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Date: 20001124


Dossier : IMM-6216-99


Entre


     MYLVAGANAM DURAISAMY

     ANISIYAWATHY MYLVAGANAM

     THINOOSAN MYLGANAM

     demandeurs

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE HENEGHAN


[1]      Il y a en l'espèce recours en contrôle judiciaire exercé par Mylvaganam Duraisamy, Anisiyawathy Mylvaganam and Thinoosan Mylganam (les demandeurs), contre la décision en date du 8 décembre 1999 par laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, section du statut (la Commission), a fait droit à la demande faite par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de réexamen et révocation de sa conclusion antérieure reconnaissant aux demandeurs le statut de réfugiés au sens de la Convention.

[2]      Le 2 février 1993, la section du statut avait conclu que Anisiyawathy Mylvaganam (la femme) et Thinoosan (alias Dinooshan) Mylganam (le fils) étaient des réfugiés au sens de la Convention. Le 21 février 1994, elle est parvenue à la même conclusion au sujet de Mylvaganam Duraisamy (le mari).

[3]      Le 1er septembre 1998, le ministre a demandé, en application du paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée (la Loi), au président de la Commission de l'autoriser à demander le réexamen et la révocation de ces deux décisions, rendues respectivement en 1993 et 1994. L'autorisation ayant été accordée le 15 et le 22 octobre 1998, il a demandé à la section du statut de réexaminer et de révoquer ses conclusions antérieures.

[4]      Le paragraphe 69.2(2) de la Loi sur l'immigration prévoit les cas où le ministre peut demander le réexamen et la révocation d'une reconnaissance antérieure du statut de réfugié au sens de la Convention.

[5]      En l'espèce, cette demande était motivée par le fait que les deux demandeurs adultes avaient donné de fausses indications sur leur situation véritable au moment où ils avaient revendiqué le statut de réfugié au Canada. À l'époque où ils se disaient victimes de persécution au Sri Lanka, ils vivaient en Suisse en qualité de résidents permanents. Selon le ministre, le mari est arrivé en juillet 1983 en Suisse où il a revendiqué le statut de réfugié. Sa femme l'y a rejoint en septembre 1984 et a fait de même. Leurs demandes ont été rejetées mais les autorités suisses leur ont délivré un permis de résidence pour des raisons d'ordre humanitaire. Leur fils, né en Suisse en août 1986, s'est vu accorder le même statut de résident.

[6]      Dans sa demande, le ministre reprochait aux demandeurs de s'être fait reconnaître le statut de réfugié par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation de faits importants. La principale fausse indication et la plus grave consistait en l'affirmation qu'ils étaient persécutés au Sri Lanka alors qu'en réalité, ils vivaient en Suisse avec le statut de résidents.

[7]      La Commission a fait droit à la demande du ministre de réexamen et d'annulation des reconnaissances antérieures du statut de réfugié. Il appert qu'elle s'est fondée exclusivement sur la section E de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, lequel article est intégré dans la Loi sous forme d'annexe. Voici ce que prévoit cette section :

E. This Convention shall not apply to a person who is recognized by the competent authorities of the country in which he has taken residence as having the rights and obligations which are attached to the possession of the nationality of that country.

E. Cette Convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

[8]      Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur de droit faute d'avoir pris en compte l'interprétation donnée de la section ci-dessus dans Shamlou c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 32 Imm.L.R. (2d) 135 (C.F. 1re inst.). Et en particulier qu'elle a appliqué à tort cette clause d'exclusion au regard du régime juridique en vigueur en 1993-1994. Voici ce qu'on peut lire dans les motifs de décision de la Commission :

[TRADUCTION]
Le tribunal aurait-il instruit l'affaire au regard de l'article 1E? En 1993-1994, la jurisprudence en la matière était encore en évolution. Le précédent Shamlou n'existait pas encore. La jurisprudence subséquente a eu pour effet général d'introduire une note de précaution et de restreindre le nombre de cas soumis à l'application de cette clause d'exclusion. En 1993-1994, celle-ci était d'application plus libérale. C'est pour cette raison et à cause de la réputation de la Suisse dans la protection des droits des réfugiés qu'à notre avis, il est hautement probable que le tribunal en 1993-1994 a bien pu appliquer cette clause d'exclusion.
[9]      À mon avis, la Commission a commis une erreur par cette démarche. Il n'y a rien qui lui interdise de suivre la jurisprudence qui s'est instaurée depuis l'audition initiale de l'affaire. Cette question a été réglée dans Theiventhisan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1851, DRS 95-04124, dossier no IMM-371-94.
[10]      Il résulte du précédent Shamlou qu'avant d'appliquer cette section, la Commission doit avoir la preuve concluante que l'intéressé jouit de tous les droits du citoyen dans le pays de résidence, y compris celui d'y revenir. En l'espèce, elle n'a été saisie d'aucune preuve de ce genre; elle n'a pas examiné non plus ni la nature ni l'étendue des droits dont jouissaient les demandeurs en Suisse. Sa décision n'aurait peut-être pas été la même si elle avait appliqué la jurisprudence Shamlou.
[11]      Cependant, ma conclusion sur ce point ne suffit pas pour trancher ce recours en contrôle judiciaire. En cas de demande de réexamen et révocation fondée sur le paragraphe 69.2(2), la Commission doit examiner les éléments de preuve non entachés, pour décider s'il reste des preuves de persécution propres à justifier la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention. Telle est la prescription du paragraphe 69.3(5) de la Loi, que voici :

69.3(5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on

which the determination was or could have been based.

69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

[12]      Rien dans les motifs de sa décision n'indique que la Commission ait pris en considération les autres éléments de preuve. Il n'y a aucune conclusion sur la crédibilité des dépositions des demandeurs, à part la fausse indication que leur reproche le ministre. En dernière analyse, il appert que la Commission s'est exclusivement fondée sur l'applicabilité de l'article 1E pour faire droit à la demande du ministre.
[13]      Pour ces motifs, la Cour fait droit au recours en contrôle judiciaire et renvoie l'affaire à la Commission pour nouvelle instruction par un tribunal de composition différente.
[14]      Par suite de la demande de l'avocate du défendeur, les parties auront sept jours, à compter de la date où elles recevront les présents motifs, pour soumettre une question à certifier.
     « E. Heneghan »
     J.C.F.C.

OTTAWA (Ontario),
le 24 novembre 2000


Traduction certifiée conforme,



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA
     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE
     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              IMM-6216-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Mylvaganam Duraisamy et al. c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :          26 juillet 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR Mme LE JUGE HENEGHAN

LE :                      24 novembre 2000


ONT COMPARU :

M. L. Waldman                  pour les demandeurs
Mme M.L. Hendriks                  pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Waldman & Associates          pour les demandeurs
Toronto (Ontario)
Morris Rosenberg                  pour le défendeur
Sous-procureur général du Canada
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