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Date : 20190201


Dossier : IMM‑3921‑18

Référence : 2019 CF 140

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 1er février 2019

En présence de monsieur le juge Barnes

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

XYZ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande présentée par le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) en vue de contester la décision de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié d’accueillir l’appel du défendeur, préservant ainsi le statut de résident permanent de ce dernier.

[2]  L’origine des problèmes en matière d’immigration du défendeur remonte à la déclaration de culpabilité au criminel prononcée en 2008 contre lui pour agression sexuelle et contacts sexuels envers sa jeune belle‑fille. Après avoir plaidé coupable, le défendeur a été condamné à une peine de huit mois et demi (8,5) suivie d’une période de probation de trois ans.

[3]  Les antécédents du défendeur en matière d’immigration sont compliqués. Le 13 mars 2009, une mesure d’expulsion a été prononcée contre lui par la Section de l’immigration. Cette décision a été portée en appel devant la SAI, appel à l’issue duquel il a été sursis à la mesure de renvoi pour une période de trois ans sous réserve de treize conditions. Aux termes de la condition numéro 10, le défendeur devait [traduction] « entreprendre ou poursuivre une psychothérapie ou du counselling après avoir terminé sa période de probation ».

[4]  Le défendeur ne s’étant pas acquitté de l’obligation de poursuivre des séances de counselling, son dossier a été renvoyé à la SAI pour nouvel examen. Lors de l’audience, qui a eu lieu le 23 janvier 2014, le défendeur a comparu sans être représenté. Sa demande d’ajournement en vue de retenir les services d’un conseil  a été rejetée par la SAI sans motif. L’appel interjeté par le défendeur a ensuite été rejeté.

[5]  Le défendeur a présenté une demande de contrôle judiciaire et, le 14 janvier 2015, l’affaire a été renvoyée à la SAI, sur consentement, au motif d’un manquement à l’équité procédurale (c’est‑à‑dire en raison de l’absence de motifs pour justifier le rejet de la demande d’ajournement).

[6]  Lorsque la SAI a de nouveau été saisie de l’affaire, le ministre a demandé que soit produite la transcription de l’audience du 23 janvier 2014 au cours de laquelle le défendeur avait témoigné sans l’aide d’un avocat. La SAI a refusé d’admettre la transcription. Cependant, elle a rejeté l’appel du défendeur. Ce dernier a présenté une nouvelle demande de contrôle judiciaire qui, aussi, a été accueillie. Le 25 janvier 2017, le juge en chef Paul Crampton a traité de la question du manquement du défendeur à la condition numéro 10 comme suit :

[51]  À la fin de son analyse, la SAI a précisé qu’un autre sursis n’était pas justifié parce que [XYZ] n’avait pas « respecté les conditions de son sursis précédent ». La Cour a été obligée de lire le dossier certifié du tribunal et les plaidoiries des conseils pour comprendre que les « conditions » en question étaient que [XYZ] entreprenne ou poursuive une psychothérapie ou du counselling après avoir terminé sa période de probation.

[52]  En soi, la SAI aurait raisonnablement pu décider de révoquer le sursis en raison du manquement à une ou à plusieurs conditions du sursis initial. Les conditions associées à un sursis sont à proprement parler des conditions à remplir. Le manquement à l’une d’elles peut justifier la révocation d’un sursis. En plus de constituer une violation du fondement même d’un sursis, un manquement représente également une importante « circonstance de l’affaire », comme énoncé au paragraphe 68(1) et à l’alinéa 67(1)c).

[53]  Toutefois, la conclusion imprécise formulée par la SAI, dans une longue décision qui discute de questions tout à fait différentes, était déraisonnable. Bref, elle ne s’inscrivait pas dans un processus décisionnel qui était justifié, transparent ou intelligible. Cela est d’autant plus vrai compte tenu du fait que la SAI a ensuite formulé sa conclusion générale, mais sans mentionner cette question dans le résumé de son analyse.

[54  Je reconnais que [XYZ] a déployé de grands efforts pour obtenir le counselling et le traitement nécessaire après qu’on lui a rappelé la condition en question. Toutefois, il est particulièrement troublant qu’il ne semble pas avoir été au fait de cette condition. Il revient maintenant à la SAI de décider, dans l’exercice de son large pouvoir discrétionnaire, si elle accepte l’explication de [XYZ] et ses gestes dans les circonstances.

[55]  [XYZ] remet en question l’importance de la condition qu’il a violée, faisant valoir qu’elle avait pour objet de l’aider à démontrer qu’il pouvait vivre au Canada sans commettre de nouvelles infractions. Je reconnais que [XYZ] semble de fait ne pas avoir commis d’autres infractions et semble donc avoir profité de la « deuxième chance » qui lui a été donnée lorsque le sursis initial a été accordé. Il importe cependant de répéter que lorsqu’un sursis est accordé avec conditions, tout manquement à l’une d’elles est grave. Il ne faut pas laisser le soin aux personnes dont le renvoi du Canada a été suspendu, à la suite de l’exercice du pouvoir discrétionnaire en leur faveur, de décider laquelle des conditions du sursis elles remplissent ou non. Dans le cas de [XYZ], la condition en question visait l’essentiel, c’est‑à‑dire le risque qu’il posât à l’une des populations les plus vulnérables de la société et la question de sa réadaptation, qui constituait le fondement de la décision initiale de la SAI de surseoir à son renvoi du Canada. Voilà l’autre question que la SAI doit considérer dans le réexamen.

[7]  Par conséquent, pour la quatrième fois, l’appel du défendeur a été renvoyé devant la SAI et, pour la deuxième fois, le conseil du ministre a demandé que soit produite la transcription de l’audience du 23 janvier 2014 devant la SAI. Dans une décision interlocutoire datée du 28 novembre 2017, la SAI a rejeté la requête du ministre pour les motifs suivants :

[9]  Je souscris aux observations du conseil du ministre sur deux points. Premièrement, je conviens que la politique de la SAI consistant à exclure les transcriptions et les motifs de décision dans les situations où la Section a manqué à son obligation d’équité procédurale envers l’appelant n’est pas une règle absolue. Il s’agit d’une politique mise en place pour veiller à ce que les réexamens effectués par la SAI ne soient pas entachés par le manquement à l’équité procédurale commis lors de l’audience initiale. Toutefois, il serait possible d’avancer de nombreux exemples de manquements commis à une étape ultérieure de l’audience, notamment le refus de permettre à une partie de soumettre de nouveaux éléments de preuve ou de présenter des observations après l’audience, où de tels manquements n’entacheraient pas l’instance antérieure.

[10]  À mon avis, le conseil du ministre énonce de façon précise l’essence de la question à trancher au paragraphe 21 de son mémoire, où il fait renvoi à la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cheema : [traduction] « Si un manquement à la justice naturelle entache l’ensemble de la procédure à tel point qu’il serait injuste d’utiliser une transcription de cette procédure dans le cadre d’une audience subséquente, alors cette transcription est irrecevable ».

[11]  Je conclus que, dans la présente affaire, il serait injuste d’utiliser la transcription de l’audience et les motifs de décision issus de l’audience de 2014 au cours de laquelle l’appelant n’était pas préparé et s’est vu refuser un ajournement pour retenir les services d’un conseiller juridique. À mon avis, se fier à la transcription et à la décision de 2014 aurait pour effet d’entacher la procédure relative au nouvel examen de novo, ordonné par la Cour pour une deuxième fois, visant le réexamen du sursis à l’exécution de la mesure de renvoi accordé à l’appelant, et j’estime que le motif du ministre pour contre‑interroger l’appelant concernant la transcription de cette procédure est inapproprié. Enfin, je conclus qu’il est déraisonnable de décomposer les raisons sommaires du ministère de la Justice, fournies lorsque ce dernier a consenti à ce qu’un contrôle judiciaire de la décision de mars 2014 soit effectué, de façon à suggérer qu’il s’agissait seulement d’un défaut de fournir des motifs adéquats, sans tenir compte de la nature de l’obligation qui n’a pas été respectée.

[12]  Les circonstances du manquement à l’équité procédurale entachent l’ensemble de la procédure parce qu’elles se sont produites dès le début de l’audience de 2014. L’appelant n’était pas prêt pour une audience de novo. Il a demandé un ajournement afin d’être représenté par un conseil. Le tribunal a refusé cette demande sans fournir de motifs. Je conclus que, faute de motifs clairs et convaincants, le fait de refuser la demande d’ajournement de l’appelant et de le contraindre d’aller de l’avant même s’il n’était pas préparé ou représenté par un conseil, dans le cadre d’une audience où son droit de demeurer au Canada était en jeu, constituait une atteinte importante au droit de l’appelant à l’équité procédurale. Je conclus que la nature du manquement a entaché la procédure subséquente et que l’admission en preuve de la transcription de l’audience et des motifs de la décision de 2014 entacherait aussi la présente procédure.

[Notes de bas de page omises.]

[8]  La SAI a ensuite repris l’appel du défendeur et, le 25 juillet 2018, elle a conclu qu’il existait suffisamment de motifs d’ordre humanitaire pour justifier la prise de mesures spéciales. La mesure de renvoi datant du 13 mars 2009 a été annulée sans condition. La présente demande du ministre fait suite à cette décision.

[9]  Le ministre prétend que la décision de la SAI est truffée d’erreurs susceptibles de révision, y compris des erreurs d’analyse, des conclusions déraisonnables et des manquements à l’équité procédurale. De plus, le ministre conteste la décision interlocutoire de la SAI de refuser d’admettre la transcription de l’audience du 23 janvier 2014. En ce qui concerne les questions découlant de l’appréciation de la preuve faite par la SAI ou les questions mixtes de fait et de droit, la norme de la décision raisonnable s’applique. Les questions relatives à l’équité procédurale, quant à elles, doivent être contrôlées  selon la norme de la décision correcte.

[10]  L’essentiel de la preuve du ministre repose sur l’affirmation selon laquelle la SAI n’a pas tenu compte de la plupart de ses arguments et des éléments de preuve liés à ces arguments. Le ministre soutient que la SAI a tout simplement accepté toutes les explications disculpatoires fournies par le défendeur pour justifier son manquement à la condition numéro 10 sans tenir compte des éléments de preuve démontrant le caractère flagrant et délibéré du manquement. Le ministre soutient également qu’il était déraisonnable pour la SAI de conclure, sans preuve à l’appui, que suivre des séances de counselling ne serait plus bénéfique pour le défendeur.

[11]  La principale faiblesse du premier point du ministre est que la décision de la SAI d’accueillir les éléments de preuve du défendeur concernant son manquement à la condition numéro 10 reposait sur une évaluation favorable de la crédibilité du défendeur ainsi que sur quelques réserves à l’égard de certains des éléments de preuve sur lesquels le ministre s’était fondé. Le fait que la SAI a décrit le défendeur comme un [traduction] « témoin crédible et fiable » de même que les préoccupations qu’elle a formulées relativement à la tentative du ministre de condamner de nouveau le comportement criminel du défendeur plus d’une décennie plus tard illustrent cette faiblesse. En somme, la SAI a accepté les explications fournies par le défendeur pour justifier son manquement à la condition numéro 10 et a, de ce fait, refusé de tirer des conclusions défavorables des éléments de preuve sur lesquels le ministre s’est fondé. En outre, il convient de souligner que le défendeur a fait l’objet d’un contre‑interrogatoire rigoureux sur cette question et qu’il a donné des réponses plausibles qui concordaient avec la conclusion de la SAI. Voici d’ailleurs un échange particulièrement révélateur sur ce point :

[TRADUCTION]

Q  C’est bien. C’est bien, mais le point est le suivant : vous connaissiez manifestement la condition selon laquelle vous deviez renouveler votre passeport et en fournir une copie aux autorités de l’immigration. Étiez‑vous bien au courant de cette condition?

A  Hum, hum.

Q  Donc, comment se fait‑il que vous saviez que vous deviez remplir cette condition, qui est relativement ‑‑ de toutes les conditions qui vous ont été imposées, cette condition est relativement mineure. Comment se fait‑il que vous vous soyez souvenu de cette condition, mais pas de la condition la plus importante?

A  Une fois de plus, ma période de probation a pris fin quelque part en 2012 et j’ai cru que je n’avais plus à remplir les conditions. Dans mon esprit, je me conformais à toutes les autres conditions; je rendais des comptes et je me présentais même au poste de police chaque année pour être inscrit en tant que délinquant sexuel. J’étais certain que je faisais tout ce qu’il fallait et je ne me doutais pas que je ne respectais pas l’une des conditions. Je croyais que j’étais ‑‑ que je les remplissais toutes. C’est ma faute; j’aurais dû retourner consulter les documents ou les afficher sur mon réfrigérateur, parce que je croyais que je remplissais toutes les conditions.

Q  Vous avez mentionné quelques fois que vous auriez dû passer les conditions en revue plus souvent. Je me demande donc ‑‑ la question ‑‑ la question évidente est la suivante : si rester au Canada est aussi important pour vous, et plus important encore, si remplir les conditions est aussi important pour vous, pourquoi ne les avez‑vous pas passées en revue plus souvent? Cela me paraît insensé. C’est votre chance de pouvoir rester au Canada.

A  Je sais et ‑‑

Q  Étant donné le crime grave que vous avez commis, pourquoi les avoir passées en revue une seule fois en trois ans?

A  Une fois de plus, je pense que je traversais ‑‑ et je n’essaie pas de minimiser quoi que ce soit. Là encore, je n’essaie pas de trouver des excuses pour quoi que ce soit. Toutes ces choses que j’ai traversées ont été difficiles. J’ai été très préoccupé et je ne peux pas remettre la faute sur ceci ou cela. La seule chose que je peux dire et répéter c’est que je me suis trompé ‑‑ j’ai cru que j’en avais terminé avec mes ‑‑ mes ‑‑ je remplissais toutes les conditions et je ‑‑ j’ai tout gâché en ne passant pas les conditions en revue et oui, j’ai manqué la plus importante. Je n’ai pas rempli cette condition et c’était très important si – je me blâmais parce que j’ai fait tout le reste; j’avais commencé un programme de suivi et je faisais tout le reste. Pourquoi est‑ce que je ne m’inscrirais pas à des séances de counselling sachant que je dois le faire? Je veux dire, je l’aurais fait, mais je ne ‑‑ je ne le savais pas.

Voir aussi le dossier certifié du tribunal, aux pages 2452 et 2453.

[12]  Il n’était pas déraisonnable pour la SAI d’admettre ce témoignage et, l’ayant fait, elle n’était pas tenue d’énoncer tout ou partie de la preuve circonstancielle ou des arguments présentés par le ministre à l’appui d’une conclusion contraire. Dans certains cas, un décideur peut être tenu, conformément aux exigences en matière de transparence, d’intelligibilité et de justification énoncées dans l’arrêt Dunsmuir, de confronter directement les deux côtés d’un point fondé sur la preuve; ce n’est toutefois pas le cas en l’espèce. Du fait qu’elle a entendu le défendeur en personne, la SAI a profité d’un avantage clair quant au témoignage. Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, de remettre en cause la décision de la SAI seulement parce qu’une conclusion différente aurait pu être tirée de la preuve (voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Awaleh, 2009 CF 1154, aux paragraphes 50 à 54, [2009] ACF no 1439). Ce principe s’applique plus particulièrement lorsqu’une conclusion est fondée sur une évaluation de la crédibilité.

[13]  Il convient peut‑être de souligner que la présente instance est introduite par le ministre plus de dix ans après le comportement déclencheur et que, dans l’intervalle, le défendeur n’a pas fait l’objet d’autres accusations semblables. Durant cette période, il a continué de vivre sa vie et a noué de nouvelles relations. Néanmoins, le ministre cherche à le renvoyer au Guatemala où il n’a pas vécu depuis près de 20 ans. Le temps écoulé est un facteur qui influe sur la décision de la SAI, plus particulièrement sur son analyse des questions touchant à la réinstallation, au comportement irréprochale du défendeur, aux événements survenus et aux nouvelles relations nouées. En outre, il est clair que la SAI a correctement appliqué les facteurs établis dans la décision Ribic dans la conduite de son analyse. Compte tenu du contexte, la décision de la SAI d’éviter que le défendeur soit renvoyé était raisonnable, sinon impérieuse.

[14]  Je rejette l’argument du ministre selon lequel la décision interlocutoire de la SAI de refuser d’admettre la preuve issue de l’audience du 23 janvier 2014 constituait une erreur ou un manquement à l’équité procédurale. En fait, la décision était réfléchie et largement étayée par la jurisprudence pertinente. De plus, le ministre n’a pas démontré en quoi l’introduction du témoignage antérieur du défendeur aurait pu avoir une incidence sur l’issue de l’affaire. Par conséquent, cette préoccupation est purement hypothétique.

[15]  Le ministre reproche également à la SAI d’avoir commis une erreur en concluant, de façon déraisonnable, que le défendeur n’avait pas commis d’autres infractions. La thèse avancée est qu’il s’agissait d’une conclusion arbitraire; les cas d’abus sexuel n’étant souvent pas signalés, il était donc possible que le défendeur ait commis d’autres infractions. Cet argument est sans fondement. Même si la SAI aurait peut‑être dû seulement dire qu’il n’existait aucune preuve démontrant que le défendeur avait commis d’autres infractions, cette distinction ne fait aucune différence. En l’absence de preuve démontrant que le défendeur pourrait avoir récidivé d’une façon ou d’une autre, la SAI ne pourrait le traiter que comme un non récidiviste. La SAI ne pouvait pas semer un doute quant au fait que le défendeur s’était peut‑être de nouveau comporté de façon inappropriée sans que son comportement ait été signalé.

[16]  L’autre argument du ministre visant à contester la décision de la SAI d’annuler la condition numéro 10 n’est, quant à lui, pas dénué de fondement. Sur ce point, je souscris à l’avis du ministre à savoir que la décision de la SAI d’annuler l’obligation de suivre des séances de counselling n’était pas étayée par la preuve et n’était pas compatible avec sa propre conclusion selon laquelle [traduction] « le demandeur ne semble toujours pas vraiment savoir pourquoi il a agressé sexuellement sa belle‑fille ». La condition numéro 10 avait manifestement été imposée dans le but d’amener le défendeur à prendre pleinement conscience de son comportement fautif. Ce point avait aussi été mentionné dans le rapport présentenciel du défendeur à l’appui d’une obligation de suivre des séances de counselling durant la période de probation. Il aurait fallu davantage que le seul témoignage non corroboré du défendeur pour étayer les conclusions de la SAI selon lesquelles il [traduction] « a fait des progrès » et « n’adopterait plus jamais ce genre de comportement ». Il est d’ailleurs inexplicable que, malgré le fait qu’il ait participé à plusieurs séances de counselling en 2015, le défendeur n’ait fourni aucun élément de preuve indiquant que ses fournisseurs de traitement ne considéraient plus qu’il présentait un risque élevé de récidive.

[17]  Malgré l’apparente absence de prise de conscience du défendeur, il se peut bien qu’une récidive de sa part soit peu probable. Toutefois, une telle conclusion et le retrait de la condition numéro 10 auraient dû être fondés sur des éléments de preuve fournis par une personne habilitée à se prononcer sur la question, et même dans ce cas, la SAI n’aurait pas pu conclure, de façon raisonnable, que le défendeur ne présentait absolument aucun risque de récidive.

[18]  Pour les motifs qui précèdent, la présente demande est accueillie en partie, et la décision rendue par la SAI le 25 juillet 2018 concernant le retrait de la condition numéro 10 de l’ordonnance de sursis qu’elle avait prononcée le 19 mars 2010 est annulée. Cette question devra être renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision sur le fond.

[19]  Aucune des parties n’a proposé de question aux fins de certification, et la présente affaire ne soulève aucune question de portée générale.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑3921‑18

LA COUR STATUE que la demande est accueillie en partie et que la décision rendue par la SAI le 25 juillet 2018 concernant le retrait de la condition numéro 10 de l’ordonnance de sursis qu’elle avait prononcée le 19 mars 2010 est annulée. Cette question sera renvoyée à un autre décideur pour qu’il rende une nouvelle décision sur le fond.

« R.L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de mai 2019.

Geneviève Bernier, traductrice agréée


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3921‑18

 

INTITULÉ :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c XYZ

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (COLOMBIE‑BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS DU JUGEMENT :

LE JUGE BARNES

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 1ER FÉVRIER 2019

 

COMPARUTIONS:

Marjan Double

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Erin Roth

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Edelmann & Co.

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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