l’analyse du nikah nama par la SAI, j’estime que la fourniture d’un certificat de mariage frauduleux étaye raisonnablement une conclusion de fausse déclaration au sens de la LIPR, car elle pourrait entraîner une erreur dans l’administration de la LIPR. En l’espèce, l’erreur serait de qualifier Mme Rizwan comme étant l’épouse de M. Khan au titre de l’alinéa 117(1)a) du RIPR.

IV.  Conclusion

[31]  Pour conclure, M. Khan ne m’a pas convaincue que la décision de la SAI n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. En outre, même si M. Khan n’est pas en accord avec les conclusions de la SAI, la Cour n’a pas pour rôle de réévaluer la preuve qui a été présentée à la SAI et ne peut substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Khosa, au paragraphe 59; Dunsmuir, au paragraphe 47).

[32]  Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.


JUDGEMENT dans le dossier IMM-1787-18

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

  2. L’intitulé de la cause est modifié afin de remplacer « Le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté » par « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration »;

  3. Aucune question n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour de mars 2019

Mélanie Vézina, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1787-18

INTITULÉ :

RIZWAN AHMED KHAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 25 OCTOBRE 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

LE 25 JANVIER 2019

COMPARUTIONS :

Monique Ashamalla

POUR LE DEMANDEUR

Leanne Briscoe

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Ashamalla LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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