Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

                                                                                                                     Date : 20030117

                                                                                                                Dossier : DES-5-02

                                                                                         Référence neutre : 2003 CFPI 43

Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLANCHARD

ENTRE :

                                  LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

                                                     NICHOLAS RIBIC et

                                LE PROCUREUR GÉNÉRAL DE L'ONTARIO

                                                                                                                              défendeurs

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


a)                   Le défendeur Nicholas Ribic, un citoyen canadien, est accusé de quatre infractions criminelles graves à la suite d'une prise d'otages qui a eu lieu pendant qu'il était membre des Forces serbes en Bosnie en 1995. Il subit un procès devant un juge et un jury à la Cour supérieure de justice de l'Ontario. Le procureur général de l'Ontario défendeur a maintenant présenté sa preuve et le procès a été ajourné afin de permettre à la Cour de déterminer, sur demande du procureur général du Canada, si certains renseignements doivent être divulgués et si leur production en preuve au procès doit être autorisée conformément à l'article 38 de la Loi sur la preuve du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 (telle qu'elle a été modifiée par L.C. 2001, ch. 41, art. 43) (la Loi). Le procès doit reprendre le 20 janvier 2003.

b)                   Monsieur Ribic veut produire en preuve une vidéocassette sur laquelle sont enregistrés des bombardements aériens qui auraient apparemment eu lieu près de Pale, en Bosnie, en 1995. Les bombardements auraient censément eu lieu au moment de la prise d'otages et près de l'endroit où la prise d'otages s'est déroulée. Le 3 décembre 2002, l'avocat de M. Ribic a envoyé un avis écrit conformément à l'article 38.1 de la Loi pour indiquer qu'il avait l'intention de produire en preuve l'enregistrement sur vidéocassette, d'une durée de sept minutes, et a déclaré croire que la vidéocassette contenait des « renseignements sensibles » ou « des renseignements potentiellement préjudiciables » au sens de l'article 38 de la Loi.

c)                   Le demandeur sollicite une ordonnance conformément à l'article 38.06 de la Loi en vue de déterminer s'il doit y avoir interdiction de divulgation parce que la divulgation porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales.


d)                   Lors de l'audience à huis clos, j'ai entendu l'avocat du demandeur et l'avocat du défendeur, M. Ribic. De plus, le demandeur a présenté une preuve et a soumis des observations en l'absence de l'autre partie. Au cours de la séance ex parte, j'ai entendu un témoin, un membre de la Direction générale, Division du renseignement, des Forces canadiennes, qui a témoigné au sujet du préjudice qui pourrait être porté aux intérêts nationaux du Canada si les renseignements en question étaient divulgués.

e)                   Dans la décision Ribic c. Canada (Procureur général du Canada) 2003 CFPI 10 (demande DES-3-02), j'ai dit qu'un « [...] juge désigné jouit d'un très large pouvoir discrétionnaire lorsqu'il décide s'il doit examiner les documents dont la communication est refusée avant d'entreprendre le processus de mise en équilibre exigé par la loi » . Dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, j'ai décidé de voir et d'entendre l'enregistrement sur vidéocassette.

f)                     Même si l'avis que j'ai exprimé dans la décision Ribic, précitée, au sujet de l'applicabilité de la procédure en deux étapes suivie par le juge en chef Thurlow dans la décision Goguen c. Gibson [1983] 1 C.F. 822, est erroné, j'estime, eu égard aux circonstances de l'espèce, que le défendeur, M. Ribic, a satisfait au critère et a démontré que les renseignements enregistrés sur la vidéocassette ont probablement rapport à une question en litige. Je fonde cette conclusion essentiellement sur la preuve par affidavit de [...], déposée par le défendeur, M. Ribic. Le déclarant atteste qu'à cause de son expertise, il est en mesure d'analyser des images vidéo sensibles et d'identifier le lieu et la source des images aux fins du renseignement. Par conséquent, il déclare ce qui suit :


a)          il est en mesure de déterminer avec une exactitude absolue que le vidéo ici en cause a été enregistré lors de missions de bombardement en Bosnie-Herzégovine;

b)          les séquences de ce métrage se rapportent à des missions de bombardement qui ont eu lieu à Pale/Johorina Potok ou dans la région de Pale/Johorina Potok, en Bosnie;

c)          il est absolument certain que le vidéo montre des sorties de bombardement de l'OTAN en Bosnie en 1995;

d)          la campagne de bombardement dirigée par l'OTAN dans la région de Pale les 25 et 26 mai 1995 a été menée de la façon dont le montre l'enregistrement vidéo ici en cause.


g)                   Il importe de noter que le témoin du demandeur a confirmé que les images figurant sur la bande vidéo sont de fait des images représentant des missions de bombardement en Bosnie, à Pale ou aux environs de Pale, en 1995. La preuve par affidavit du demandeur qui a été soumise lors de l'audience ex parte établit que toutes les missions de bombardement enregistrées sur la vidéocassette se sont déroulées dans un rayon de quarante-trois (43) kilomètres de Pale, la mission la plus rapprochée ayant été menée à moins de cinq (5) kilomètres de Pale.

h)                   Je suis convaincu que [...] est en mesure d'authentifier les renseignements contenus sur la vidéocassette. À mon avis, la preuve qu'il a présentée est suffisante pour établir que les renseignements contenus sur la vidéocassette ont probablement une valeur probante quant à une question soulevée au procès. Je suis convaincu qu'il s'agit d'un renseignement qui pourrait aider le jury à mettre dans le contexte qui convient les événements qui ont mené à la prise d'otages et l'événement lui-même.

Les renseignements


i)                     L'enregistrement vidéo dure environ sept minutes; le métrage semble représenter des images de bombes qui sont lancées ou lâchées depuis un avion et qui atteignent leurs diverses cibles. Le métrage montre un certain nombre de « séances de bombardement » ou de missions, et la destruction de différentes structures, notamment un pont, des immeubles et ce qui semble être une tour de télécommunications. Certaines images de missions enregistrées sur la vidéocassette apparaissent sur un écran partagé sur lequel figurent également des renseignements dans la visualisation tête haute indiquant des codes laser et d'autres renseignements sensibles qui permettraient d'identifier l'avion depuis lequel les images sont filmées. On y trouve également les coordonnées indiquant la longitude et la latitude, ce qui permettrait à une personne ayant la formation requise de situer géographiquement les scènes qui sont enregistrées. Enfin, les voix et les conversations entre les pilotes de l'avion et d'autres personnes sur le terrain qui étaient chargées de diriger les missions sont enregistrées sur la piste sonore. Le témoin du demandeur a déposé qu'à l'aide des conversations et commentaires enregistrés sur la piste sonore, les indicatifs d'appel des pilotes et d'autres codes utilisés par les forces de l'OTAN dans le cadre de pareilles missions sont identifiables. La piste sonore permet également d'identifier les voix par leur accent. En ce qui concerne les indicatifs d'appel, la preuve du témoin du demandeur est qu'ils sont enregistrés et connus d'autres personnes, du moins dans le militaire. À l'aide de ces renseignements, il est donc possible de déterminer l'identité des pilotes.

Le processus

j)                     Puisque j'ai décidé d'examiner les renseignements, je dois ensuite déterminer si leur divulgation porte préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales : paragraphe 38.06(1) de la Loi. Une fois que le procureur général demandeur m'a convaincu de l'existence de pareil préjudice, la partie qui demande la divulgation doit alors, à mon avis, présenter une preuve et montrer pourquoi la divulgation est nécessaire. La Cour met alors en équilibre les intérêts opposés : paragraphe 38.06(2) de la Loi.

Intérêts opposés


k)                   Monsieur Ribic a refusé de fournir des renseignements concernant la source de la vidéocassette. Dans ses observations écrites, le demandeur a fait savoir qu'à cause de l'absence de renseignements au sujet de l'origine de la vidéocassette, il n'était pas en mesure d'autoriser la divulgation en vertu de l'article 38.03 de la Loi. Pendant la séance ex parte, on a présenté une preuve qui confirmait essentiellement que le ministère de la Défense nationale (le MDN) ne croyait pas que les renseignements étaient des renseignements en sa possession ou des renseignements provenant d'une source canadienne. Le témoin du demandeur a également pu confirmer que les renseignements provenaient d'un des alliés du Canada. Le témoin du demandeur a également déclaré que l'allié considérerait comme susceptibles de causer un préjudice les renseignements contenus dans la vidéocassette permettant d'identifier ses pilotes ou révélant le potentiel militaire, notamment les coordonnées relatives à la latitude et à la longitude; les codes laser, la portée des armes, les voix et les équipements radar.


l)                     Un deuxième affidavit secret a été reçu pendant l'audience ex parte. Le déclarant, un membre des Forces canadiennes, en se fondant sur son expérience et sur ses connaissances, confirme les éléments d'une entente régissant les relations des forces armées entre le Canada et l'allié d'où provient la vidéocassette. Le déclarant atteste que le Canada était partie à une entente réciproque conclue avec cet allié, laquelle prévoit l'exercice d'un contrôle de la part de la source, ce qui veut dire que le pays d'où proviennent les renseignements sensibles est autorisé à déterminer si les renseignements classifiés seront divulgués et sous quelle forme ils le seront. Par suite de cette entente, le procureur général prend la position selon laquelle le Canada a, sur le plan international, l'obligation de protéger ces renseignements dans la plus grande mesure possible étant donné que cet allié n'a pas encore autorisé la divulgation. Le demandeur affirme que si l'on procédait autrement, cela nuirait à la conduite des affaires internationales et ébranlerait la confiance des alliés pour ce qui est de la capacité du Canada d'empêcher la divulgation de renseignements sensibles. Cela pourrait influer, dans l'avenir, sur la capacité du Canada d'obtenir de ses alliés des renseignements sensibles. Le demandeur soutient que les renseignements doivent donc être protégés puisque leur divulgation porterait préjudice aux intérêts nationaux du Canada et à ses relations internationales.


m)                 Le défendeur, M. Ribic, soutient que le vidéo est essentiel à sa défense puisqu'il montrera au jury la nature et l'étendue de la supériorité aérienne de l'OTAN par rapport aux Serbes. Il est également soutenu que les images montrent que les Serbes n'ont pas de défense aérienne; en effet, le tir terrestre restreint contre l'assaillant et la facilité apparente avec laquelle les pilotes frappent les cibles identifiées, sans interférence importante, permettent de faire une telle inférence. Selon le défendeur, M. Ribic, il est donc possible d'inférer que les Serbes ne pouvaient pas défendre les bunkers de munitions situés près de Pale. De plus, le vidéo montre que les forces de l'OTAN sont capables d'atteindre leurs cibles avec exactitude. Selon l'avocat de M. Ribic, cette preuve pourrait avoir une valeur à l'égard d'un moyen de défense qui doit être avancé au procès et en ce qui concerne la question de savoir si les otages étaient en danger, ce qui pourrait également être un fait important au moment de la détermination de la peine. Selon la position prise par M. Ribic, les renseignements contenus dans la vidéocassette, qui indiquent avec exactitude la nature et le moment du bombardement, sont essentiels aux moyens de défense et aux autres questions que l'on se propose de soulever au procès; de plus, les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation. Il est soutenu que l'enregistrement vidéo dans son ensemble doit être produit, de façon que M. Ribic puisse présenter une défense pleine et entière lorsqu'il subira son procès criminel.

Préjudice porté aux intérêts nationaux

n)                   Je suis convaincu que le témoin, lors de la séance ex parte, avait la compétence voulue pour traiter devant la Cour du préjudice qui pourrait être causé si l'enregistrement sur vidéocassette était communiqué au public. La divulgation de l'enregistrement pourrait enfreindre une entente en divulguant des renseignements qui seraient par ailleurs protégés en vertu d'une entente internationale conclue entre le Canada et son allié.

o)                   Je suis convaincu que la vidéocassette contient des renseignements qui proviennent d'un des alliés du Canada qui est membre de l'OTAN et qu'il s'agit de renseignements dont ledit allié n'a pas encore autorisé la divulgation. Je suis également convaincu que la divulgation de ces renseignements par le Canada porterait préjudice aux relations internationales du Canada, et ce, pour l'une ou l'autre des raisons ci-après énoncées :

1.          La confiance qui doit exister parmi les alliés, lorsqu'il s'agit d'assurer l'efficacité de l'OTAN, serait ébranlée;

2.          Le rôle du Canada à titre de membre de l'alliance et de participant à des opérations futures de paix serait compromis;


3.          Les alliés du Canada hésiteraient davantage à partager des renseignements dans l'avenir, de sorte qu'ils refuseraient de communiquer au Canada les renseignements cruciaux nécessaires en vue d'assurer la protection des civils ou des membres des Forces canadiennes;

4.          La divulgation irait à l'encontre d'une entente réciproque conclue avec l'un des alliés du Canada et, partant, nuirait aux relations que le Canada entretient avec l'allié et avec l'OTAN;

5.          La capacité de l'OTAN et, par conséquent, du Canada en sa qualité de membre de l'OTAN, de mener des opérations futures serait compromise puisqu'il y aurait eu divulgation de renseignements sur la façon dont l'allié du Canada ou l'OTAN mènent leurs opérations;

6.          La divulgation nuirait à la conduite des affaires internationales et ébranlerait la confiance des alliés et des membres de l'OTAN.

Mise en équilibre des intérêts opposés

p)                   Le paragraphe 38.06(2) de la Loi prévoit ce qui suit :



38.06 (2) Si le juge conclut que la divulgation des renseignements porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, mais que les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation, il peut par ordonnance, compte tenu des raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation ainsi que de la forme et des conditions de divulgation les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales, autoriser, sous réserve des conditions qu'il estime indiquées, la divulgation de tout ou partie des renseignements, d'un résumé de ceux-ci ou d'un aveu écrit des faits qui y sont liés.

38.06 (2) If the judge concludes that the disclosure of the information would be injurious to international relations or national defence or national security but that the public interest in disclosure outweighs in importance the public interest in non-disclosure, the judge may by order, after considering both the public interest in disclosure and the form of and conditions to disclosure that are most likely to limit any injury to international relations or national defence or national security resulting from disclosure, authorize the disclosure, subject to any conditions that the judge considers appropriate, of all of the information, a part or summary of the information, or a written admission of facts relating to the information.


q)                   Je dois donc déterminer si les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation des renseignements contenus sur la vidéocassette l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation. S'il est conclu que la divulgation est justifiée, je peux autoriser la divulgation de tout ou partie des renseignements sous une forme expurgée ou résumée, aux conditions les plus susceptibles de limiter le préjudice porté aux intérêts nationaux du Canada.

r)                    Dans la décision Ribic, précitée, j'ai écrit ce qui suit aux paragraphes 22 et 23 :

[22]          Le paragraphe 38.06(2) de la Loi ne précise pas le critère ou les facteurs à prendre en considération lorsqu'il s'agit de soupeser les intérêts opposés; de plus, la Loi n'envisage pas un manque d'équilibre évident entre les raisons d'intérêt public relatives à la sécurité nationale et les raisons d'intérêt public relatives à l'administration de la justice. Je suis d'avis que la Cour peut tenir compte de différents facteurs en soupesant les diverses raisons d'intérêt public. L'étendue des facteurs peut bien varier d'un cas à l'autre.

[23]          Dans le contexte d'une affaire portant sur des accusations criminelles graves, comme c'est ici le cas, la question de savoir si les renseignements en question établissent probablement un fait crucial pour la défense est de fait un facteur important à prendre en considération dans le processus de mise en équilibre. D'autres facteurs justifient également l'examen par la Cour de questions telles que la nature de l'intérêt que l'on cherche à protéger; l'admissibilité et l'utilité des renseignements; leur valeur probante en ce qui concerne une question soulevée au procès; la question de savoir si le demandeur a établi qu'il n'existe pas d'autres moyens raisonnables d'obtenir les renseignements; la question de savoir si, en cherchant à obtenir la divulgation, le demandeur cherche à l'aveuglette des renseignements; la gravité des accusations ou des questions en jeu. [Voir Jose Pereira E. Hijos, S.A. c. Canada (Procureur général) [2002] A.C.F. no 1658, 2002 CAF 470, dossier A-3-02, paragraphes 16 et 17]. Cette liste de facteurs n'est aucunement exhaustive. D'autres facteurs peuvent également le cas échéant exiger un examen. À mon avis, il faut examiner chaque demande selon les faits qui lui sont propres.


s)                    J'ai tenu compte des facteurs susmentionnés en mettant en équilibre les intérêts opposés pour les besoins de la demande. J'ai appliqué ces facteurs et j'ai examiné les prétentions et les arguments des parties; j'ai conclu que certains renseignements figurant sur la bande vidéo doivent être divulgués. Je tire cette conclusion en me fondant sur le fait que les renseignements ainsi divulgués ont rapport à une question soulevée au procès, tout en me rendant parfaitement compte que la divulgation risque de nuire aux intérêts du Canada, et ce, pour les raisons qui ont déjà été examinées ci-dessus. Toutefois, si la divulgation était restreinte, le préjudice causé le cas échéant serait minime. À mon avis, les images frappantes enregistrées dans ce vidéo produiraient certes sur un jury un effet plus marqué qu'une transcription écrite des missions qui y sont représentées. Je suis également convaincu que certains renseignements préjudiciables qui sont contenus sur la vidéocassette sont fort peu utiles, et ne sont peut-être même pas utiles, pour la défense de M. Ribic et je confirmerai l'interdiction de divulgation. J'examinerai ci-dessous les renseignements contenus dans la vidéocassette qui sont visés par cette interdiction.


t)                     Je note également que le demandeur s'est renseigné auprès de l'allié pour savoir s'il allait consentir à la divulgation des renseignements une fois qu'il connaîtrait la nature de la demande dont la Cour est ici saisie et qu'il serait au courant des délais, le procès devant reprendre à bref délai. L'allié a initialement répondu qu'il faudrait beaucoup de temps pour obtenir une réponse officielle à pareille demande. Il a demandé avec instance que, dans l'intervalle, la bande vidéo soit protégée. La déposition subséquente que le témoin du demandeur a présentée au cours de la séance ex parte m'a convaincu que l'on s'efforce le plus possible d'obtenir une décision accélérée de la part de l'allié. Néanmoins, à la date de la délivrance des présents motifs, l'allié n'avait pas encore donné une réponse finale au sujet de la question de savoir si les renseignements en cause devaient être divulgués.

u)                   Pour les motifs susmentionnés, je confirmerai l'interdiction de divulguer les renseignements préjudiciables suivants, qui ont été expurgés de la vidéocassette originale :

a)          les indicatifs d'appel ou les pseudonymes permettant d'identifier les pilotes;

b)          les mots codés permettant d'identifier une opération militaire ou une communication de l'OTAN;

c)          les coordonnées indiquant la latitude et la longitude apparaissant dans le coin supérieur droit de l'image;

d)          la visualisation tête haute montrant les codes laser, la portée des armes et les équipements radar.

v)                   J'autoriserai également la divulgation des autres renseignements contenus dans la vidéocassette. À cette fin, j'ai ordonné qu'une copie expurgée de la vidéocassette originale soit préparée par le demandeur.


w)                 Je suis d'accord avec l'avocat du demandeur pour dire que l'affidavit de [...], établi sous serment le 24 décembre 2002, contient des renseignements sensibles qui, pour au moins l'une des raisons concernant leurs effets sur les relations internationales du Canada, pourraient être préjudiciables s'ils étaient divulgués. Conformément à l'article 38.12 de la Loi, j'ordonnerai donc que l'affidavit de [...] établi sous serment le 24 décembre 2002 soit scellé.

x)                   Je suis également convaincu que [...] ne devrait pas être autorisé à déposer au procès afin d'authentifier la vidéocassette. Je tire essentiellement cette conclusion pour les raisons qui ont été examinées au paragraphe 35 des motifs que j'ai prononcés dans l'affaire Ribic, précitée. Toutefois, j'autoriserai la divulgation d'une version expurgée de la preuve par affidavit de [...] aux fins de sa production en preuve au procès du défendeur, M. Ribic, comme si [...] avait déposé sous serment et à la place de sa déposition de vive voix. Les remarques qui ont été faites au paragraphe 37 des motifs que j'ai prononcés dans l'affaire Ribic, précitée, au sujet de la preuve soumise au procès s'appliquent également à la présente demande.


                                                          ORDONNANCE

LA COUR :

1.     CONFIRME, conformément au paragraphe 38.06(3) de la Loi sur la preuve au Canada, l'interdiction de divulgation des renseignements préjudiciables suivants retranchés de l'original de la vidéocassette, produite comme pièce « B » de l'affidavit établi sous serment par le colonel MacLean le 18 décembre 2002, dans la présente instance :

a)         la latitude et la longitude indiquées au coin supérieur droit de l'image;

b)         la visualisation tête haute, y compris les codes laser, la portée des armes et les équipements radar; et

c)         sur la bande sonore de la vidéocassette, tous les indicatifs d'appel, les pseudonymes ou les mots codés.

2.    AUTORISE, conformément au paragraphe 38.06(2) de la Loi sur la preuve au Canada, la divulgation des renseignements restants figurant dans la vidéocassette. Est jointe à cette ordonnance, en tant qu'annexe « A » , une copie de la vidéocassette expurgée dont la divulgation est autorisée par la présente ordonnance.


3.    INTERDIT, conformément au paragraphe 38.06(3) de la Loi sur la preuve au Canada, à [...] de témoigner à propos de la vidéocassette.

4.    AUTORISE, conformément au paragraphe 38.06(2) de la Loi sur la preuve au Canada, la divulgation de la version expurgée de l'affidavit établi sous serment par [...] dans la présente instance le 24 décembre 2002, joint à la présente ordonnance en tant qu'annexe « B » , et la divulgation du résumé des renseignements entre parenthèses ajoutés par la Cour au paragraphe 14 dudit affidavit expurgé.

5.    AUTORISE, conformément au paragraphe 38.06(4) de la Loi sur la preuve au Canada, le dépôt comme preuve, au procès criminel du défendeur, M. Ribic, de la vidéocassette expurgée jointe à la présente ordonnance en tant qu'annexe « A » .

6.    AUTORISE, conformément au paragraphe 38.06(4) de la Loi sur la preuve au Canada, le dépôt comme preuve, au procès criminel du défendeur, M. Ribic, de l'affidavit expurgé de [...], joint à la présente ordonnance en tant qu'annexe « B » , en remplacement de sa déposition de vive voix, comme si [...] avait témoigné sous serment, aux mêmes conditions que celles mentionnées dans les Motifs de l'ordonnance et ordonnance rendus par la Cour dans l'affaire Ribic c. Canada (Procureur général du Canada) 2003 CFPI 10 (demande DES-3-02).


7.    ORDONNE, conformément au paragraphe 38.12(1) de la Loi sur la preuve au Canada, à M. D'Arcy DePoe et à Mme Heather Perkins-McVey, avocats de M. Ribic, de ne divulguer à personne la vidéocassette non expurgée ou la version non expurgée de l'affidavit de [...] établi sous serment dans la présente instance le 24 décembre 2002;

8.    ORDONNE, conformément au paragraphe 38.12(1) de la Loi sur la preuve au Canada, à M. D'Arcy DePoe et à Mme Heather Perkins-McVey, avocats de M. Ribic, de remettre leurs copies de la vidéocassette non expurgée et de la version non expurgée de l'affidavit de [...] établi sous serment dans la présente instance le 24 décembre 2002, ainsi que toute reproduction d'icelles, au greffe de la Cour, sur-le-champ;

9.    ORDONNE, conformément au paragraphe 38.12(2) de la Loi sur la preuve au Canada, que la vidéocassette non expurgée et la version non expurgée de l'affidavit de [...], établi sous serment dans la présente instance le 24 décembre 2002, soient scellées, en même temps que les dossiers de la présente demande, et conservées dans un endroit auquel le public n'a aucun accès;

10.    ORDONNE au procureur général du Canada, conformément à l'alinéa 38.02(2)b) et à l'article 38.07 de la Loi sur la preuve au Canada, de communiquer immédiatement les Motifs de l'ordonnance et ordonnance, moins ses annexes, au juge présidant le procès criminel de M. Ribic, ainsi qu'à l'équipe chargée de la poursuite.


11.        ORDONNE, conformément à l'alinéa 38.02(2)b) de la Loi sur la preuve au Canada, que les renseignements figurant à l'annexe A et à l'annexe B qui sont jointes à la présente ordonnance soient divulgués au défendeur, M. Ribic, à l'expiration du délai d'appel prévu aux articles 38.09 et 38.1 de la Loi, ou à toute autre date antérieure fixée par le procureur général du Canada.

« Edmond P. Blanchard »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                               DES-5-02

INTITULÉ :                                              LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

c.

NICHOLAS RIBIC ET AUTRE

LIEU DE L'AUDIENCE :                        OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                     LE 7 JANVIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE BLANCHARD

DATE DES MOTIFS :                             LE 17 JANVIER 2003

COMPARUTIONS :

ALAIN PRÉFONTAINE                           POUR LE DEMANDEUR

D'ARCY DEPOE                                       POUR LE DÉFENDEUR,

et                                                                NICHOLAS RIBIC

HEATHER PERKINS-McVEY                 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG                            POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

BERESH DEPOE                                       POUR NICHOLAS RIBIC

CUNNINGHAM

EDMONTON (ALBERTA)

et

HEATHER PERKINS-McVEY

OTTAWA (ONTARIO)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.