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Date : 20030602

Dossier : IMM-4218-01

Référence : 2003 CFPI 693

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE DOLORES M. HANSEN

ENTRE :

                                                                 JULIA EDOSHINA

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                                   et

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                        défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Julia Edoshina (la demanderesse) sollicite le contrôle judiciaire de la décision du 6 août 2002 dans laquelle l'agente des visas a refusé sa demande de résidence permanente au Canada. Elle a présenté sa demande dans la catégorie des travailleurs qualifiés indépendants en tant que traductrice, profession décrite sous la rubrique 5125.1 de la Classification nationale des professions (la CNP), ou en tant qu'interprète, profession décrite sous la rubrique 5125.3 de la CNP.

[2]                 La demanderesse est une citoyenne de la Russie âgée de 31 ans. Elle a travaillé pendant un an comme interprète et traductrice pour une grande multinationale. Elle possède également un diplôme d'enseignement de l'anglais et de l'allemand de la Pomorsky International Teachers Training University et une maîtrise de la Moscow International School of Business. Dans le cadre de sa formation d'enseignante, la demanderesse a suivi les cours suivants, lesquels sont particulièrement pertinents relativement aux questions soulevées en l'espèce :

Pédagogies

Méthodes d'enseignement des langues étrangères

Le russe moderne

Introduction à la linguistique

Linguistique générale

Le latin

Cours pratique sur la première langue étrangère :

a) Pratique de la langue parlée et écrite

b) Grammaire appliquée

Cours théorique sur la première langue étrangère :

a) Histoire de la langue

b) Théorie de la phonétique

c) Théorie de la grammaire

d) Lexicologie

e) Stylistique

Histoire des pays anglophones

Littérature des pays anglophones

Cours pratique sur la deuxième langue étrangère

[3]                 Dans sa lettre de refus du 6 août 2001, l'agente des visas écrit :


[Traduction] Les conditions d'accès à la profession de traducteur/traductrice énoncées dans la CNP sont les suivantes : un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe et une spécialisation en traduction au niveau des études supérieures. Les conditions d'accès à la profession d'interprète énoncées dans la CNP sont les suivantes : un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe et une spécialisation en traduction au niveau des études supérieures. D'après les documents que vous avez soumis à l'appui de votre demande, je note que vous avez étudié à la Pomorsky International Teacher's Training University et que vous détenez un diplôme d'enseignement de l'anglais et de l'allemand. J'ai examiné vos relevés de notes universitaires pour ce programme et je note que sur 25 cours inscrits, il n'y a aucun cours de traduction ou d'interprétation. Après avoir terminé ce programme, vous êtes allée à la Moscow International School of Business. J'ai examiné vos relevés de notes pour ce programme et je note que sur 57 cours inscrits, il n'y a aucun cours de traduction ou d'interprétation.

Vous n'avez fourni aucun élément de preuve selon lequel vous aviez une formation spécialisée en tant que traductrice ou interprète au niveau des études de premier cycle. Après avoir examiné attentivement les documents que vous avez soumis relativement à vos études et à votre expérience de travail, je ne suis pas convaincue que vous seriez en mesure de satisfaire aux conditions d'accès à la profession énoncées dans la CNP, lesquelles sont généralement acceptées par les employeurs canadiens. Vous n'obtenez aucun point pour le facteur professionnel et pour le facteur expérience parce que vous ne satisfaites pas aux exigences de la CNP applicables à la profession que vous envisagez d'exercer.

[4]                 Pour la profession de traductrice, la demanderesse a obtenu 60 points d'appréciation et, pour la profession d'interprète, elle en a obtenu 57.

[5]                 La demanderesse soulève la question suivante :

L'agente des visas a-t-elle commis une erreur lorsqu'elle a apprécié son niveau d'études dans une « discipline connexe » ?

[6]                 La demanderesse soutient que l'agente des visas a appliqué un critère trop restrictif dans l'appréciation de son niveau d'études. Selon la CNP, les conditions d'accès à la profession de traducteur/traductrice et d'interprète sont les suivantes :


Un baccalauréat en traduction ou dans une discipline connexe et une spécialisation en traduction, en terminologie ou en interprétation au niveau des études supérieures sont exigés.

[7]                 La demanderesse soutient que l'observation de l'agente des visas selon laquelle [traduction] « vous n'avez fourni aucun élément de preuve selon lequel vous aviez une formation spécialisée en tant que traductrice ou interprète au niveau des études de premier cycle » montre que l'agente des visas a mal interprété les mots « ou dans une discipline connexe » figurant dans les exigences de la CNP. Selon la demanderesse, l'agente des visas recherchait en fait un diplôme équivalent ou identique. La demanderesse ajoute que la Cour a déjà été saisie de cette question à trois reprises, et qu'à chaque fois, la Cour a adopté la position qu'elle avance. La demanderesse s'appuie à cet égard sur les décisions Chen c. MCI (2000) 7 Imm. L.R. (3d) 206 (C.F. 1re inst.), Gao c. MCI (2000) 184 F.T.R. 300 (C.F. 1re inst.), et Xiao c. MCI (1999) 4 Imm. L.R. (3d) 302 (C.F. 1re inst.).

[8]                 La demanderesse prétend que l'approche qu'il convient d'appliquer pour déterminer si un diplôme dans une discipline connexe satisfait aux exigences de la CNP a été décrite par le juge Blais dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 613, au paragraphe 18. Il a dit :


Pour déterminer si le diplôme en langue anglaise est lié en raison d'une relation établie ou identifiable au diplôme en traduction, l'agente des visas devait nécessairement déterminer si les cours que la demanderesse a suivis étaient de quelque façon liés à la profession d'interprète ou de traducteur. Je ne veux pas dire que la discipline connexe doit être l'équivalent du domaine de la traduction ni que les cours suivis doivent tous être les mêmes. Il doit cependant y avoir un lien suffisamment étroit entre le diplôme en traduction et le diplôme que la demanderesse a obtenu pour que cette dernière remplisse les conditions d'accès à cette profession au Canada.

[9]                 La demanderesse soutient qu'il faut donner un sens aux mots « ou dans une discipline connexe » . Lorsqu'il se demande si un diplôme est un diplôme dans une discipline connexe, l'agent des visas devrait tenir compte de deux facteurs, savoir :

1) Quelle formation l'intéressé est-il censé recevoir dans la discipline connexe en question?

2) La formation reçue dans cette discipline connexe est-elle applicable ou utile relativement à la profession que l'intéressé envisage d'exercer?

[10]            En l'espèce, la demanderesse affirme que son diplôme de premier cycle est un diplôme d'enseignement des langues. De plus, les capacités et compétences relatives à l'enseignement d'une langue étrangère à d'autres personnes sont liées aux capacités et compétences relatives à l'interprétation et à la traduction. En conséquence, le lien nécessaire entre les exigences de la CNP et le diplôme de la demanderesse est établi.


[11]            Le défendeur prétend que les notes du STIDI et la lettre de refus montrent que l'agente des visas a reconnu que la demanderesse pouvait satisfaire aux exigences de la CNP avec un diplôme dans une discipline connexe. L'agente des visas a examiné les cours suivis par la demanderesse au niveau des études de premier cycle et des études supérieures, et elle a conclu que ses diplômes n'étaient pas des diplômes dans une discipline connexe à la traduction ou à l'interprétation.

[12]            Le défendeur ajoute qu'un diplôme en traduction comporterait de nombreux cours de traduction, qui iraient des cours de base aux cours avancés, ainsi qu'une formation spécialisée en terminologie dans des domaines particuliers. En outre, il y a différents types d'interprétation, comme l'interprétation simultanée, l'interprétation consécutive et le chuchotement, qui requièrent tous une formation spécialisée.

[13]            En l'espèce, le défendeur soutient qu'il était loisible à l'agente des visas de conclure que le diplôme de la demanderesse ne remplissait pas les conditions prescrites. Le défendeur dit qu'il s'agit là d'une conclusion de fait qui ne devrait pas être modifiée dans le cadre d'un contrôle judiciaire.


[14]            Le défendeur prétend que les décisions Chen, précitée, et Xiao, précitée, sur lesquelles la demanderesse s'appuie ne lui sont d'aucune utilité. Selon le défendeur, ces décisions portaient sur la façon dont l'agent avait appliqué l'expression « is usually required » contenue dans la version anglaise des exigences de la CNP applicables aux professions de traducteur/traductrice et d'interprète. Dans ces deux affaires, la Cour a conclu que l'agent avait commis une erreur en donnant à cette expression une interprétation qui rendait le diplôme d'études supérieures obligatoire.

[15]            Le défendeur se réfère également au paragraphe 18 de la décision Gao, précitée, où le juge Blais dit :

L'agente des visas avait l'obligation de déterminer si le diplôme en anglais correspondait à un diplôme dans une discipline connexe. Bien que le dossier de la demanderesse soumis à l'agente des visas contenait la transcription de ses notes, rien n'indique que celle-ci se soit penchée sur la question de savoir si les cours que la demanderesse avait suivis tombaient sous la définition d'une discipline connexe. À mon avis, l'agente des visas a mal interprété les exigences de la CNP en adoptant une approche plus rigoureuse. Ce faisant, elle a commis une erreur.

Le défendeur affirme qu'en l'espèce, l'agente des visas a expressément tenu compte des cours suivis par la demanderesse pour rendre sa décision.

[16]            Enfin, le défendeur invoque la décision Chen c. MCI, [2000] A.C.F. no 613, et en particulier le commentaire suivant du juge Blais au paragraphe 19 :

En l'espèce, comme la demanderesse n'était pas détentrice d'un baccalauréat en traduction, l'agente des visas a examiné la question de savoir si le diplôme en langue anglaise de cette dernière constituait une discipline connexe en considérant les cours qu'elle avait suivis. L'agente des visas a remarqué que la demanderesse n'avait suivi que deux cours liés au domaine de la traduction, et elle était d'avis que ces cours ne suffisaient pas à faire du diplôme en langue anglaise une discipline connexe à la traduction.


[17]            J'accepte l'observation de la demanderesse suivant laquelle il faut se demander s'il y a un lien suffisant entre son diplôme en traduction et les exigences de la CNP. Je conviens aussi que, dans l'examen des cours suivis par la demanderesse, l'une des considérations pertinentes est de savoir quelle formation est donnée dans la discipline « connexe » .

[18]            Cependant, je ne suis pas d'accord avec la façon dont la demanderesse formule la deuxième question. À mon avis, la question n'est pas de savoir si la formation reçue est applicable ou utile; il s'agit plutôt de déterminer si les connaissances théoriques et pratiques acquises durant les études sont suffisantes pour permettre à l'intéressé de s'acquitter des fonctions de la profession qu'il envisage d'exercer.

[19]            Bien que la compétence nécessaire pour enseigner une langue étrangère témoigne de la connaissance de cette langue, elle ne correspond pas nécessairement à la compétence linguistique requise pour exercer la profession de traducteur/traductrice. L'acquisition de connaissances pédagogiques n'équivaut pas non plus à l'acquisition des connaissances spécialisées du traducteur/de la traductrice ou de l'interprète.

[20]            En l'espèce, l'agente des visas a tenu compte des cours suivis par la demanderesse. À la lumière des cours suivis par la demanderesse, je suis incapable de conclure que l'agente des visas a commis une erreur dans sa décision.


[21]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Ni l'une ni l'autre des parties n'a soulevé une question à certifier.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question ne sera certifiée.

« Dolores M. Hansen »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                         

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-4218-01

INTITULÉ :                                                        JULIA EDOSHINA

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION            

LIEU DE L'AUDIENCE :                                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 20 JUIN 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE DOLORES M. HANSEN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 2 JUIN 2003

COMPARUTIONS :

Ian Goldman                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Pauline Anthoine                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goldman & Associates

Vancouver (Colombie-Britannique)                     POUR LA DEMANDERESSE

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                     POUR LE DÉFENDEUR


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