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Date : 20030213

Dossier : IMM-5822-01

Référence neutre : 2003 CFPI 164

OTTAWA (ONTARIO), LE 13 FÉVRIER 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

ENTRE :

                                                         HAMIDREZA MIRZAII

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]         M. Hamidreza Mirzaii (le « demandeur » ) sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent des visas Timothy Bowman (l' « agent des visas » ) en date du 21 novembre 2001. Cette décision a refusé la demande d'autorisation d'étude du demandeur en vue d'une admission au Canada.

[2]                Le demandeur est un citoyen iranien. Il a sollicité une autorisation d'entrer au Canada en tant qu'étudiant, en particulier pour suivre un programme d'études en programmation informatique, et il a présenté sa demande de visa le 28 octobre 2001.


[3]                Le 21 novembre 2001, le demandeur a été reçu en entrevue à Téhéran, en Iran, par Mme Taheri, une agente du programme d'immigration recrutée localement et associée à l'ambassade du Canada à Téhéran. Mme Taheri a versé les notes qui suivent dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI), le 21 novembre 2001 :

[TRADUCTION]

Voyage antérieur : depuis environ 10 ans, aucune preuve.

Pourquoi le Canada : pour apprendre l'anglais et poursuivre deux années d'études en vue d'un diplôme de programmeur d'ordinateur.

Ne parle pas anglais

Dépenses : personnelles et de sa mère.

a une offre d'admission au Seneca College

Biens personnels : un appartement en son nom à Téhéran, a apporté les documents, reçoit mensuellement l'équivalent de 600 $CAN

Revenu : dit ne pas travailler - étudie à l'Université Yazd Azad

Université - Génie métallurgique 1er trimestre, dit ne pas aimer le cours et

souhaiterait apprendre l'informatique

Dit qu'il n'a pas été admis en informatique

Biens de la mère : une maison en son nom à Téhéran - a apporté les documents

Économies de la mère : l'équivalent de 24 000 $ CAN/ - a apporté les documents.

Dit que sa mère a la somme de 89 000/ - livres au Royaume-Uni - mais les relevés sont de l'année 1996.

Économies : 10 000 $CAN sous le nom de Mme Parvizian, en fidéicommis à l'intention du demandeur

Avez-vous des parents au Canada? L'enfant du demi-frère de sa grand-mère.

[4]                Le dossier relatif au demandeur, y compris ces notes-là du STIDI, a été présenté à l'agent des visas. D'après son affidavit déposé dans le cadre de la présente instance, l'agent des visas a examiné les renseignements recueillis par Mme Taheri et a rendu une décision qui rejetait la demande d'autorisation d'étude. L'agent des visas a également versé les notes qui suivent dans le STIDI, le 21 novembre 2001 :

[TRADUCTION] EXAMINÉ : NE M'A PAS CONVAINCU QUE LES PLANS D'ÉTUDE DANS LE DOMAINE SONT RAISONNABLES. PENSE QU'IL RESTERAIT AU CANADA ILLÉGALEMENT. REFUSÉ.


[5]                Le demandeur sollicite à présent l'annulation de la décision. Premièrement, il soutient que la décision a été rendue en violation du principe selon lequel [TRADUCTION] « celui qui entend est celui qui doit décider » . Il soutient que le décideur était l'agent des visas mais que l'arbitre était Mme Taheri.

[6]                Ensuite, le demandeur prétend qu'il y a eu violation de l'équité procédurale en raison du fait que le défendeur, en tant que partie responsable des faits et gestes de Mme Taheri et de l'agent des visas, a omis de lui donner la possibilité de dissiper les inquiétudes sur les intentions derrière sa demande d'admission au Canada.

[7]                Le défendeur prétend que le principe « celui qui entend est celui qui doit décider » ne s'applique pas et qu'il n'y a eu aucune violation de l'équité procédurale consécutive aux modalités d'évaluation de la demande en cause.


[8]                La décision qui fait l'objet du présent contrôle judiciaire a été rendue par l'agent des visas en application de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985) ch. I-2, et modifications, (la « Loi » ) et du Règlement sur l'immigration de 1978 DORS/78-172, et modifications. En décidant de délivrer ou de ne pas délivrer un visa, l'agent des visas édicte un acte administratif faisant intervenir l'exercice du pouvoir discrétionnaire. Il était habilité à se fonder sur les renseignements colligés par une assistante, voir Silion c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1999), 173 F.T.R. 302. Il n'y a aucune preuve que Mme Taheri a fait autre chose que d'obtenir des renseignements du demandeur. La véritable décision a été prise par l'agent des visas qui pouvait à bon droit se fonder sur les faits obtenus au cours de l'entrevue et versés par Mme Taheri dans les notes du STIDI. Cet argument du demandeur doit être rejeté.

[9]                L'argument avancé sur l'absence d'équité procédurale consécutive à l'omission du défendeur, représenté par ses préposés et employés, de donner au demandeur la possibilité de dissiper les inquiétudes relatives à sa demande, est plus sérieux.

[10]            Dans les notes du STIDI, il n'y a aucune mention d'inquiétudes soulevées par Mme Taheri. L'agent des visas a introduit le sujet dans son affidavit où il déclare, aux paragraphes 8 et 9 :

[TRADUCTION]

À mon avis, le programme d'études proposé par le demandeur ne semblait pas sérieux. Dans mon expérience en tant qu'agent des visas, j'ai remarqué une tendance des jeunes gens, qui souhaitent s'exiler de l'Iran, à s'inscrire dans des programmes d'études au Canada à un niveau inférieur à leur niveau de scolarité actuel ou antérieur. Vu que les normes d'admission sont beaucoup moins rigoureuses, je crois que l'admission à ces programmes est sollicitée comme moyen pour faciliter l'entrée au Canada plutôt que comme une véritable tentative de poursuivre des objectifs éducatifs et des aspirations à long terme en Iran. Les possibilités d'emploi en Iran sont très limitées, même pour des diplômés universitaires.

Lorsque le demandeur a été confronté à cette inquiétude, il n'a pas réussi à fournir d'autres explications que de dire que la programmation informatique, le programme d'études qu'il a choisi, ne lui était pas accessible à l'université en Iran. Il y a de nombreux programmes de stage ou de formation sanctionnés par un certificat (qui pourraient paraître quelque peu analogues à ceux des collèges communautaires) et qui sont disponibles en Iran pour ceux qui ne peuvent pas accéder aux programmes universitaires. Ainsi, ses explications n'étaient pas convaincantes.


[11]            L'agent des visas introduit ici des questions qui ne sont pas enregistrées dans les notes du STIDI. À mon avis, ces questions ne sont même pas implicites dans les notes du STIDI. L'agent des visas n'a pas reçu le demandeur en entrevue; il est donc évident qu'il n'a soulevé aucune « inquiétude » relativement au demandeur.

[12]            Il en ressort que l'agent des visas a introduit un élément étranger dans son processus décisionnel lorsqu'il a tenu compte d'une « tendance des jeunes gens » , qui souhaitent s'exiler de l'Iran, à s'inscrire à des programmes d'études de niveau « inférieur » au Canada et des possibilités d'emploi très limitées en Iran « même pour des diplômés universitaires » , pour tirer sa conclusion que le demandeur ne voudrait probablement pas retourner dans son pays après avoir terminé ses études au Canada. Le fait de se fonder sur ces considérations étrangères a fait naître une erreur susceptible de contrôle judiciaire.

[13]            Comme l'a affirmé le juge Kelen au paragraphe 6 de la décision Yue c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F.1299 (1re inst.) (QL), dans le contexte du contrôle judiciaire d'un refus d'autorisation d'étude, « bien que les agents des visas puissent en droit utiliser leur propre expérience pour prendre une décision [...], il ne faut pas qu'un agent applique un stéréotype à un demandeur en se fondant sur cette expérience » .

[14]            En définitive, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour un nouvel examen. Les avocats ont dit qu'il n'y a aucune question à certifier.


                                        ORDONNANCE

La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour un nouvel examen; il n'y aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Jean Maurice Djossou, LL.D.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                    SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                IMM-5822-01

INTITULÉ :               HAMIDREZA MIRZAII

                                                                        demandeur

- et -

                                   LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION   

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE MARDI 11 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 13 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

Wennie Lee                                                       POUR LE DEMANDEUR

Alexis Singer                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

The Law Firm of Wennie Lee

United Centre, bureau 610

255 Duncan Mill Road

Toronto (Ontario) M3B 3H9                                         POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                POUR LE DÉFENDEUR


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

              SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030213

Dossier : IMM-5822-01

ENTRE :

                        HAMIDREZA MIRZAII

                                                                    demandeur

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                      défendeur

                                                                                          

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

                                                                                           


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