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Date : 20031010

Dossier : IMM-4645-02

Référence : 2003 CF 1180

(Ottawa) Ontario, le 10 octobre 2003

Présente : L'honorable juge Tremblay-Lamer

ENTRE :

                      JUANA UBALDINA GARCIA MEJIA

                              MARTIN CIRILO

                               MARIO CIRILO

                                                               Demandeurs

                                    et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                          ET DE L'IMMIGRATION

                                    

                                                                Défendeur

                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le « tribunal » ) selon laquelle, M. Ruiz, époux de la demanderesse, la demanderesse et ses enfants ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention.


[2]                 M. Ruiz conteste les conclusions du tribunal dans le dossier portant le numéro IMM-4644-02 du greffe de la Cour fédérale.

[3]                 Mme Mejia fonde sa crainte de persécution sur son appartenance à un groupe social particulier, la famille en raison de ses liens avec son époux lequel fut l'objet de persécution de la part du Sentier Lumineux (SL), de militaires corrompus et de narcotrafiquants.

[4]                 M. Ruiz, la demanderesse et leurs deux enfants, Martin, âgé de 5 ans, et Mario, âgé de 10 ans, sont tous des citoyens péruviens. M. Ruiz s'est joint à la Marine du Pérou en 1984 et fut assigné au cours des années suivantes à plusieurs zones d'urgence au pays. Les demandeurs allèguent avoir quitté le pays le 15 mars 2001 suite aux événements qui ont suivi la capture d'une dizaine de subversifs par la patrouille du demandeur le 15 janvier 2001.


[5]                 Le tribunal refusa la demande de tous les membres de la famille. Il n'accorda aucune crédibilité au témoignage du demandeur principal, soulevant plusieurs omissions, contradictions, incohérences et invraisemblances dans son histoire et ne fut satisfait par ses explications. Cependant, le tribunal conclut que de toute façon les problèmes vécus n'avaient aucun lien avec l'un des cinq motifs de la Convention, mais étaient plutôt reliés à la collusion existant entre les subversifs, les narcotrafiquants et les militaires corrompus.

[6]                 La jurisprudence a établi que les victimes de criminalité ou de vengeance personnelle ne constituent pas un groupe social au sens de la Convention (Chan c. Canada (M.E.I.), [1995] 3 R.C.S. 593; Ward c. Canada, [1993] 2 R.C.S. 689; Calero c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1159 (QL); Karpounin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 371 (QL); Wilcox c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1157 (QL); Marincas c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1254 (QL)).

[7]                 La demanderesse soumet que le tribunal ne pouvait rejeter sa revendication ainsi que celles de ses enfants pour ce motif puisqu'une telle conclusion n'est pas conforme à la jurisprudence applicable, plus particulièrement l'arrêt Klinko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] 3 C.F. 327. Je ne suis pas de cet avis.


[8]                 Il est vrai que depuis l'arrêt Klinko, supra, dans les cas où les éléments corrompus sont si répandus au sein du gouvernement qu'ils font partie de la structure de ce dernier, une dénonciation de la corruption constitue l'expression d'une « opinion politique » . Il est évident qu'une personne qui ne fait qu'obéir à des ordres sans dénoncer la corruption ne peut pas déclarer avoir exprimé une « opinion politique » .

[9]                 La demanderesse soutient que le demandeur principal et sa famille avaient subi des représailles parce que M. Ruiz était perçu comme une personne qui combattait la corruption par une alliance de narcotrafiquants et de militaires corrompus. Hors, cette prétention ne repose sur aucun élément de preuve. Cette Cour s'est penchée récemment sur une situation semblable dans l'arrêt Stefanov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 954 (QL), où le demandeur revendiquait le statut de réfugié car il avait refusé de modifier un logiciel qu'il avait créé pour aider un groupe de crime organisé bulgare à détourner des fonds. Au paragraphe 26, le juge Blanchard écrit:

Le demandeur soutient qu'il s'agit d'un cas dans lequel la preuve permet de conclure que la seule ou la principale raison pour laquelle il avait été persécuté était qu'il s'était insurgé contre la corruption, de sorte qu'il existe un lien avec un des motifs reconnus par la Convention. Je ne suis pas de cet avis. À mon sens, la preuve ne démontre pas que l'opposition du demandeur à la corruption repose sur des opinions politiques dans lesquelles l'appareil étatique peut être engagé. Les agissements du demandeur à l'occasion de cet incident isolé ne démontrent pas l'existence d'opinions politiques fondées sur des convictions politiques.

[10]            Ces conclusions sont applicables dans le présent dossier.


[11]            Quant à la question de la protection de l'État, cette question ne se pose qui si la revendication a d'abord établi le lien entre sa crainte et l'un des motifs de la définition. Le juge Richard s'est exprimé ainsi à ce sujet dans l'affaire Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1995] A.C.F. no 189 au paragraphe 9:

[...] Selon l'arrêt Ward, la Commission peut présumer qu'un demandeur craint avec raison d'être persécuté, s'il fournit des éléments de preuve clairs et convaincants de l'incapacité de l'état de le protéger. Toutefois, l'établissement de cette présomption dépend de la conclusion selon laquelle le demandeur a une crainte légitime d'être persécuté aux termes de la définition. Étant donné la conclusion de la section du statut selon laquelle la crainte du requérant n'est liée à aucun des motifs énoncés dans la définition, mais à une vengeance personnelle causée par des intérêts financiers, on ne peut présumer que le requérant craint avec raison d'être persécuté.

[12]            Quoi qu'il en soit, la demanderesse n'a pu identifier ni les individus qui leur ont proféré des menaces ni ses agresseurs du 10 février lesquels portaient des cagoules. Les informations étaient donc trop vagues et imprécises pour permettre aux policiers d'enquêter efficacement sur les agressions commises (Smirnov c. Canada (Secrétaire d'État), [1995] 1 C.F. 780). Comme l'indique le juge Gibson dans cette affaire au paragraphe 11:

[...] Dans de tels cas, même la police la plus efficace, la mieux équipée et la plus motivée aura de la difficulté à fournir une protection efficace. Notre Cour ne devrait pas imposer à d'autres pays une norme de protection « efficace » que malheureusement la police de notre propre pays ne peut parfois qu'ambitionner d'atteindre.

[13]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                      « Danièle Tremblay-Lamer »   

J.C.F.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               IMM-4645-02

INTITULÉ :                              JUANA UBALDINA GARCIA MEJIA

MARTIN CIRILO, MARIO CIRILO

                                                                                               demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 24 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                          L'honorable juge Tremblay-Lamer

DATE DES MOTIFS :                        Le 10 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Me Alain Joffe                           Demandeur

Me Michel Pépin                                     Défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Alain Joffe

606-10 St-Jacques

Montréal (Qc)

H2Y 1L3                                                              Demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Montréal, Québec                                                Défendeur


COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

Section du Statut de réfugié

200, boul. René-Lévesque Ouest

Tour Est, Bureau 102

Montréal (Québec)

H2Z 1X4

Tél: 514-283-7733                                           Tribunal


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