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Date : 20031223

Dossier : T-2274-00

Référence : 2003 CF 1518

Ottawa (Ontario), le mardi 23 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                   SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                          demanderesse

                                                                       et

                             IPSCO RECYCLING INC. et GENERAL SCRAP &

CAR SHREDDER LTD., maintenant connues sous le nom de JAMEL METALS INC.,

exploitant une entreprise enregistrée comme société

sous le nom et la dénomination sociale de

GENERAL SCRAP PARTNERSHIP et XPOTENTIAL PRODUCTS INC.,

JACOB LAZARECK ET MELVIN LAZARECK

                                                                                                                               défendeurs

                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON


[1]                Dans la présente demande, Sa Majesté la Reine, représentée par le ministre de l'Environnement (la demanderesse ou Environnement Canada), sollicite une injonction mandatoire permanente contre les défendeurs en vertu de l'article 311 de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), 46-47-48 Eliz. II, ch. 33 (la Loi). L'injonction demandée obligerait les défendeurs, ainsi que leurs mandataires et employés, à stocker tous les matériels contenant des BPC sur les lieux d'affaires de General Scrap & Car Shredder Ltd. et XPotential Products Inc., et qui sont présentement empilés à découvert ou stockés d'une autre façon inappropriée, dans des conteneurs suffisamment durables et robustes pour prévenir la fuite des BPC solides et des substances contenants des BPC ou empêcher qu'ils soient affectés par les conditions climatiques.

[2]                Les présents motifs sont longs. Aux termes de ceux-ci, j'arrive à la conclusion que, vu l'ensemble de la preuve, Environnement Canada n'a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que les défendeurs ont commis une infraction à la Loi en stockant de façon inappropriée les matériels contenant des BPC. En conséquence, la demande d'injonction est rejetée. Par souci de commodité, voici un index des rubriques et sous-rubriques sous lesquelles j'ai regroupé les présents motifs ainsi que les numéros des paragraphes du début de chacune d'elles.

Index

I.           Les faits

i)           Les parties [3]

ii)          General Scrap et ses activités [6]

iii)          XPotential et ses activités [13]

iv)         Les matériels contenant des BPC [17]

v)          Le différend entre les parties [18]

vi)         L'état des matériels en litige [41]


vii)         L'ordonnance sollicitée [42]

II.         Les questions en litige [45]

III.        L'analyse

i)           Quelles sont les conditions à remplir pour l'obtention d'une injonction sous le régime du paragraphe 311(1) et quelle est la portée de ce paragraphe? [46]

a) L'application du paragraphe 311(1) est-elle limitée aux cas exceptionnels? [47]

b) Les éléments constitutifs du paragraphe 311(1) [52]

1. Le libellé - sens ordinaire et grammatical [56]

- le libellé et la norme de preuve [58]

- le libellé et la prévention des infractions [69]

2. Le contexte

- l'économie de la Loi [80]

c) Conclusions relative à la portée du paragraphe 311(1) en ce qui concerne les situations existantes et en cours [95]

ii)          Les matériels contiennent-ils tous des BPC ou est-ce seulement certains d'entre eux? [98]

a) La preuve produite à l'appui de la demande [100]

1. Affidavit de M. Mervin Fingas [101]

2. Affidavit de Mme Shannon Kurbis [107]

b) La preuve produite en défense [108]

         1. Affidavit de M. Jacob (Jack) Lazareck [109]

         2. Affidavit de M. David Clark [113]

         3. Affidavit de M. Jan Merks [118]

         4. Affidavit de M. Michael Bertram [126]

         5. Affidavit de M. Detlef Birkholz [130]

          6. Affidavit de M. Donald Davies [132]

c) Analyse de la preuve [133]


       1. La validité des données d'Environnement Canada [137]

- Le rapport de 1999 d'Environnement Canada est-il fondé sur des échantillons insuffisants et sur un système d'échantillonnage inapproprié? [139]

- Environnement Canada a-t-il dérogé à son plan d'échantillonnage? [152]

- Environnement Canada a-t-il employé une méthode inférieure d'échantillonnage? [155]

       2. L'utilisation des résultats des tests individuels [179]

       3. L'utilisation des analyses statistiques[194]

III.        Si certains matériels ou tous les matériels contiennent des BPC, quels défendeurs contreviennent au règlement? [233]

IV.        Conclusion, ordonnance et dépens [237]

I. LES FAITS

i) Les parties

[3]                Les défenderesses General Scrap Partnership (General Scrap) et XPotential Products Inc. (XPotential) exploitent des entreprises de recyclage.

[4]                General Scrap est une entreprise enregistrée comme société, formée à l'origine de IPSCO Recycling Inc. (IPSCO) et de Jamel Metals Inc. (Jamel). Jamel est le successeur des sociétés General Scrap & Car Shredder Ltd. Selon le témoignage incontesté de l'unique témoin à avoir une connaissance personnelle de la structure des sociétés défenderesses, IPSCO détient actuellement 100 pour cent des actions de General Scrap. J'accepte ce témoignage.


[5]                Les frères Jacob et Melvin Lazareck sont les dirigeants, administrateurs et actionnaires de Jamel. M. Jacob Lazareck est venu témoigner, et j'accepte son témoignage, que son frère et lui ne participent plus à l'administration courante de General Scrap. M. Jacob Lazareck est l'unique propriétaire, dirigeant, administrateur et gestionnaire de XPotential.

(ii) General Scrap et ses activités

[6]                En 1967, General Scrap & Car Shredder Ltd. a ouvert ses portes comme entreprise de déchiquetage de carcasses de véhicules automobiles, la première au Canada, sur Springfield Road, à Winnipeg (installations de General Scrap). L'entreprise General Scrap poursuit ses activités de déchiquetage à cet endroit.


[7]                Une déchiqueteuse de véhicules automobiles est une grosse machine industrielle dotée d'un moteur de grande puissance. Les rebuts (notamment des carcasses de véhicules automobiles ou des gros appareils électroménagers) sont insérés dans l'ouverture de la déchiqueteuse. Le moteur puissant fait tourner une série de rotors à grande vitesse. De gros marteaux d'acier fixés aux rotors réduisent les rebuts insérés dans la déchiqueteuse en morceaux de la grosseur d'un poing. Les morceaux déchiquetés passent ensuite dans un tambour magnétique qui sépare les métaux ferreux des métaux non ferreux. Ces derniers (notamment le cuivre et l'aluminium) sont récupérés à une étape ultérieure du processus. Les autres matériaux non métalliques qui ne sont pas récupérés constituent ce qui s'appelle dans l'industrie des résidus de déchiquetage de carcasses de véhicules automobiles (RDA).

[8]                Les RDA forment un mélange particulièrement hétérogène, solide et généralement de couleur brun moyen à brun foncé. Ce mélange est en grande partie composé de plastique et de mousse, mais contient également des morceaux de métal, de caoutchouc, de tissu, de tapis, de bois, de fils métalliques et de verre, ainsi que des saletés et d'autres matières. Les composantes des RDA sont de différentes grosseurs et varient de la fine poussière à des pièces de mousse, de tissu et de caoutchouc de plus d'un pied de longueur. On peut même retrouver des objets entiers dans les RDA.


[9]                L'utilisation des BPC a été interdite au Canadaen 1977. Avant l'entrée en vigueur de cette interdiction, des composantes ou des éléments contenant des BPC étaient utilisés dans la fabrication de véhicules automobiles et d'appareils électroménagers. Les BPC servaient d'additifs pour les peintures, le caoutchouc, la mousse, les produits d'étanchéité et les plastiques. On peut retrouver des BPC dans les systèmes d'allumage des automobiles, les condensateurs d'appareils électroménagers, le câblage et les pièces de transformateurs, les moteurs électriques, les climatiseurs et les appareils hydrauliques. Lorsque de vieux véhicules ou de vieux appareils électroménagers sont déchiquetés, les BPC qu'ils peuvent contenir restent dans les RDA en faibles concentrations. Une petite pièce électrique contenant seulement 500 grammes de BPC peut contaminer jusqu'à 10 tonnes de RDA au-delà du seuil réglementaire de concentration autorisée de BPC.

[10]            Compte tenu de la variété de matières susceptibles d'être déchiquetées d'un chargement à l'autre, le degré de contamination en BPC des RDA peut varier. Il est possible de trouver différentes quantités de BPC ainsi que différents degrés de contamination des RDA à l'intérieur des piles de stockage. M. Lazareck a reconnu qu'il était possible qu'il y ait des « points chauds » ou de petites zones où la concentration est de plus 50 ppm. Tel que mentionné précédemment, le seuil réglementaire est de 50 parties par million (ppm).

[11]            Environ 20 000 tonnes métriques de RDA sont entreposées aux installations de General Scrap. Les RDA sont répartis en trois zones identifiées par Environnement Canada comme étant la « pile est » , la « pile ouest » et la « pile du centre » . La majorité des matériels sont entreposés sous le niveau naturel des sols parce qu'ils ont été utilisés comme remblai pour les dépressions de terrain. Les piles est et ouest s'élèvent à environ 2 mètres au-dessus du niveau du sol. La pile du centre ne fait l'objet d'aucune plainte en l'espèce.


[12]            Les RDA des trois piles des installations de General Scrap sont des résidus produits approximativement entre 1969 et 1978. Aucun nouveau RDA n'a été ajouté à ces piles depuis environ 1994. Tel qu'indiqué précédemment, les nouveaux RDA sont directement transportés aux installations de XPotential.

(iii) XPotential et ses activités

[13]            XPotential a été constitué en personne morale pour tirer profit d'une nouvelle technique en matière de recyclage permettant de combiner des RDA avec des plastiques de post-consommation en vue de produire des produits vendables tels que des bordures de stationnement, des pavés pour passages paysagers, des poteaux de clôture, des traverses de chemin de fer et des poutres non structurales.


[14]            XPotential gère un établissement situé à approximativement un mille à l'est des installations de General Scrap (XPotential). Le site est constitué d'une usine et d'une zone de cellules de stockage. Les RDA fournis par General Scrap sont entreposés dans des cellules de stockage pour un emploi ultérieur comme matière première. Le ministère de l'Environnement du Manitoba (maintenant appelé le ministère de la Conservation du Manitoba) a accordé un permis pour la construction de l'usine et le déplacement de RDA vers les cellules de stockage de l'emplacement de XPotential. XPotential fait des rapports périodiques au ministère de la Conservation du Manitoba en ce qui concerne les puits de surveillance des eaux souterraines qui sont entretenus aux installations de XPotential. Même s'il était au courant de la demande présentée en l'espèce par Environnement Canada, le ministère de la Conservation du Manitoba n'a pas indiqué à XPotential qu'il se préoccupait des BPC stockés sur son site.

[15]            Depuis juillet 1996, XPotential a reçu approximativement 125 000 tonnes de RDA nouvellement produits par General Scrap, qu'elle a entreposées dans des cellules de stockage sur son site. Les RDA nouvellement produits aux installations de General Scrap continuent à être envoyés aux installations de XPotential pour y être utilisés dans son procédé de fabrication.

[16]            La zone de cellules de stockage est, pour l'essentiel, un grand espace d'entreposage divisé en plusieurs compartiments ou cellules. Ces dernières ont une profondeur de deux mètres sous le niveau du sol, et de l'argile naturelle est compactée de façon à ériger des bermes d'une hauteur de 2 mètres entre les cellules ainsi que le long du périmètre des cellules. La zone de cellules est divisée en 6 cellules de stockage de RDA, une cellule de séchage (où les RDA sont séchés à l'air avant leur utilisation) ainsi qu'une cellule indépendante de rétention des eaux. Selon Environnement Canada, ce sont les RDA des cellules nos 4 et 5 ainsi que la cellule de séchage qui sont préoccupants. Les RDA de ces cellules sont des RDA qui avaient été entreposés pendant plusieurs années aux installations de General Scrap et de nouveaux matériels.


(iv) Les matériels contenant des BPC

[17]            Le Règlement sur le stockage des matériels contenant des BPC, DORS/92-507 (le Règlement) définit comme « matériel contenant des BPC » tout matériel qui contient plus de 50 ppm de BPC. Les matériels contenant des BPC en quantité de 100 kg ou plus doivent être stockés, faire l'objet d'un rapport, être étiquetés et manipulés de la manière prescrite par le Règlement. Le défaut de se conformer au Règlement constitue une infraction à la Loi.

(v) Le différend entre les parties

[18]            En septembre 1997, Environnement Canada a avisé les défendeurs qu'il avait l'intention de procéder à une inspection des installations de General Scrap et de XPotential et de prendre des échantillons de RDA à des fins d'analyse visant à déterminer leur concentration en BPC.

[19]            En conséquence, General Scrap et XPotential ont demandé à Wardrop Engineering Inc. (Wardrop) de procéder à un échantillonnage et à une analyse des RDA. Le but de cette opération était de déterminer si les RDA des installations de General Scrap et de XPotential contenaient des BPC au sens du Règlement.


[20]            En réponse à cette demande, Wardrop a, en date du 16 octobre 1997, produit un rapport dans lequel elle décrivait le processus de prélèvement des échantillons et l'analyse des 24 échantillons de RDA qu'elle avait prélevés aux installations de XPotential et de General Scrap. Wardrop est notamment arrivée aux conclusions suivantes :

1.          Les concentrations en BPC des échantillons analysés variaient de 8 à 49 ppm.

2.          À un intervalle statistique de fiabilité de 80 %, les concentrations en BPC des RDA étaient situées entre 20,9 et 27,5 ppm, ce qui était sous le seuil réglementaire.

[21]            Ces résultats ont été transmis à Environnement Canada le 17 octobre 1997.

[22]            Environnement Canada a fait sa propre enquête et son propre prélèvement d'échantillons. Wardrop a été embauchée par General Scrap et XPotential pour prélever des duplicatas de ces échantillons aux mêmes endroits qu'Environnement Canada. Les échantillons ont été prélevés sur les deux sites entre les 20 et 23 octobre 1997.


[23]            Dans un rapport portant sur les mois de septembre à décembre 1997 (Rapport de 1997 d'Environnement Canada), Environnement Canada a relevé, à trois endroits, des concentrations moyennes en BPC dépassant le seuil réglementaire de 50 ppm. Il s'agissait de la pile ouest des installations de General Scrap (85,4 ppm) et des cellules de stockage nos 5 et 6 des installations de XPotential (respectivement 61,3 et 96,7 ppm). General Scrap et XPotential ont mandaté Wardrop pour faire l'analyse des duplicatas prélevés aux mêmes endroits que ceux d'Environnement Canada, soit dans la pile ouest et dans les cellules nos 5 et 6, pour en vérifier la concentration en BPC.

[24]            Le second rapport préparé par Wardrop à la suite de cette entente indiquait notamment ceci :

1.          La concentration des échantillons duplicatas prélevés dans des RDA variait entre 10 et 42 ppm;

2.          Dans la pile ouest, à un intervalle de confiance statistique à 95 %, les concentrations en BPC se situaient entre 30,6 et 38 ppm;

3.          Dans la cellule no 5, l'unique échantillon prélevé indiquait une concentration en BPC de 34 ppm;

4.          Dans la cellule no 6, à un intervalle de confiance statistique à 95 %, les concentrations en BPC se situaient entre 11,9 et 26,7 ppm.


[25]            Wardrop a conclu que la concentration en BPC des RDA concernés ne dépassait pas le seuil réglementaire.

[26]            En février 1998, Environnement Canada a écrit aux défendeurs pour les aviser que, selon son rapport de 1997, il avait déterminé que General Scrap et XPotential contrevenaient au Règlement. Cependant, le protocole d'analyse par lequel Environnement Canada est parvenu aux résultats contenus dans son rapport de 1997 n'était pas le protocole prévu aux termes du Règlement. Par conséquent, Environnement Canada est plus tard arrivé à la conclusion qu'il ne pouvait prendre des mesures en se fondant sur ce rapport. Il a donc convenu de retirer sa conclusion selon laquelle General Scrap et XPotential contrevenaient au Règlement.

[27]            En septembre 1998, Environnement Canada a informé les défendeurs qu'il prélèverait de nouveaux échantillons et procéderait à une nouvelle analyse. Du 21 au 25 septembre 1998, ses représentants se sont rendus aux installations de General Scrap et de XPotential dans ce but. Un ingénieur en environnement, embauché par Wardrop, et des membres du personnel de General Scrap et XPotential supervisaient le prélèvement d'échantillons par Environnement Canada.


[28]            En décembre 1998, General Scrap et XPotential ont retenu les services de Dillon Consulting Limited (Dillon) pour faciliter les discussions avec Environnement Canada dans le but de régler les questions en litige entre eux.

[29]            En janvier 1999, Environnement Canada a publié le rapport final sur l'échantillonnage (rapport de 1999 d'Environnement Canada). Ce rapport indique que deux piles de RDA des installations de General Scrap ainsi que trois des quatre zones de stockage des installations de XPotential comportaient des concentrations en BPC dépassant 50 ppm. La moyenne de concentrations en BPC des piles contaminées et les intervalles de confiance (de probabilité) des concentrations à 95 % étaient les suivants :

Moyenne                Intervalle de probabilité à 95 %

(minimum absolu) (de la limite inférieure à la limite supérieure)

_______________________________________________________________________

General Scrap

Pile est                                    59,7 ppm                                                 67,0 à 82,8 ppm

Pile du centre                         41,2 ppm                                                 46,3 à 57,1 ppm

Pile ouest                                54,6 ppm                                                 61,3 à 75,7 ppm

XPotential

Cellule no 4                             65,3 ppm                                                 73,3 à 90,6 ppm

Cellule no 5                             50,7 ppm                                                 56,9 à 70,3 ppm

Cellule no 6                             42,0 ppm                                                 47,2 à 58,3 ppm

Cellule de séchage                50,8 ppm                                                 57,0 à 70,5 ppm

[30]            Le 8 février 1999, Environnement Canada a fait parvenir son rapport de 1999 à General Scrap.


[31]            En avril 1999, General Scrap et XPotential ont avisé Environnement Canada des intentions suivantes :

1.          Ils allaient procéder au prélèvement et à la caractérisation d'autres échantillons de RDA qu'Environnement Canada avait identifiés comme étant des matériels contenant des BPC;

2.          General Scrap entendait mettre en place un processus d'identification des sources les plus fréquentes de BPC dans ses déchets et prendre des mesures pour contrôler l'importation de ceux-ci en exigeant que ses fournisseurs retirent d'abord les sources potentielles de BPC dans l'instrumentation des appareils électroménagers avant leur livraison à General Scrap.

3.          Des données sur le sol et les eaux souterraines allaient être recueillies à proximité des zones de stockage des RDA aux installations de General Scrap et de XPotential et seraient envoyées à Environnement Canada.

4.          General Scrap s'est engagée à continuer de surveiller l'émergence de nouvelles technologies économiques et réalisables pour l'extraction de concentrations peu élevées en BPC dans les RDA.


[32]            Environnement Canada a répondu à cette correspondance par lettre en date du 30 avril 1999. Le ministère y soutient que General Scrap n'a pas fourni de plan détaillé indiquant les mesures spécifiques qu'elle entendait prendre et les délais prévus pour les mettre en oeuvre et se conformer. Environnement Canada souhaitait ainsi démontrer le manque d'engagement à se conformer aux exigences du Règlement.

[33]            M. Jan Merks de Matrix Consulting Limited a été embauché comme expert par General Scrap et XPotential pour aider Dillon à mettre en place le processus de prélèvement d'échantillons et à interpréter les données résultant de l'analyse des échantillons.

[34]            En septembre 1999, General Scrap et XPotential ont avisé Environnement Canada que Dillon avait établi un plan de prélèvement d'échantillons qu'il prévoyait entreprendre le 27 septembre 1999. Ce plan a été complété avec l'aide de M. Merks.


[35]            Dillon a mis à exécution le plan de prélèvement d'échantillons du 27 septembre au 8 octobre 1999 en commençant par les prélèvements dans la cellule no 5 des installations de XPotential. Il a appliqué trois méthodes différentes d'échantillonnage pour déterminer quelle méthode allait fournir les résultats les plus précis. La première méthode est une copie de la méthode employée par Environnement Canada, soit l'échantillonnage direct (à des fins de comparaison); la deuxième méthode est basée sur l'obtention d'un échantillon discret par séparation mécanique et la troisième méthode est basée sur l'obtention d'échantillons composites intercalés par séparation mécanique. En se fondant sur l'échantillonnage obtenu et l'analyse des résultats, Dillon a ensuite recommandé un protocole à suivre pour le prélèvement final d'échantillons et l'analyse des RDA aux installations de General Scrap et XPotential.

[36]            Le 17 mai 2000, des représentants de General Scrap, Dillon et XPotential ont pris part à une rencontre avec un agent de l'autorité d'Environnement Canada pour examiner les résultats du prélèvement et de l'analyse des échantillons de la cellule no 5 et pour l'informer que les autres analyses d'échantillons seraient traitées selon le plan élaboré par Dillon.

[37]            Le 14 juin 2000, Environnement Canada a fait savoir qu'il n'entendait pas commenter le plan de prélèvement et d'analyse d'échantillons de RDA proposé par Dillon.

[38]            General Scrap et XPotential ont dit à Dillon d'aller de l'avant avec le protocole qu'il avait proposé. En juillet 2000, elles ont informé Environnement Canada qu'elles avaient mis à exécution le plan de prélèvement et d'analyse d'échantillons.


[39]            Environnement Canada a entamé les présentes procédures le 6 décembre 2000. Le ministère n'a demandé l'application d'aucune autre mesure pouvant être exercée en vertu de la Loi avant de solliciter une réparation par voie d'injonction.

[40]            Les résultats du plan de prélèvement et d'analyse d'échantillons de Dillon sont contenus dans le rapport préparé par l'entreprise en janvier 2001. Il y est indiqué que les RDA qui préoccupent Environnement Canada, soit ceux entreposés aux installations de General Scrap - la pile est et la pile ouest, aux installations de XPotential dans les cellules nos 4 et 5 et la cellule de séchage, n'ont pas une concentration de BPC supérieure au seuil réglementaire, fédéral ou provincial, de 50 ppm.

(vi) L'état des matériels en litige

[41]            En réponse à une demande d'injonction provisoire d'Environnement Canada concernant le stockage et la manipulation des RDA en litige jusqu'à ce qu'il soit statué sur la présente demande, les défendeurs ont accepté les conditions d'une ordonnance sur consentement établissant les conditions applicables à la gestion de ces RDA. Les défendeurs ont accepté l'ordonnance sur consentement sans aucunement admettre que les RDA en litige sont des matériels contenant des BPC suivant le Règlement.


(vi) L'ordonnance sollicitée par la demanderesse

[42]            La demanderesse affirme qu'il n'est pas possible de déterminer visuellement quelles zones des piles et cellules litigieuses ont des concentrations en BPC de plus de 50 ppm. Toutefois, elle indique également que les matériels contenant des BPC doivent être identifiés, puis stockés, étiquetés, enregistrés et manipulés conformément au Règlement.

[43]            Par conséquent, la demanderesse sollicite, dans sa plaidoirie écrite, une injonction ainsi libellée :

[traduction]

a)              Tous les RDA des piles est et ouest des installations de General Scrap et tous les RDA des cellules nos 4 et 5 ainsi que de la cellule de séchage des installations de XPotential doivent être considérés constituer des matériels contenant des BPC, tant et aussi longtemps que ces zones dont les concentrations sont sous le seuil réglementaire n'auront pas été identifiées et mises à l'écart des autres piles et cellules;

b)             Tout protocole de prélèvement d'échantillons, d'analyse et d'identification des matériels ne contenant pas de BPC doit être exécuté par un tiers sous la direction et la surveillance d'Environnement Canada aux frais des défendeurs;

c)              Les autres matériels contenant des BPC doivent être stockés ou détruits conformément au Règlement sur le stockage des matériels contenant des BPC.


[44]            À titre subsidiaire, la demanderesse sollicite une injonction comportant toutes autres conditions que la Cour estime justes. Aucune autre condition n'a été proposée en l'espèce. L'avis de demande indique que la demanderesse cherche à obtenir une ordonnance enjoignant les défendeurs à stocker tous les matériels contenant des BPC conformément aux exigences de la loi.

II. LES QUESTIONS EN LITIGE

[45]            Pour déterminer si l'injonction sollicitée doit être accordée dans la présente affaire, il importe de considérer les questions suivantes :

i)           Quelles sont les conditions à remplir pour l'obtention d'une injonction sous le régime du paragraphe 311(1) de la Loi et quelle est la portée de ce paragraphe?

ii)          Est-ce qu'une partie ou l'ensemble des RDA constituent des matériels contenant des BPC au sens du Règlement, de sorte que tous les défendeurs ou certains d'entre eux y contreviennent?

iii)          Dans l'affirmative, quels défendeurs contreviennent au Règlement?

iv)         La Cour doit-elle accorder l'injonction sollicitée?


III. ANALYSE

(i) Quelles sont les conditions à remplir pour obtenir réparation par voie d'injonction sous le régime du paragraphe 311(1) de la Loi et quelle est la portée de ce paragraphe?

[46]            Les avocats m'informent que c'est la première fois que la Cour doit examiner une demande de réparation par voie d'injonction sous le régime du paragraphe 311(1) de la Loi. L'article 311 prévoit :


311(1) Si, sur demande présentée par le ministre, il conclut à l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction à la présente loi, ou tendant à sa perpétration, le tribunal compétent peut, par ordonnance, enjoindre à la personne nommée dans la demande_:

a) de s'abstenir de tout acte susceptible, selon lui, de perpétuer le fait ou d'y tendre;

b) d'accomplir tout acte susceptible, selon lui, d'empêcher le fait.

311(1) Where, on the application of the Minister, it appears to a court of competent jurisdiction that a person has done or is about to do or is likely to do any act or thing constituting or directed toward the commission of an offence under this Act, the court may issue an injunction ordering any person named in the application

(a) to refrain from doing any act or thing that it appears to the court may constitute or be directed toward the commission of an offence under this Act; or

(b) to do any act or thing that it appears to the court may prevent the commission of an offence under this Act.


311(2) L'injonction est subordonnée à la signification d'un préavis d'au moins quarante-huit heures aux parties nommées dans la demande, sauf lorsque cela serait contraire à l'intérêt public en raison de l'urgence de la situation.

311(2) No injunction shall be issued under subsection (1) unless 48 hours notice is given to the party or parties named in the application or the urgency of the situation is such that service of notice would not be in the public interest.


a) L'application du paragraphe 311(1) est-elle limitée aux cas exceptionnels?


[47]            L'argument fondamental des défendeurs concernant l'application de l'article 311 porte que la Loi dans sa totalité a été adoptée en vertu de la compétence du Parlement fédéral en matière criminelle. Il s'ensuit, allèguent-ils, que la compétence de la cour pour accorder une injonction comme sanction de droit criminel est une compétence qu'on doit exercer avec prudence et uniquement dans des cas très exceptionnels. Ils appuient leur position sur la jurisprudence suivante : Gouriet c. Union of Post Office Workers, [1978] A.C. 435 (H.L.), Ontario (Attorney General) c. Ontario Teachers' Federation (1997) 36 O.R. (3d) 367 (H.C.) et Attorney General for the Province of Ontario c. Hale (c.o.b. Hale Sand and Gravel), (1983) 38 C.P.C. 292 (H.C. Ont.). Les défendeurs affirment que l'exercice de cette compétence exceptionnelle est limité aux affaires où il y a eu violation répétée et manifeste d'une loi et où les dispositions de la loi en matière d'exécution se sont révélées inefficaces.

[48]            Avec égards, j'estime que la jurisprudence invoquée par les défendeurs se distingue de la présente affaire. Dans les décisions qu'ils citent, soit aucune disposition législative spécifique ne permettait d'obtenir réparation par voie d'injonction, soit, comme dans Hale, précitée, la disposition législative prévoyant la réparation par voie d'injonction ne s'appliquait pas. Par conséquent, toutes les affaires invoquées mettaient en cause le droit du procureur général d'intenter une poursuite en common law pour tenter d'obtenir l'application d'une loi par voie d'injonction.


[49]            La nature de l'injonction qu'un procureur général peut solliciter en common law pour faire respecter des droits publics est bien expliquée par le juge MacPherson dans Ontario Teachers' Federation, précité. Cette mesure de réparation cadre avec le rôle que joue le procureur général pour ce qui est d'assurer le respect des lois du pays. Les tribunaux ont statué qu'une telle réparation devait être accordée uniquement dans des cas exceptionnels.

[50]            On doit toutefois établir une distinction importante entre une injonction prévue par la loi et l'injonction dont dispose le procureur général en vertu de la common law. Cette distinction est bien illustrée dans Ontario (Minister of the Environment) c. National Hard Chrome Plating Co. (1993), 11 C.E.L.R. (N.S.) 73 (Cour de justice de l'Ont.). Dans cette affaire, la disposition législative prévoyant la délivrance d'une injonction indiquait que celle-ci avait pour but d' « empêcher » les infractions à la loi. La Cour a conclu que, comme la loi prévoyait uniquement l'octroi d'une injonction prohibitive, l'injonction mandatoire ne pouvait être accordée qu'en common law à la demande du procureur général agissant au nom de l'intérêt public. Il n'y avait ouverture à un tel recours en common law que lorsque la loi était bafouée et que ses dispositions s'avéraient inefficaces pour protéger l'intérêt public.


[51]            Compte tenu de la jurisprudence invoquée par les parties, j'estime que, lorsqu'une loi prévoit un recours en injonction, la cour doit, au moment d'exercer son pouvoir discrétionnaire, tenir compte de considérations différentes de celles qui s'appliquent lorsque le procureur général intente une poursuite en common law en vue de faire respecter des droits publics. Les principes généraux suivants s'appliquent lorsqu'une injonction est prévue aux termes de la loi :

i)           Le pouvoir discrétionnaire de la cour est plus restreint. Les facteurs pertinents dans le cadre d'un recours en equity auront une application plus limitée. Voir : Prince Edward Island (Minister of Communications and Cultural Affairs) c. Island Farm and Fish Meat Ltd., [1989] P.E.I.J. no 32 (C.S.I.P.­-É.); Maple Ridge (District) c. Thornhill Aggregates Ltd. (1998), 162 D.L.R. (4th) 203 (C.A.C.-B.).

ii)          Plus particulièrement, le demandeur n'aura pas à démontrer que le versement de dommages-intérêts ne suffirait pas ou qu'il subirait un préjudice irréparable si l'injonction est refusée. Voir : Shaughnessy Heights Property Owners' Association c. North Up (1958) 12 D.L.R. (7d) 760 (C.S.C-B.); Manitoba Dental Association c. Byman and Halstead (1967) 34 D.L.R. (2d) 602 (C.A.Man.); Canada (Canadian Transportation Accident Investigation and Safety Board) c. Canadian Press, [2000] N.S.J. no 139 (C.S.N.-É).


iii)          Il n'est pas nécessaire d'avoir exercé d'autres recours. Voir : Saskatchewan (Minister for Environmental Assessment Act) c. Redberry Development Corporation, [1987] 4 W.W.R. 654 (B.R. Sask).

iv)         La cour conserve le pouvoir discrétionnaire d'accorder ou non l'injonction. Les difficultés liées à l'imposition et à l'exécution d'une injonction ne l'emporteront généralement pas sur l'intérêt du public à faire respecter la loi. Toutefois, l'injonction ne sera pas accordée si son utilité est douteuse ou si elle est inéquitable pour une partie. Voir : Saskatchewan (Minister of Environmental Assessment Act) c. Redberry, précité; Maple Ridge (District) c. Thornhill Aggregates Ltd., précité; Capital Regional District c. Smith (1998), 168 D.L.R. (4th) 52 C.A.C.-B.

v)          Il est plus difficile d'obtenir une injonction mandatoire. Voir : Canada (Canadian Transportation Accident Investigation and Safety Board) c. Canadian Press, précité.

b) Les éléments constitutifs du paragraphe 311(1)


[52]            Ayant rejeté l'argument des défendeurs selon lequel le recours prévu à l'article 311 de la Loi n'est possible que moyennant la preuve de violations répétées de la loi et de l'inefficacité des autres sanctions, j'examinerai maintenant les éléments qui doivent être établis pour que la Cour puisse accorder une injonction mandatoire.

[53]            Le point de départ de l'interprétation du paragraphe 311(1) de la Loi est l'énoncé de principe suivant qui est bien connu et accepté :

[traduction] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Voir : E.A. Driedger dans Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la page 87, tel que cité dans l'arrêt Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 84, au paragraphe 27.

[54]            Cette approche exige que le tribunal attribue à une disposition législative le sens qui concorde le mieux avec son libellé et son contexte. Bien que ni l'un ni l'autre ne puisse être ignoré, comme la Cour d'appel fédérale l'a fait remarquer dans Bristol-Myers Squibb Co. c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 180, au paragraphe 13, plus le sens ordinaire de la disposition est clair, plus les considérations contextuelles doivent être convaincantes pour justifier une interprétation différente.

[55]            Avant de commencer cette analyse, il convient de reproduire de nouveau le libellé du paragraphe 311(1) de la Loi :



311(1) Si, sur demande présentée par le ministre, il conclut à l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction à la présente loi, ou tendant à sa perpétration, le tribunal compétent peut, par ordonnance, enjoindre à la personne nommée dans la demande_:

a) de s'abstenir de tout acte susceptible, selon lui, de perpétuer le fait ou d'y tendre;

b) d'accomplir tout acte susceptible, selon lui, d'empêcher le fait.

311(1) Where, on the application of the Minister, it appears to a court of competent jurisdiction that a person has done or is about to do or is likely to do any act or thing constituting or directed toward the commission of an offence under this Act, the court may issue an injunction ordering any person named in the application

(a) to refrain from doing any act or thing that it appears to the court may constitute or be directed toward the commission of an offence under this Act; or

(b) to do any act or thing that it appears to the court may prevent the commission of an offence under this Act.


1. Le libellé - sens ordinaire et grammatical

[56]            Suivant le sens ordinaire du paragraphe 311(1), pour qu'un tribunal accorde une injonction, il doit conclure :

i)           soit que le défendeur a accompli un acte qui constitue une infraction à la Loi ou un acte tendant à sa perpétration;

ii)          soit que le défendeur est sur le point d'accomplir, ou accomplira probablement, un acte qui constitue une infraction à la Loi ou un acte tendant à sa perpétration.

[57]            Si le tribunal en est convaincu, il peut :


i)           accorder une injonction prohibitive enjoignant au défendeur de s'abstenir de tout acte susceptible, de l'avis du tribunal, de perpétuer l'infraction ou d'y tendre;

ii)          accorder une injonction mandatoire enjoignant au défendeur d'accomplir tout acte qui, selon le tribunal, est susceptible d'empêcher la perpétration d'une infraction.

Le libellé et la norme de preuve requise

[58]            Les défendeurs allèguent que la Loi exige une preuve hors de tout doute raisonnable des faits ayant donné lieu à la perpétration de l'infraction. À mon avis, les termes employés au paragraphe 311(1), interprétés selon leur sens ordinaire et grammatical, n'appuient pas une telle conclusion. Je conclus ainsi parce que la disposition traite des situations où « selon lui » [le tribunal] ( « it appears to a court » dans la version anglaise) un acte a été accompli, est susceptible d'être accompli ou sera probablement accompli et que cet acte constitue une infraction ou tend à sa perpétration. Si le législateur avait voulu exiger une preuve hors de tout doute raisonnable de la perpétration, ou de la probabilité de la perpétration d'une infraction, il aurait très probablement employé des termes plus précis pour dire par exemple que « l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction à la présente loi a été établie » .


[59]            Le tribunal peut également empêcher tout acte « susceptible, selon lui, de perpétuer le fait ou d'y tendre » . Il peut ordonner que soit accompli tout acte « susceptible, selon lui, d'empêcher le fait » . Encore une fois, le libellé est loin d'exprimer une exigence de preuve hors de tout doute raisonnable en ce qui concerne l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction.

[60]            De plus, le libellé du paragraphe 311(1) doit être comparé à celui de l'article 39 de la Loi. Cet article accorde à quiconque a subi ou est sur le point de subir un préjudice ou une perte « par suite d'un comportement allant à l'encontre d'une disposition de la présente loi » le droit de solliciter du tribunal une injonction. Par conséquent, selon le libellé de l'article 39, le tribunal doit être convaincu que le préjudice ou la perte sont le résultat d'un comportement « allant à l'encontre de la Loi » pour être en mesure d'accorder l'injonction. Les termes employés au paragraphe 311(1), qui exigent uniquement que le tribunal ait, « selon lui » , conclu à l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction, doivent être interprétés comme reflétant l'intention du Parlement d'exiger un degré moindre de preuve à l'article 311 qu'à l'article 39. Ce degré moindre de preuve ne peut équivaloir à une preuve hors de tout doute raisonnable, ni même à la plus haute norme de preuve en matière civile.


[61]            Pour arriver à cette conclusion, j'ai examiné l'argument des défendeurs selon lequel l'article 29 de la Loi appuie la conclusion que la norme de preuve applicable en vertu de l'article 311 est la norme de preuve criminelle. L'article 29 prévoit :


29. Dans une action en protection de l'environnement, la charge de prouver l'existence de l'infraction et l'atteinte à l'environnement qui en découle repose sur la prépondérance des probabilités.

29. The offence alleged in an environmental protection action and the resulting significant harm are to be proved on a balance of probabilities.


[62]            Les défendeurs allèguent que, puisque l'article 311 et les dispositions connexes ne prévoient pas semblablement l'application de la norme civile, l'intention devait être d'exiger la norme applicable en matière criminelle.

[63]            Cependant, il est à mon avis important de souligner que l'action en protection de l'environnement à laquelle renvoie l'article 29 peut uniquement être intentée par un particulier ayant demandé au ministre la tenue d'une enquête relative à une infraction, dans les cas où ce dernier n'a pas procédé à l'enquête ni établi son rapport ou encore que les mesures qu'il entend prendre à la suite de l'enquête ne sont pas raisonnables. L'action en protection de l'environnement constitue dès lors une forme de substitut à l'enquête convenable sur l'infraction alléguée. Le fondement de l'action est la preuve de la perpétration d'une infraction. Dans ces conditions, la nécessité de préciser la norme de preuve applicable est manifeste. Dans ce contexte, je ne suis pas disposée à inférer que, vu l'absence de disposition similaire à l'article 311, la norme de preuve applicable est la norme criminelle.


[64]            Pour conclure sur cette question, je souligne également que rien à l'article 311 n'indique que la demande présentée par le ministre est de nature criminelle et justifie l'application de la norme de preuve en matière criminelle.

[65]            Par ailleurs, Environnement Canada affirme qu'il lui faut uniquement démontrer qu'il y a des motifs de croire qu'on contrevient à la Loi. Le ministère fait valoir qu'en l'absence d'une disposition législative expresse, il n'est pas nécessaire d'établir que cette conviction repose sur des motifs raisonnables et probables. Voici un extrait des observations écrites d'Environnement Canada :

[traduction]

31.            Environnement Canada doit uniquement démontrer qu'il a des motifs de croire qu'on contrevient à la Loi. Sauf indication contraire de la loi, il n'est pas nécessaire que cette conviction repose sur des motifs raisonnables et probables ou de produire une preuve réelle de l'infraction.

Prince Edward Island (Minister of Community and Cultural Affairs) c. Island Farm and Fish Meal Ltd. (1989), 79 Nfld. & P.E.I.R. 228 (C.A.I.P.-É.)

[66]            Bien que je rejette l'argument des défendeurs selon lequel la preuve exigée est une preuve hors de tout doute raisonnable des faits ayant donné lieu à la perpétration de l'infraction, je rejette également l'allégation d'Environnement Canada selon laquelle il n'a pas à établir qu'il a des motifs raisonnables et probables de croire à l'existence, l'imminence ou la probabilité de la perpétration d'une infraction à la Loi.


[67]            Le sens ordinaire des termes employés au paragraphe 311(1) impose au ministre, à titre de partie demanderesse, le fardeau de démontrer au tribunal compétent l'existence, l'imminence ou la probabilité d'un fait constituant une infraction ou tendant à sa perpétration. S'il en est convaincu, le tribunal peut enjoindre à une partie de s'abstenir de tout acte susceptible, selon lui, de perpétuer le fait ou d'y tendre. Subsidiairement, le tribunal peut enjoindre à une partie d'accomplir tout acte susceptible, selon lui, d'empêcher le fait constituant une infraction. Bien que le libellé n'exige pas la preuve de la perpétration ou de l'imminence de la perpétration d'une infraction, le tribunal doit au minimum avoir la conviction légitime, selon la prépondérance de la preuve, qu'il y a possibilité sérieuse qu'un fait constituant une infraction, ou tendant à sa perpétration, ait été posé, le sera de façon éminente ou probable s'il ne délivre pas une injonction. Si le tribunal n'a pas cette conviction, le ministre n'aura pas réussi à démontrer l'existence des faits rendant probable qu'une infraction ait été perpétrée ou qu'un acte constituant une infraction ait été posé. La conviction du tribunal doit être fondée sur des éléments de preuve dignes de foi et sur toutes les inférences que cette preuve autorise. Il incombe au ministre de s'acquitter de ce fardeau.


[68]            J'estime que l'affaire Island Farm and Fish Meal, citée par Environnement Canada, n'appuie pas son argument. Cette affaire portait sur le libellé d'une mesure législative provinciale qui permettait expressément qu'un arrêté ministériel soit délivré dans le cas où le ministre avait simplement lieu de croire qu'une infraction avait été commise. En raison des différences entre les termes employés dans chaque loi, on ne peut tirer de cette décision une proposition plus large applicable au paragraphe 311(1).

Le libellé et la prévention des infractions

[69]            Environnement Canada allègue qu'une lecture globale du paragraphe 311(1) montre qu'il vise à prévenir la perpétration d'infractions à la Loi. Je partage cet avis. Cette interprétation est basée sur l'interdiction d'actes constituant une infraction, ou tendant à leur perpétration, et sur la disposition prévoyant que le tribunal peut ordonner à une partie d'accomplir un acte susceptible d'empêcher la perpétration d'une infraction s'il lui apparaît que tel sera l'effet de l'ordonnance.

[70]            Par exemple, dans le cas où un acte unique et distinct constitue ou est susceptible de constituer une infraction à la Loi, le tribunal peut, en se fondant sur une preuve pertinente, ordonner qu'un certain acte soit accompli ou qu'on s'abstienne de tout acte pour prévenir la perpétration d'une infraction. Toutefois, si cet acte unique et distinct avait déjà été posé, le paragraphe 311(1) n'aurait aucune portée puisqu'il n'y aurait aucun acte à prévenir et aucune façon de prévenir la perpétration d'une infraction après le fait.


[71]            Que se passe-t-il alors dans le cas où un acte passé ou actuel a un effet actuel et continu? Par exemple, est-il possible de délivrer une injonction prohibitive ou une injonction mandatoire si, par exemple, les RDA en cause constituent aujourd'hui, en tout ou en partie, des matériels contenant des BPC?

[72]            Environnement Canada fait valoir que, dans une telle situation, le tribunal peut, en vertu de l'alinéa 311(1)a) de la Loi, enjoindre au défendeur par injonction de cesser d'agir d'une manière constituant une infraction ou tendant à perpétuer une infraction. Le sens ordinaire des termes employés à l'ailinéa 311(1)a) étaie comme suit cette interprétation.

[73]            L'infraction en cause en l'espèce est le défaut allégué d'avoir stocké des matériels contenant des BPC de façon conforme au Règlement. Il s'agit d'une infraction qui, en vertu de l'alinéa 272(1)a) de la Loi, lequel sanctionne le fait de contrevenir à un règlement. L'alinéa 311(1)a) s'appliquerait par conséquent dans les cas où, pour paraphraser les termes de la disposition, le tribunal conclut que la personne a stocké des matériels contenant des BPC d'une manière contraire au Règlement. Dans de telles circonstances, le tribunal pourrait enjoindre aux défendeurs de s'abstenir de stocker des matériels contenant des BPC d'une manière contraire au Règlement parce que cette forme d'entreposage non conforme constituerait la perpétration d'une infraction. Bien que la version anglaise ne soit pas explicite en ce qui concerne les situations en cours, la version française de l'alinéa 311(1)a) prévoit expressément la possibilité d'ordonner à la personne « de s'abstenir de tout acte susceptible [...] de perpétuer le fait ou d'y tendre » .


[74]            Dans ce genre de situation, le tribunal pourrait également ordonner, en vertu de l'alinéa 311(1)b), que les matériels soient stockés conformément au Règlement s'il est convaincu que cette ordonnance va « empêcher le fait » .

[75]            À cet égard, Environnement Canada fait valoir que l'infraction qui consiste à stocker les matériels contenant des BPC de façon non conforme est une infraction de nature continue au sens de l'article 276 de la Loi. Celui-ci prévoit :


Il peut être compté une infraction distincte à la présente loi pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l'infraction.

Where an offence under this Act is committed or continued on more than one day, the person who committed the offence is liable to be convicted for a separate offence for each day on which it is committed or continued.


[76]            Il s'ensuit en l'espèce que, selon Environnement Canada, bien que le défaut de se conformer au Règlement soit survenu avant que les présentes procédures soient intentées, l'infraction continue d'être perpétrée. Environnement Canada allègue que, tant que les matériels contenant des BPC demeurent stockés de façon non conforme au Règlement, l'infraction continue d'avoir lieu et une nouvelle infraction séparée et distincte est commise chaque jour. Ainsi, le tribunal peut prononcer une injonction mandatoire exigeant que les matériels contenant des BPC soient stockés conformément au Règlement pour prévenir la perpétration d'infractions séparées et distinctes.


[77]            En réponse, les défendeurs font valoir que le libellé de l'article 276 de la Loi ne prévoit pas que l'infraction continue constitue une infraction séparée. L'article prévoit au contraire qu' « [i]l peut être compté une infraction distincte à la présente loi pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue l'infraction » .Ces termes sont employés pour permettre la multiplication des peines et la poursuite de tout délai de prescription. Les défendeurs opposent l'article 78.1 de la Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, au libellé de l'article 276. Ils soulignent qu'Environnement Canada gère l'application des dispositions relatives à la protection de l'environnement contenues dans la Loi sur les pêches. L'article 78.1 de cette loi prévoit :


Il est compté une infraction distincte à la présente loi ou à ses règlements pour chacun des jours au cours desquels se commet ou se continue toute infraction à l'une de leurs dispositions.

Where any contravention of this Act or the regulations is committed or continued on more than one day, it constitutes a separate offence for each day on which the contravention is committed or continued.


[78]            La Loi sur les pêches a été adoptée avant la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et peut par conséquent appuyer l'argument des défendeurs selon lequel les termes employés à l'article 276 ne signifient pas que l'infraction continue à la Loi constitue une nouvelle infraction séparée et distincte pour chaque jour que la situation persiste. En dépit de cette allégation, l'article 276 de la Loi prévoit expressément que l'auteur peut être déclaré coupable d'une infraction distincte pour chacun des jours au cours desquels se continue l'infraction.

[79]            Il est utile à ce stade d'examiner les facteurs contextuels facilitant l'interprétation du paragraphe 311(1) et qui devraient spécifiquement nous aider à déterminer si le paragraphe 311(1) permet la délivrance d'une injonction mandatoire pour corriger des situations en cours.


2. Le contexte

L'économie de la Loi

[80]            La Loi peut être considérée comme un code complet de prévention de la pollution et de protection de l'environnement.

[81]            La partie 2 de la Loi porte sur la participation du public à son application et son exécution. Tout particulier âgé d'au moins 18 ans qui réside au Canada peut demander au ministre l'ouverture d'une enquête relative à une infraction prévue par la Loi qu'il estime avoir été commise (article 17). Tel que mentionné précédemment, si le ministre responsable n'a pas procédé à l'enquête, ou a répondu défavorablement, et qu'il y a eu atteinte importante à l'environnement, alors le particulier qui a demandé l'ouverture de l'enquête peut intenter une action en protection de l'environnement (article 22). Le paragraphe 22(3) prévoit que, dans le cadre d'une telle action, le particulier peut demander :

a) un jugement déclaratoire;

b) une ordonnance - y compris une ordonnance provisoire - enjoignant au défendeur de ne pas faire un acte qui, selon le tribunal, pourrait constituer une infraction prévue à la présente loi;

c) une ordonnance - y compris une ordonnance provisoire - enjoignant au défendeur de faire un acte qui, selon le tribunal, pourrait empêcher la continuation de l'infraction;

d) une ordonnance enjoignant aux parties de négocier un plan de mesures correctives visant à remédier à l'atteinte à l'environnement, à la vie humaine, animale ou végétale ou à la santé, ou à atténuer l'atteinte, et de faire rapport au tribunal sur l'état des négociations dans le délai fixé par celui-ci;

e) toute autre mesure de redressement indiquée - notamment le paiement des frais de justice - autre que l'attribution de dommages-intérêts.


[82]            Le passage le plus important est la mention expresse à l'alinéa 22(3)c) d'une ordonnance « enjoignant au défendeur de faire un acte qui [...] pourrait empêcher la continuation de l'infraction » prévue par la Loi. [Non souligné dans l'original.]

[83]            L'article 39 de la Loi, également mentionné précédemment, prévoit que quiconque a subi ou est sur le point de subir un préjudice ou une perte par suite d'un comportement qui va à l'encontre d'une disposition de la Loi peut solliciter une injonction. L'injonction peut exiger que l'auteur de l'infraction cesse tout fait pouvant causer le préjudice ou la perte ou exiger qu'il pose tout acte visant à empêcher le préjudice ou la perte.

[84]            La partie 10 de la Loi porte sur le contrôle d'application de celle-ci et prévoit des pouvoirs d'exécution importants. Le ministre responsable peut désigner des agents de l'autorité qui ont les pouvoirs d'un agent de la paix (article 217). Un agent de l'autorité peut inspecter un lieu s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a une substance ou qu'il s'y tient une activité visées par un règlement (article 218). Dans le cadre d'une inspection ou d'une perquisition, l'agent de l'autorité peut ordonner à l'intéressé de prendre certaines mesures s'il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci a commis une infraction à la Loi ou à ses règlements et que cette infraction continue d'être commise. L'article 235 porte sur l'ordre d'exécution et prévoit, pour l'essentiel, ce qui suit :



235. (1) Lors de l'inspection ou de la perquisition, s'il a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la présente loi ou à ses règlements a été commise - et continue de l'être - ou le sera, dans les cas prévus au paragraphe (2), l'agent de l'autorité peut ordonner à tout intéressé visé au paragraphe (3) de prendre les mesures prévues au paragraphe (4) et, s'il y a lieu, au paragraphe (5) qui sont justifiées en l'espèce et compatibles avec la protection de l'environnement et la sécurité publique pour mettre fin à la perpétration de l'infraction ou s'abstenir de la commettre.

235. (2) Les cas de contravention sont:

[...]

b) leur possession, entreposage, utilisation, vente, mise en vente, publicité ou élimination;

[...]

235.(3) Pour l'application du paragraphe (1), les intéressés sont les personnes qui, selon le cas_:

a) sont propriétaires de la substance en cause dans la perpétration de la prétendue infraction, d'un produit la contenant ou du lieu où se trouve cette substance ou ce produit, ou ont toute autorité sur eux;

b) causent cette infraction ou y contribuent.

235. (4) L'ordre peut enjoindre à l'intéressé de prendre une ou plusieurs des mesures suivantes_:

a) s'abstenir d'agir en violation de la présente loi ou de ses règlements ou, au contraire, faire quoi que ce soit pour s'y conformer;

b) cesser une activité ou fermer notamment un ouvrage ou une entreprise, pour une période déterminée;

c) cesser l'exercice d'une activité ou l'exploitation d'une partie notamment d'un ouvrage ou d'une entreprise jusqu'à ce que l'agent de l'autorité soit convaincu qu'ils sont conformes à la présente loi ou ses règlements;

d) déplacer un moyen de transport vers un autre lieu, y compris faire entrer un navire au port ou faire atterrir un aéronef à un aéroport;

e) décharger un moyen de transport ou le charger;

f) prendre toute autre mesure que l'agent de l'autorité estime nécessaire pour favoriser l'exécution de l'ordre ou la protection et le rétablissement de l'environnement, notamment_:

(i) tenir des registres sur toute question pertinente,

(ii) lui faire périodiquement rapport,

(iii) lui transmettre les renseignements, propositions ou plans qu'il précise et qui énoncent les mesures à prendre par l'intéressé à l'égard de toute question qui y est précisée. [Non souligné dans l'original.]

235. (1) Whenever, during the course of an inspection or a search, an enforcement officer has reasonable grounds to believe that any provision of this Act or the regulations has been contravened in the circumstances described in subsection (2) by a person who is continuing the commission of the offence, or that any of those provisions will be contravened in the circumstances described in that subsection, the enforcement officer may issue an environmental protection compliance order directing any person described in subsection (3) to take any of the measures referred to in subsection (4) and, where applicable, subsection (5) that are reasonable in the circumstances and consistent with the protection of the environment and public safety, in order to cease or refrain from committing the alleged contravention.

235. (2) For the purposes of subsection (1), the circumstances in which the alleged contravention has been or will be committed are as follows, namely,

[...]

(b) the possession, storage, use, sale, offering for sale, advertisement or disposal of a substance or product containing a substance;

[...]

235. (3) Subsection (1) applies to any person who

(a) owns or has the charge, management or control of the substance or any product containing the substance to which the alleged contravention relates or the property on which the substance or product is located; or

(b) causes or contributes to the alleged contravention.

235. (4) For the purposes of subsection (1), an order in relation to an alleged contravention of any provision of this Act or the regulations may specify that the person to whom the order is directed take any of the following measures:

(a) refrain from doing anything in contravention of this Act or the regulations, or do anything to comply with this Act or the regulations;

(b) stop or shut down any activity, work, undertaking or thing for a specified period;

(c) cease the operation of any activity or any part of a work, undertaking or thing until the enforcement officer is satisfied that the activity, work, undertaking or thing will be operated in accordance with this Act and the regulations;

(d) move any conveyance to another location including, in the case of a ship, move the ship into port or, in the case of an aircraft, land the aircraft;

(e) unload or re-load the contents of any conveyance; and

(f) take any other measure that the enforcement officer considers necessary to facilitate compliance with the order or to protect or restore the environment, including, but not limited to,

(i) maintaining records on any relevant matter,

(ii) reporting periodically to the enforcement officer, and

(iii) submitting to the enforcement officer any information, proposal or plan specified by the enforcement officer setting out any action to be taken by the person with respect to the subject-matter of the order.[underlining added]


[85]            L'ordre d'exécution peut donc enjoindre à l'intéressé qui continue de perpétrer une infraction de « faire quoi que ce soit pour s'y conformer » [à la Loi ou à ses règlements].

[86]            Le destinataire de l'ordre doit l'exécuter dès la réception (paragraphe 238(1)). L'ordre est valable pour une période allant jusqu'à 180 jours (paragraphe 235(7)). La victime peut présenter des observations à l'agent de l'autorité avant qu'il ne rende son ordre ou présenter une demande de révision par un réviseur indépendant (articles 243 à 268). L'ordre demeure en vigueur à moins que le réviseur n'en décide autrement. Un appel de cette décision peut être interjeté devant la Cour fédérale. Faute par l'intéressé de prendre les mesures énoncées dans un ordre, l'agent de l'autorité peut les prendre ou les faire prendre (paragraphe 239(1)).


[87]            La peine maximale prévue par la Loi pour une infraction est une amende d'un million de dollars et un emprisonnement de cinq ans (paragraphes 273(2) et 274(1)). Le tribunal peut également infliger une amende correspondant aux avantages tirés de la perpétration de l'infraction (article 290). Le paragraphe 291(1) dispose que, sur déclaration de culpabilité pour infraction à la Loi, le tribunal peut rendre une ordonnance imposant d'autres obligations. Il est libellé comme suit :



291. (1) En cas de déclaration de culpabilité pour infraction à la présente loi, le tribunal peut, en sus de toute peine prévue par celle-ci et compte tenu de la nature de l'infraction ainsi que des circonstances de sa perpétration, rendre une ordonnance imposant au contrevenant tout ou partie des obligations suivantes_:

a) s'abstenir de tout acte ou activité risquant d'entraîner la continuation de l'infraction ou la récidive;

b) prendre les mesures jugées utiles pour réparer le dommage à l'environnement résultant des faits qui ont mené à la déclaration de culpabilité ou prévenir un tel dommage;

c) élaborer et exécuter un plan de prévention de la pollution ou un plan d'urgence environnementale;

d) exercer une surveillance continue des effets d'une substance sur l'environnement, de la façon que le ministre indique, ou verser, selon les modalités prescrites par le tribunal, une somme d'argent destinée à permettre cette surveillance;

e) mettre en place un système de gestion de l'environnement répondant à une norme canadienne ou internationale reconnue;

f) faire effectuer, à des moments déterminés, une vérification environnementale par une personne appartenant à la catégorie de personnes désignée, et prendre les mesures appropriées pour remédier aux défauts constatés;

g) publier, en la forme prescrite, les faits liés à la déclaration de culpabilité;

h) aviser les victimes, à ses frais et en la forme prescrite, des faits liés à la déclaration de culpabilité;

i) consigner telle somme d'argent jugée convenable, en garantie de l'exécution des obligations imposées au titre du présent article;

j) fournir au ministre, sur demande présentée par celui-ci dans les trois ans suivant la déclaration de culpabilité, les renseignements relatifs à ses activités jugés justifiés en l'occurrence;

k) indemniser le ministre, en tout ou en partie, des frais exposés par celui-ci pour la réparation ou la prévention du dommage à l'environnement résultant des faits qui ont mené à la déclaration de culpabilité;

l) exécuter des travaux d'intérêt collectif à des conditions raisonnables;

m) affecter, sous réserve du Code criminel ou des règlements d'application de l'article 278, toute amende ou autre sanction pécuniaire compte tenu des ordonnances rendues sur le fondement du dommage ou risque de dommage que cause l'infraction;

n) verser, selon les modalités prescrites, une somme d'argent destinée à permettre des recherches sur l'utilisation et l'élimination écologiques de la substance qui a donné lieu à l'infraction ou des recherches sur les modalités de l'exercice de la surveillance continue des effets de la substance sur l'environnement;

o) verser, selon les modalités prescrites, une somme d'argent à des groupes concernés notamment par la protection de l'environnement ou de la santé, pour les aider dans le travail qu'ils accomplissent au sein de la collectivité où l'infraction a été commise;

p) verser à un établissement d'enseignement, selon les modalités prescrites, une somme d'argent destinée à créer des bourses d'études attribuées à quiconque suit un programme d'études dans un domaine lié à l'environnement;

q) se conformer aux autres conditions jugées justifiées pour assurer sa bonne conduite et empêcher toute récidive. [Non souligné dans l'original.]

291. (1) Where an offender has been convicted of an offence under this Act, in addition to any other punishment that may be imposed under this Act, the court may, having regard to the nature of the offence and the circumstances surrounding its commission, make an order having any or all of the following effects:

(a) prohibiting the offender from doing any act or engaging in any activity that may result in the continuation or repetition of the offence;

(b) directing the offender to take any action that the court considers appropriate to remedy or avoid any harm to the environment that results or may result from the act or omission that constituted the offence;

(c) directing the offender to prepare and implement a pollution prevention plan or an environmental emergency plan;

(d) directing the offender to carry out environmental effects monitoring in the manner established by the Minister or directing the offender to pay, in the manner prescribed by the court, an amount for the purposes of environmental effects monitoring;

(e) directing the offender to implement an environmental management system that meets a recognized Canadian or international standard;

(f) directing the offender to have an environmental audit conducted by a person of a class and at the times specified by the court and directing the offender to remedy any deficiencies revealed during the audit;

(g) directing the offender to publish, in the manner directed by the court, the facts relating to the conviction;

(h) directing the offender to notify, at the offender's own cost and in the manner directed by the court, any person aggrieved or affected by the offender's conduct of the facts relating to the conviction;

(i) directing the offender to post any bond or pay any amount of money into court that will ensure compliance with any order made under this section;

(j) directing the offender to submit to the Minister, on application by the Minister made within three years after the date of conviction, any information with respect to the offender's activities that the court considers appropriate and just in the circumstances;

(k) directing the offender to compensate the Minister, in whole or in part, for the cost of any remedial or preventive action taken by or caused to be taken on behalf of the Minister as a result of the act or omission that constituted the offence;

(l) directing the offender to perform community service, subject to any reasonable conditions that may be imposed in the order;

(m) directing that the amount of any fine or other monetary award be allocated, subject to the Criminal Code and any regulations that may be made under section 278, in accordance with any directions of the court that are made on the basis of the harm or risk of harm caused by the commission of the offence;

(n) directing the offender to pay, in the manner prescribed by the court, an amount for the purposes of conducting research into the ecological use and disposal of the substance in respect of which the offence was committed or research relating to the manner of carrying out environmental effects monitoring;

(o) directing the offender to pay, in the manner prescribed by the court, an amount to environmental, health or other groups to assist in their work in the community where the offence was committed;

(p) directing the offender to pay, in the manner prescribed by the court, an amount to an educational institution for scholarships for students enrolled in environmental studies; and

(q) requiring the offender to comply with any other reasonable conditions that the court considers appropriate and just in the circumstances for securing the offender's good conduct and for preventing the offender from repeating the same offence or committing other offences. [underlining added]



[88]            Les alinéas 291(1)a), 291(1)b) et 291(1)f) sont pertinents. L'alinéa 291(1)a) permet au tribunal d'ordonner au contrevenant de s'abstenir de tout acte risquant d'entraîner la « continuation » de l'infraction; l'alinéa 291(1)b) permet d'ordonner au contrevenant de prendre les mesures jugées utiles pour réparer le dommage à l'environnement résultant de l'infraction, et l'alinéa 291(1)f) permet d'enjoindre au contrevenant de faire effectuer une vérification environnementale de la façon prescrite par le tribunal et de prendre les mesures appropriées pour remédier aux défauts constatés.

[89]            Les défendeurs allèguent qu'un examen de l'économie de la loi nous apprend que le législateur s'est exprimé clairement lorsqu'il entendait que la Loi s'applique aux infractions continues. Ainsi, l'alinéa 22(3)c) permet au tribunal d'enjoindre au défendeur d'accomplir un acte qui pourrait « empêcher la continuation de l'infraction » , le paragraphe 235(1) prévoit qu'un ordre d'exécution peut être rendu contre un intéressé dans le cas où il y a des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la Loi ou à ses règlements a été commise « et continue de l'être » , et l'alinéa 291(1)a) permet au tribunal de rendre une ordonnance imposant au contrevenant de s'abstenir de tout acte risquant « d'entraîner la continuation de l'infraction » . L'absence de disposition expresse visant à empêcher la « continuation de l'infraction » dans la version anglaise de l'article 311 de la Loi reflète, dit-on, l'intention du législateur de ne pas appliquer l'article 311 dans cette situation.


[90]            Les défendeurs font également valoir, implicitement, que les ordonnances visées aux articles 22 et 291 enjoignant à un défendeur d'accomplir tout acte pouvant empêcher la continuation d'une infraction ou de s'abstenir de toute activité risquant d'entraîner la continuation d'une infraction sont délivrées après que le tribunal a déterminé qu'il y a eu infraction à la Loi. Tel que mentionné précédemment, il n'est pas nécessaire pour le ministre, dans le cadre d'une instance sous le régime du paragraphe 311(1) de la Loi, de démontrer l'existence d'une infraction, mais seulement qu'il apparaît qu'une personne a accompli, est sur le point d'accomplir ou accomplira probablement un fait constituant une infraction à la Loi ou tendant à sa perpétration. Les défendeurs font valoir, ce que j'admets, qu'il est dans une certaine mesure anormal que le même recours offert au paragraphe 311(1) dans le cas où il apparaît ( « appears » dans la version anglaise) qu'une infraction a été commise ou pourrait être commise, soit également offert en cas de déclaration de culpabilité en vertu de l'article 291. Toutefois, un agent de l'autorité peut délivrer un ordre d'exécution pour enjoindre à un contrevenant de s'abstenir de contrevenir à la Loi ou de s'y conformer s'il a simplement des motifs raisonnables de croire qu'une infraction a été commise à la Loi ou à ses règlements. Bien que l'ordre d'exécution soit de durée limitée, il peut néanmoins enjoindre à l'intéressé de se conformer au Règlement et l'agent de l'autorité peut lui ordonner de prendre certaines mesures. Ces dispositions indiquent que l'intention législative est d'appliquer de larges mesures de réparation sur présentation d'une preuve moindre que le fait de la perpétration de l'infraction.


[91]            La situation anormale alléguée par les défendeurs fait effectivement en sorte que les garanties procédurales qui seraient accordées dans le cadre d'une poursuite pour infraction à la Loi peuvent être évitées lorsque le ministre choisit plutôt de demander réparation par voie d'injonction en vertu du paragraphe 311(1). Les garanties dont dispose une personne poursuivie pour infraction comprennent le droit à une divulgation complète par le ministère public, à la présomption d'innocence et à la preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. Les procédures sous le régime du paragraphe 311(1) de la Loi, introduites devant notre Cour par voie de demande, ne comportent aucun droit à la communication préalable par le ministère public, aucune présomption d'innocence et je suis arrivée à la conclusion que la norme de preuve qui y est applicable est, selon ma conclusion, la norme de preuve civile.

[92]            On pourrait éviter cette anomalie et le risque d'abus en interprétant l'article 311 comme s'il était de caractère prospectif et pro-actif, et servait à maintenir le statu quo en empêchant les actes futurs ou en enjoignant d'accomplir certains actes futurs de façon à prévenir la perpétration d'une infraction autre que celle qui a été commise ou qui est continuée. Suivant cette interprétation, l'article 311 ne pourrait servir à prévenir la perpétration d'une infraction qui a déjà été commise, qu'il s'agisse ou non d'une infraction continue. Dans ce cas, la délivrance d'un ordre d'exécution ou l'introduction d'une demande constitueraient en des mesures de contrôle d'application appropriées.


[93]            Les défendeurs font valoir qu'une telle interprétation ne serait pas incompatible avec l'esprit et les objets de la Loi.

[94]            Les objets de la Loi peuvent être tirés de son préambule. Le législateur y indique l'engagement du gouvernement fédéral à notamment « privilégier, à l'échelle nationale, la prévention de la pollution » et à « adopter le principe de la prudence, si bien qu'en cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l'environnement » . Ces principes seraient conformes à l'interprétation du paragraphe 311(1) comme disposition visant la prévention des infractions et non la correction de situations existantes. Il n'est pas nécessaire de soutenir l'interprétation contraire pour qu'il soit possible d'exercer des recours efficaces. Les dispositions de la Loi qui portent sur les actions en protection de l'environnement, les ordres d'exécution et le champ d'application d'un ordre donné sur déclaration de culpabilité pour une infraction offrent un plein éventail de mesures de contrôle et de recours.

c) Conclusion relative à la portée du paragraphe 311(1) de la Loi


[95]            À mon humble avis, le manque d'uniformité dans le libellé de la Loi rend l'interprétation de l'article 311 plus difficile dans le cas d'une situation actuelle continue. L'absence de référence constante et expresse à la prévention de la continuation d'une infraction et les termes employés à l'article 276, qui diffèrent de ceux employés à l'article 78.1 de la Loi sur les pêches, appuient bel et bien l'interprétation préconisée par les défendeurs.

[96]            J'ai des réserves en ce qui concerne la possibilité d'utiliser l'article 311 comme solution de rechange à la poursuite sous le régime de l'article 291 et d'ainsi priver le défendeur de son droit à la communication de la preuve du ministère public, à la présomption d'innocence et à la norme de preuve hors de tout doute raisonnable.

[97]            Toutefois, enfin de compte, vu mon appréciation de la preuve, il n'est pas nécessaire de tirer une conclusion définitive sur la question de savoir s'il est possible de prononcer une injonction mandatoire pour empêcher la continuation d'une infraction dans le cas où l'on cherche à corriger une situation existante, statique. Le libellé de l'alinéa 311(1)b), lu conjointement avec l'article 276, est susceptible d'appuyer l'interprétation selon laquelle chacun des jours au cours desquels se continue l'infraction constitue une nouvelle infraction dont la perpétration peut être empêchée par la délivrance d'une injonction mandatoire. Je vais poursuivre mon analyse en me basant sur cette conclusion.


(ii) Les RDA contiennent-ils tous des BPC ou est-ce seulement certains d'entre eux?

[98]            Je vais maintenant examiner la preuve dont la Cour est saisie et énoncer mes conclusions relativement à celle-ci.

[99]            Les éléments de preuve dont la Cour est saisie sont contenus dans les affidavits présentés par la demanderesse et les défendeurs ainsi que dans les contre-interrogatoires de certains des déposants. Conformément à une ordonnance de la Cour, tous les contre-interrogatoires ont été effectués de vive voix devant moi lors de l'audition de la demande.

a) La preuve produite à l'appui de la demande

[100]        Environnement Canada se fonde sur les affidavits de M. Mervin Fingas et de Mme Shannon Kurbis. Tous deux ont été contre-interrogés.

1. Affidavit de M. Mervin Fingas


[101]        M. Fingas est un scientifique qui occupe le poste de chef des urgences environnementales à la division de la science d'Environnement Canada. Il détient un doctorat en sciences de l'environnement, un M.B.A. en administration générale et en sciences de la gestion et une maîtrise ès sciences en chimie. Il est à l'emploi d'Environnement Canadadepuis 1974 comme scientifique en techniques d'intervention en cas de déversement. À ce titre, il a de l'expérience et possède une formation en matière de prélèvement d'échantillons, d'analyse et de détermination de l'incidence des polluants environnementaux, notamment les BPC. Il est l'auteur du rapport de 1999 d'Environnement Canada.

[102]        M. Fingas a conçu et mis en oeuvre le processus d'échantillonnage et le programme d'analyse d'Environnement Canada sur les aux installations de General Scrap et de XPotential. Après avoir effectué des recherches dans la littérature scientifique sur l'échantillonnage et l'analyse des RDA et après avoir visité une entreprise de déchiquetage de rebuts de la région d'Ottawa, M. Fingas a déterminé qu'il convenait, dans le cadre du processus de prélèvement d'échantillons, de tenir compte d'un certain nombre de facteurs précis et importants. Ces facteurs ont été énumérés dans son affidavit. M. Fingas est arrivé à la conclusion qu'il serait nécessaire de prélever des échantillons d'un nombre suffisant d'endroits différents dans chaque pile ou cellule de RDA afin d'obtenir des résultats statistiquement fiables et représentatifs de chaque pile ou cellule.

[103]        Une fois la sélection des endroits de prélèvements effectuée, un équipement d'excavation a été utilisé pour prélever des RDA aux différentes profondeurs. Deux litres d'échantillons ont été pris. L'échantillonnage et l'analyse des RDA prélevés ont été exécutés sous la surveillance de M. Fingas.


[104]        M. Fingas a conclu que les RDA des cellules est et ouest des installations de General Scrap ainsi que les RDA des cellules nos 4 et 5 et de la cellule de séchage des installations de XPotential, au minimum, avaient une concentration moyenne en BPC de plus de 50 ppm et étaient donc considérés, à bon droit, comme des matériels contenant des BPC. Un exposé plus détaillé des résultats de son rapport est reproduit au paragraphe 29 ci-dessus. M. Fingas est arrivé à la conclusion que les RDA étaient assez uniformément contaminés par les BPC et son estimation prudente indiquait la présence de 1 300 kg de BPC dans les RDA.

[105]        Pour cette raison, M. Fingas estimait que le stockage inapproprié des matériels contenant des BPC constitue un danger pour la santé et la sécurité des humains, de la vie végétale et des animaux.

[106]        En ce qui concerne le processus de prélèvement des échantillons élaboré par Dillon en consultation avec Jan Merks, M. Fingas estime que la méthode employée par Dillon n'a pas permis d'obtenir de résultats plus exacts que les siens. À son avis, le fait que les résultats obtenus par la méthode Dillon ont donné un écart type plus faible indique simplement qu'on peut s'attendre à obtenir un écart type plus faible en appliquant un processus qui consiste à mélanger plusieurs échantillons pour obtenir un sous-échantillon.

2. Affidavit de Mme Shannon Kurbis


[107]        Mme Kurbis est une agente de l'autorité au service d'Environnement Canada. Elle a fourni une description détaillée des événements chronologiques. Mme Kurbis n'a présenté aucune preuve scientifique indépendante en ce qui concerne les taux de contamination en BPC; elle a appuyé son témoignage sur l'avis de M. Fingas en ce qui concerne l'élaboration du processus de prélèvements des échantillons ainsi que l'analyse, la rédaction du rapport et l'interprétation des données recueillies par Environnement Canada.

b) Preuve produite en défense

[108]        Les défendeurs s'appuient sur les affidavits de MM. Jacob Lazareck, David Clark, Jan Merks, Michael Bertram, Detlef Birkholz et Donald Davies. Seuls MM. Lazareck, Clark et Bertram ont été contre-interrogés sur leurs affidavits.

1. Affidavit de M. Jacob Lazareck

[109]        M. Lazareck est le président de XPotential et a autrefois été vice-président aux opérations pour General Scrap. Ingénieur de formation, il travaille dans l'industrie du recyclage des déchets depuis 1970. Il prend part aux activités de l'Association canadienne des industries du recyclage, une association qui regroupe la majorité des entreprises de déchiquetage de rebuts, dont il a même occupé le poste de premier vice-président. M. Lazareck participe également aux activités de l'Institute for Scrap Recycling Industries, qui regroupe les entreprises de recyclage de rebuts aux États-Unis.


[110]        M. Lazareck a décrit les activités exercées par General Scrap et XPotential ainsi que les sites sur lesquels les deux entreprises entreposent les RDA, et il a exposé en détail la chronologie des événements.

[111]        En ce qui concerne le recyclage du fer et des RDA, M. Lazareck affirme que, à sa connaissance, Environnement Canada n'a jamais effectué d'inspection ou de prélèvement d'échantillons de RDA sur le site d'autres entreprises de déchiquetage de rebuts au Canada.

[112]        M. Lazareck n'a produit aucune preuve spécifique relativement aux taux de contamination en BPC des RDA se trouvant aux installations de General Scrap ou de XPotential.

2. Affidavit de David Clark


[113]        M. Clark, ingénieur, est associé directeur chez Dillon pour les régions nord et ouest où il agit aussi à titre de conseiller principal en environnement. Il est diplômé en ingénierie (bachelier ès sciences) et possède une maîtrise en génie de l'environnement. Il compte plus de vingt années d'expérience dans les domaines suivants : évaluation des risques pour la santé humaine et l'environnement; étude des impacts environnementaux; évaluation et restauration de sites. Avant de se joindre à Dillon en tant que conseiller, M. Clark était à la direction de la protection des terres du ministère de l'Environnement de la Saskatchewan. À ce titre, il était chargé de la gestion des déchets solides et des déchets dangereux, de la gestion des produits chimiques, et des programmes d'intervention et de décontamination en cas de déversement. Pendant cinq ans, il a représenté la Saskatchewan auprès du Comité directeur de gestion des déchets du Conseil canadien des ministres de l'environnement. Ce comité avait pour tâche d'élaborer des protocoles et des codes de bonnes pratiques relatifs à la caractérisation du flux des déchets, à la mise hors service des installations, à la gestion des BPC, et à la gestion de l'entreposage et du système de distribution des carburants.

[114]        Dillon a été engagé afin de caractériser les RDA dans les piles est et ouest des installations de General Scrap et dans les cellules 4 et 5 ainsi que dans la cellule de séchage aux installations de XPotential. Pour ce faire, Dillon devait d'abord mettre au point un programme d'échantillonnage, recueillir les échantillons pour les remettre à Enviro-Test Laboratories à des fins d'analyse et enfin interpréter les résultats de l'échantillonnage et de l'analyse. On a retenu les services de Jan Merks à titre d'expert dans l'élaboration du programme d'échantillonnage et dans l'interprétation des données de l'échantillonnage et de l'analyse.

[115]        M. Clark a conclu que, dans les RDA actuellement entreposés dans les cinq piles/cellules en question, la concentration moyenne de BPC ne dépasse pas le seuil réglementaire de 50 ppm.


[116]        Dillon a d'abord pris trois séries d'échantillons de RDA dans la cellule 5 aux installations de XPotential afin de vérifier la précision de trois protocoles pour l'échantillonnage sur le terrain et la préparation d'échantillons. Les trois protocoles examinés étaient :

(i)          le protocole établi par Environnement Canada;

(ii)         un échantillonnage discret obtenu par subdivision mécanique de l'échantillon;

(iii)        une subdivision mécanique des échantillons et leur intercalage subséquent, tel qu'il est décrit dans le protocole prescrit par M. Merks.

[117]        Le protocole d'échantillonnage utilisé par Environnement Canada s'est révélé être celui ayant la plus grande variance, et donc, selon M. Clark, le plan d'échantillonnage le moins approprié. Toujours selon M. Clark, il faudrait adopter les conclusions du rapport Dillon plutôt que les conclusions du rapport d'Environnement Canada de 1999, et ce pour les motifs suivants :


(i)          l'échantillonnage sur le terrain et la préparation des échantillons par Dillon ont produit, de façon complètement aléatoire et objective, des échantillons représentatifs des RDA alors que l'échantillonnage et la préparation des échantillons par Environnement Canada ont été faits de manière subjective;

(ii)         le plan d'échantillonnage de Dillon (qui utilisait un échantillonnage systématique stratifié) est préférable au plan d'échantillonnage d'Environnement Canada (qui utilisait un échantillonnage aléatoire stratifié) lorsqu'il s'agit de déterminer les caractéristiques d'un mélange hétérogène de déchets comme les RDA.

3. Affidavit de Jan Merks

[118]        M. Merks est un métrologue qui a une grande expérience dans la conception et l'évaluation de plans d'échantillonnage et dans l'analyse statistique de données, et ce dans une large gamme d'industries et dans des situations variées. Il a été reconnu comme témoin expert en analyse statistique et en plans d'échantillonnage auprès de nombreuses instances judiciaires et administratives. Il a rédigé un document sur l'échantillonnage et l'analyse des solides en vrac et a participé à de nombreux comités consultatifs canadiens auprès de l'Organisation internationale de normalisation pour ce qui est de l'échantillonnage des matériaux en vrac et de l'application de méthodes statistiques. Il a travaillé dans le domaine de la chimie analytique et a été chef de laboratoire ainsi que directeur de laboratoire.


[119]        M. Merks a d'abord été engagé afin de conseiller Dillon dans la conception d'un échantillonnage et dans l'élaboration des procédures de préparation des échantillons devant servir à mesurer les concentrations de BPC dans les piles et les cellules dont il est question dans la présente affaire. Les services de M. Merks ont aussi été retenus afin qu'il puisse revoir et commenter les méthodes d'échantillonnage et les méthodes statistiques utilisées par Environnement Canada et décrites dans les affidavits de M. Fingas et de Mme Kurbis; il a de plus révisé les résultats de l'échantillonnage et de l'analyse des RDA soumis par Dillon.

[120]        Selon M. Merks, l'analyse statistique des données contenues dans le rapport de 1997 et dans le rapport de 1999 d'Environnement Canada n'établit pas qu'une cellule ou une pile de RDA ait eu une concentration moyenne de BPC qui s'écarte statistiquement du seuil réglementaire de 50_ppm. Par ailleurs, il est d'avis que l'analyse statistique des résultats obtenus par Dillon montre que les concentrations moyennes de BPC dans chaque pile ou cellule testée par Dillon sont de beaucoup inférieures ou statistiquement identiques au seuil réglementaire.

[121]        Selon M. Merks, le programme d'échantillonnage mis en oeuvre par Dillon est préférable au programme d'échantillonnage utilisé par Environnement Canada pour les motifs suivants :


1.          Dillon a employé une méthode d'échantillonnage systématique stratifié, qui est la méthode la plus appropriée lorsqu'il s'agit de procéder à l'échantillonnage de matériaux tels que les RDA entreposés aux installations de General Scrap et XPotential. L'échantillonnage stratifié aléatoire utilisé par Environnement Canada est une méthode plus appropriée dans d'autres situations, comme le contrôle statistique de la qualité de produits de consommation.

2.          Le protocole d'échantillonnage systématique stratifié suivi par Dillon permet une analyse statistique rigoureuse des données analytiques générées par le programme d'échantillonnage.

3.          Dillon a soigneusement uniformisé les échantillons primaires afin de minimiser les variances à l'étape de la sélection. Au contraire, Environnement Canada a uniformisé ses échantillons à l'aveuglette.

4.          La méthode suivie par Dillon non seulement réduit la variance à l'étape de préparation de l'échantillon, mais donne aussi une estimation objective de la variance des relevés.


[122]        Après avoir comparé les programmes de tests utilisés par Dillon à ceux d'Environnement Canada, M. Merks est arrivé aux conclusions suivantes :

1.          La méthode d'échantillonnage de Dillon est nettement plus précise que celle d'Environnement Canada.

2.          La comparaison statistique des variances entre les piles ou cellules, et à l'intérieur de celles-ci, pour chacun des trois rapports - rapport Dillon, rapport d'Environnement Canada de 1997 et rapport d'Environnement Canada de 1999 - a montré que les variances de Dillon sont homogènes, alors que celles d'Environnement Canada ne le sont pas.

3.          Toutes ces conclusions démontrent que le programme d'échantillonnage de Dillon est nettement plus précis que celui d'Environnement Canada.

[123]        Bien que le rapport d'Environnement Canada de 1999 indique que le ministère a mis en pratique une procédure analogue à celle recommandée par l'Agence des États-Unis pour la protection de l'environnement (EPA), M. Merks est d'avis qu'Environnement Canada a utilisé une méthode radicalement différente de celle recommandée par l'EPA. Les manquements d'Environnement Canada par rapport à la procédure de l'EPA étaient les suivants :


1.          Environnement Canada n'a pas suivi la méthode d'échantillonnage systématique stratifié.

2.          Environnement Canada n'a pas appliqué, ou a mal appliqué, la formule recommandée par l'EPA, qui permet de calculer la quantité minimale d'échantillons nécessaires pour chaque unité d'échantillonnage afin de pouvoir tirer des conclusions statistiquement valides au sujet des concentrations de BPC.

3.          Environnement Canada n'a pas calculé correctement les limites de confiance à 95_% pour la moyenne arithmétique des concentrations de BPC.

4.          Environnement Canada n'a pas appliqué les critères recommandés par l'EPA, critères qui auraient démontré que le programme d'essai utilisé pour préparer le rapport d'Environnement Canada de 1999 n'était pas probant.

[124]        M. Merks souligne que les résultats du rapport d'Environnement Canada de 1997 auraient dû être perçus comme un indice de la grande variabilité de ses données.


[125]        Mis à part ces considérations, M. Merks est d'avis que les conclusions d'Environnement Canada ne sont pas valides en raison du « calcul de l'erreur totale » manifestement erroné. Selon lui, les principaux défauts de la méthode employée par Environnement Canada sont :

1.          Environnement Canada a utilisé à tort la valeur certifiée des matériaux de référence étalon comme s'il s'agissait de la concentration réelle de BPC.

2.          Environnement Canada a fait erreur en voulant utiliser l'analyse du matériau de référence étalon comme méthode d'étalonnage.

3.          Environnement Canada a appliqué à tort une correction pour les variances, contrairement aux principes fondamentaux des variances tels que définis dans la théorie des probabilités et en statistique appliquée.

4. Affidavit de Michael Bertram

[126]        M. Bertram est un ingénieur en géoenvironnement qui travaillait chez Dillon à l'époque pertinente. Il a neuf ans d'expérience en évaluation environnementale et en restauration de site ainsi qu'en caractérisation de contaminants. Il était présent lors de la collecte des échantillons dont il a d'ailleurs supervisé le prélèvement.

[127]        M. Bertram déclare que les protocoles d'échantillonnage décrits dans le rapport d'Environnement Canada de 1999 diffèrent de ceux utilisés par Dillon par quatre aspects :


1.          En prélevant les échantillons primaires avec une pelle rétrocaveuse, Environnement Canada a raclé les parois de chaque puits de reconnaissance de haut en bas, ce qui a eu pour effet de mélanger les RDA ainsi raclés avec ceux présents au fond du puits. On a ensuite extrait les échantillons primaires avec le godet de la rétrocaveuse. Par comparaison, la méthode suivie par Dillon dans 117 des 127 puits consistait à descendre le godet au fond du puits et à ramener les RDA du bas vers le haut en longeant la paroi, prélevant ainsi environ 20 litres de RDA dans le godet.

2.          Environnement Canada a sélectionné les sous-échantillons en utilisant une petite pelle de prélèvement pour remplir à la main les récipients à échantillon d'une capacité de deux litres avec les matériaux provenant du godet de la rétrocaveuse. Dillon a utilisé un diviseur à riffles pour prélever aléatoirement, à partir de chacun des échantillons primaires de 20 litres, des sous-échantillons qui étaient ensuite placés dans les récipients à échantillon de deux litres. En utilisant le diviseur à riffles, on élimine considérablement les risques de subjectivité et de partialité lors du choix des échantillons.


3.          Environnement Canada a prélevé jusqu'à huit échantillons dans chaque pile ou cellule. Dillon a prélevé de 20 à 42 échantillons primaires dans chaque pile ou cellule.

4.          Environnement Canada a soumis à l'analyse en laboratoire des échantillons discrets de chaque puits. Pour chaque section, Dillon a intercalé des échantillons provenant des puits numérotés, alternant les nombres pairs et impairs, de manière à produire un échantillon composite qui soit représentatif, avant de le soumettre à une analyse en laboratoire.

[128]        Selon M. Bertram, la procédure utilisée par Environnement Canada, qui consiste à racler le puits de haut en bas, est une méthode d'échantillonnage moins fiable parce que des matériaux plus fins, résultant de l'opération de raclage, s'accumulent au fond du puits. Les matériaux fins pourraient avoir des concentrations de BPC différentes des concentrations des matériaux grossiers. De plus, comme la largeur du puits était souvent égale à la largeur du godet de la pelle rétrocaveuse, il est peu probable qu'on ait pu procéder à un mélange adéquat.


[129]        Selon M. Bertram, la méthode employée par Environnement Canada pour prélever les échantillons de deux litres à l'aide d'une petite pelle en métal produirait un volume non représentatif de matériaux fins, ce qui ferait augmenter la quantité de matériaux fins dans les échantillons. Par conséquent, les échantillons ne seraient pas représentatifs des RDA dans chaque unité d'échantillonnage. M. Bertram a aussi fait remarquer que l'échantillonnage manuel à l'aide d'une pelle de prélèvement ajoute inévitablement un critère de partialité au moment de prélever les échantillons destinés à être mis dans les récipients d'échantillonnage.

5. Affidavit de Detlef Birkholz

[130]        M. Birkholz est vice-président directeur d'Enviro-Test Laboratories. Docteur en écotoxicologie, il a 28 ans d'expérience pratique en chimie analytique et 13 ans d'expérience pratique et théorique en écotoxicologie. Il a été reconnu comme témoin expert dans les domaines de la chimie analytique, des méthodes de laboratoire et des essais environnementaux dans de nombreuses instances judiciaires.

[131]        Enviro-Test Laboratories a été retenu pour ses services d'analyse en ce qui concerne les programmes d'échantillonnage et d'analyse entrepris par Dillon pour ce qui est des échantillons de RDA prélevés sur les installations de General Scrap et de XPotential. M. Birkholz a réexaminé les données analytiques d'Enviro-Test pour déterminer les concentrations de BPC dans les échantillons prélevés par Dillon; il a aussi réexaminé les données d'assurance et de contrôle de qualité. Après examen des données et des résultats du contrôle de qualité, M. Birkholz est d'avis que les résultats des analyses effectuées par Enviro-Test sont valides, fiables et exacts.


6. Affidavit de Donald Davies

[132]        M. Davies est vice-président des programmes scientifiques chez Cantox Environmental Inc. Titulaire d'un doctorat en nutrition et en toxicologie, il possède une vaste expérience de l'évaluation des risques pour la santé en ce qui concerne différents types d'emplacements industriels et en ce qui a trait à diverses substances. Il a déjà été cité et reconnu, dans de nombreuses instances judiciaires et quasi judiciaires, en tant que témoin expert dans les domaines de la toxicologie et de l'évaluation des risques pour la santé. Il est accrédité auprès de l'American Board of Toxicology. Le 15 décembre 2000, il s'est présenté aux installations de General Scrap et de XPotential afin de procéder à une évaluation préliminaire des risques pour la santé et pour l'environnement. Il est d'avis que les BPC contenus dans les RDA entreposés aux installations de General Scrap et de XPotential ne constituent un risque ni pour l'environnement, ni pour le public en général, ni pour les employés et les visiteurs, ni pour les espèces fauniques de la région. Il est de cet avis peu importe que les valeurs des concentrations de BPC contenus dans les RDA soient celles de Dillon ou d'Environnement Canada. Selon lui en effet, les différences observées dans les concentrations n'ont aucune importance en ce qui a trait aux risques pour la santé ou pour l'environnement.


c) Analyse de la preuve

[133]        Au cours de sa plaidoirie, l'avocat de la demanderesse a fait observer qu'à la lecture des documents déposés par les parties, on a l'impression que la Cour est saisie de deux dossiers différents, tellement les deux points de vue divergent bien qu'ils soient fondés sur les mêmes faits. Tel est bien le cas.

[134]        Pour que la demanderesse ait gain de cause, Environnement Canada doit établir, suivant la prépondérance de la preuve, que les RDA contiennent des BPC en quantité suffisante pour qu'ils soient étiquetés et entreposés de manière particulière conformément au Règlement.

[135]        L'analyse de la preuve commence logiquement par ce qui n'est pas contesté, soit :

1.          Pour que le Règlement s'applique, il faut que les RDA entrent dans la catégorie « matériel contenant des BPC » . Pour ce faire, il faut que les RDA soient des solides contenant des BPC ou des substances contenant des BPC, tels que définis dans le règlement. Ceci suppose ensuite que les RDA contiennent plus de 50_mg de BPC par kilogramme de solide ou de substance (ou plus de 50_ppm) et qu'il y ait 100_kg ou plus de solides ou de substances contenant des BPC.


2.          Ni la loi, ni le règlement ne prescrivent une stratégie ou une méthodologie particulière d'échantillonnage.

3.          Dans le présent contexte, une stratégie d'échantillonnage est le procédé grâce auquel on détermine le nombre d'échantillons individuels qui doivent être prélevés de chaque cellule ou pile de RDA, et l'endroit où les échantillons seront prélevés. À partir des analyses faites sur ces échantillons, on peut tirer des conclusions sur la cellule ou pile de RDA dans son ensemble, ainsi que sur les parties de cellule ou pile de RDA qui ne faisaient pas partie de l'échantillon. L'objet en litige, c'est ce qui est contenu dans les RDA et qui n'a pas été analysé.

4.          Environnement Canada ne conteste pas les résultats des analyses individuelles obtenus grâce au programme d'échantillonnage des intimés, et rapportés par Dillon. Environnement Canada conteste les interprétations et les analyses de ces résultats par les intimés.

5.          Les intimés contestent les résultats des analyses individuelles obtenus par Environnement Canada ainsi que l'analyse et l'interprétation de ces résultats par Environnement Canada.


6.          La principale question qui oppose les parties est la suivante : peut-on utiliser la moyenne d'une cellule ou pile entière, ou de sections plus petites, appelées points chauds, à l'intérieur d'une pile ou cellule, pour déterminer s'il y a ou non 100_kg de RDA dont la concentration de BPC est supérieure à 50_ppm?

[136]        À la lumière des observations formulées par les parties, la preuve présentée à la Cour sera examinée sous les rubriques suivantes :

1.          La validité des données d'Environnement Canada.

2.          L'utilisation des résultats individuels.

3.          Le recours aux statistiques.

1. La validité des données d'Environnement Canada

[137]        Les intimés prétendent que les données du rapport d'Environnement Canada de 1997 et du rapport d'Environnement Canada de 1999 doivent être rejetées, ou que les données du rapport Dillon doivent être privilégiées pour les raisons suivantes :

1.          Les rapports d'Environnement Canada sont fondés sur un nombre insuffisant d'échantillons et sur un système d'échantillonnage inadéquat.


2.          Environnement Canada a dérogé à son propre plan d'échantillonnage, du moins en ce qui concerne la pile ouest de General Scrap.

3.          Environnement Canada a utilisé une méthode d'échantillonnage moins précise.

[138]        Examinons chacune de ces affirmations.

Le rapport d'Environnement Canada de 1999 est-il fondé sur un nombre insuffisant d'échantillons et sur un système d'échantillonnage inadéquat?

[139]        M. Fingas a affirmé dans son affidavit et a confirmé en contre-interrogatoire qu'on lui a demandé de [traduction] « concevoir et mettre en oeuvre une méthodologie d'échantillonnage qui utiliserait des procédures normales et éprouvées, procédures qui permettraient à l'équipe chargée des prélèvements de prendre des échantillons dans chacune des grandes piles (les cellules) de RDA aux installations de General Scrap et de XPotential; les échantillons ainsi prélevés seraient, à l'analyse, représentatifs de chaque cellule tout entière » . M. Fingas a établi que [traduction] « des échantillons prélevés à suffisamment d'endroits à l'intérieur de chaque cellule de RDA seraient nécessaires pour obtenir des résultats statistiquement fiables et représentatifs pour chacune des cellules » .


[140]        Par rapport au nombre d'échantillons, M. Fingas a précisé dans son rapport qu'il avait appliqué une formule statistique afin de calculer le nombre minimal d'échantillons requis; il cite aussi deux études de l'EPA qui appuient sa démarche, « Sampling Guidance for Scrap Metal Shredders: Field Manual, Environmental Protection Agency, 1992 » (Rapport de l'EPA de 1992) et « Test Methods for Evaluating Solid Waste, Chapter 9, Sampling Plan, Environmental Protection Agency, 1993 » (Rapport de l'EPA de 1993). Les deux rapports étaient cités en référence dans le rapport de M. Fingas, lequel a confirmé, en contre-interrogatoire, qu'il avait cité en référence tout document sur lequel il s'était fortement appuyé pour rédiger son propre rapport. De ces deux rapports, M. Fingas dit qu'il a surtout utilisé celui de 1992, suivant les conseils qu'il a reçus de l'EPA.

[141]        Pour ce qui est du système d'échantillonnage, à chaque emplacement, chaque cellule ou pile a été divisée en unités de trois mètres. Suivant un processus de sélection aléatoire, certaines cellules étaient sélectionnées en tant qu'échantillons devant être analysés. Cette méthode est censée être semblable à celle recommandée par l'Agence de protection de l'environnement dans ces rapports de 1992 et 1993.

[142]        Dans son affidavit, Jan Merks a déclaré qu'en ce qui concerne le nombre d'échantillons prélevés, Environnement Canada n'a pas appliqué ou a mal appliqué la formule recommandée par l'EPA, formule qui permet de déterminer le nombre minimal d'échantillons requis dans chaque pile ou cellule.


[143]        Pour ce qui est du programme d'échantillonnage, M. Merks a déclaré que le programme d'échantillonnage mis en oeuvre par Dillon est préférable au programme employé par Environnement Canada parce que Dillon a appliqué l'échantillonnage systématique stratifié, méthode la plus appropriée lorsqu'il faut prendre des échantillons de matériaux en vrac. Environnement Canada a eu recours à l'échantillonnage aléatoire stratifié, une méthode plus appropriée, selon M. Merks, lorsqu'on l'applique, par exemple, au contrôle statistique de la qualité de produits de consommation. M. Merks est aussi d'avis que le protocole d'échantillonnage systématique stratifié observé par Dillon est plus précis lorsqu'il s'agit de matériaux en vrac et que l'EPA suggère l'échantillonnage systématique stratifié.

[144]        Dans son rapport, Dillon soutient aussi que l'échantillonnage systématique stratifié est le protocole le plus approprié, bien que dans les faits Dillon s'en soit remis à M. Merks pour concevoir la méthode d'investigation et les protocoles de préparation des échantillons.

[145]        M. Fingas a été contre-interrogé sur ces questions, mais non M. Merks. M. Fingas a précisé qu'en plus de s'appuyer sur les documents cités dans son rapport, il a rencontré des représentants de l'EPA qui lui ont fourni d'autres rapports. M. Fingas a aussi déclaré avoir envoyé une copie de son plan d'échantillonnage à l'EPA, de qui il a probablement reçu des commentaires verbaux qu'il n'a toutefois pas consignés dans son rapport. Aucun témoignage n'a été entendu au sujet du contenu de ces commentaires.


[146]        En ce qui a trait au nombre d'échantillons prélevés, M. Fingas a confirmé que les directives d'échantillonnage du rapport de l'EPA de 1993, pour ce qui est des déchiqueteurs de métaux, recommandent de prendre 20 échantillons dans chaque pile mais qu'il en a prélevé beaucoup moins. Il a déclaré que c'est surtout le manuel d'échantillonnage officiel (le rapport de l'EPA de 1992) qui est utilisé, rapport qui est en contradiction avec le rapport de l'EPA de 1993. Le rapport de l'EPA de 1992 n'aborde pas directement la question des RDA. Dans le rapport de l'EPA de 1992, on établit plutôt une équation statistique devant servir à calculer le nombre approprié d'échantillons de déchets solides qu'il faut prélever. M. Fingas a énoncé cette équation dans son rapport. Il s'est ensuite basé sur des exemples cités dans ces documents pour calculer le nombre minimal d'échantillons requis, puis a doublé le résultat obtenu afin de déterminer le nombre d'échantillons à prélever.

[147]        J'estime que la mise en oeuvre d'un plan d'échantillonnage approprié est d'une importance cruciale pour l'évaluation des quantités de BPC contenues dans les RDA. J'arrive à cette conclusion en m'appuyant sur le rapport de l'EPA de 1992, sur lequel M. Fingas s'est appuyé, et dans lequel on cite à la page 9-1 :

[traduction]Le premier élément - et peut-être le plus fondamental - dans un programme destiné à évaluer les propriétés physiques et chimiques d'un déchet solide est le plan de prélèvement des échantillons de déchets. On peut comprendre que les études analytiques, avec leurs instruments très perfectionnés et leurs coûts élevés, puissent être considérées comme le principal élément d'un programme de caractérisation des déchets. Toutefois, malgré ce perfectionnement et ces coûts élevés, les données analytiques générées par un plan d'échantillonnage scientifiquement inadéquat sont de peu d'utilité, surtout dans le cas d'instances réglementaires. [Non souligné dans l'original.]


[148]        M. Fingas a convenu, lors du contre-interrogatoire, que les données analytiques générées par un plan d'échantillonnage scientifiquement inadéquat ont une utilité limitée.

[149]        Lorsqu'il y a incompatibilité entre le témoignage de M. Fingas et celui de M. Merks à propos du nombre d'échantillons requis et du plan d'échantillonnage systématique stratifié, je donne la préférence au témoignage de M. Merks, car ce dernier possède une expertise reconnue dans les domaines précis de la conception et de l'évaluation des plans d'échantillonnage. À cet égard, il a été reconnu comme témoin expert dans le domaine des plans d'échantillonnage dans plusieurs instances judiciaires et administratives; de plus, il a rédigé un document sur l'échantillonnage et l'analyse des solides en vrac. M. Clark a déclaré que les travaux de M. Merks sur la caractérisation des déchets ont été acceptés par le ministère de l'Environnement de la Colombie-Britannique, Direction des terres et des parcs.


[150]        Bien que M. Fingas ait de l'expérience en matière d'échantillonnage et qu'il soit l'auteur d'une dizaine de publications qui [traduction] « traitent d'échantillonnage de BPC dans le cadre d'enjeux de ce genre » et ont reçu l'aval de ses pairs, ses champs de spécialité mentionnés dans son curriculum vitae sont la dynamique et le comportement des substances déversées, l'étude des procédés de traitement des déversements, le brûlage sur place et les équipements de protection individuels. Je ne suis pas convaincue que les connaissances et l'expérience de M. Fingas dans les domaines de la conception et de l'évaluation des plans d'échantillonnage soient aussi vastes que celles de M. Merks. J'accorde peu de poids aux informations ou aux commentaires verbaux que M. Fingas aurait reçus de l'EPA au sujet des plans d'échantillonnage. Il s'agit là de commentaires qui n'ont été cités ni dans le rapport, ni dans l'affidavit et qui ne semblent pas avoir été suffisamment importants pour que M. Fingas les ait notés ou consignés dans ces dossiers. Les détails concernant tout commentaire qu'il aurait pu recevoir n'ont pas été déposés en preuve.

[151]        Qui plus est, la demanderesse n'a pas contre-interrogé M. Merks quant à son témoignage selon lequel Environnement Canada a fait erreur en calculant le nombre minimal d'échantillons requis et selon lequel le programme d'échantillonnage de Dillon est préférable au programme d'échantillonnage utilisé par Environnement Canada. M. Merks n'a pas non plus été contre-interrogé au sujet de ses affirmations voulant qu'Environnement Canada se soit écarté des procédures recommandées par l'EPA pour adopter plutôt des procédures foncièrement différentes en ce qui concerne l'échantillonnage stratifié systématique. Par conséquent, le témoignage de M. Merks sur ces sujets est inattaquable.

Environnement Canada a-t-il dérogé à son propre plan d'échantillonnage en ce qui concerne la pile ouest de General Scrap?


[152]        La demanderesse reconnaît que le plan d'échantillonnage d'Environnement Canada n'a pas été suivi en ce qui concerne la pile ouest, dans la mesure où seuls des échantillons de surface ont été prélevés avec une pelle sur une petite partie de ladite pile. Le plan d'échantillonnage prévoyait l'utilisation d'une rétrocaveuse pour prélever des échantillons à des endroits choisis de façon aléatoire. En général, chacun des trous d'échantillonnage avait une profondeur variant entre deux et cinq mètres de façon à ce que chaque échantillon soit, pour reprendre les mots de M. Fingas, [traduction] « représentatif d'une tranche de la pile entière » . M. Fingas prétend qu'en prélevant cinq tranches à cinq endroits différents dans une pile, on peut établir si les matériaux contiennent des BPC.

[153]        La dérogation au plan d'échantillonnage découle du fait qu'au moment où Environnement Canada a effectué ses prélèvements, de la ferraille avait été placée sur le dessus de la pile rendant cette dernière inaccessible par endroits.

[154]        Cette dérogation aurait pour effet de réduire le degré de représentativité des « tranches » prélevées dans la pile ouest à cet endroit, du fait que seule la surface de la tranche a été échantillonnée. Ceci pourrait servir de fondement pour contester la représentativité des résultats des tests effectués par Environnement Canada dans la pile ouest.

Environnement Canada a-t-il utilisé une méthode d'échantillonnage moins précise?


[155]        Afin d'obtenir des prélèvements élémentaires, Environnement Canada a utilisé une rétrocaveuse pour creuser un trou dans les RDA. Après avoir dégagé un pan vertical de la cellule, la rétrocaveuse a raclé les parois, faisant tomber des matériaux au fond du trou où ils ont ensuite été mélangés aux autres matériaux. L'opérateur de la rétrocaveuse a ensuite retiré un godet plein de matériaux puisés au fond du trou. Des employés ont examiné le contenu et si des morceaux étaient trop gros pour les récipients à échantillon, ils les divisaient en plus petits morceaux. Puis l'équipe d'échantillonnage a mélangé l'échantillon dans le godet à l'aide d'une pelle pour ensuite sélectionner des échantillons pris au hasard pour les mettre dans les récipients à échantillon de deux litres.

[156]        Pour leur part, les intimés ont creusé, avec une rétrocaveuse, un trou dans les RDA afin de dégager la cellule. La rétrocaveuse a ensuite raclé les parois du trou de bas en haut. Les matériaux recueillis dans le godet ont été examinés et les gros morceaux ont été subdivisés. Puis ils ont été mélangés à l'aide d'une fourche ou d'une pelle, puis placés dans un diviseur à riffles. Les matériaux étaient ensuite placés de façon aléatoire dans deux piles situées aux deux extrémités du diviseur, l'une des extrémités étant identifiée par un nombre pair et l'autre par un nombre impair. Un générateur de nombres aléatoires a été utilisé pour générer une série de nombres aléatoires. Les RDA étaient ensuite placés dans le diviseur à riffles, et selon le nombre aléatoire tiré, la pile paire ou la pile impaire était placée dans le récipient à échantillon. La pile non sélectionnée était réinsérée dans le diviseur à riffles. On a répété l'opération jusqu'à ce que le nombre requis d'échantillons de 20 litres, c'est-à-dire le prélèvement élémentaire, soit atteint. On a utilisé le diviseur à riffles afin de maximiser l'homogénéité de l'échantillon.


[157]        Comme l'a expliqué M. Clark dans son affidavit, Dillon a effectué un test dans la cellule 5 en suivant la méthode d'échantillonnage d'Environnement Canada, c'est-à-dire en prélevant manuellement des échantillons du godet de la rétrocaveuse comme l'avait fait Environnement Canada. La seule différence est que le godet de la rétrocaveuse a été rempli avec les raclages prélevés de bas en haut le long des parois de la cellule choisie et non de haut en bas. Les échantillons ont ensuite été analysés, puis comparés aux résultats des analyses des échantillons prélevés et séparés mécaniquement à l'aide du diviseur à riffles. Les résultats des tests sont les suivants :

BPC (en ppm) Écart

(moyenne)                    type

Échantillon séparé

mécaniquement                                                 50,4                              18,6

Méthode d'Environnement Canada                   68,3                              59,4

[158]        Si l'on considère chacune de ces méthodes, les parties conviennent que le mélange des RDA dans le godet de la rétrocaveuse (par Environnement Canada) et à l'aide du diviseur à riffles (par les intimés) avait pour but d'homogénéiser les RDA au point d'échantillonnage. Les parties conviennent aussi qu'il est important que le prélèvement élémentaire soit aussi homogène que possible.

[159]        M. Fingas a déclaré que les BPC se trouvent principalement dans les huiles contenues dans les RDA et qu'ils se concentrent dans de fins granules de RDA ainsi que dans les tissus de revêtement perméables qu'on trouve dans les RDA. Il s'ensuit, selon M. Fingas, que le sous-échantillonnage qui entraîne la sélection d'éléments de RDA plus gros ou plus denses diminue la teneur apparente en BPC, alors que la sélection d'éléments plus fins augmente cette teneur.


[160]        Dans son témoignage, M. Merks a dit que le diviseur à riffles a soigneusement homogénéisé les échantillons primaires alors qu'Environnement Canada a homogénéisé ses échantillons à l'aveuglette. De l'avis de M. Clark, l'échantillonnage sur le terrain effectué par Environnement Canada était subjectif alors que celui de Dillon était aléatoire et objectif. M. Bertram, l'ingénieur qui a surveillé le prélèvement des échantillons, a exprimé l'opinion suivante :

1.          En excavant le puits de reconnaissance, des matières fines s'accumuleraient au fond du puits. De plus, comme le puits de reconnaissance ne serait pas plus large que le godet de la rétrocaveuse, le mélange serait difficile. Pour ces raisons, il a conclu que la méthode d'échantillonnage utilisée par Environnement Canada était moins fiable.

2.          Le prélèvement manuel d'échantillons de RDA pratiqué par Environnement Canada et leur transfert dans des récipients à échantillonnage de deux litres entraînent le prélèvement d'un volume accru de matières fines, de sorte que les échantillons ne sont guère représentatifs des RDA contenus dans les récipients à échantillon.

[161]        M. Merks n'a pas été soumis à un contre-interrogatoire. MM. Clark et Bertram ont tous les deux été contre-interrogés, mais je ne crois pas que cela ait entaché la valeur de leurs témoignages sur ces points.


[162]        Environnement Canada soutient qu'il n'y a pas de preuve analytique que le raclage de bas en haut ou de haut en bas soit préférable ni que le diviseur à riffles soit préférable. Cela est exact, car le test effectué par Dillon quant à la méthode employée par Environnement Canada, et qui a donné des taux élevés de contamination aux BPC, était basé sur un échantillon primaire obtenu en raclant la paroi du puits de bas en haut.

[163]        Toutefois, dans le rapport de 1992 que M. Fingas a endossé et suivi, l'EPA indique, à la page 9-8 :

[traduction] Il est important de souligner qu'un échantillon prélevé à l'aveuglette ne peut pas remplacer adéquatement un échantillon prélevé de manière aléatoire. En effet, on ne peut garantir qu'une personne procédant à un échantillonnage à l'aveuglette ne favorise pas consciemment ou non le choix de certaines unités de population, rendant ainsi l'échantillon non représentatif de la population.

[164]        M. Fingas a convenu que les BPC sont concentrés dans les fins granules de RDA. Dans le témoignage de M. Bertram, que je retiens, il est dit que la méthode d'échantillonnage utilisée par Environnement Canada entraîne l'accumulation de matière fine au fond du puits de reconnaissance et que le prélèvement manuel des échantillons de RDA à l'aide d'une petite pelle produit une quantité non représentative de matières fines.

[165]        Toutes ces considérations me portent à croire que la méthode employée par Environnement Canada donnera des taux de BPC plus élevés, comme l'ont révélé les tests effectués par Dillon et mentionnés précédemment.

[166]        Par conséquent, je privilégie la méthode d'échantillonnage de Dillon.


[167]        On peut considérer un dernier point sous la présente rubrique : il s'agit du bien-fondé de la méthode utilisée par les intimés pour sélectionner des échantillons d'analyse suivant le protocole établi par M. Merks, soit l'utilisation du diviseur à riffles et l'intercalage des échantillons. Pour soumettre au laboratoire d'analyse un échantillon représentatif des RDA recueillis, on a préparé des échantillons de deux litres à partir des échantillons primaires de 20 litres, en utilisant le diviseur à riffles et en intercalant des échantillons composites.

[168]        M. Merks est d'avis que l'assemblage de prélèvements élémentaires en paires d'échantillons primaires intercalés et la préparation des échantillons primaires au moyen du diviseur à riffles permettent non seulement de réduire la variance à l'étape de préparation de l'échantillon, mais aussi d'obtenir une estimation non biaisée de la variance de la mesure.

[169]        M. Fingas est en désaccord et déclare dans son affidavit qu'il est inexact de prétendre qu'en raison d'un écart-type plus bas, les résultats obtenus par Dillon sont plus justes que ceux d'Environnement Canada. De l'avis de M. Fingas, on peut s'attendre à un écart-type inférieur quand on suit une méthode où plusieurs échantillons sont mélangés avant que ne soit prélevé un sous-échantillon. Le mélange réduit la variabilité et l'écart-type.


[170]        Environnement Canada allègue que la méthode utilisée par Dillon masque les propriétés des matériaux contenus dans une cellule et que la seule raison de suivre le protocole de Merks consistant à utiliser le diviseur à riffles et à intercaler les échantillons est qu'il produit artificiellement les résultats les plus faibles possibles.

[171]        Si l'on revient aux essais menés par Dillon et mentionnés précédemment, Dillon a établi la valeur moyenne de BPC à 50,4 ppm et l'écart-type à 18,6 pour l'échantillon divisé mécaniquement. L'analyse des échantillons divisés mécaniquement et intercalés a donné une valeur moyenne de BPC de 39,6 ppm avec un écart-type de 10,8. La différence est notable.

[172]        Pour ce qui est de choisir entre l'opinion de M. Fingas et celle de M. Merks, la difficulté réside dans le fait que c'est M. Merks qui a établi le protocole d'intercalage des échantillons (voir par. 23(c)(ii) de l'affidavit de M. Clark), mais que la demanderesse a choisi de ne pas contre-interroger M. Merks, ni à ce sujet ni sur aucune autre partie de son témoignage.

[173]        Selon moi, les commentaires formulés dans le rapport de l'EPA de 1992 au sujet des échantillons composites sont tout aussi pertinents. Le rapport de l'EPA de 1992 est celui sur lequel s'est basé M. Fingas, de préférence au rapport de l'EPA de 1993, suivant les conseils adressés verbalement par des gens de l'EPA.

[174]        À la page 9-21 du rapport de l'EPA de 1992, on peut lire ce qui suit :


[traduction] Dans un échantillonnage composite, un certain nombre d'échantillons aléatoires sont d'abord prélevés des déchets, puis réunis en un seul échantillon qui est ensuite analysé afin de déceler la présence de contaminants chimiques préoccupants. Le principal désavantage de l'échantillonnage composite par rapport à un échantillonnage non composite est que certains renseignements concernant les contaminants chimiques sont perdus, c.-à-d. que chaque série initiale d'échantillons ne génère qu'une seule estimation de la concentration de chaque contaminant. Par conséquent, parce que le nombre de mesures analytiques (n) est faible, sx et t.20 sont grands, diminuant ainsi la probabilité qu'un contaminant soit présent dans les déchets à une concentration non dangereuse (voir les équations pertinentes des tableaux 9-1 et 9-2). Pour remédier à cette situation, il faut prélever et analyser un nombre relativement élevé d'échantillons composites, ce qui annule les économies que l'échantillonnage composite permet de réaliser en coûts d'analyse, mais permet une meilleure représentation des déchets qu'avec un échantillonnage non composite.

Le nombre d'échantillons composites qu'il est nécessaire de prélever dans des déchets solides est calculé à l'aide de l'équation 8 (tableau 9-1), tel que décrit précédemment pour les trois premières stratégies d'échantillonnage. Par rapport à l'échantillonnage non composite, l'échantillonnage composite peut avoir pour effet de réduire la variation entre échantillons (la même situation se produit lorsqu'on augmente les dimensions de l'échantillon), réduisant quelque peu le nombre d'échantillons à prélever. [Non souligné dans l'original.]

Dans la citation ci-dessus, le symbole sx désigne l'erreur-type, tandis que le symbole t.20 sert à totaliser des valeurs établies dans le tableau 9-2 du rapport de l'EPA.

[175]        Aucune preuve n'a démontré que Dillon n'a pas recueilli et analysé un nombre suffisant d'échantillons composites.

[176]        Par conséquent, compte tenu des renseignements sur l'échantillonnage composite fournis dans le rapport de l'EPA de 1992, renseignements qui portent sur la façon de parvenir à une meilleure représentation des déchets, et vu l'absence de contre-interrogatoire de M. Merks, je privilégie le témoignage de M. Merks, selon lequel l'intercalage d'échantillons composites est une méthode appropriée. Environnement Canada n'a pas réussi à me convaincre que le protocole d'intercalage avait été utilisé parce qu'il produisait de façon artificielle les résultats les plus bas possibles.


[177]        Bref, en ce qui concerne la validité des données d'Environnement Canada, j'arrive aux conclusion suivantes :

1.          Le plan d'échantillonnage appliqué par Dillon est préférable à celui d'Environnement Canada, car Dillon a utilisé un échantillonnage systématique stratifié et a prélevé un plus grand nombre d'échantillons.

2.          Environnement Canada a dérogé à son plan d'échantillonnage dans le cas de la pile ouest.

3.          La méthode de sélection des échantillons utilisée par Dillon est supérieure en ce que les échantillons ont été soigneusement homogénéisés à l'aide du diviseur à riffles, puis sélectionnés de façon aléatoire et objective.

4.          Il était opportun de recourir à des échantillons composites pour les besoins de l'analyse.

[178]        J'aborde maintenant la question de l'utilisation qui peut être faite des résultats des tests individuels, en particulier ceux obtenus par Dillon.


2. Résultats des tests individuels

[179]        Comme il a été mentionné précédemment, M. Fingas avait pour tâche de déterminer scientifiquement si les RDA présents dans les installations de General Scrap et de XPotential contenaient des BPC. Pour ce faire, il devait, selon ses propres mots, concevoir et mettre en oeuvre une méthodologie d'échantillonnage [traduction] « qui permettrait à l'équipe d'échantillonnage de prélever des échantillons dans chacune des grandes piles (cellules) de RDA chez General Scrap et chez XPotential, échantillons qui, à l'analyse, donneraient des résultats représentatifs de chaque cellule tout entière » [non souligné dans l'original]. M. Fingas a consigné ses observations dans un rapport et précisé la teneur en BPC d'après la moyenne obtenue pour chaque pile, avec des limites inférieures et supérieures de probabilité.

[180]        En contre-interrogatoire, en plus d'affirmer qu'il avait prélevé un nombre suffisant d'échantillons pour représenter la totalité des piles, M. Fingas a déclaré :

i)           que les résultats pour chacun des trous étaient importants;

ii)          que son objectif premier était de déterminer la teneur en BPC des matériaux entreposés dans les installations;

iii)          que, du fait de la dimension de chaque trou, il était possible de conclure d'après les résultats obtenus pour un seul trou et en vertu de la Loi, à la présence de matériel contenant des BPC dans ce trou;


iv)         que, à son avis, les résultats obtenus pour chaque échantillon, en plus de renseigner sur le contenu des récipients à échantillon de deux litres, sont représentatifs de ce qui se trouve dans les trous où ces échantillons ont été prélevés.

[181]        Environnement Canada prétend maintenant que les résultats individuels de tous les échantillons sont déterminants dans la présente demande. Soutenant qu'il est absolument incontestable que les résultats des analyses renseignent sur le contenu des échantillons de deux litres avant l'extraction des BPC, Environnement Canada fait valoir que les résultats de chaque échantillon de deux litres doivent représenter une plus grande superficie. À tout le moins, les échantillons sont représentatifs des RDA présents dans les prélèvements élémentaires de 20 litres. Considérant que chaque prélèvement élémentaire pèse 6 kg, Environnement Canada a calculé ensuite la masse de tous les prélèvements élémentaires dont les échantillons renfermeraient plus de 50 ppm de BPC, afin d'établir s'il y avait plus de 100 kg de matériel contenant des BPC. Environnement Canada a ainsi calculé que 396 kg de matériel contenaient des BPC.


[182]        Toutefois, Environnement Canada soutient aussi que la conclusion la plus raisonnable serait que chaque prélèvement élémentaire de 20 litres représente l'ensemble des matériaux extraits du trou d'échantillonnage. D'après la masse des matériaux extraits des puits de reconnaissance dont la teneur en BPC des échantillons est supérieure à 50 ppm, Environnement Canada en arrive à 73 080 kg de matériel contenant des BPC. Aucun de ces calculs n'apparaît dans le rapport de M. Fingas, qui n'a d'ailleurs pas témoigné à ce sujet.

[183]        Les intimés rejettent cet argument et soutiennent que les résultats obtenus pour des échantillons individuels ne peuvent en eux-mêmes servir à tirer des conclusions sur les caractéristiques d'un volume donné de RDA.

[184]        À l'appui de cette thèse, les intimés se fondent sur les témoignages de MM. Bertram et Clark.

[185]        En contre-interrogatoire, M. Bertram a déclaré ce qui suit :

[traduction]

2816.        Q              Seriez-vous en ce cas d'accord, étant donné les résultats des échantillonnages dans un seul puits d'essai et en tenant compte du fait que chaque puits présentait des valeurs supérieures à 50 parties par million, pour dire qu'il est possible de conclure que des points chauds ou zones de concentrations élevées ont été identifiés?

R              Je ne peux pas considérer qu'il s'agit d'un seul puits d'essai. Ce sont des échantillons prélevés dans un seul milieu. Ils ont été prélevés à différents endroits. Ils ont été pris avec des matières très hétérogènes représentatives de toute la cellule, comme nous l'avons appelé jusqu'à présent. Dire qu'un puits d'essai est supérieur à un autre est logique. Nous aurions pu creuser un puits à un pied d'un autre puits et obtenir des résultats différents. Il y aura toujours de la variabilité dans un matériau semblable. Je ne peux pas le considérer comme un seul échantillon ou comme une seule entité en - - c'est l'assemblage d'un tout.

[...]

M. KATZ :


2817.        Q              Diriez-vous, Monsieur, qu'il est possible d'utiliser ces résultats, ou des résultats plus récents si d'autres tests étaient effectués, pour cibler les zones à forte concentration et ensuite sortir de ces zones et déterminer l'étendue des zones à concentration élevée?

R              Non, on ne le pourrait pas.

2818.        Q              On ne le pourrait pas?

R              On ne le pourrait pas, à moins de prendre une particule à la fois on ne le pourrait pas; et même dans ce cas, comme il n'y a pas de mélange homogène de ces particules individuelles que vous analysez, il ne serait pas possible de définir une telle zone, de la distinguer d'une autre source. [Non souligné dans l'original.]

[186]        M. Clark a déclaré ceci dans son témoignage :

i)           Les résultats des tests individuels n'ont rien révélé à propos de la quantité de matériel contenant des BPC dans les piles ou cellules; il y a un risque à vouloir extrapoler la signification d'un seul résultat.

ii)          On ne peut pas, en se fondant sur le protocole d'extraction des BPC, présumer que les BPC sont distribués uniformément dans chacun des échantillons de deux litres. Les BPC pourraient ne se trouver que dans une infime partie de l'échantillon.


iii)          Les différents échantillons prélevés dans des échantillons primaires ne donneront pas des résultats d'analyses semblables. On obtiendra plutôt un ensemble de données qui suivront une distribution particulière. Ceci met en évidence les erreurs d'échantillonnage. En statistique, le terme « erreur d'échantillonnage » désigne les variations naturelles d'un échantillon à l'autre. Cette erreur découle du fait que l'analyse ne porte pas sur la totalité des matériaux contenus dans l'échantillon primaire; il y a donc une certaine variabilité des résultats d'un échantillon à l'autre.

iv)         Pour ce qui est de la cellule 5, Dillon a recueilli et analysé divers échantillons provenant du même prélèvement élémentaire. Les analyses des échantillons faites en janvier et en novembre 2000 ont donné des résultats différents. Cela montre bien la variabilité propre à chaque échantillon primaire, variabilité qui résulte du choix des échantillons. Voici les résultats de l'analyse de différents échantillons provenant du même prélèvement élémentaire :

Identification de l'échantillon composite

Total des BPC (ppm)

Rapport de janvier 2000

Total des BPC (ppm)

Rapport de novembre 2000

N21 IMPAIR

61

48

N21 PAIR

56

30

N22 IMPAIR

37

38

N22 PAIR

45

50

N23 IMPAIR

45

56

N23 PAIR

25

52

N24 IMPAIR

28

51

N24 PAIR

35

43

N25 IMPAIR

29

61

N25 PAIR

28

50

N26 IMPAIR

40

82

N26 PAIR

49

70

N27 IMPAIR

35

38

N27 PAIR

40

45

[187]        Lorsqu'il y a incompatibilité entre le témoignage de M. Fingas et ceux de MM. Clark et Bertram à propos de l'utilisation des résultats obtenus pour chaque échantillon, j'accorde ma préférence aux témoignages de MM. Clark et Bertram pour les raisons suivantes.

[188]        Tout d'abord, je rejette la prémisse de l'argumentation de la demanderesse selon laquelle on ne peut pas contester le fait que les résultats des analyses indiquent bien ce que contient chacun des échantillons de deux litres. Les résultats des échantillonnages de Dillon, mentionnés précédemment, ont démontré que cette prémisse est fausse : des résultats d'analyse très différents ont été obtenus pour divers échantillons prélevés du même échantillon primaire. M. Fingas a admis en contre-interrogatoire qu'on peut obtenir différents résultats à différents moments à partir du même échantillon primaire.

[189]        En effet, M. Fingas s'est appuyé dans son rapport de 1999 sur une étude pilote menée par l'EPA en 1991 et intitulée Westat Inc. PCB Lead and Cadmium Levels in Shredder Waste Materials; or M. Clark a témoigné que lors de cette étude, on a observé et rapporté une certaine variabilité dans l'échantillon primaire.


[190]        Environnement Canada n'a pas effectué de test afin de déterminer s'il y avait une certaine variabilité d'un résultat à l'autre dans un même emplacement. Si des échantillons prélevés d'un même échantillon primaire peuvent donner des résultats d'analyse différents, un seul résultat obtenu à partir d'un échantillon primaire ne peut, en toute logique, s'appliquer à un volume accru de matériaux, que ce soit le contenu du godet de 20 litres de la rétrocaveuse ou tout le contenu du trou.

[191]        Deuxièmement, M. Fingas a reconnu que les erreurs d'échantillonnage et de mesure sont normales lorsqu'on procède à l'échantillonnage des RDA parce que les RDA sont hétérogènes; et à cause de ces erreurs mêmes, des échantillons pris à une distance de deux pieds peuvent donner des résultats différents. Par conséquent, on peut difficilement tirer des conclusions d'un seul résultat.

[192]        Enfin, les deux parties reconnaissent l'expertise de l'EPA dont les deux rapports, celui de 1992 et celui de 1993, contiennent des directives à ce sujet. Dans le rapport de 1992 qui, de l'avis de M. Fingas, fait davantage autorité, il est indiqué, à la page 9-30, ce qui suit :

[traduction]Lors de la mise en oeuvre d'un plan d'échantillonnage des déchets ou au cours d'un test statistique, il faut tenter de minimiser les possibilités de tirer des conclusions inexactes en prélevant des échantillons qui soient représentatifs de la population. Dans les faits, le terme « échantillon représentatif » est communément employé pour désigner un échantillon qui (1) a les mêmes propriétés et la même composition chimique que la population d'où il a été prélevé et (2) a ces propriétés et cette composition dans les mêmes proportions moyennes que l'ensemble de la population.


Pour ce qui est de l'échantillonnage des déchets, l'expression « échantillon représentatif » peut prêter à confusion, sauf s'il s'agit de déchets homogènes auquel cas un échantillon peut représenter toute la population. Dans la plupart des cas, il serait préférable de considérer une « base de données représentatives » générée par la collecte et l'analyse de plusieurs échantillons, base qui définirait les propriétés ou la composition moyenne des déchets. Une « base de données représentatives » est une expression plus appropriée car l'évaluation de la plupart des déchets nécessite le prélèvement de nombreux échantillons afin d'évaluer les propriétés ou les concentrations moyennes de certains paramètres des déchets. (Les échantillons supplémentaires nécessaires pour générer une base de données représentatives peuvent aussi servir à déterminer la variabilité de ces propriétés ou de ces concentrations dans l'ensemble des déchets.) [Non souligné dans l'original.]

[193]        Les parties conviennent que les RDA ne sont pas homogènes; or le rapport de l'EPA de 1992 stipule clairement qu'un seul échantillon ne peut être représentatif de toute la population que si les déchets sont homogènes. Si tel n'est pas le cas, l'EPA recommande le recours à une base de données représentatives, mettant ainsi en évidence qu'il y a des risques à s'appuyer sur un seul échantillon pour représenter le contenu d'un trou d'échantillonnage ou même le contenu du godet d'une rétrocaveuse.

3. Recours aux analyses statistiques

[194]        L'essentiel du litige entre les parties, tel que défini par Environnement Canada, tient à la question suivante : peut-on utiliser la moyenne d'une cellule (ou pile) entière ou de zones plus petites (appelées points chauds) circonscrites dans une pile ou cellule pour établir si plus de 100 kg de RDA ont une concentration de BPC supérieure ou égale à 50 ppm?

[195]        Le point de vue d'Environnement Canada est le suivant : les inférences statistiques (les conditions d'application de la moyenne, l'écart-type et l'intervalle de confiance pour des cellules ou piles entières) ne sont pas pertinentes quant à la question de la conformité au Règlement.


[196]        Selon les intimés par contre, la question est de savoir si du matériel contient des BPC; il s'agit donc essentiellement d'un « test d'hypothèse » . Afin d'établir si certains RDA étaient du matériel contenant des BPC, les experts consultés par les intimés ont mis au point un programme d'échantillonnage et d'analyse; ils ont constaté que pour caractériser les RDA, il était préférable de considérer chaque pile ou cellule entière comme une unité d'échantillonnage. Cette méthode, dit-on, est conforme à ce qui est proposé dans le rapport de l'EPA de 1992.

[197]        Environnement Canada s'appuie sur le témoignage de M. Fingas qui a déclaré ce qui suit en contre-interrogatoire :

i)           Si l'on consulte les documents, la distribution des BPC dans les RDA ne suit pas une distribution normale, ni une distribution normale logarithmique, ni aucune autre distribution : en fait, elle est très aléatoire. Aussi il ne faudrait pas, sous prétexte de procédé scientifique, recourir à la statistique avec ce type de données.

ii)          Il est scientifiquement admis qu'on ne peut pas appliquer des méthodes statistiques à des données qui ne suivent pas une distribution normale.

iii)          Même si, dans les rapports de l'EPA de 1992 et de 1993, on a recours à des applications statistiques afin d'analyser les données d'échantillonnage, ces applications statistiques ne peuvent être utilisées pour les RDA.


iv)         M. Fingas s'est aussi inscrit en faux contre l'affirmation suivante, tirée du rapport de l'EPA de 1993 (manuel de directives d'échantillonnage à l'intention des opérateurs de déchiqueteuse de ferrailles) :

[traduction] À cause des erreurs d'échantillonnage et des erreurs de laboratoire, on ne peut mesurer avec exactitude la concentration des substances toxiques. Toutefois, en ayant recours aux méthodes décrites dans cette section, il sera possible d'énoncer des affirmations semblables à celle-ci : « Les résultats de notre étude nous permettent d'affirmer, avec un degré de certitude de 95 %, que la concentration de BPC dans cette pile de RDA varie entre 40 ppm et 100 ppm. »

M. Fingas est en désaccord avec cette affirmation parce que, selon lui, on ne peut appliquer des méthodes statistiques à un matériel qui n'est pas normalement distribué.

[198]        En plus d'invoquer le témoignage de M. Fingas, Environnement Canada soutient que les termes employés dans le Règlement ne sont pas compatibles avec des moyennes. Dans la partie concernant le matériel, le Règlement prévoit :



3. (1) Sous réserve des paragraphes (2), (4) et (5), le présent règlement s'applique aux matériels contenant des BPC suivants qui ne sont pas utilisés quotidiennement :

a) des liquides contenant des BPC, en une quantité de 100 L ou plus;

b) des solides ou des substances contenant des BPC, en une quantité de 100 kg ou plus;

[...]

(3) Pour l'application du paragraphe (1), la quantité de BPC ou de liquides, solides ou substances contenant des BPC, selon le cas, correspond à :

a) dans le cas de la personne qui est le propriétaire de matériels contenant des BPC ou qui en possède ou en contrôle, dans ou sur un bien ou sur un terrain, la somme de toutes les quantités de BPC ou de liquides, solides ou substances contenant des BPC, selon le cas, dont elle est le propriétaire ou qu'elle possède ou contrôle et qui se trouvent :

(i) dans ou sur ce bien,

(ii) sur ce terrain, y compris celui sur lequel se trouve le bien visé au sous-alinéa (i),

(iii) sur tout terrain contigu à celui visé au sous-alinéa (ii),

(iv) en deçà de 100 m de tout point situé sur les limites extérieures du terrain visé au sous-alinéa (ii) et du terrain contigu visé au sous-alinéa (iii);

b) dans le cas de la personne qui est le propriétaire ou le gestionnaire d'un bien dans ou sur lequel se trouve des matériels contenant des BPC ou d'un terrain sur lequel se trouvent de tels matériels, la somme de toutes les quantités de BPC ou de liquides, solides ou substances contenant des BPC, selon le cas, qui se trouvent :

(i) dans ou sur ce bien,

(ii) sur ce terrain,

(iii) sur tout terrain dont elle est le propriétaire ou le gestionnaire et qui est contigu à celui visé au sous-alinéa (ii),

(iv) en deçà de 100 m de tout point situé sur les limites extérieures du terrain visé au sous-alinéa (ii) et du terrain contigu visé au sous-alinéa (iii). [Non souligné dans l'original.]

3. (1) Subject to subsections (2), (4) and (5), these Regulations apply in respect of any of the following PCB material that is not being used daily:

(a) PCB liquids in an amount of 100 L or more;

(b) PCB solids or PCB substances in an amount of 100 kg or more;

[...]

(3) For the purposes of subsection (1), the amount of PCBs, PCB liquids, PCB solids or PCB substances, as the case may be, shall be considered to be the following:

(a) in the case of a person who owns, controls or possesses PCB material that is in or on a property or on a parcel of land, the aggregate of all amounts of PCBs, PCB liquids, PCB solids or PCB substances, as the case may be, owned, controlled or possessed by that person

(i) in or on the property,

(ii) on the parcel of land, including the parcel of land on which the property referred to in subparagraph (i) is located,

(iii) on any parcel of land adjoining the land referred to in subparagraph (ii), and

(iv) within 100 m of any point situated on the outer limits of the land referred to in subparagraph (ii) and of the adjoining land referred to in subparagraph (iii); and

(b) in the case of a person who owns or manages a property in or on which PCB material is located or a parcel of land on which PCB material is located, the aggregate of all amounts of PCBs, PCB liquids, PCB solids or PCB substances, as the case may be, located

(i) in or on that property,

(ii) on that parcel of land,

(iii) on any parcel of land owned or managed by that person adjoining the land referred to in subparagraph (ii), and

(iv) within 100 m of any point situated on the outer limits of the land referred to in subparagraph (ii) and of the adjoining land referred to in subparagraph (iii). [underlining added]


Environnement Canada soutient que le recours des intimés à une « moyenne » afin d'établir si le Règlement sur les BPC s'applique contredit le mot « somme » employé dans ce règlement; il en serait ainsi parce que, dans le contexte du Règlement sur les BPC, le mot « somme » est effectivement utilisé comme contraire du mot « moyenne » . Faire la somme correspond à réunir uniquement des unités semblables, alors que faire une moyenne correspond à réunir des unités différentes.


[199]        Les intimés invoquent l'affidavit et le rapport d'expert de M. Merks, rapport fondé sur une analyse statistique des résultats des tests. Les intimés soutiennent que les méthodes et les analyses statistiques sont essentielles pour bien interpréter les données d'échantillonnage.

[200]        Tout d'abord, en ce qui concerne l'allégation de la demanderesse au sujet de l'utilisation du mot « somme » , je regrette de ne pouvoir souscrire à l'observation selon laquelle l'emploi du mot « somme » est incompatible avec l'utilisation de moyennes statistiques. Je retiens l'argument de la demanderesse selon lequel il faut tout d'abord s'assurer de la catégorie à laquelle appartient le matériel suspect. Si le matériel, en tout ou en partie, appartient à la catégorie des matériels contenant des BPC, il faut alors déterminer si la somme totale de matériels de BPC atteint ou dépasse 100 kg.

[201]        Pour ce qui est de caractériser le matériel suspect, la Loi dispose à l'alinéa 2(1)i) que, pour l'exécution de la Loi, le gouvernement fédéral doit mettre à profit les ressources scientifiques et techniques pour cerner et résoudre les problèmes relatifs à l'environnement. M. Fingas a été formel dans son affidavit en ce qui concerne sa tâche : il devait mettre en oeuvre un programme dont « les résultats démontreraient scientifiquement » si les RDA en question étaient du matériel contenant des BPC. La caractérisation appropriée des RDA est donc une question qui relève de la science.


[202]        Avant de prendre en considération les témoignages contradictoires de MM. Fingas et Merks, il faut d'abord répondre à l'argument selon lequel l'opinion de M. Merks ne serait pas pertinente parce que son témoignage se rapporte au calcul des concentrations moyennes de BPC dans chaque cellule ou pile. Je ne peux pas conclure que, lorsqu'il s'agit d'une substance hétérogène comme les RDA, la concentration moyenne de BPC soit inappropriée, et ce pour les raisons suivantes.

[203]        Tout d'abord, M. Fingas a déclaré qu'on lui avait demandé de concevoir et de mettre en oeuvre une méthodologie dont les résultats seraient « représentatifs de chaque cellule tout entière » . Cela est incompatible avec la position défendue maintenant par Environnement Canada selon laquelle ce sont les petites zones dans chaque pile ou cellule qu'il faut considérer.

[204]        Deuxièmement, dans les rapports d'Environnement Canada de 1997 et de 1999, les résultats obtenus par M. Fingas étaient exprimés sous forme de moyenne pour chacune des cellules ou piles en entier. Ainsi dans les rapports de 1997 et 1999, les résultats étaient les suivants :

     Moyenne                                                              Moyenne

(Rapport de 1997)                                  (Rapport de 1999)

__________________________________________________________________

General Scrap

Pile est                    33,4 ppm                                                 59,7 ppm

Pile centre               35,9 ppm                                                 41,2 ppm

Pile ouest                85,4 ppm                                                 54,6 ppm

XPotential

Cellule 5 61,3 ppm                                                 50,7 ppm

Cellule 6 96,7 ppm                                                 42,0 ppm


S'appuyant sur le rapport d'Environnement Canada de 1999, M. Fingas a affirmé que [traduction] « au minimum, les cellules est et ouest aux installations de General Scrap ainsi que les deux cellules d'entreposage 4 et 5 et la cellule de séchage de XPotential ont des concentrations moyennes de BPC dépassant 50_ppm et sont donc à proprement parler des matériels contenant des BPC_ » [non souligné dans l'original].

[205]        Outre le témoignage de M. Fingas, l'affidavit de Shannon Kurbis, agente de l'autorité à Environnement Canada, fait aussi référence aux concentrations moyennes. Mme Kurbis dit ceci aux paragraphes 74 et 76 :

[traduction]

74.            Dans le rapport de 1999 de la Division des urgences - Sciences et Technologie, on fait état de deux piles de RDA à l'emplacement de General Scrap et on indique que trois des quatre aires d'entreposage de XPotential avaient des concentrations moyennes de BPC supérieures à 50_ppm.

[...]

76.            Les résultats moyens tirés du rapport de 1999 de la Division des urgences - Sciences et Technologie sont un reflet des concentrations minimales de BPC. Dans la lettre accompagnant le rapport, il est mentionné que General Scrap devrait immédiatement prendre les mesures nécessaires afin que le matériel contenant des BPC soit stocké conformément au Règlement sur les BPC.

[206]        Les références, par l'expert et par l'agente de l'autorité d'Environnement Canada, à la concentration moyenne de chaque cellule ou pile pour caractériser une cellule ou pile comme étant du matériel contenant des BPC réfutent l'argument qu'avance maintenant Environnement Canada selon lequel la concentration moyenne n'est pas pertinente.


[207]        Enfin, ainsi qu'il appert de l'affidavit de Mme Kurbis, Environnement Canada s'est basé sur les concentrations moyennes, ci-dessus mentionnées, pour décider s'il fallait ou non entreprendre une procédure d'exécution. Ainsi, en février 1998, Environnement Canada a averti les intimés que la pile ouest de General Scrap et les cellules 5 et 6 de XPotential contenaient des quantités de BPC qui dépassaient la limite réglementaire. S'appuyant sur le rapport d'Environnement Canada de 1999, la demanderesse prétend que les piles est et ouest de General Scrap et la cellule de séchage ainsi que les cellules 4 et 5 de XPotential renferment du matériel contenant des BPC.

[208]        Bref, Environnement Canada (par l'entremise de M. Fingas) a conçu un plan d'échantillonnage afin d'obtenir des résultats représentatifs de chaque pile ou cellule en entier et a calculé la concentration moyenne de chaque pile ou cellule; puis il s'est servi de ces concentrations moyennes pour entreprendre une procédure d'exécution; enfin, il a présenté des éléments de preuve se rapportant aux concentrations moyennes. Par conséquent, je ne peux accepter l'argument d'Environnement Canada selon lequel la concentration moyenne d'une pile ou cellule n'est pas pertinente.

[209]        Une fois la pertinence des concentrations moyennes établie, qu'en est-il des opinions contradictoires de MM. Fingas et Merks quant à l'opportunité d'appliquer une analyse statistique?


[210]        M. Merks n'a pas été contre-interrogé, alors que M. Fingas l'a été. L'extrait suivant tiré du contre-interrogatoire de M. Fingas est, à mon avis, révélateur :

[traduction          

393.          Q              Vous y revenez toujours et il y a eu de nombreuses questions à ce sujet. Ainsi, selon vous, on ne peut tout simplement pas recourir aux statistiques avec ce type de matériel.

A              C'est exact.

394.          Q              Et sur quelle source digne de foi, autre que vous-même, vous appuyez-vous? Y-a-t-il des sources que vous pourriez me citer et dans lesquelles on précise que les statistiques ne peuvent pas être appliquées aux RDA?

A              Oui. Tous les manuels disent qu'on ne peut pas recourir aux lois normales de la statistique ou à la statistique de ce genre pour des distributions hétérogènes non normales.

395.          Q              Les RDA, avez-vous - - une publication quelconque, parce que je n'en ai qu'une seule et celle que j'ai, dit qu'il faut le faire. Montrez-moi des publications dans lesquelles il est indiqué qu'on ne peut appliquer la statistique aux RDA pour déterminer s'ils respectent les seuils établis, parce que c'est bien là la question qui doit être tranchée aujourd'hui. De quelle autorité vous réclamez-vous? J'aimerais le savoir.

A              J'ai cette autorité en ce sens qu'il est scientifiquement connu qu'on ne peut appliquer la loi statistique normale aux échantillons qui ne suivent pas une distribution normale. Vous savez, c'est une notion élémentaire dans les manuels de statistique.

[211]        Malheureusement, M. Fingas n'a soumis aucun texte ni aucun article particulier et il n'a pas non plus démontré que les échantillons ne suivaient pas une distribution normale. L'ouvrage auquel se réfère l'avocat dans la citation ci-dessus et dans lequel il est question des RDA est le rapport de l'EPA de 1992, rapport qui traitait précisément des RDA et dans lequel il est dit qu'à cause des erreurs d'échantillonnage et des erreurs d'analyse, [traduction] « il faut recourir à l'analyse statistique » pour obtenir les intervalles de confiance et les niveaux de confiance.


[212]        Rappelons que les rapports de l'EPA de 1992 et de 1993 traitent de façon détaillée de l'utilisation des statistiques. Environnement Canada soutient toutefois qu'aucune preuve présentée devant la Cour n'a établi que les rapports de l'EPA doivent être considérés comme les meilleurs modèles à suivre en matière d'échantillonnage des RDA. Environnement Canada maintient donc qu'ils ne devraient pas être utilisés pour appuyer ou contester la pertinence d'un plan d'échantillonnage quel qu'il soit.

[213]        À mon avis, la difficulté avec cet argument tient au fait que le rapport d'Environnement Canada de 1999 cite tout particulièrement les rapports de l'EPA de 1992 et de 1993 comme documents de référence. M. Fingas a admis en contre-interrogatoire que l'EPA est réputée en tant qu'organisme de réglementation en matière d'environnement et il a déclaré avoir fait précisément référence, dans le rapport d'Environnement Canada de 1999, à ces rapports dont il s'est fortement inspiré. M. Fingas a envoyé une copie de son plan d'échantillonnage à l'EPA afin qu'il soit examiné par un statisticien. Cette démarche a probablement été entreprise parce que M. Fingas n'avait pas d'expérience préalable dans le domaine de l'échantillonnage et de la caractérisation des RDA.


[214]        De plus, dans une lettre en date du 11 septembre 1997, Environnement Canada a répondu à des questions soumises par les intimés et a déclaré que [traduction] « en réponse à vos questions au sujet des méthodes d'échantillonnage et d'analyse, Environnement Canada suivra les procédures habituelles d'échantillonnage telles que définies dans Test Methods for Evaluating Solid Waste, Chapter 9, Sampling Plan, publié par l'EPA en 1992. L'analyse de tous les échantillons se fera selon les méthodes d'essai établies dans leRèglement sur le stockage des matériels contenant des BPC » , comme il était précisé dans la lettre. Le document intitulé Test Methods for Evaluating Solid Waste, Chapter 9 auquel il est fait référence est le document qui, dans les présents motifs, est appelé « rapport de l'EPA de 1992 » .

[215]        Compte tenu des renvois au rapport de l'EPA de 1992 et du fait que M. Fingas s'est appuyé en partie sur ce rapport, j'estime qu'il y a lieu d'examiner ce qui a été dit dans le rapport de l'EPA de 1992 au sujet de l'utilisation de la statistique.

[216]        Les passages suivants tirés de ce rapport sont importants :

[traduction] Cette partie du manuel traite de l'élaboration et de la mise en oeuvre d'un plan d'échantillonnage des déchets solides qui soit crédible d'un point de vue scientifiqueet des procédures concernant la chaîne de garde dans un plan d'échantillonnage. Les notions présentées dans cettes section se rapportent à l'échantillonnage de tout déchet solide défini dans les règlements de l'EPA sur l'identification et la liste des déchets dangereux, y compris les matériels solides, semi-solides, liquides ou les matériels gazeux contenus en milieu fermé. Toutefois, la diversité des propriétés physiques et chimiques de ces matériels, ainsi que la diversité des installations de stockage (lagunes, piles à découvert, réservoirs, fûts de stockage, etc.) et de l'équipement correspondant, ne permettent pas d'établir le déroulement détaillé d'un plan d'échantillonnage en particulier. Parce qu'il incombe au propriétaire des installations de stockage d'élaborer un plan d'échantillonnage techniquement adéquat, il est donc recommandé que celui-ci consulte des ressources compétentes avant d'élaborer un plan. Cela est particulièrement important aux premières étapes du plan d'échantillonnage alors que les notions élémentaires de statistique appliquée doivent être maîtrisées. La statistique appliquée est la science qui, à l'aide d'outils conceptuels, évalue l'incertitude des inférences statistiques (c.-à-d. des conclusions générales fondées sur un savoir restreint).

9.1.1    Élaboration de plans d'échantillonnage adéquats

Un plan d'échantillonnage adéquat pour les déchets solides doit répondre à des objectifs tant réglementaires que scientifiques. Une fois ces objectifs clairement cernés, une stratégie d'échantillonnage appropriée, fondée sur les notions statistiques fondamentales, peut être élaborée. La terminologie propre à ces notions est passée en revue au tableau 9-1; les valeurs t de la distribution de Student qui doivent être utilisées avec les statistiques du tableau 9-1 figurent au tableau 9-2.


[...]

9.2.2.1    La statistique

Les débats sur l'échantillonnage des déchets conduisent souvent à des débats sur la statistique. Les objectifs de l'échantillonnage des déchets et de la statistique sont les mêmes : tirer des conclusions au sujet d'une population d'origine à partir des données recueillies sur un échantillon.

Il n'est donc pas surprenant que l'échantillonnage des déchets dépende si étroitement de la discipline très spécialisée qu'est la statistique et que les opérations d'échantillonnage et d'analyse comportent les mêmes éléments qu'une expérience statistique. [Non souligné dans l'original.]

[217]        Les témoignages de MM. Fingas et Merks quant à la pertinence de l'analyse statistique se contredisent. M. Merks n'a pas été contre-interrogé; or j'estime (pour les raisons citées précédemment) que son opinion est valable. Le rapport de l'EPA de 1992, sur lequel M. Fingas admet s'être basé, prévoit le recours à la statistique afin de tirer des conclusions sur la population d'origine à partir des données recueillies sur l'échantillon. Shannon Kurbis avait prévenu les intimés qu'Environnement Canada suivrait les procédures d'échantillonnage habituelles décrites dans le rapport de l'EPA de 1992. M. Fingas n'a suggéré aucun article ou document susceptible d'appuyer ses dires quant à l'impossibilité d'appliquer la statistique aux RDA, non plus qu'il n'a fourni de preuves qu'il aurait fait les calculs nécessaires pour déterminer s'il s'agissait ou non d'une distribution normale.


[218]        Pour tous ces motifs, je considère le témoignage de M. Fingas sur ce point moins convaincant que celui de M. Merks. J'accepte donc l'avis de M. Merks selon lequel l'analyse statistique est valable et, pour les motifs invoqués par les témoins des défendeurs et cités dans le rapport de l'EPA de 1992, j'accepte aussi qu'une analyse statistique est nécessaire à l'interprétation juste des données.

[219]        Ayant conclu, d'après la preuve présentée en l'espèce, qu'une analyse statistique est nécessaire à l'interprétation juste des données, il s'ensuit que j'accepte l'opinion de M. Merks lorsqu'il dit que la concentration moyenne des BPC dans chacune des unités d'échantillonnage est inférieure au seuil réglementaire et que les RDA ne sont pas du matériel contenant des BPC. J'ai accepté le témoignage de M. Merks en tenant compte du fait qu'Environnement Canada n'a contesté aucune des données primaires qu'il avait utilisées ni le bien-fondé de son analyse statistique. Environnement Canada a plutôt contesté la pertinence de toute forme d'utilisation d'une application statistique.

[220]        Pour arriver à cette conclusion, j'ai pris en considération l'argumentation de l'avocat de la demanderesse pour qui l'analyse statistique n'est qu'une prestation de « mathémagicien » qui permet de faire disparaître comme par enchantement les nombres trop élevés. Bien que l'image soit évocatrice, il faut croire qu'en toute logique les valeurs faibles disparaissent aussi. J'accepte donc, vu la preuve, que le recours aux concentrations moyennes est valable étant donné les erreurs inhérentes aux résultats des échantillons pris isolément.


[221]        À cet égard, je crois qu'il est utile de comparer les résultats obtenus par M. Fingas dans les rapports de 1997 et de 1999 tels que rapportés au paragraphe 204. Le plan d'échantillonnage et la méthodologie étaient sensiblement les mêmes dans les deux rapports. Bien que les protocoles d'analyse chimique aient été différents (protocole 1/RM/3 en 1999 et 1/RM/31 en 1997), M. Fingas a témoigné que certaines études avaient démontré que l'on pouvait appliquer indifféremment l'un ou l'autre des deux protocoles d'analyse. On peut donc comparer à bon droit les résultats des deux rapports.

[222]        Si l'on compare ces résultats, on note qu'en 1997 Environnement Canada avait établi que la pile ouest de General Scrap et les cellules 5 et 6 de XPotential étaient les zones où se trouvaient des matériels contenant des BPC. En 1999, il a été établi que des matériels contenant des BPC se trouvaient dans la pile est de General Scrap, mais qu'il n'y en avait pas dans la cellule 6 de XPotential. En 1997, Environnement Canada a déterminé que la concentration moyenne de BPC dans la pile est était de 33,4 ppm, alors qu'en 1999 la valeur était de 59,7 ppm. Dans la pile ouest, on a rapporté des concentrations de BPC de 85,4 ppm en 1997 et de 54,6 ppm en 1999. Or après 1994 environ, on n'a pas ajouté de RDA à l'une ou l'autre de ces piles. Dans un document d'Environnement Canada déposé en preuve, il est mentionné que les BPC ne se décomposent pas et ne se biodégradent pas de façon marquée dans un environnement naturel.

[223]        La logique et le bon sens semblent indiquer qu'une méthode fiable et scientifiquement valable ne devrait pas donner des résultats aussi disparates dans les piles est et ouest.

[224]        J'ai aussi pris en considération les observations de la demanderesse selon lesquelles la décision finale de l'EPA (1998) venait appuyer la position d'Environnement Canada.


[225]        La décision finale de l'EPA est un texte réglementaire dont un passage a été présenté en preuve, après autorisation, par suite d'une question adressée par la Cour à M. Clark. Dans aucun témoignage ni aucun affidavit, il n'est fait référence à la décision finale de l'EPA.

[226]        M. Clark a indiqué qu'à la sous-section R de la décision finale de l'EPA, on décrit les procédures pour la constitution d'échantillons représentatifs. Dans la décision finale de l'EPA, il est clairement mentionné qu'une des bonnes méthodes pour déterminer la concentration de BPC dans les échantillons est décrite dans le rapport de l'EPA de 1993. M. Clark a suivi les recommandations de la décision finale de l'EPA pour ce qui est de la taille des échantillons, des sous-échantillons et de la définition des échantillons composites.

[227]        Environnement Canada soutient que dans la décision finale de l'EPA, il n'est nullement question d'analyse statistique et que c'est là un élément de preuve convaincant quant au fait qu'on ne doit pas appliquer des résultats analytiques aux RDA contaminés par des BPC. Environnement Canada affirme aussi qu'il est révélateur qu'il ne soit pas fait mention du rapport de l'EPA de 1993 dans la décision finale de l'EPA et que seul le rapport de 1992 est cité pour ce qui est des protocoles de laboratoire. Environnement Canada s'appuie aussi sur certaines parties de la sous-section N de la décision finale de l'EPA.


[228]        Étant donné que M. Clark a peu consulté le texte de la décision finale de l'EPA et qu'aucun autre témoin n'y a fait référence, je ne suis pas disposée à accorder beaucoup d'importance à ce document.

[229]        Aucun élément de preuve n'a été présenté au sujet de l'application de la sous-section N au cas dont il est question ici; et personne n'a indiqué à M. Clark que la sous-section N pourrait s'appliquer. Qui plus est, aucun élément de preuve n'a été présenté quant à l'existence de liens entre les rapports de 1992 et de 1993 de l'EPA et ce qui paraît être un texte réglementaire.

[230]        Par ailleurs, si en 1998 l'EPA s'était écartée de façon marquée des avis ou positions énoncés dans ses rapports de 1992 et de 1993, il est permis de supposer que M. Fingas l'aurait mentionné soit dans son rapport de janvier 1999, soit dans l'affidavit sous serment présenté en 2000 devant la présente instance, soit lors de son témoignage de vive voix. Or il n'a à aucun moment fait référence à la décision finale de l'EPA, mais a plutôt cité, tant dans son rapport que dans son témoignage, les rapports de 1992 et de 1993 de l'EPA.


[231]        Il convient d'examiner un dernier argument avancé par Environnement Canada. Il s'agit de l'allégation suivante : si la méthode appropriée pour s'assurer de la conformité au règlement est bien le calcul statistique de la concentration moyenne et l'intervalle de confiance pour une cellule ou une pile en entier, alors les données obtenues par les intimés montrent que la cellule de séchage et la cellule 5 de XPotential ainsi que la pile ouest de General Scrap sont bien des matériels contenant des BPC. Environnement Canada arrive à cette conclusion parce que ces cellules et cette pile ont des concentrations moyennes qui, considérées conjointement avec l'intervalle de confiance, dépassent 50 ppm pour ce qui est de la limite supérieure de l'intervalle de confiance. Environnement Canada s'appuie sur le passage suivant du rapport de l'EPA de 1992 :

[traduction] Si la limite supérieure est inférieure au seuil établi, on considère que le contaminant chimique n'est pas présent à un niveau dangereux dans le déchet; sinon la conclusion contraire s'impose.

[232]        Toutefois, un examen plus approfondi du passage en question du rapport de l'EPA de 1992 révèle que, dans ce rapport, l'équation utilisée pour mesurer l'intervalle de confiance fixe un intervalle de confiance de 80 %. Les nombres sur lesquels se base Environnement Canada ont été calculés, à partir des données fournies par les intimés, avec un niveau de confiance de 95 %. Si l'on refait le calcul avec un niveau de confiance de 80 % (niveau dont il est question dans le rapport de l'EPA et qui a servi à faire le calcul devant la Cour), alors la limite supérieure de l'intervalle de confiance est inférieure au seuil réglementaire. Par conséquent, les données ne viennent pas corroborer la thèse selon laquelle les deux cellules et la pile renferment ou constituent des matériels contenant des BPC.


III.        SI CERTAINS MATÉRIELS OU TOUS LES MATÉRIELS CONTIENNENT DES BPC, QUELS DÉFENDEURS CONTREVIENNENT AU RÈGLEMENT?

[233]        Ayant conclu qu'Environnement Canada n'avait pas démontré que certains RDA contenaient des BPC, il m'est inutile d'examiner cette question. Toutefois, même si certains RDA des installations de General Scrap étaient des matériels contenant des BPC, je ne vois dans la preuve aucun élément étayant l'attribution d'une responsabilité à l'un ou l'autre des défendeurs ou à Jamel en ce qui concerne les installations de General Scrap.

[234]        Suivant le témoignage clair et incontesté de M. Lazareck, IPSCO détient maintenant 100 % des actions de General Scrap, Jamel fournit les services de ses employés à General Scrap, mais MM. Jacob et Melvin Lazareck ne prennent plus part aux opérations courantes de l'entreprise. La seule preuve de la nature des services d'emploi fournis par Jamel était que celle-ci assumait la masse salariale des employés de General Scrap.

[235]        L'obligation imposée par le Règlement relativement aux matériels contenant des BPC incombe à la personne qui est propriétaire de matériels contenant des BPC, ou qui en possède ou en contrôle.

[236]        Selon la preuve produite devant moi, ni Jamel, ni Melvin Lazareck, ni Jacob Lazareck ne sont propriétaires de matériels contenant des BPC, n'en possèdent ou n'en contrôlent aux installations de General Scrap.


IV.        CONCLUSION, ORDONNANCE ET DÉPENS

[237]        Compte tenu des conclusions que j'ai tirées eu égard à la preuve, je ne vois aucune raison de me pencher sur l'opportunité d'accorder une injonction dans l'exercice ultime du pouvoir discrétionnaire de la Cour.

[238]        Pour les motifs susmentionnés, la demande d'injonction est rejetée. Il s'ensuit, et les parties en conviennent, que l'ordonnance sur consentement provisoire doit être annulée.

[239]        À la demande des avocats, l'adjudication des dépens est reportée. L'avocat des défendeurs devra contacter le greffe avant le 31 janvier 2004 pour demander la tenue d'une téléconférence en vue d'examiner la question des dépens.

ORDONNANCE

[240]        LA COUR ORDONNE :

1.          que la demande d'injonction soit rejetée;

2.          que l'ordonnance sur consentement provisoire délivrée par Madame la juge Heneghan dans le cadre de la présente instance soit annulée;


3.          que l'adjudication des dépens soit reportée en attendant que les parties présentent des observations additionnelles à ce sujet.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                            Juge                       

Traduction certifiée conforme

Christine Gendreau, LL.B.


                                                        COUR FÉDÉRALE

                                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         T-2274-00

INTITULÉ :                                        LA REINE c. IPSCO RECYCLING INC. ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                  WINNIPEG (MANITOBA)

DATE DE L'AUDIENCE :                LES 3, 4, 7, 8 ET 9 AVRIL 2003 AINSI QUE LES

23 ET 24 JUIN 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LA JUGE DAWSON

DATE :                                                LE 23 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Duncan A. Fraser                                  POUR LA DEMANDERESSE

Joel I. Katz

James G. Edmond                                 POUR LES DÉFENDEURS

John D. Stefaniuk

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du                     POUR LA DEMANDERESSE

Canada

Thompson Dorfman Sweatman POUR LES DÉFENDEURS

Winnipeg (Manitoba)


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