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Date : 20030724

Dossier : T-1970-99

Référence : 2003 CF 911

OTTAWA (ONTARIO), LE JEUDI 24 JUILLET 2003

EN PRÉSENCE DE : MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

LA COMPAGNIE PHARMACEUTIQUE PROCTER & GAMBLE CANADA INC.

et THE PROCTER & GAMBLE COMPANY

demanderesses

- et -

LE MINISTRE DE LA SANTÉet GENPHARM INC.

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

·            La Compagnie pharmaceutique Proctor & Gamble Canada Inc. et Proctor & Gamble Company (collectivement appelées P & G) demandent :

·                        une ordonnance, en vertu de la règle 399 des Règles de la Cour fédérale (1998), modifiant l'ordonnance modifiée rendue par le juge McKeown;

·                        une ordonnance, en vertu de la règle 53, annulant l'avis de conformité (ADC) délivré par le défendeur, le ministre de la Santé (le ministre), à Genpharm Inc. (Genpharm), le 3 juin 2003, à l'égard de ses comprimés Gen-étidronate renfermant 200 mg d'étidronate disodique (l'ADC du 3 juin);


·                        une ordonnance accordant aux requérantes les dépens de la présente requête sur la base avocat-client.

CONTEXTE

[2]         P & G sont propriétaires du brevet canadien portant le numéro 1,338,376 (le brevet 376) relativement à l'invention d'un schéma posologique utilisé dans le traitement de l'ostéoporose, qui consiste en un kit comprenant des comprimés de 400 mg d'étidronate ou d'étidronate disodique et des comprimés de 1250 mg de carbonate de calcium (Didrocal). Le brevet 376 a pour objet une nouvelle utilisation d'un médicament existant. Ce brevet expire le 9 avril 2008.

[3]         En plus du Didrocal, P & G fabriquent et vendent le Didronel, qui contient 200 mg d'étidronate disodique et qui est utilisé pour le traitement de la maladie de Paget et de l'hypercalcémie de malignité. Le Didronel ne fait l'objet d'aucun brevet canadien à l'heure actuelle. Même s'ils se ressemblent, le Didrocal et le Didronel sont des médicaments différents. Le Didrocal se compose d'étidronate disodique et de carbonate de calcium, tandis que le Didronel ne contient que de l'étidronate disodique. De plus, le Didrocal n'est commercialisé qu'en format de 400 mg d'étidronate disodique, alors que le Didronel l'est en format de 200 mg.

[4]         Le 1er septembre 1999, Genpharm a déposé un avis d'allégation auprès du ministre à l'égard de comprimés proposés de 400 mg d'étidronate (les comprimés de 400 mg). Genpharm a désigné le Didrocal comme produit de référence canadien aux fins de démontrer la bioéquivalence et a allégué que les comprimés de 400 mg ne contreferaient pas le brevet 376.


[5]         Le 27 septembre 1999, Genpharm a déposé un avis d'allégation auprès du ministre à l'égard de comprimés proposés de 200 mg d'étidronate disodique (les comprimés de 200 mg), en désignant de nouveau le Didrocal comme produit de référence canadien aux fins de démontrer la bioéquivalence et en alléguant une fois de plus que les comprimés de 200 mg ne contreferaient pas le brevet 376.

[6]         À la suite de ces avis d'allégation, P & G ont intenté des procédures contre le ministre et Genpharm en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un ADC à Genpharm à l'égard des comprimés de 400 mg (dossier T-1825-99) et des comprimés de 200 mg (dossier T-1970-99). Ces procédures ont été entendues ensemble par le juge McKeown, qui a conclu que les avis d'allégation étaient viciés parce que l'énoncé détaillé ne fournissait pas suffisamment de faits à l'appui d'une allégation portant qu'aucune revendication ne serait contrefaite. Le juge McKeown a rendu une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un ADC à Genpharm tant à l'égard des comprimés de 200 mg qu'à l'égard des comprimés de 400 mg avant l'expiration du brevet 376 (l'ordonnance).

[7]         L'ordonnance a été confirmée à l'unanimité par la Cour d'appel fédérale le 8 juillet 2002. Le juge Rothstein, s'exprimant au nom de la Cour, a examiné le bien-fondé de la plainte de P & G portant que les comprimés de 200 mg et les comprimés de 400 mg de Genpharm contreferaient le brevet 376 et a conclu que les allégations de non-contrefaçon n'étaient pas fondées. La demande d'autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada de Genpharm a été refusée le 27 mars 2003.


[8]         En août 2002, Genpharm a déposé une seconde présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN) à l'égard de comprimés de 200 mg d'étidronate disodique pour le traitement de la maladie de Paget et de l'hypercalcémie de malignité (la PADN d'août 2002). Le Didronel en format de 200 mg a été désigné comme produit de référence. Puisque P & G ne possédaient aucun brevet à l'égard du Didronel en format de 200 mg, Genpharm et le ministre ont tous deux estimé que Genpharm n'était pas tenue d'aviser P & G ni de leur signifier un avis d'allégation (Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, par. 5(1) [ci-après appelé le Règlement]). Le 3 juin 2003, le ministre a délivré un ADC à Genpharm à l'égard de ses comprimés de 200 mg d'étidronate disodique, qu'elle entend commercialiser sous le nom de Gen-étidronate.

[9]         P & G font valoir que le Gen-étidronate est le même médicament que celui qui est visé par l'ordonnance du juge McKeown et que le ministre a commis une erreur en délivrant l'ADC à Genpharm. Au lieu d'intenter une action en contrefaçon de brevet une fois que Genpharm aura commencé à vendre le Gen-étidronate ou de présenter une requête séparée pour outrage au tribunal contre le ministre, P & G ont présenté la présente requête en vertu de la règle 399, en espérant mettre rapidement un frein à la vente du produit de Genpharm. P & G ont également déposé une demande séparée en vue d'obtenir une ordonnance annulant l'ADC.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]       La présente requête soulève deux questions :


1.         L'ordonnance devrait-elle être modifiée afin d'indiquer clairement au ministre et à Genpharm que l'interdiction relative à la délivrance d'un ADC à l'égard des comprimés Gen-étidronate renfermant 200 mg d'étidronate disodique vise également la délivrance d'un ADC à l'égard des comprimés Gen-étidronate renfermant 200 mg d'étidronate disodique approuvés le 3 juin 2003?

2.         L'ADC, s'il a été délivré en contravention de l'ordonnance, devrait-il être annulé par la Cour afin d'apporter la solution la plus juste, la plus expéditive et la plus économique possible à la question des droits conférés à P & G par l'ordonnance?

ANALYSE

Question 1 : L'ordonnance devrait-elle être modifiée?

[11]       L'ordonnance (modifiée) rendue par le juge McKeown le 15 octobre 2001 est ainsi libellée :

La demande est accueillie et il y a ordonnance d'interdiction enjoignant au défendeur, le ministre de la Santé, de ne pas délivrer d'avis de conformité à la défenderesse, Genpharm Inc., relativement à ses comprimés contenant 200 mg et 400 mg du produit étidronate disodique avant l'expiration du brevet canadien redélivré portant le numéro 1,338,376 (le brevet 376).

[12]       P & G ont présenté une requête pour faire modifier cette ordonnance en y ajoutant les mots [traduction] « avec effet rétroactif, interdisant l'avis de conformité délivré le 3 juin 2003 à Genpharm Inc. relativement à ses comprimés Gen-étidronate en format de 200 mg » . Selon la prétention de P & G, lorsque la Couronne ne respecte pas une ordonnance d'un tribunal, comme c'est le cas en l'espèce, la partie qui n'a commis aucun manquement est en droit de s'adresser à ce tribunal pour obtenir le renouvellement de l'ordonnance existante (Tetzlaff c. Canada (Ministre de l'Environnement), [1992] 2 C.F. 215 (C.A.)).


[13]       Selon moi, l'arrêt Tetzlaff, précité, ne s'applique pas en l'espèce. Dans cette affaire, le ministre s'est conformé à l'ordonnance du juge Muldoon en constituant une commission d'évaluation environnementale chargée d'entreprendre l'examen public d'un projet. Cependant, les membres de la commission ont démissionné par la suite, invalidant ainsi la mesure prise par le ministre pour se conformer à l'ordonnance. La Cour d'appel fédérale a conclu qu'il était loisible aux Tetzlaff de s'adresser à la Cour pour demander, en fait, un renouvellement de l'ordonnance rendue par le juge Muldoon. En l'espèce, le ministre n'a pas omis de faire quelque chose qu'on lui a ordonné de faire; on lui reproche plutôt d'avoir fait quelque chose qu'on lui a ordonné de ne pas faire - soit d'avoir délivré un ADC relativement aux comprimés de 200 mg. En outre, l'ordonnance demeure en vigueur jusqu'à l'expiration du brevet 376. Par conséquent, je ne pense pas qu'il soit nécessaire ou approprié que les demanderesses demandent le renouvellement de l'ordonnance comme ce fut le cas dans Tetzlaff, précité.


[14]       Le paragraphe 2 de la règle 399 des Règles de la Cour fédérale (1998), dans la mesure où il s'applique en l'espèce, procure à P & G un recours exceptionnel. La partie pertinente du paragraphe 2 de la règle 399 précise que cette Cour peut annuler ou modifier une ordonnance dans le cas où « des faits nouveaux sont survenus ou ont été découverts après que l'ordonnance a été rendue » . Cette règle ne donne pas à la Cour une nouvelle compétence initiale ou une compétence qui se prolonge dans le temps lui permettant de procéder à l'examen d'un jugement comme s'il s'agissait d'une première instance, et elle ne peut être utilisée comme moyen de revoir les jugements chaque fois qu'un changement dans les faits survient (Zeneca Pharma Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] A.C.F. no 2134 (C.A.) (QL) [ci-après appelé Zeneca Pharma]).

[15]       Pour me persuader d'appliquer la règle dans les circonstances de l'espèce, P & G doivent, en raison du caractère exceptionnel de celle-ci, satisfaire au rigoureux critère en trois volets suivant (Annacis Auto Terminals (1997) Ltd. c. Cali (Le), [1999] A.C.F. no 1579 (1re inst.) [ci-après appelé Annacis Auto Terminals]; Saywack c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 3 C.F. 189 (C.A.)) :

1.          il doit y avoir de nouveaux faits établis ou découverts après le prononcé de l'ordonnance;

2.          P & G doivent démontrer que les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt malgré qu'elles aient exercé une diligence raisonnable;

3.          P & G doivent établir que si les nouveaux faits avaient été mis en preuve dans l'action, l'ordonnance aurait probablement été différente.

(i)          Nouveaux faits

[16]       Pour satisfaire au premier volet du critère, P & G doivent me convaincre qu'il y a de nouveaux faits. L'expression « nouveaux faits » a un sens large et peut englober autre chose que des éléments de preuve nouveaux (Saywack, précité,Annacis Auto Terminals, précité). « Nouveaux faits » s'entend d'un élément du redressement demandé plutôt que d'un argument présenté au tribunal (Haque c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1141 (1re inst.) (QL)). Les nouveaux faits doivent être pertinents aux faits qui sont à l'origine de l'ordonnance initiale (Sim c. Canada, [1996] A.C.F. no 773 (1re inst.) (QL); Zeneca Pharma, précité).


[17]       En l'espèce, P & G font valoir que l'ADC du 3 juin délivré par le ministre constitue un nouveau fait. Genpharm allègue que la PADN d'août 2002 ne constitue pas un nouveau fait parce qu'il s'agit d'une demande d'autorisation de médicament distincte qui n'est pas pertinente aux faits qui sont à l'origine de l'ordonnance initiale.

[18]       À mon avis, il y a une certaine similitude entre les faits de l'espèce et ceux de la cause qui a été plaidée devant le juge McKeown et la Cour d'appel. Le simple fait que la nouvelle PADN ait été déposée et examinée séparément par le ministre ne signifie pas automatiquement que nous somme en présence d'une affaire différente susceptible de faire obstacle à l'application de la règle 399. Par conséquent, il se peut fort bien que l'ADC du 3 juin soit pertinent aux faits qui sont à l'origine de l'ordonnance initiale, et que le premier volet du critère applicable à la règle 399 soit rempli. Cependant, ce volet m'apparaît comme le moins important des trois volets du critère dans le contexte de la requête dont je suis saisie, et je dois m'abstenir de me prononcer de façon définitive sur celui-ci.

(ii)         Les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt

[19]       Comme je l'ai déjà mentionné, P & G doivent démontrer que les nouveaux faits n'auraient pu être découverts plus tôt malgré qu'elles aient exercé une diligence raisonnable. P & G affirment qu'elles n'auraient pu découvrir l'ADC du 3 juin plus tôt. Dans le contexte du Règlement, les renseignements transmis au ministre par un fabricant de médicaments comme Genpharm ont un caractère confidentiel (Apotex Inc. c. Canada (P.G.), [1993] A.C.F. no 427 (1re inst.) (QL); AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), [2000] 3 C.F. 360 (C.A.)). Par conséquent, les tiers, comme P & G, n'ont pas accès à ces renseignements (Apotex, précité). L'ADC a été délivré le 3 juin. P & G font valoir qu'elles en ont été informées le 13 juin et qu'elles ont déposé leur avis de requête cinq jours plus tard.


[20]       Toutefois, la correspondance contenue dans les pièces D à F jointes à l'affidavit de Louise McLean indique que P & G ont été mises au courant de l'intention de Genpharm de présenter une demande d'autorisation à l'égard d'un produit contenant 200 mg d'étidronate en avril 2002. P & G contestent cet élément de preuve, alléguant qu'il s'agit de ouï-dire. À mon avis, ces lettres ne sont pas invoquées pour la véracité de leur contenu et ne constituent donc pas une preuve par ouï-dire inadmissible. Les parties de la correspondance qui se rapportent à la possibilité que Genpharm présente une nouvelle demande à l'égard des comprimés de 200 mg sont pertinentes, peu importe que Genpharm ait vraiment eu cette possibilité, puisqu'elles ont servi à informer P & G que a) Genpharm pensait pouvoir présenter une nouvelle demande sans avoir à aviser P & G et b) Genpharm s'apprêtait à le faire. Par conséquent, ces lettres indiquent que P & G ont été mises au courant pour la première fois de l'intention de Genpharm de présenter une nouvelle demande à l'égard des comprimés de 200 mg le 9 avril 2002.

[21]       Par conséquent, même si P & G n'ont pas vraiment eu connaissance de l'ADC du 3 juin avant le 13 juin, soit cinq jours avant de déposer leur dossier de requête, la preuve révèle que P & G savaient qu'il était possible qu'un nouvel avis de conformité soit demandé par Genpharm dès avril 2002. Même si elles auraient pu le faire, P & G n'ont pris aucune mesure à cet égard avant le 18 juin 2003. Il m'est impossible de conclure que le nouveau fait n'aurait pu être découvert plus tôt par P & G malgré qu'elles aient exercé une diligence raisonnable.

[22]       Puisque P & G doit satisfaire aux trois volets du critère applicable à la règle 399, cette conclusion suffirait à trancher la question. Cependant, je ne considère pas non plus ce volet comme le plus important.


(iii)        L'ordonnance aurait probablement été différente

[23]       Dans le contexte spécifique de la présente requête, le troisième volet du critère est le plus important. Qu'il s'agisse ou non d'un nouveau fait (ce qui est possible), et peu importe que P & G aient pu découvrir le nouveau fait plus tôt (ce qui semble être le cas), la question de savoir si l'ordonnance aurait été différente si la Cour avait été au courant de l'existence de cette troisième PADN revêt une importance fondamentale.

[24]       P & G prétendent qu'une lecture attentive du jugement rendu par le juge Rothstein révèle que la Cour d'appel s'est penchée sur exactement le même médicament (des comprimés de 200 mg d'étidronate disodique) que celui qui avait d'abord été présenté par Genpharm aux mêmes fins que celles proposées en l'espèce (le traitement de la maladie de Paget et de l'hypercalcémie de malignité). Dans ses motifs, le juge Rothstein de la Cour d'appel ne s'est pas laissé abuser par le « stratagème » de Genpharm et il a conclu que, malgré les allégations de la compagnie quant à l'utilisation du médicament, Genpharm cherchait à pénétrer le marché lucratif du traitement de l'ostéoporose. Donc, selon la prétention de P & G, si on avait employé exactement le même raisonnement que celui de la Cour d'appel, une interdiction empêchant le ministre de délivrer l'ADC du 3 juin aurait sans doute été incluse ou prévue dans l'ordonnance initiale.


[25]       Tout en affirmant que l'ordonnance est « claire comme de l'eau de roche » , P & G demandent qu'elle soit modifiée ou clarifiée par l'ajout d'une mention spécifique d'une interdiction relative au Gen-étidronate à l'intention du ministre qui l'a mal comprise, comme ce fut le cas dans Whyte c. Sandpiper VI (Le), 2002 CFPI 572, [2002] A.C.F. no 760 (QL). Cependant, j'estime que la présente affaire peut être distinguée de l'affaire Whyte, précitée, où il n'était pas clair si le fait que le mandat de saisie ait été enlevé du bateau du défendeur constituait une raison pour laquelle les défendeurs pouvaient être reconnus coupables d'outrage au tribunal relativement à une ordonnance du protonotaire. Le juge Heneghan a rendu, de son propre chef, une ordonnance incluant spécifiquement ce fait comme motif d'outrage au tribunal, en se fondant sur les motifs de l'ordonnance du protonotaire, qui eux faisaient clairement état de ce motif ajouté par le juge Heneghan. En l'espèce, par contre, les motifs des tribunaux ne font pas clairement mention des comprimés visés par la présente requête.

[26]       En fait, on me demande de me mettre à la place du juge McKeown et des honorables juges de la Cour d'appel qui ont instruit l'affaire, et de déterminer ce qu'ils auraient fait si la PADN d'août 2002 leur avait été soumise. Cela fait de la présente requête une demande très exigeante, à laquelle je n'entends acquiescer que dans le plus clair des cas.

[27]       Il ressort clairement des motifs qu'aucun des tribunaux n'a examiné spécifiquement la question de savoir si la fabrication et la vente par Genpharm d'un produit de type Didronel entraîneraient une contrefaçon de brevet. Les motifs des deux tribunaux mettent l'accent sur l'utilisation des comprimés de Genpharm à des fins de prise en charge de l'ostéoporose plutôt qu'à des fins de traitement de l'hypercalcémie ou de la maladie de Paget.


[28]       Le juge McKeown a examiné la demande qui lui a été présentée sous l'angle de la procédure. Plus particulièrement, il ne s'est pas penché sur le bien-fondé de la demande. Sa décision étant muette sur ce point, il m'est donc impossible de savoir s'il aurait inclus le médicament visé par l'ADC du 3 juin dans la même ordonnance. Toutefois, la Cour d'appel a ensuite confirmé l'ordonnance du juge McKeown et elle a effectivement examiné, de façon assez détaillée, le bien-fondé de la demande.

[29]       Il ressort des motifs de la Cour d'appel fédérale que P & G s'inquiétaient du fait que Genpharm avait l'intention de commercialiser ses comprimés de 200 mg à des fins de prise en charge de l'ostéoporose; l'absence de mise en garde contre une telle utilisation dans la monographie du produit a été citée comme preuve de cette intention. Par contre, la monographie des comprimés de 200 mg visés par l'ADC du 3 juin et par la présente requête indique clairement que ceux-ci ne devraient pas être utilisés à des fins de prise en charge de l'ostéoporose. Par conséquent, il ne m'apparaît pas certain que si elle avait eu connaissance de ce fait, la Cour d'appel aurait interdit au ministre de délivrer un ADC à l'égard de ce médicament

[30]       En outre, je remarque que l'ordonnance initiale interdit expressément au ministre de délivrer un ADC à l'égard des comprimés de 200 mg avant l'expiration du brevet 376. La PADN d'août 2002 ne fait mention d'aucun médicament breveté. D'après moi, si le juge McKeown avait été au courant de l'intention de Genpharm de déposer une nouvelle PADN à l'égard des comprimés de 200 mg pour le traitement de la maladie de Paget et de l'hypercalcémie, en faisant référence au médicament Didronel non protégé par un brevet, je ne suis pas convaincue que son ordonnance aurait été différente.


[31]       Finalement, étant donné les différences qui existent entre la PADN d'août 2002 et celle qui a été examinée par les tribunaux dans le contexte de l'ordonnance initiale, il serait hautement spéculatif de tenter de prévoir le résultat. Le juge McKeown et la Cour d'appel auraient-ils tiré une conclusion différente quant à l'ordonnance et étendu la portée de celle-ci à toutes les demandes futures de Genpharm en vue d'obtenir l'autorisation de vendre des comprimés d'étidronate disodique, en particulier celles faisant référence au Didronel, à l'égard duquel aucun brevet n'a été inscrit? De plus, l'ordonnance aurait-elle fait mention de la PADN d'août 2002 si les tribunaux avaient su que Genpharm avait l'intention de déposer cette PADN? Le contenu du dossier qui m'a été soumis ne suffit pas à résoudre ces incertitudes.

[32]       Étant donné le nombre de questions soulevées, il m'est impossible de conclure que l'ordonnance aurait probablement été différente. Compte tenu du peu de faits dont je dispose, je ne le sais tout simplement pas. Ainsi, le troisième volet du critère n'a pas été rempli et les exigences relatives à l'application de la règle 399 n'ont pas été satisfaites. La question de savoir si la délivrance d'un ADC à l'égard de ce produit devrait être interdite est une question qui ne peut et ne devrait être tranchée qu'à la suite d'une audience en bonne et due forme en se fondant sur un dossier complet, et non sur la règle 399.

(iv)        Conclusion

[33]       Pour ces motifs, je suis d'avis de rejeter la requête en vue d'obtenir une ordonnance modifiant l'ordonnance du juge McKeown. Tel que mentionné plus haut, P & G ont déposé un avis de demande en vue d'obtenir l'annulation de l'ADC du 3 juin. Si la demande est entendue, toutes les parties auront une meilleure possibilité d'examiner les faits et les questions se rapportant à la délivrance de l'ADC du 3 juin.


Question 2 : L'ADC devrait-il être annulé?

[34]       Vu mes conclusions sur la première question, il ne m'est pas nécessaire d'aborder la seconde. Ici encore, j'attire l'attention sur la demande séparée de P & G, qui portera plus directement sur cette question.

DÉPENS

[35]       Toutes les parties ont demandé les dépens de la présente requête sur la base avocat-client. Les parties ne m'ont pas convaincue que, compte tenu de la nature de la présente requête, les dépens sur la base avocat-client étaient justifiés. Les dépens seront accordés à Genpharm et au ministre, et ils seront taxés conformément à la colonne III du tableau du tarif B.

                                                                     ORDONNANCE

La Cour ordonne que la requête soit rejetée, et que les dépens soient accordés aux défendeurs conformément à la colonne III du tableau du tarif B.

« Judith A. Snider »

                                                                   

Juge      

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B., D.D.N.


                                                                 COUR FÉDÉRALE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-1970-99

INTITULÉ :                                        LA COMPAGNIE PHARMACEUTIQUE PROCTER &

GAMBLE CANADA INC. ET AL. c. LE MINISTRE DE

LA SANTÉ ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                 OTTAWA

DATE DE L'AUDIENCE :              11 JUILLET 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

EN DATE DU :                                   24 JUILLET 2003

COMPARUTIONS :

ANDREW SHAUGHNESSY                                                     POUR LES DEMANDERESSES

SHEILA BLOCK

ROGER HUGHES                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE,

KAMLEH NICOLA                                                                      GENPHARM INC.

ERIC PETERSON                                                                         POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

AVOCATS INSCRITS QU DOSSIER :

TORYS s.r.l.                                                                                   POUR LES DEMANDERESSES

TORONTO

SIM, HUGHES, ASHTON & McKAY s.r.l.                              POUR LA DÉFENDERESSE,

TORONTO                                                                                    GENPHARM INC.

MORRIS ROSENBERG                                                              POUR LE DÉFENDEUR,

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL                                              LE MINISTRE DE LA SANTÉ

DU CANADA


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