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Date: 19991124


Dossier : T-1876-99

Ottawa (Ontario), le 24 novembre 1999.

DEVANT :      MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :


KEN BARLOW ET THE UNION OF

NEW BRUNSWICK INDIANS


demandeurs


et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS


défendeurs


    

     Les avocats des parties ayant été entendus à Fredericton le 18 novembre 1999 à l'égard de la demande que les demandeurs avaient présentée en vue d'obtenir une ordonnance interlocutoire dans la présente affaire et les parties ayant alors convenu que la date de l'audition au fond de la présente demande, qui vise à l'obtention d'un jugement déclaratoire, d'une injonction et d'un bref de mandamus, devait être fixée de façon que l'affaire soit entendue à bref délai,

         ORDONNANCE

     IL EST ORDONNÉ CE QUI SUIT :

     1.      La présente affaire sera entendue le 11 avril 2000 à 10 h, aux bureaux de la Cour fédérale à Fredericton (Nouveau-Brunswick), et l'audience durera un jour. Si les avocats estiment que l'audience devrait durer plus d'une journée, ils informeront la Cour de la chose au plus tard le 31 mars 2000 et l'audience commencera alors à 14 h le 20 avril et se poursuivra le lendemain.
     2.      Tout affidavit additionnel soumis pour le compte des demandeurs doit être signifié et déposé au plus tard le 30 novembre 1999.
     3.      Tout affidavit additionnel soumis pour le compte des défendeurs doit être signifié et déposé au plus tard le 17 janvier 2000.
     4.      Les parties devront compléter les contre-interrogatoires relatifs aux affidavits au plus tard le 7 février 2000.
     5.      Le dossier des demandeurs devra être signifié et déposé au plus tard le 28 février 2000.
     6.      Le dossier des défendeurs devra être signifié et déposé au plus tard le 30 mars 2000.



     " W. Andrew MacKay "

     JUGE

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.




Date: 19991124


Dossier : T-1876-99


Ottawa (Ontario), le 24 novembre 1999.

DEVANT :      MONSIEUR LE JUGE MacKAY

ENTRE :


KEN BARLOW ET THE UNION OF

NEW BRUNSWICK INDIANS


demandeurs


et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS


défendeurs


Les demandeurs ayant présenté une requête en vue de l'obtention des réparations suivantes :

     1.      Une injonction interlocutoire empêchant, jusqu'à l'instruction de la présente affaire, le ministre des Pêches et des Océans défendeur, ses représentants ainsi que les représentants des autres ministères et agences du gouvernement du Canada de porter atteinte aux droits reconnus au demandeur Ken Barlow par traité et par la Constitution en ce qui concerne la pêche au homard et le commerce du produit de cette pêche;
     2.      Un bref de mandamus enjoignant au ministre des Pêches et des Océans défendeur et à ses représentants de retourner immédiatement au demandeur Ken Barlow tous les casiers à homard qui ont été saisis le 22 octobre 1999;

     Les avocats des parties ayant été entendus à Fredericton (Nouveau-Brunswick) le 18 novembre 1999, lorsque l'avocat des demandeurs a précisé que, contrairement à ce qui était mentionné dans l'avis de requête, la requête ne visait pas à l'obtention d'un jugement déclaratoire, étant donné qu'il s'agissait de la réparation primordiale qui était sollicitée dans la demande principale du 27 octobre 1999 dont la Cour était saisie;

     La Cour ayant reporté, à la fin de l'audience, le prononcé du jugement et les observations qui ont été présentées ayant été examinées;


     ORDONNANCE

     IL EST ORDONNÉ QUE la demande visant à l'obtention d'une réparation interlocutoire soit rejetée.







     " W. Andrew MacKay "

     JUGE

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.





Date: 19991124


Dossier : T-1876-99



ENTRE :


KEN BARLOW ET THE UNION OF

NEW BRUNSWICK INDIANS


demandeurs


et


SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS


défendeurs


     MOTIFS DES ORDONNANCES

Le juge MacKAY


[1]      Voici les motifs concernant deux ordonnances, la première rejetant une demande que les demandeurs ont présentée en vue d'obtenir une injonction interlocutoire et d'autres réparations en attendant l'audition de la demande qu'ils avaient présentée en vue d'obtenir un jugement déclaratoire et d'autres réparations, et la seconde fixant une date et un calendrier à l'égard du dépôt des documents, aux fins de l'audition au fond de la dernière demande.

[2]      Par un avis de demande daté du 27 octobre 1999, les demandeurs sollicitent un jugement déclaratoire portant que les défendeurs ont porté atteinte aux droits reconnus à M. Barlow par le Traité de paix et d'amitié de 1760 conclu avec les Mi'kmaq, traité que la Cour suprême du Canada a récemment interprété dans l'arrêt R. c. Marshall (dossier du greffe 26014, 17 septembre 1999, voir [1999] A.C.S. no 55 (QL)). Dans cette demande, les demandeurs sollicitent également un bref de mandamus ordonnant le retour des casiers à homard qui ont censément été saisis le 22 octobre 1999 ainsi qu'une injonction interlocutoire, en attendant l'instruction de l'affaire, empêchant les défendeurs de porter atteinte aux droits reconnus à M. Barlow par traité et par la Constitution en ce qui concerne la pêche au homard et la vente du produit de cette pêche.

[3]      Par un avis distinct de requête daté du 10 novembre 1999, les demandeurs sollicitent expressément une injonction interlocutoire empêchant les défendeurs ou leurs représentants, jusqu'à l'instruction de la présente affaire, de porter atteinte aux droits reconnus à M. Barlow par traité et par la Constitution en ce qui concerne la pêche au homard et le commerce du produit de cette pêche, un bref de mandamus ordonnant la remise des casiers à homard qui ont été saisis ainsi qu'un jugement déclaratoire. Lorsque cette demande interlocutoire a été entendue, l'avocat des demandeurs a clairement fait savoir qu'à ce stade, ses clients voulaient obtenir une injonction en attendant l'audition de la demande principale ainsi qu'un bref de mandamus ordonnant le retour immédiat des casiers à homard de M. Barlow. Il a été reconnu que le jugement déclaratoire dépend de l'issue de l'audition de la demande principale.

[4]      La demande interlocutoire a été entendue d'urgence le 18 novembre 1999 à Fredericton (Nouveau-Brunswick). La veille, la Cour suprême du Canada avait fait connaître sa décision dans l'affaire R. c. Marshall (dossier du greffe 26014, 17 novembre 1999, voir [1999] A.C.S. 66 (QL)), et avait expliqué d'une façon passablement détaillée les motifs sur lesquels elle se fondait pour rejeter une demande de nouvelle audition visant à l'examen par la Cour du pouvoir de réglementation du gouvernement du Canada relativement aux pêches sur la côte est, et visant en outre à l'obtention d'une réparation connexe, présentée par un intervenant dans une instance antérieure, qui avait amené la Cour à rendre sa décision dans l'affaire R. c. Marshall, le 17 septembre 1999. Par souci de commodité, je désignerai cette dernière décision sous le nom d'affaire " Marshall no 1 ", la décision et les motifs du 17 novembre 1999 étant désignés sous le nom d'affaire " Marshall no 2 ".

Les faits

[5]      À l'appui de la demande visant à l'obtention d'une réparation interlocutoire, les demandeurs se fondent sur les affidavits signés par Ken Barlow le 27 octobre 1999 et par M. Gerard Hare le 15 novembre 1999.

[6]      L'un des demandeurs est M. Ken Barlow, un Indien mi'kmaq membre de la bande d'Indian Island qui réside dans la réserve de la bande, au Nouveau-Brunswick. M. Barlow est un pêcheur qui subvient à ses besoins ainsi qu'à ceux de ses enfants en pêchant le homard. L'autre demanderesse dans cette affaire est l'Union of New Brunswick Indians qui est une association représentant des Indiens mi'kmaq et malécites ainsi que des collectivités et des chefs au Nouveau-Brunswick. Dans son affidavit, M. Barlow déclare être autorisé par l'Union à faire un affidavit à l'appui d'une demande visant à l'obtention d'un jugement déclaratoire portant que, par leurs actions, les représentants du ministère des Pêches et des Océans (le MPO) ont porté atteinte aux droits qui lui sont reconnus par traité et par la Constitution ainsi qu'aux droits des autres Mi'kmaq, en ce qui concerne la pêche et la possibilité de tirer un revenu modéré du commerce du produit de cette pêche.

[7]      Au mois d'octobre 1999, le demandeur, M. Barlow, était un [TRADUCTION] " pêcheur désigné - première nation d'Indian Island ", qui s'était vu attribuer par la première nation d'Indian Island 250 étiquettes numérotées du MPO pour des casiers à homard, conformément à un accord que le MPO et la première nation d'Indian Island avaient signé le 30 avril 1999, selon lequel des permis de pêche communautaire étaient délivrés à la bande en vertu du Règlement sur les permis de pêche communautaire des Autochtones , DORS/93-332. Les permis attribués autorisaient la bande à pêcher en utilisant 1250 casiers à homard en vertu d'un permis de pêche commerciale communautaire dans la zone de pêche au homard (ZPH) 25 , située dans le détroit de Northumberland, pendant la saison de pêche qui prenait fin le 11 octobre 1999. La bande était également titulaire d'un permis communautaire autochtone l'autorisant à pêcher le homard dans la ZPH 25 à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales. Ce permis autorisait la pêche dans la ZPH 25 en modifiant le nombre de casiers pouvant être utilisés à divers moments pendant la saison qui prenait fin le 31 octobre 1999. La bande d'Indian Island ne détenait aucun permis l'autorisant à pêcher le homard en dehors de la ZPH 25.

[8]      À la suite de la décision rendue dans l'affaire Marshall no 1, une autre bande indienne a entrepris des activités de pêche au homard non réglementées dans la baie Miramichi, qui est située dans la ZPH 23, en vertu des règlements du MPO, soit une zone voisine de la ZPH 25, mais située au nord de cette zone. Ces activités ont occasionné des affrontements sérieux entre les pêcheurs autochtones et les pêcheurs non autochtones; des actes de violence physique ont été commis et des biens ont été endommagés. On s'est efforcé de régler l'affaire et l'on s'efforce encore de le faire. Le 21 octobre 1999, le MPO, croyant que des membres de la bande indienne de l'Église brûlée et d'autres pêcheurs autochtones installaient un nombre de casiers plus élevé que le nombre autorisé en vertu d'un permis communautaire autochtone délivré à la bande de l'Église brûlée, a pris des mesures en vue d'appliquer son règlement de pêche. Le 22 octobre 1999, le ministère a saisi quelque 586 casiers à homard dans la baie Miramichi. Les casiers ne portaient pas d'étiquettes ou, s'ils en portaient, les étiquettes montraient qu'ils appartenaient à des pêcheurs assujettis à des permis communautaires autochtones qui n'étaient pas valides pour la pêche dans cette zone, soit la ZPH 23.

[9]      Le demandeur Barlow déclare que, le 22 octobre 1999, dans la baie Miramichi, des représentants du MPO ont retiré et saisi 60 casiers à homard qui lui appartenaient, lesquels [TRADUCTION] " portaient tous des étiquettes montrant que les casiers [lui] appartenaient et qu'[il] étai[t] un Indien mi'kmaq résidant à Indian Island ". M. Barlow cherche à recouvrer ces casiers au moyen d'un bref de mandamus en soutenant que, bien qu'il en ait fait la demande, les représentants du MPO ne lui ont pas donné de renseignements au sujet du pouvoir légal en vertu duquel ses casiers étaient saisis. M. Barlow ajoute qu'il n'est [TRADUCTION] " pas au courant de l'existence d'un règlement, d'un décret ou de quelque autre texte législatif ou réglementaire qui est réputé fixer des limites à l'égard des casiers ou qui limiterait de quelque autre façon les activités de pêche au homard de la collectivité ou des membres de la nation mi'kmaq à Indian Island ".

[10]      Dans un affidavit présenté à l'appui de la position que les défendeurs ont prise à l'encontre de la demande d'injonction, M. Edmond Martin, directeur, Conservation et Protection, Région de gestion des pêches du Golfe au MPO, déclare avoir été informé par les agents de pêche du MPO, que, parmi les casiers saisis le 22 octobre 1999, aucun ne portait les numéros d'étiquette attribués au demandeur Ken Barlow en vertu du permis commercial communautaire de la bande d'Indian Island autorisant la pêche dans la ZPH 25; M. Martin déclare croire ces agents. En outre, M. Martin a été informé qu'[TRADUCTION] " en ce qui concerne les casiers qui portent des étiquettes, rien ne permet de déterminer qu'ils appartiennent au demandeur Ken Barlow et, en ce qui concerne les casiers non étiquetés, rien ne montre que ces casiers appartiennent au demandeur Ken Barlow ".

[11]      Dans son affidavit, M. Martin déclare également que la bande d'Indian Island ne doit recommencer à pêcher le homard, en vertu de son permis commercial communautaire, qu'au printemps 2000. En outre, M. Martin déclare que le grand froid empêche en pratique toute autre activité de pêche au homard dans les ZPH 23 et ZPH 25 à ce moment-ci de l'année et qu'il est peu probable que les activités de pêche puissent vraiment reprendre avant le printemps.

[12]      Comme il en a déjà été fait mention, l'affaire a été entendue le lendemain de la publication par la Cour suprême de la décision rendue dans l'affaire Marshall no 2. Je ne sais pas trop si les avocats avaient pleinement eu l'occasion de prendre connaissance de cette décision avant l'audience, mais je remarque qu'ils ont refusé la possibilité qui leur a été donnée de présenter des observations additionnelles après l'audience.

Les questions en litige

[13]      Les deux parties conviennent que les questions qu'il faut examiner dans une demande d'injonction interlocutoire de la nature ici sollicitée sont celles que la Cour suprême du Canada a énoncées dans les arrêts Manitoba (P.G.) c. Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Une injonction interlocutoire est une réparation exceptionnelle qui ne doit être accordée que lorsqu'il existe une question sérieuse sur laquelle la Cour n'a pas encore statué, lorsqu'il est démontré que le demandeur subira un préjudice irréparable si la réparation interlocutoire n'est pas accordée et si la question sérieuse était subséquemment réglée en sa faveur, et lorsque la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de la réparation demandée. Lorsque la prépondérance des inconvénients est appréciée, dans une affaire concernant la constitutionnalité ou l'existence d'un pouvoir légal afférent à l'action publique, il faut prendre en considération l'intérêt public visé par ce pouvoir. Pour que la réparation soit accordée, le demandeur doit satisfaire aux trois aspects du critère.

L'existence d'une question sérieuse

[14]      Les demandeurs revendiquent des droits issus d'un traité qui, disent-ils, ont récemment été confirmés par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Marshall no 1, en raison du Traité de paix et d'amitié de 1760 conclu entre les Mi'kmaq et la Couronne. À première vue, il aurait été porté atteinte à ces droits en raison du pouvoir discrétionnaire absolu conféré au ministre défendeur par la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, et par le Règlement, qui ne donnent aucune directive sur la manière dont ce pouvoir devrait être exercé de façon à respecter les droits issus de traités; en outre, ces dispositions, qui ont été examinées dans l'affaire Marshall no 1, n'ont pas été modifiées depuis lors. Le règlement qui porte atteinte aux droits issus de traités doit être justifié conformément au critère énoncé dans les arrêts R. c. Badger, [1996] 1 R.C.S. 771 et R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075. Comme dans l'arrêt Marshall no 1, dans lequel aucune justification n'était fournie à l'appui du règlement contesté, les défendeurs n'ont pas en l'espèce justifié leurs actions ou le régime réglementaire en vertu duquel ils agissaient.

[15]      Au nom des défendeurs, il est soutenu qu'à ce stade, des questions de fait sérieuses sont en litige ou n'ont pas encore été réglées, lesquelles nous empêchent de conclure qu'une question sérieuse est soulevée. Il est donc soutenu qu'il existe une preuve contradictoire, M. Barlow affirmant que l'on a saisi des casiers qui portaient des étiquettes montrant que ces casiers lui appartenaient, alors que M. Martin, pour le compte du MPO, affirme qu'aucun des casiers saisis n'était identifié comme appartenant à M. Barlow, contrairement à ce que ce dernier affirmait. En outre, il n'est pas clair que l'Union of New Brunswick Indians ait qualité pour agir à titre de demanderesse sollicitant une réparation puisqu'il n'est pas allégué pour le compte de cette dernière que l'on a saisi des casiers sur lesquels elle a un droit ou pour lesquels elle a le droit de représenter les propriétaires. Enfin, il est soutenu, à la lumière de l'arrêt Marshall no 2, que le fondement factuel sous-tendant les droits issus de traités qui sont ici revendiqués n'est pas énoncé en l'espèce. À cet égard, les défendeurs signalent le paragraphe 17 de la décision que la Cour suprême a rendue dans l'affaire Marshall no 2 :

     Si de nouvelles poursuites étaient intentées en vertu des dispositions réglementaires, le ministère public aurait (tout comme dans le présent cas) le fardeau de prouver les éléments factuels de l"infraction. Cela fait, il incomberait alors à l"accusé de démontrer qu"il est membre d"une communauté autochtone au Canada, communauté qui est partie à un des traités décrits dans l"opinion majoritaire du 17 septembre 1999, et qu"il exerçait le droit collectif de cette communauté de chasser ou de pêcher sur ses territoires de chasse et de pêche traditionnels. Il est souligné, au par. 5 de l"opinion majoritaire du 17 septembre 1999, que les Britanniques n"ont pas conclu de traité global avec la population mi"kmaq:
. . . les Britanniques ont signé avec diverses communautés mi"kmaq une série d"ententes qu"ils entendaient consolider en un traité global avec les Mi"kmaq, mais qui, dans les faits, n"a jamais vu le jour. Le juge qui a présidé le procès, le juge Embree de la Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse, a conclu que, à la fin de 1761, des traités similaires avaient été conclus avec tous les villages mi"kmaq de la Nouvelle-Écosse. [Nous soulignons.]
Le gouverneur britannique à Halifax a agi ainsi parce qu"il considérait que le chef d"une communauté donnée n"avait pas l"autorité requise soit pour faire des promesses de paix et d"amitié au nom de chefs d"autres communautés, soit pour obtenir pour ceux-ci des avantages par voie de traité. Les traités et les avantages réciproques en découlant avaient un caractère local. En l"absence d"une nouvelle entente avec l"État, l"exercice des droits issus de traités se limite au territoire traditionnellement utilisé par la communauté locale qui a conclu un traité "similaire". En outre, les droits issus de traités n"appartiennent pas personnellement à l"individu, mais ils sont exercés sous l"autorité de la communauté à laquelle ce dernier appartient, et ils ne peuvent être exercés qu"à seule fin de tirer des ressources mentionnées les biens à échanger pour les "choses nécessaires".

Cela étant, les défendeurs soutiennent que les faits énoncés dans l'affidavit de M. Barlow n'établissent pas encore que la première nation d'Indian Island est l'une des collectivités régies par l'un des traités locaux conclus en 1760 ou que la zone de pêche dans laquelle les casiers auraient censément été saisis faisait partie des territoires de pêche traditionnels de cette collectivité. En outre, le fondement factuel de l'exercice par M. Barlow du droit issu d'un traité reconnu à sa collectivité serait censément incertain.

[16]      Je ne me propose pas de déterminer si une question sérieuse est soulevée à ce stade; en effet, si les demandeurs se préoccupent du fondement factuel de la question sérieuse qui est soulevée dans leur demande visant à l'obtention d'un jugement déclaratoire et d'autres réparations, les faits dont la Cour est maintenant saisie peuvent être étayés par la preuve par affidavit additionnelle présentée avant l'audition de la demande principale. Le délai de dépôt d'affidavits supplémentaires, en vertu des Règles de la Cour, n'est pas encore expiré.

[17]      La demande soulève des questions importantes, visant à préciser le pouvoir réglementaire que possèdent les défendeurs à l'égard des droits issus de traités à la suite des deux décisions Marshall. Je remarque que dans l'arrêt Marshall no 2, la Cour a signalé que, dans sa décision antérieure, elle avait expressément dit à plusieurs reprises que l'État était autorisé à réglementer les droits issus de traités. Dans la mesure où les droits issus de traités sont établis, ils peuvent être réglementés au moyen de règlements qui sont justifiés, selon le critère énoncé dans l'arrêt Badger. Ce critère exige une justification, que la Couronne n'avait pas fournie dans l'affaire Marshall no 1, mais qui devrait être énoncée avec une certaine diligence lorsque la demande de jugement déclaratoire sera entendue.

L'existence d'un préjudice irréparable

[18]      Compte tenu de la preuve mise à ma disposition, je ne suis pas convaincu que les demandeurs aient établi qu'ils subiront un préjudice irréparable d'ici le moment où une décision relative à la demande de jugement déclaratoire pourra être rendue en leur faveur en admettant que tel serait le résultat final. S'ils n'ont pas gain de cause lorsque l'affaire sera entendue, les demandeurs ne subiront bien sûr aucun préjudice en droit. Si les demandeurs avaient gain de cause, les seules allégations qui ont été faites devant moi au sujet de l'existence du préjudice irréparable qui pourrait être subi d'ici le règlement de l'instance sont énoncées comme suit dans l'exposé des points d'argument :

[TRADUCTION]
23.      En l'espèce, il est soutenu que le fait de priver le demandeur Ken Barlow du moyen par lequel il subvient à ses besoins ainsi qu'à ceux de ses deux enfants montre clairement qu'il subira un préjudice irréparable s'il continue à en être privé. En outre, les mesures ici en cause portent atteinte à des droits issus de traités protégés par la Constitution. Enfin, les mesures qui ont été prises constituent une violation des obligations fiduciaires que la Couronne a envers le demandeur Ken Barlow et envers les Mi'kmaq et l'on ne devrait pas permettre que la situation se poursuive.

[19]      La première phrase se rapporte à l'allégation énoncée dans l'affidavit de M. Barlow :

[TRADUCTION]
10.      Si une ordonnance enjoignant au MPO de me remettre mes casiers et de s'abstenir de les retirer n'est pas accordée, je ne serai pas en mesure de gagner ma vie ou de subvenir aux besoins de mes enfants sans avoir recours à un genre quelconque d'aide sociale.

À mon avis, cette allégation se rapporte à une perte possible qui, habituellement, est appréciée en droit au moyen de dommages-intérêts. Cela ne constitue pas un préjudice irréparable, et ce, malgré tout inconfort personnel ou toute perte de fierté que pourrait occasionner une demande d'aide sociale quelconque, au besoin.

[20]      Le deuxième aspect de l'allégation relative au préjudice irréparable est que la mesure que la Couronne a prise constitue une violation de droits issus d'un traité qui sont protégés par la Constitution. Il s'agit bien sûr de la question sérieuse fondamentale que les demandeurs cherchent à soulever dans la demande qu'ils ont présentée en vue d'obtenir un jugement déclaratoire. À ce stade, cette question n'a pas été réglée ou ne peut pas être prise pour acquise. Il en va de même en ce qui concerne le troisième aspect du préjudice irréparable qui est ici allégué, à savoir que les actions reprochées constituent une violation des obligations fiduciaires que la Couronne a envers M. Barlow et les Mi'kmaq. Cette question doit elle aussi être tranchée compte tenu du bien-fondé de la demande de jugement déclaratoire dont la Cour est ici saisie, du moins tant qu'il ne sera pas déterminé que l'intérêt public voulant que la Couronne s'acquitte de ses obligations fiduciaires est une question qu'il incombe à la Couronne de régler plutôt qu'une question que la Cour doit trancher avant d'entendre la demande au fond.

La prépondérance des inconvénients

[21]      À ce stade, je ne statuerai pas sur la question de la prépondérance des inconvénients puisque je ne suis pas convaincu que les demandeurs ont établi qu'ils subiront un préjudice irréparable au cours des prochains mois, en attendant qu'il soit statué sur leur demande de jugement déclaratoire.

Conclusion

[22]      Pour les motifs susmentionnés, la demande d'injonction interlocutoire est rejetée.

[23]      J'inclus dans l'ordonnance par laquelle la demande est rejetée la demande qui a été faite en vue de l'obtention d'une ordonnance de la nature d'un mandamus visant à la remise, à ce stade, des casiers portant apparemment des étiquettes au nom de M. Barlow qui auraient censément été saisis. À ce stade, je ne suis pas convaincu que les faits, tels qu'ils sont énoncés dans les affidavits, permettent de conclure que les casiers portant des étiquettes au nom de M. Barlow sont en la possession de la Couronne. Même si cela était clairement établi, la question de savoir si ces casiers ont à juste titre été saisis et retenus en vertu d'un règlement justifiable est laissée en suspens et devra être tranchée lorsque la demande principale sera entendue.

[24]      Néanmoins, à l'audience, j'ai demandé à l'avocat de la Couronne de consulter le MPO, ainsi que l'Union et M. Barlow, au sujet des moyens permettant de déterminer à qui appartiennent les casiers qui ont été saisis le 22 octobre 1999. J'invite en outre la Couronne à envisager le retour des casiers qui peuvent être identifiés comme appartenant aux personnes que l'Union représente ou à M. Barlow, s'il était conclu que les casiers appartiennent à celui-ci, et ce, compte tenu du fait en particulier que, de l'avis de l'auteur de l'affidavit de la Couronne, le mauvais temps empêche maintenant toute autre activité de pêche importante pour quelques mois. Le retour des casiers appartenant aux pêcheurs mi'kmaq peut être un signe de confiance de nature à favoriser les négociations qui mèneront peut-être à la réglementation appropriée de la pêche et tiendront dûment compte des droits issus de traités que possède le peuple mi'kmaq.

[25]      Pour les motifs susmentionnés, je rendrai une ordonnance rejetant la demande de réparation interlocutoire, tant en ce qui concerne l'octroi d'une injonction interlocutoire que d'un bref de mandamus. En outre, après consultation des avocats à l'audience, des dispositions sont prises au moyen d'une ordonnance distincte fixant au mois d'avril 2000 la date de l'audition de la demande que les demandeurs ont présentée en vue d'obtenir un jugement déclaratoire et d'autres réparations et fixant en outre un calendrier aux fins du dépôt de documents en prévision de cette audience.



     " W. Andrew MacKay "

     Juge

OTTAWA (Ontario)

le 24 novembre 1999.

Traduction certifiée conforme


L. Parenteau, LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      T-1876-99

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      KEN BARLOW ET AUTRES C. SA MAJESTÉ LA REINE
LIEU DE L'AUDIENCE :      FREDERICTON

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 18 NOVEMBRE 1999

MOTIFS DES ORDONNANCES du juge MacKay en date du 24 novembre 1999


ONT COMPARU :

HENRY BEAR              POUR LE DEMANDEUR

BEAR LAW OFFICE

MALISEEI (NOUVEAU-BRUNSWICK)

HAROLD DOHERTY              POUR LE DEMANDEUR

FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)

JOHN ASHLEY              POUR LES DÉFENDEURS

MINISTÈRE DE LA JUSTICE, HALIFAX


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

HENRY BEAR              POUR LE DEMANDEUR

BEAR LAW OFFICE

MALISEEI (NOUVEAU-BRUNSWICK)

HAROLD DOHERTY              POUR LE DEMANDEUR

FREDERICTON (NOUVEAU-BRUNSWICK)

GINETTE MAZEROLLE              POUR LES DÉFENDEURS

MINISTÈRE DE LA JUSTICE, HALIFAX

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