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Date : 20011102

Dossier : T-2406-93

Référence neutre : 2001 CFPI 1195

ENTRE :

                                                    JAMES W. HALFORD et

                                                          VALE FARMS LTD.

                                                                                                                                      demandeurs

                                                                            et

                                            SEED HAWK INC., PAT BEAUJOT,

                                       NORBERT BEAUJOT, BRIAN KENT et

                                                SIMPLOT CANADA LIMITED

                                                                                                                                        défendeurs

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]                 Il s'agit ici de savoir si certaines diapositives qui ont été prises par le témoin, M. Huhtapalo, ou en présence de celui-ci, sont admissibles. Ces diapositives, ou leurs reproductions sur papier, ont été transmises à l'avocat du demandeur, Me Raber, au début du mois de septembre de l'année en cours. L'avocat de la défenderesse Seed Hawk cherche à les soumettre en preuve en vue d'illustrer l'utilisation publique de certaines machines dans le cadre de la présentation de sa preuve relative à l'antériorité.


[2]                 On s'oppose à l'admissibilité en preuve des diapositives pour le motif qu'elles ont été produites tardivement, qu'elles n'ont pas été jointes à l'affidavit de documents des défendeurs et qu'il n'y a pas eu libre accès au témoin.

[3]                 Les deux parties se fondent sur l'article 232 des Règles à l'appui de leur position. Elles ne s'entendent pas sur la question de savoir si le témoin est sous le contrôle de la défenderesse Seed Hawk.

[4]                 En vertu de l'article 232 des Règles, « [à] moins que la Cour n'en ordonne autrement » , un document ne peut être invoqué en preuve que s'il est mentionné dans l'affidavit de documents d'une partie. L'inclusion d'un document dans un affidavit de documents atteste qu'il a été communiqué à la partie adverse.

[5]                 L'article 226 des Règles prévoit que la partie qui se rend compte que son affidavit de documents est inexact signifie « sans délai » un affidavit supplémentaire. Il n'est pas prévu qu'une ordonnance doit être rendue afin d'autoriser ce dépôt; je conclus donc que la divulgation de documents peut se poursuivre jusqu'à la date de l'instruction et peut-être même après.

[6]                 En l'espèce, il est clair qu'il y a eu divulgation à la partie adverse. Ne pas tenir compte de cette divulgation parce que quelque chose n'a pas été mentionné dans un affidavit de documents, c'est préférer la forme au fond.

[7]                 Si les défendeurs ont le droit et sont obligés d'effectuer une divulgation continue, il s'agit de savoir quels sont les droits des demandeurs suite à cette divulgation. Le recours habituel consiste à rouvrir les interrogatoires préalables de façon à permettre que des questions soient posées au sujet des documents afin d'éviter que le demandeur soit pris par surprise. Il s'agit d'un recours facultatif et, lorsque le document émane d'un tiers, son utilité est peut-être restreinte. L'avocat des demandeurs a conclu avec raison que c'était ici le cas.

[8]                 L'autre solution consiste à présenter une demande en vue d'obtenir une ordonnance qui autorise l'interrogatoire du tiers de qui provient le document, conformément au paragraphe 238(1) des Règles. Toutefois, lorsque ce tiers ne réside pas au Canada, ce recours ne peut pas être exercé puisqu'il n'existe aucune façon de le contraindre à se présenter à l'interrogatoire. Ceci dit, cet interrogatoire pourrait en théorie avoir lieu lorsque le témoin vient au Canada, le cas échéant, en vue de présenter sa preuve. Cependant, en pratique, ce recours ne pouvait pas non plus être exercé.

[9]                 La dernière solution consiste à avoir une entrevue avec le témoin, et c'est ce qu'on a tenté de faire en l'espèce. Toutefois, il y avait un problème : la veille de l'entrevue, le témoin a fait savoir que l'avocat de la défenderesse Seed Hawk serait présent à l'entrevue. L'avocat du demandeur a soutenu que, dans ces conditions, il ne servait à rien d'avoir une entrevue avec le témoin et il a refusé de poursuivre la question de l'entrevue.

[10]            J'ai entendu de nombreux arguments sur le fait que les défendeurs avaient retenu les services du témoin ainsi que sur l'effet que cela pourrait avoir. À mon avis, cela n'a aucun effet en ce qui concerne l'article 232 des Règles puisqu'il y a eu divulgation des diapositives. Cela influe-t-il sur l'entrevue? Le témoin estimait peut-être qu'il était souhaitable que l'avocat de la défenderesse assiste à l'entrevue parce qu'il se demandait si le fait que ses services avaient été retenus influait sur sa capacité de répondre aux questions. Ou encore, puisqu'il ne connaissait pas la procédure applicable en common law, il se peut bien que le témoin n'ait pas trop su quels étaient ses droits et obligations. Quoi qu'il en soit, je suis convaincu que c'est le témoin qui a demandé que l'avocat soit présent et qu'il ne s'agissait pas d'une tentative que les défendeurs avaient faite pour limiter l'accès au témoin. Le témoin n'était pas tenu de consentir à l'entrevue et il pouvait imposer n'importe quelle condition.

[11]            Normalement, le recours dont peut se prévaloir l'avocat qui se voit refuser une entrevue par un témoin consiste à contre-interroger ce témoin et à tenter de démontrer sa partialité. Il n'y a rien dans la situation du témoin ici en cause qui fait que sa réponse à la demande d'entrevue est soustraite aux règles normales. Le témoin sera disponible pour être contre-interrogé et la question de l'indépendance et de la partialité pourra alors être examinée. Cela ne constitue pas un motif justifiant le refus d'admettre les documents que l'on cherche à invoquer en preuve par l'entremise du témoin.

[12]            Cela étant, on pourrait se demander s'il ne s'agit pas plutôt de savoir s'il arrive un moment à partir duquel l'avocat peut supposer que la preuve qu'il doit réfuter est établie de sorte qu'il peut se préparer aux fins de l'instruction. Il y a non seulement la question de la divulgation, mais aussi celle de la divulgation en temps opportun. Le fait que la nature de la preuve à réfuter peut changer par suite de la divulgation tardive de documents constitue-t-il un motif justifiant l'exclusion de ces documents? À ma connaissance, ce n'est pas le cas. Le recours, en cas de retard, consiste à demander un ajournement destiné à permettre à la partie en cause d'exercer les recours par ailleurs prévus par les Règles, et non à exclure un élément de preuve qui serait par ailleurs admissible.

[13]            À mon avis, une fois qu'elles ont été divulguées, les diapositives en question sont admissibles si elles satisfont aux conditions normales d'admissibilité.


[14]            Me Raber se demande si les diapositives satisfont de fait aux conditions normales d'admissibilité. Il affirme que le témoin ne peut pas indiquer ce sur quoi portent les diapositives, en ce sens qu'il ne peut pas indiquer à quel moment et à quel endroit elles ont été prises et décrire ce qu'elles montrent. La preuve fournie par M. Huhtapalo sur ce point n'est pas particulièrement précise, mais le témoin peut dire qu'il s'agit de diapositives qu'il a prises ou qui ont été prises en sa présence avec sa caméra, sur lesquelles on peut voir deux machines qui étaient utilisées dans un rayon d'environ 70 kilomètres d'Uppsala, entre 1965 et 1972. À mon avis, cela satisfait à l'exigence préliminaire plus ou moins stricte qui s'applique en matière d'admissibilité. Il reste à savoir ce que les diapositives prouveront s'il s'agit de la seule preuve que le témoin peut fournir au sujet des circonstances dans lesquelles elles ont été prises.


[15]            Me Raber conteste également l'admissibilité des diapositives pour le motif que M. Huhtapalo ne les avait pas sous son contrôle ou en sa possession. Selon les notes que j'ai prises au sujet de la preuve, ces diapositives ont été prises pendant que le témoin travaillait à l'Université suédoise d'agronomie où il les a trouvées, en l'an 2000, selon ce qu'il a d'abord dit, puis, selon la preuve corrigée qu'il a présentée, en l'an 2001. Si je comprends bien son témoignage, un de ses collègues à l'université a transmis à sa demande les diapositives à l'avocat. Je conclus donc qu'une personne qui n'était pas partie à l'action avait la garde des diapositives. La question de savoir s'il y a eu possibilité d'altérer les diapositives peut être déterminée au moyen d'un contre-interrogatoire.

[16]            En fin de compte, même s'il ressort du contre-interrogatoire que la valeur probante des diapositives est minime, soit une question qu'il reste à trancher, cela ne veut pas pour autant dire qu'elles sont inadmissibles. La requête visant à faire admettre les diapositives est accueillie.

    

« J.D. Denis Pelletier »

Juge

  

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                T-2406-93

No DE LA RÉFÉRENCE NEUTRE :            2001 CFPI 1195

INTITULÉ:                              James W. Halford et Vale Farms Ltd.

c.

Seed Hawk Inc., Pat Beaujot, Norbert Beaujot, Brian Kent et Simplot Canada Limited

LIEU DE L'AUDIENCE :                    Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le 15 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :           Monsieur le juge Pelletier

DATE DES MOTIFS :                       le 2 novembre 2001

COMPARUTIONS :

M. Steven Raber                              pour les demandeurs

M. Dean Giles

M. Alexander Macklin                        pour la défenderesse Seed Hawk

M. Doak Horne

M. Wolfgang Riedel                          pour la défenderesse Simplot


                                                                     Page : 2

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Fillmore Riley                                 pour le demandeur

1700 Commodity Exchange Tower

360, rue Main

Winnipeg (Manitoba) R3C 3Z3

Gowlings                                     pour la défenderesse Seed Hawk

Bureau 1400

700 - 2nd Street S.W.

Calgary, (Alberta) T2P4V5

Meighen, Haddad & Co.                       pour la défenderesse Simplot

Avocats

B.P. 22105

110 - 11th Street

Brandon (Manitoba) R7A 6Y9

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