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                                                                                                                              Date : 20030228

                                                                                                                          Dossier : T-425-02

                                                                                              Référence neutre : 2003 CFPI 253

Ottawa (Ontario), le 28 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                TELECOMMUNICATIONS WORKERS UNION

                                                                            

                                                                                                                demandeur (le syndicat)

                                                                            et

                                                           TELUS MOBILITY

                                                                                                           défenderesse (l'employeur)

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Le syndicat demandeur sollicite une ordonnance prorogeant le délai dans lequel il peut interjeter appel. Il veut en appeler de l'ordonnance rendue par Monsieur le juge Rouleau le 6 décembre 2002. Le demandeur a déposé son avis d'appel le 9 janvier 2003 après l'expiration du délai de 30 jours stipulé au paragraphe 27(2) de la Loi sur la Cour fédérale. L'omission de déposer l'avis d'appel en temps opportun était attribuable, selon l'avocat du demandeur, à un malentendu survenu au sujet du calcul du délai de 30 jours compte tenu des vacances judiciaires de Noël. Le malentendu découlait du moins en partie d'une communication entre l'avocat et le greffe de la Cour fédérale. En effet, Me David Aaron, l'un des avocats du demandeur, a déclaré avoir été informé par le greffe que les vacances judiciaires de Noël n'entrent pas dans le calcul du délai d'appel de 30 jours.

[2]                 Le paragraphe 6(3) des Règles de la Cour fédérale prévoit ce qui suit :

6.(3) Sauf directives contraires de la Cour, les vacances judiciaires de Noël n'entrent pas dans le calcul des délais applicables selon les présentes règles au dépôt, à la modification ou à la signification d'un document.

[3]                 De toute évidence, cette disposition s'applique uniquement aux délais prévus dans les Règles elles-mêmes. Il ne l'emporte pas sur le délai prévu au paragraphe 27(2) de la Loi, qui est ainsi libellé :


27. (2) L'appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d'un avis au greffe de la Cour, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire que la Section de première instance ou la Cour canadienne de l'impôt, selon le cas, peut, soit avant soit après l'expiration de celui-ci, fixer ou accorder. Le délai imparti est de :

                 a) dix jours, dans le cas d'un jugement interlocutoire;

                 b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.

27. (2) An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Court

                 (a) in the case of an interlocutory judgment, within ten days, and

                 (b) in any other case, within thirty days, in the calculation of which July and August shall be excluded,

after the pronouncement of the judgment or determination appealed from or within such further time as the Trial Division or the Tax Court of Canada, as the case may be, may, either before or after the expiration of those ten or thirty days, as the case may be, fix or allow.



[4]                 La jurisprudence portant sur le paragraphe 27(2) énonce les facteurs qui doivent être présents pour qu'une prorogation du délai prévu par la loi soit accordée. Voir, par exemple, Karon Resources Inc. c. Canada, [1993] A.C.F. no 1322 (1re inst.), qui énonce les facteurs suivants, à savoir :

           (1)        si l'appel lui-même est fondé : il doit y avoir des questions défendables à soumettre à la Cour d'appel;

           (2)        s'il existe des circonstances particulières montrant ou expliquant pourquoi l'appel n'a pas été interjeté dans le délai prescrit;

(3)         s'il existait une intention véritable d'interjeter appel avant l'expiration du délai d'appel;

           (4)        si le retard est excessif;

(5)         si, en cas de prorogation du délai dans lequel l'appel peut être interjeté, un préjudice sera causé à l'autre partie ou aux autres parties; et

(6)         si l'intérêt de la justice milite en faveur de la prorogation.

[5]                 La défenderesse concède que les facteurs 3, 4 et 5 sont présents en l'espèce. Le deuxième facteur se rapporte à l'existence de circonstances particulières, et je retiens, en tant que circonstance particulière, l'explication que le demandeur a fournie pour justifier le fait que le délai n'a pas été respecté. Le dernier facteur est un facteur général primordial qui devait être pris en considération compte tenu des faits et des circonstances dans leur ensemble. Je l'examinerai en dernier lieu. La controverse réelle, dans la présente requête, se rapporte au premier facteur : à savoir s'il existe une question défendable susceptible de faire l'objet d'un appel.


[6]                 Dans son dossier de requête, le demandeur tente de satisfaire à cet aspect du critère en se reportant uniquement à son avis d'appel. La défenderesse soutient que cela n'indique pas si l'appel soulève un point de droit défendable. Le demandeur a tenté de fournir un plus grand nombre de renseignements en énonçant le fondement de son appel dans sa réponse. Toutefois, il est soutenu que le demandeur ne devrait pas être autorisé à modifier en fait son dossier de requête en le complétant dans la réponse, niant ainsi à la défenderesse la possibilité de soumettre des arguments pertinents. Je suis d'accord. Je n'ai pas tenu compte des arguments que le demandeur a invoqués dans sa réponse au sujet de l'existence d'une cause défendable susceptible de faire l'objet d'un appel.

[7]                 Toutefois, selon l'interprétation que je donne à la jurisprudence, le fait que le demandeur a soumis son avis d'appel en vue de satisfaire à l'exigence voulant qu'il démontre que l'appel est fondé ne porte pas nécessairement un coup fatal à sa cause. Dans la décision Karon Resources Inc., la demanderesse n'avait pas présenté de preuves, en sus de son avis d'appel, pour démontrer le bien-fondé de son appel. Madame le juge Simpson a examiné l'avis et elle a conclu que les motifs d'appel qui y étaient exposés « ne jet[aient] aucune lumière sur le bien-fondé de l'appel » (au paragraphe 10). Le juge n'a pas statué qu'un avis d'appel ne pouvait jamais être suffisant en soi. En fait, l'affaire portait principalement sur l'absence de preuve relative au deuxième facteur, à savoir les circonstances particulières. Sous ce titre, le juge a fait les remarques suivantes :


J'ai conclu que je ne dispose sur ce sujet d'aucune preuve appropriée, et pour ce motif la demande doit être rejetée. L'affidavit aurait dû énoncer clairement qu'il y avait eu erreur de la part de l'avocat. Il aurait dû expliquer l'erreur et montrer que l'on s'était efforcé avec diligence de la corriger en déposant rapidement une demande de prorogation du délai applicable au dépôt de l'avis d'appel (au paragraphe 10).

[8]                 Il convient également de noter que l'affidavit que la demanderesse avait déposé dans l'affaire Karon Resources Inc. était fort peu détaillé. Le juge Simpson a dit qu'il « n'[était] d'aucune aide à l'égard de plusieurs questions importantes » et qu'il était « réduit à sa plus simple expression au point d'en être trompeur » (aux paragraphes 5 et 6). En fin de compte, le juge a donc conclu que la preuve soumise par la demanderesse à l'appui de la requête « n'[était] pas suffisante pour justifier une prorogation » (au paragraphe 10).

[9]                 Il reste donc à déterminer si, en l'espèce, l'avis d'appel est suffisant pour qu'il soit possible de conclure que l'appel soulève une question défendable et, dans l'affirmative, si l'intérêt de la justice justifie la prorogation du délai dans lequel l'avis d'appel peut être déposé.


[10]            L'avis d'appel énonce douze erreurs qui auraient censément été commises par le juge de première instance, ces erreurs appartenant à quatre catégories : [TRADUCTION] « Erreur commise dans l'interprétation de l'ordonnance » ; « Erreur commise dans la détermination de la question de savoir si l'ordonnance a été observée » ; « Erreur commise dans la détermination de la force exécutoire de l'ordonnance » ; et « Autres erreurs » . À mon avis, l'avis d'appel fait plus que de « démontre[r] simplement l'existence de l'appel » (comme dans l'affaire Karon Resources Inc.). Il fournit des détails au sujet des erreurs qui auraient censément été commises et, à mon avis, eu égard aux faits de la présente espèce, il est suffisant pour qu'il soit possible de conclure à l'existence d'un fondement défendable justifiant l'appel. Cela ne veut certes pas dire qu'un avis d'appel sera toujours suffisant à ces fins.

[11]            Il s'agit enfin de savoir si l'intérêt de la justice exige qu'une prorogation de délai soit accordée. Je crains que le personnel de la Cour ait peut-être bien par inadvertance induit le demandeur en erreur. De toute évidence, je ne veux pas ici critiquer le personnel de la Cour. Il incombe aux avocats d'observer la Loi et les Règles. Néanmoins, compte tenu de tous les facteurs susmentionnés et des circonstances de l'affaire dans leur ensemble, je conclus que l'intérêt de la justice milite en faveur de l'octroi d'une prorogation du délai prévu au paragraphe 27(2) de la Loi afin de permettre le dépôt de l'avis d'appel.

[12]            J'ai examiné la requête en tenant compte des documents déposés par le Telecommunications Workers Union et par Telus Mobility. Je n'ai pas examiné les documents déposés par M. David Wells puisque, à l'heure actuelle, il n'est pas partie à l'affaire.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

La requête que le demandeur a présentée en vue d'obtenir une prorogation du délai dans lequel il peut déposer son avis d'appel est accueillie.

« James W. O'Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                      T-425-02

INTITULÉ :                                                                     TELECOMMUNICATIONS WORKERS UNION

et

TELUS MOBILITY

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES, à Ottawa (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge O'Reilly

DATE DES MOTIFS :                                                  le 28 février 2003

ARGUMENTATION ÉCRITE :

M. Morkey D. Shortt, c.r.                                                POUR LE DEMANDEUR

M. Israel Chafetz                                                               POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shortt, Moore et Arsenault                                               POUR LE DEMANDEUR

Bureau 1300, 1140, rue Pender ouest

Vancouver (Colombie-Britannique)

Taylor Jordan Chafetz                                                        POUR LA DÉFENDERESSE

Bureau 1010 - 777, rue Hornby

Vancouver (Colombie-Britannique)

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