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Date : 20030716

Dossier : IMM-3013-02

Référence : 2003 CF 883

Ottawa (Ontario), le mercredi 16 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DAWSON

ENTRE :

                                                         KHOSROW DONBOLI

                                                                                                                                           demandeur

                                                                          - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]                 M. Donboli est un citoyen iranien de 63 ans qui revendique le statut de réfugié au sens de la Convention. Il présente une demande de contrôle judiciaire de la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (SSR) qui lui refuse la qualité de réfugié au sens de la Convention.


[2]                 M. Donboli revendique le statut de réfugié au sens de la Convention en invoquant la crainte d'être persécuté en Iran en raison de ses opinions politiques. Il a déclaré qu'il figurait sur la liste noire du régime composée des personnes devant être « supprimées » . M. Donboli prétend également qu'il a quitté illégalement l'Iran. Il affirme que, s'il y revenait un jour, les autorités l'apprendraient et il ferait l'objet d'une punition revêtant un caractère de persécution à cause de sa prétendue fuite et du fait qu'il n'a pas obtenu le statut de réfugié.

[3]                 M. Donboli invoque le fait que la SSR a commis plusieurs erreurs dans sa décision, mais j'estime qu'il y a une question qui joue un rôle déterminant pour sa demande. La partie des motifs de la SSR qui traite du fait que M. Donboli craint d'être persécuté en raison de son départ illégal d'Iran et du fait qu'il n'a pas obtenu le statut de réfugié contient le passage suivant:

Bien que le revendicateur prétende qu'il écopera d'une punition revêtant un caractère de persécution parce qu'il a quitté son pays, s'il retournait à titre de revendicateur débouté, le tribunal est d'avis qu'il ne pourrait considérer les lois iraniennes d'application générale en matière de départs comme assimilables à de la persécution que si le revendicateur s'était enfui pour un des motifs de la Convention, un motif crédible, ce qui n'est pas le cas. Le revendicateur, à titre de professeur d'anglais, a une bonne couverture, et peut dire à la police frontalière iranienne qu'il souhaite quitter l'Iran pour améliorer et perfectionner sa maîtrise de l'anglais. Les autorités canadiennes n'informent pas les autorités iraniennes qu'une personne de retour au Canada est un revendicateur débouté et aucun élément de preuve ne démontre que quiconque en Iran sait que le revendicateur a quitté le pays. Les conséquences qu'il pourra subir à son retour résultent de sa propre décision et son exposé selon lequel il serait pris pour cible par le régime ne constituent pas, de l'avis du tribunal, un obstacle convaincant à un retour en toute quiétude.


[4]                 Dans Valentin c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 390, la Cour d'appel fédérale a jugé que la punition infligée en cas de sortie illégale d'un pays ne constitue pas, à elle seule, une crainte fondée de persécution, lorsque la punition découle d'une loi d'application générale. Néanmoins, lorsque les preuves le permettent, il est nécessaire d'examiner si une punition excessive ou extrajudiciaire en cas de sortie illégale du pays peut constituer un fondement raisonnable pour la crainte d'être persécutée. Voir Castaneda c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 69 F.T.R. 133 (1re inst.); Moslim c. Canada (Secrétariat d'État), [1994] A.C.F. n ° 184 (1re inst.).

[5]                 En l'espèce, la SSR a accepté le fait que M. Donboli avait quitté l'Iran illégalement. Le rapport du Département d'État des États-Unis présenté à la SSR montrait que l'Iran avait un mauvais dossier pour ce qui est des droits de la personne. Plus précisément, le rapport contenait les observations suivantes :

-            « Mentionnons à titre d'abus systématique les meurtres extrajudiciaires, les exécutions sommaires, les disparitions, l'usage généralisé de la torture et d'autres traitements avilissants, qui pourraient comprendre le viol, des conditions de détention très dures, les arrestations et les détentions arbitraires, et les détentions prolongées, sans contact avec l'extérieur. »


-            « Les conditions de détention sont très dures. Certains prisonniers sont détenus en isolement ou privés de nourriture ou de soins médicaux pour les obliger à faire des aveux. Des détenues auraient été violées ou torturées pendant leur détention. Il rapportait que les gardes de prison intimident les membres de la famille des détenus et torturent les détenus en présence de membres de leur famille. Le représentant spécial de l'ONU a rapporté avoir reçu de nombreux rapports faisant état du surpeuplement des prisons et d'émeutes. Il cite un chiffre de 8,2 pieds carrés (2,5 pieds par 2,5 pieds) qui représenterait l'espace attribué à chaque prisonnier. »

-            « Les citoyens qui reviennent de l'étranger font parfois l'objet de fouilles et d'interrogatoires prolongés par les autorités gouvernementales qui cherchent à savoir si ces personnes ont exercé des activités antigouvernementales à l'étranger. »


[6]                 Compte tenu de ces preuves, la SSR a commis une erreur de droit lorsqu'elle n'a pas examiné la question de savoir si M. Donboli risquait de subir un traitement sévère ou extrajudiciaire de la part d'un régime répressif, à cause de sa sortie illégale du pays et du fait qu'il avait été débouté de sa revendication de réfugié. La remarque sujette à caution qu'a faite le tribunal selon laquelle M. Donboli « a une bonne explication à fournir à la police iranienne des frontières » souligne cette erreur. J'estime que cette suggestion montre que la SSR n'a pas examiné correctement le risque que courrait M. Donboli s'il revenait en Iran. Ou M. Donboli risquerait d'être persécuté parce qu'il a quitté illégalement ce pays ou il ne courrait aucun risque. L'affirmation selon laquelle il pourrait éviter d'être persécuté s'il dissimulait la vérité aux autorités iraniennes ne constitue pas une réponse à cette question. La nécessité de mentir reflète davantage la crainte d'être persécuté qu'un moyen de se protéger contre une loi d'application générale.

[7]                 J'ai conclu que la SSR avait omis de tenir compte du risque qu'il soit traité sévèrement ou de façon extrajudiciaire en examinant si la SSR a, comme le soutient le ministre, tenu compte de ce danger dans la dernière phrase du paragraphe des motifs cités ci-dessus. J'estime que ce n'est pas le cas. La référence à un « prétendu exposé selon lequel il aurait été pris pour cible » porte sur le fondement de sa crainte d'être persécuté qui a été invoquée en premier et non pas à la crainte d'être persécuté à son retour en raison de sa sortie illégale du pays et de son statut de revendicateur débouté. Je ne suis donc pas convaincue que la SSR ait évalué le risque de punition extrajudiciaire.


[8]                 L'avocat de M. Donboli soutient que le fait de refuser la protection à un revendicateur du statut de réfugié pour le motif que celui-ci peut éviter d'être persécuté s'il est prêt à mentir ou à fournir de fausses explications constitue toujours une erreur. Compte tenu de ma conclusion précédente, il n'est pas nécessaire que j'examine cet argument. Il suffit de faire remarquer qu'il est pour le moins incongru que la SSR invite le demandeur à faire de fausses représentations, en particulier si l'on pense au fait que l'ancienne Loi sur l'immigration et la Loi actuelle interdisent expressément de faire de fausses représentations aux autorités de l'immigration. (Voir : les paragraphes 12(4) et 69.2(2) de l'ancienne Loi et les paragraphes 16(1), 40(1), 64(3) et 109(1) de la Loi actuelle.)

[9]                 L'avocat de M. Donboli demande la certification d'une question portant sur cet aspect. Étant donné que cette question ne me paraît pas jouer un rôle déterminant dans l'issue de la présente demande, aucune question ne sera certifiée. L'avocat du ministre n'a pas posé de question et je suis convaincue que le dossier ne soulève aucune question susceptible d'être certifiée.

ORDONNANCE

[10]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié datée du 22 mai 2002 est par les présentes annulée.


2.          L'affaire est renvoyée à la section du statut de réfugié pour nouvel examen par un tribunal constitué différemment.

                                                                                                                        « Eleanor R. Dawson »          

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                                                                                                                                                      Juge                        

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                                            COUR FÉDÉRALE

                                                                             

                                            AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            IMM-3013-02

INTITULÉ :                                           Khosrow Donboli c. Le Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 3 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:

ET ORDONNANCE :                         Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS :                        le 16 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Michael Crane                                                                               POUR LE DEMANDEUR

David Tyndale                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Michael Crane                                                                               POUR LE DEMANDEUR

Avocat

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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