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                                                                                    Date : 20030121

 

                                                                             Dossier : IMM-1907-02

 

 

Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2003

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

 

 

ENTRE :

 

                                    Davinder Singh SHERGILL

 

                                                                                           demandeur

                                                 - et -

 

 

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                            défendeur

 

 

 

                                           ORDONNANCE

 

 

 

La demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en date du 3 avril 2002, selon laquelle le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention, est rejetée.     

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.


 

 

 

                                                                                    Date : 20030121

 

                                                                             Dossier : IMM-1907-02

 

                                                                 Référence neutre : 2003 CFPI 24

 

 

ENTRE :

 

                                    Davinder Singh SHERGILL

 

                                                                                           demandeur

 

                                                 - et -

 

 

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

                                                                                            défendeur

 

 

 

                                  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE PINARD

 

 

[1]    Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la « Commission »), en date du 3 avril 2002, selon laquelle le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention suivant la définition donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch I‑2, (la « Loi »).

 

[2]    Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il prétend craindre avec raison d’être persécuté dans ce pays du fait de sa religion, de ses opinions politiques apparentes et de son appartenance à un groupe social particulier (la famille).

 


[3]    Le demandeur prétend qu’il a été persécuté par la police du Penjab, comme conséquence directe de la persécution antérieure de son frère Surinder (« Surinder »). Surinder a fui au Canada en 1993; il a obtenu le statut de réfugié et il est actuellement citoyen canadien.

 

[4]    La Commission a conclu que la preuve soumise par le demandeur n’était pas crédible ou digne de foi. Subsidiairement, la Commission a conclu que le demandeur avait une possibilité de refuge intérieur (« PRI ») à New Delhi.

 

[5]    Le demandeur prétend que la Commission a violé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale lorsqu’elle a rendu sa décision sans avoir eu à sa disposition une transcription complète de l’audience. Le demandeur s’appuie sur Tung c. Canada (M.E.I.) (1991), 124 N.R. 388, [1991] A.C.F. no 292 (QL), dans lequel la Cour d’appel fédérale a décidé que l’absence d’une transcription complète a porté préjudice au demandeur et qu’il y a eu ainsi déni de justice naturelle à son endroit. Le demandeur cite ensuite Kandiah c. M.E.I. (1992), 141 N.R. 232 (C.A.F.), qui, selon lui, restreint la portée du raisonnement suivi dans Tung, suivant lequel, bien que l’omission de la Commission de conserver un compte rendu ne vicie pas ipso facto sa décision, un appelant peut avoir gain de cause s’il démontre à partir du dossier dont dispose la cour que la décision portée en appel est erronée. En fait, dans Kandiah, la Cour d’appel contredit les conclusions de Tung :

[..] l'omission de la section du statut de réfugié de faire ou de conserver un compte rendu intégral de ses auditions ne constitue pas un motif permettant à la Cour d'annuler ses décisions lorsqu'un appel est interjeté en vertu du paragraphe 82.3(1). L'arrêt Tung, dans la mesure où il dit le contraire, ne devrait pas être suivi.

 

 

[6]    Dans Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c. Montréal (Ville), [1997] 1 R.C.S. 793, la Cour suprême du Canada, a examiné le conflit entre les arrêts Kandiah et Tung et a résolu la question en faveur du raisonnement mené dans Kandiah qui suivait de plus près la ligne traditionnelle de la Cour, aux pages 840 et 842 :


__Même dans le cas où la loi prévoit le droit à un enregistrement de l’audition, les tribunaux ont conclu que le requérant doit démontrer qu’il existe une «possibilité sérieuse» d’une erreur dans le dossier ou d’une erreur telle que l’absence d’enregistrement l’empêche de faire valoir ses moyens d’appel:__Cameron c. National Parole Board, [1993] B.C.J. No. 1630 (C.S.), qui suit Desjardins c. National Parole Board (1989), 29 F.T.R. 38 [...]

 

[. . .]

 

En l’absence d’un droit à un enregistrement expressément reconnu par la loi, les cours de justice doivent déterminer si le dossier dont elles disposent leur permet de statuer convenablement sur la demande d’appel ou de révision.__Si c’est le cas, l’absence d’une transcription ne violera pas les règles de justice naturelle.

_

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[7]    Ni la Loi, ni les Règles de la section du statut de réfugié, DORS/93-45, n’imposent l’enregistrement d’une audience, en conséquence, la Cour doit seulement décider si la transcription dont elle dispose lui permet de se prononcer correctement sur la demande d’appel ou de contrôle judiciaire.

 

[8]    Quant à la conclusion de la Commission qu’il y avait une PRI pour le demandeur à New Delhi, je suis convaincu après examen du dossier disponible, qu’il permet une décision correcte sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[9]    En ce qui concerne la question de la PRI, j’ai dit ce qui suit dans Sekhon c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (23 décembre 1997), IMM‑941-97 :

[4]      Ainsi que le requérant et l'intimé l'ont tous deux fait remarquer, le critère applicable lorsqu'il s'agit d'examiner la possibilité de refuge dans une autre partie du même pays a été défini dans l'arrêt Thirunavukkarasu c. Canada (M.E.I.), (1993), 109 D.L.R. (4th) 682, à la page 687 :

 

 

 

Ainsi, le demandeur du statut est tenu, compte tenu des circonstances individuelles, de chercher refuge dans une autre partie du même pays pour autant que ce ne soit pas déraisonnable de le faire. Il s'agit d'un critère souple qui tient compte de la situation particulière du demandeur et du pays particulier en cause. C'est un critère objectif et le fardeau de la preuve à cet égard revient au demandeur tout comme celui concernant tous les autres aspects de la revendication du statut de réfugié. Par conséquent, s'il existe dans leur propre pays un refuge sûr où ils ne seraient pas persécutés, les demandeurs de statut sont tenus de s'en prévaloir à moins qu'ils puissent démontrer qu'il est objectivement déraisonnable de leur part de le faire.

 

 

 

 


[10]   En l’espèce, d’une part, la preuve du demandeur sur la question était constituée de son propre témoignage et du paragraphe 41 de l’affidavit produit par son frère. Le dossier ne montre pas si ce dernier a été contre-interrogé sur cette question. Toute cette preuve est très limitée, comme il ressort de l’ensemble du témoignage du demandeur sur les circonstances ailleurs en Inde et du paragraphe 41 de l’affidavit du frère du demandeur.

 

1.      Témoignage du demandeur :

 

[TRADUCTION]

 

Q.       D’accord et pensez-vous que vous pourriez obtenir protection d’autres paliers du gouvernement? Par exemple, pourriez-vous allez à un niveau supérieur de la police et demander protection? Seriez-vous alors en sécurité?

 

R.       Personne n’écoute là-bas.

 

Q.       Ainsi pourriez-vous obtenir protection?

 

R.       Personne ne me protégera.

 

Q.       Et qu’en est-il des autres endroits sur le territoire de l’Inde? Pourriez-vous quitter votre village et votre district et vous rendre à un autre endroit où vous seriez en sécurité?

 

R.       Le gouvernement est le même. Ils ne me laisseront nulle part.

 

 

 

2.      Paragraphe 41 de l’affidavit du frère du demandeur :

 

[TRADUCTION]

 

Il n’y a aucun endroit sûr en Inde pour un Sikh qui est soupçonné d’être un militant et qui a été harcelé par la police. La police du Penjab est connue pour aller dans d’autres États en Inde pour y arrêter et/ou assassiner des Sikhs avec ou sans l’autorisation des gouvernements de ces États.

 

 

 

[11]   D’autre part, en plus du témoignage du demandeur dans son ensemble, la Commission disposait d’une preuve documentaire traitant en particulier de [TRADUCTION] « [l]a possibilité d’avoir un refuge ailleurs en Inde » (dossier du demandeur, p. 158).

 

[12]   La conclusion de la Commission sur la question d’une PRI est rédigée comme suit :


Si le tribunal se trompe en concluant que le revendicateur n’est pas crédible, il reste que ce dernier a une possibilité de refuge interne ailleurs en Inde. Il se trouvait à New Dehli, lorsqu’il a préparé son départ du pays. Il ne semble pas y avoir eu de problèmes avec la police à cet endroit. On ne l’a accusé d’aucun crime. Il ne s’agit pas d’un militant notoire susceptible d’être la cible de la police à l’échelle nationale. Il est raisonnable de croire que le revendicateur peut vivre et occuper un emploi dans n’importe quelle grande ville de l’Inde, à l’extérieur du Punjab.

 

 

 

[13]   Comme l’a fait remarquer le défendeur, le demandeur a également témoigné que tous ses rapports avec la police l’ont été seulement avec deux agents d’une ville ou d’un village près de la maison de ses parents.

 

[14]   Considérant la preuve dont elle disposait, je conclus qu’il était raisonnablement loisible à la Commission de conclure que le demandeur ne s’était pas acquitté de l’obligation qui lui incombait de démontrer qu’il craignait avec raison d’être persécuté partout en Inde ou qu’il serait déraisonnable de sa part de chercher refuge dans les lieux sûrs du pays. Cette conclusion suffit à elle seule pour rejeter la demande de contrôle judiciaire, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur d’autres questions soulevées par le demandeur.

 

[15]   En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

 

 

 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 janvier 2003

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

 

Jean Maurice Djossou, LL.D.


 

 

 

                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

 

                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                   IMM-1907-02

 

INTITULÉ :                                   Davinder Singh SHERGILL c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                    Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                   Le 12 décembre 2002

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE DE M. LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                       Le 21 janvier 2003

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nicole Hainer (représentante)               POUR LE DEMANDEUR

 

R. Keith Reimer                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elgin, Cannon & Associates                 POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

Morris Rosenberg                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

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