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Date : 20031121

Dossier : T-1227-00

Référence : 2003 CF 1377

ENTRE :

                                                           ADRIAN JOHN WATSON

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                   SA MAJESTÉ LA REINE, REPRÉSENTÉE PAR LA

                                             GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

                                                                                                                                               défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE HARGRAVE

[1]                 Les présents motifs font suite à une action en dommages-intérêts convenus se rapportant au préjudice subi par le demandeur, un préjudice survenu lorsqu'une poursuite policière engagée contre le demandeur s'est terminée dans un nuage de poussière par une collision dans un cul-de-sac sur une route de campagne.


[2]                 Cette affaire soulève d'intéressantes questions, notamment celle de la responsabilité d'un policier à la suite d'une collision qui survient durant une poursuite. Une deuxième question est la suivante : étant donné que l'affaire a été jugée dans le contexte du droit criminel, se soldant par diverses condamnations, notamment pour conduite dangereuse, et par une obligation de payer les dommages causés au véhicule de la police, ainsi que l'expliquent les motifs rédigés par un juge de la Cour provinciale de l'Alberta, y a-t-il des circonstances qui m'autoriseraient à instruire de nouveau l'affaire et à prononcer une nouvelle décision? Je dis cela parce que, dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 79 c. Ville de Toronto et Douglas C. Stanley, rendu le 6 novembre 2003, référence 2003 C.S.C. 63, la Cour suprême du Canada nous enseigne que le fait d'ignorer l'instance antérieure constitue un abus de procédure, ce qu'il convient d'éviter si l'on veut préserver l'intégrité de la fonction juridictionnelle des tribunaux.

[3]                 Tout bien considéré, la réclamation est rejetée. J'examinerai maintenant la question en détail, en commençant par certains faits, et deux questions préliminaires.

POINTS DE PROCÉDURE ET FAITS PERTINENTS

[4]                 La présente affaire a débuté comme action ordinaire, avec interrogatoire préalable, mais, après entente sur les dommages-intérêts, elle a été désignée action simplifiée. La plupart des faits sur lesquels je me suis fondé viennent de la déposition du demandeur, Adrian Watson, et de l'agent Peckham, membre de la Gendarmerie royale du Canada, mais d'autres viennent des motifs rédigés le 17 avril 2000 par monsieur le juge Clozza, de la Cour provinciale de l'Alberta. Ces sources donnent lieu à deux points préliminaires.


Points préliminaires

[5]                 J'ai accepté comme preuve un synopsis des antécédents criminels de M. Watson, croyant que cela pourrait me renseigner sur la crédibilité de M. Watson comme témoin. Il se trouve que le casier judiciaire de M. Watson n'a pas été utile : abstraction faite de différences mineures dans leurs témoignages, notamment sur la question très subjective des estimations de temps en situation de stress, les témoignages de M. Watson et de l'agent Peckham étaient très semblables et n'ont pas présenté de discordances inconciliables. Tous deux ont d'ailleurs été des témoins capables et dignes de foi. C'est donc avec un degré élevé de confiance que j'expose les faits en me fondant sur les dépositions des deux témoins.

[6]                 Le deuxième point préliminaire concernait la mesure dans laquelle je pouvais m'en rapporter aux motifs du juge Clozza, de la Cour provinciale de l'Alberta, qui, comme je l'ai dit, avait reconnu M. Watson coupable de conduite dangereuse et lui avait ordonné de payer les dommages causés au véhicule de la police à la fin de la poursuite, laquelle, avec l'accident, a donné lieu à la présente action en dommages-intérêts de la part de M. Watson.

[7]                 L'avocat de M. Watson a exprimé l'avis que les motifs du juge de la Cour provinciale étaient préjudiciables, qu'ils avaient fait intervenir davantage de témoins et que, portant sur des questions de nature criminelle, ils n'étaient pas pertinents.

[8]                 L'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c. Ville de Toronto (précité) portait sur la condamnation antérieure d'un animateur de loisirs de la ville de Toronto, qui avait été accusé d'agression sexuelle, ce qui lui avait valu un emprisonnement, peine confirmée en appel. Par la suite, l'animateur de loisirs, affirmant que l'agression sexuelle sur l'enfant n'avait jamais eu lieu, avait déposé un grief contre la ville de Toronto pour congédiement. L'arbitre a estimé que la présomption, comme il la désignait, une présomption qui était augmentée par la déclaration de culpabilité, avait été réfutée et que l'animateur de loisirs avait été congédié sans motif valable. On était ainsi renvoyé au principe de l'abus de procédure, en ce sens que la décision antérieure et définitive d'un tribunal compétent ne peut être modifiée que dans des circonstances très précises. Je voudrais citer ici les paragraphes 50 à 52 de l'arrêt Ville de Toronto :

50       Des auteurs ont soutenu qu'il est difficile de concevoir comment le fait de se défendre peut constituer un abus de procédure (voir M. Teplitsky, « Prior Criminal Convictions : Are They Conclusive Proof? An Arbitrator's Perspective » , dans K. Whitaker et autres, dir., Labour Arbitration Yearbook 2001-2002 (2002), vol. I, 279). On donne souvent comme raison d'être du principe de l'autorité de la chose jugée qu'une partie ne devrait pas être tracassée deux fois pour la même cause d'action, c'est-à-dire qu'on ne devrait pas lui imposer le fardeau de débattre une autre fois de la même question (Watson, loc. cit., p. 633). Bien sûr, un défendeur peut se réjouir d'avoir une autre occasion de mettre en cause une question tranchée contre lui. C'est l'accent correctement mis sur le processus plutôt que sur l'intérêt des parties qui révèle pourquoi il ne devrait pas y avoir remise en cause dans un tel cas.

51    La doctrine de l'abus de procédure s'articule autour de l'intégrité du processus juridictionnel et non autour des motivations ou de la qualité des parties. Il convient de faire trois observations préliminaires à cet égard. Premièrement, on ne peut présumer que la remise en cause produira un résultat plus exact que l'instance originale. Deuxièmement, si l'instance subséquente donne lieu à une conclusion similaire, la remise en cause aura été un gaspillage de ressources judiciaires et une source de dépenses inutiles pour les parties sans compter les difficultés supplémentaires qu'elle aura pu occasionner à certains témoins. Troisièmement, si le résultat de la seconde instance diffère de la conclusion formulée à l'égard de la même question dans la première, l'incohérence, en soi, ébranlera la crédibilité de tout le processus judiciaire et en affaiblira ainsi l'autorité, la crédibilité et la vocation à l'irrévocabilité.


52      La révision de jugements par la voie normale de l'appel, en revanche, accroît la confiance dans le résultat final et confirme l'autorité du processus ainsi que l'irrévocabilité de son résultat. D'un point de vue systémique, il est donc évident que la remise en cause s'accompagne de graves effets préjudiciables et qu'il faut s'en garder à moins que des circonstances n'établissent qu'elle est, dans les faits, nécessaire à la crédibilité et à l'efficacité du processus juridictionnel dans son ensemble. Il peut en effet y avoir des cas où la remise en cause pourra servir l'intégrité du système judiciaire plutôt que lui porter préjudice, par exemple : (1) lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté, (2) lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n'avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial, (3) lorsque l'équité exige que le résultat initial n'ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte. C'est ce que notre Cour a dit sans équivoque dans l'arrêt Danyluk, précité, paragr. 80.

Cet extrait fait ressortir l'idée selon laquelle le fait de soumettre une nouvelle fois aux tribunaux une affaire déjà jugée constitue un abus de procédure, parce que cela ne peut que miner l'intégrité de la fonction judiciaire.


[9]                 Il en résulte que, pour savoir si la condamnation initiale peut intéresser la procédure ultérieure, il convient d'examiner les motifs qui ont conduit à la condamnation initiale. L'arrêt Trang c. Alberta (Director, Edmonton Remand Centre), [2003] 2 W.W.R. 79 (C.B.R. Alb.) est ici utile. Dans cette affaire, des détenus du Centre de détention provisoire d'Edmonton poursuivaient le directeur du centre, en affirmant qu'ils étaient systématiquement soumis à de mauvais traitements. Les éléments de preuve que les demandeurs entendaient invoquer comprenaient les motifs sur la base desquels ils avaient été déclarés coupables et condamnés à des peines. Monsieur le juge Marceau a fait observer, au paragraphe 23, que, selon le Alberta Evidence Act, les certificats de déclaration de culpabilité et les conclusions essentielles étaient admissibles. Il a reconnu qu'une déclaration de culpabilité ne serait pas admissible à titre de commencement de preuve de chaque conclusion factuelle tirée dans un procès criminel antérieur, mais les conclusions factuelles à la base du verdict de la Cour étaient admissibles (voir paragraphe 46 et suivants). Puis il a admis [traduction] « non seulement les conclusions qui ont motivé la déclaration de culpabilité, mais également la preuve des circonstances environnantes qui, bien que non essentielles pour établir la culpabilité, sont néanmoins substantielles » (paragraphe 50). Il résume sa pensée ainsi, au paragraphe 61 :

[traduction] Les déclarations de culpabilité et les conclusions essentielles sur lesquelles elles sont fondées, établies hors de tout doute raisonnable par un tribunal compétent, appellent un niveau élevé de retenue. Elles ne peuvent être rejugées. Les conclusions non essentielles, qui ne sont pas soumises à la même norme d'invalidité, appellent une certaine retenue. À tout le moins, certainement, elles établissent un commencement de preuve des circonstances de base, et il faudrait une preuve solide pour les réfuter.

Il faut donc conclure à l'utilité et à l'admissibilité des motifs du juge Clozza, à condition que je garde à l'esprit que, dans certains cas, les conclusions factuelles tirées dans l'instance antérieure ont valeur de commencement de preuve et que, dans d'autres cas, et ici je me réfère à l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c. Toronto (précité), au paragraphe 52, elles ne peuvent être modifiées que si les conclusions de l'instance initiale sont altérées par la fraude ou la mauvaise foi, ou lorsque des preuves nouvelles, qui n'existaient pas auparavant, entraînent une récusation absolue, ou lorsque l'équité exige que le résultat initial ne soit pas contraignant dans un nouveau contexte. Je passe maintenant aux faits eux-mêmes.


Les faits qui ont conduit au préjudice allégué par le demandeur

[10]            Vers 22 heures le 26 octobre 1999, l'agent Peckham patrouillait dans la localité de Didsbury (Alberta), à bord d'un véhicule à l'enseigne de la GRC. Il a vu un véhicule, qui se révéla être celui dont était propriétaire et que conduisait M. Watson, franchir une intersection sans obtempérer au panneau « Arrêt » . L'agent Peckham a donc fait demi-tour en actionnant les gyrophares de son véhicule, son intention étant de réprimander le chauffeur à propos de l'infraction qu'il venait de commettre.

[11]            En contre-interrogatoire, M. Watson a dit que, avant que la voiture de police ne fasse demi-tour, il se rendait chez un ami pour y déposer un réveille-matin, mais que, lorsqu'il a vu la voiture de police le suivre, gyrophares allumés (comme il avait mis sa chaîne stéréo à un volume élevé, il ne pouvait distinguer si la sirène du véhicule de police était en marche), et bien qu'il sût que la police le suivait et voulait qu'il arrête son véhicule, il a pensé qu'il avait une chance de s'en sortir, préoccupé qu'il était par le fait qu'il conduisait sans être assuré.

[12]            M. Watson força alors l'allure et négligea de s'arrêter à un autre panneau « Arrêt » . L'agent Peckham a actionné tous les dispositifs d'urgence de son véhicule, y compris les sirènes, et a informé le détachement de la GRC à Red Deer.


[13]            L'agent Peckham a pris en chasse M. Watson dans la localité de Didsbury, à une vitesse se situant entre 70 et 80 km/h. Il a été en mesure de s'approcher de lui suffisamment pour pouvoir lire le numéro de sa plaque d'immatriculation, ce qui lui a permis d'appeler son répartiteur pour qu'il lui donne le nom du propriétaire du véhicule. M. Watson a ensuite grillé un troisième panneau « Arrêt » , puis s'est engagé sur la grande route à des vitesses atteignant entre 90 et 100 km/h.

[14]            À un certain moment durant la poursuite engagée sur la route, M. Watson a ramené sa vitesse à environ 40 km/h, semble-t-il pour ramasser la chaîne stéréo de son véhicule, qui était tombée de la plate-forme du tableau de bord et se trouvait sous ses pieds, entre la pédale de frein et l'accélérateur. L'agent Peckham a alors activé ce qu'il a appelé le « projecteur de contrôle » , c'est-à-dire une lumière vive fixée au toit de son véhicule, qui lui aurait permis de voir à l'intérieur du véhicule de M. Watson, car il avait l'impression que M. Watson allait s'arrêter. Cependant, la poursuite a repris, M. Watson empruntant ensuite une route de gravier poussiéreuse. L'agent Peckham fut en mesure de distinguer le nom de la route, Range Road 201, au moment où il quittait la grande route, mais, à l'évidence, ni lui ni M. Watson n'ont vu un panneau « Cul-de-sac » , placé du côté opposé de l'entrée de Range Road 201.


[15]            Selon le témoignage de l'agent Peckham, il faisait nuit ce soir-là, le temps était clair, il n'y avait pas de lune, il faisait cinq degrés Celsius sous zéro, il n'y avait pas de vent et le temps était très sec. Avant de s'engager sur le chemin de gravier non asphalté, l'agent Peckham pensa que, en continuant la poursuite, il ne mettait pas sa vie en danger, non plus que celle du public ou celle de M. Watson. Cependant, une fois sur la route de campagne, son véhicule a commencé à chasser. Il a reconnu que cela lui avait fait peur, et ce facteur, combiné à la poussière que faisait voler le véhicule de M. Watson, ce qui réduisait la visibilité, l'a incité à ralentir à moins de 60 km/h. L'agent Peckham avançait prudemment dans la poussière. Il a remarqué que M. Watson avait pris une bonne avance sur lui. À ce stade de la poursuite, il pouvait distinguer l'unique feu arrière opérationnel du véhicule de M. Watson. Puis le feu arrière ayant disparu, l'agent Peckham a conclu que le véhicule qui le précédait avait bifurqué ou qu'il descendait une côte. En réalité, M. Watson avait éteint ses phares pendant une brève période. Je retiens ici que M. Watson a reconnu que, en conséquence de l'accident, son souvenir de l'événement survenu ce jour-là, y compris des instants qui l'avaient précédé, était un peu confus. Cependant, il savait qu'il était suivi par le véhicule de la GRC sur le chemin de gravier et il savait que, si pour quelque raison il avait éteint ses phares, il devait les allumer de nouveau parce qu'il ne pouvait pas voir devant lui. Il était conscient du problème que causaient la poussière et le manque de visibilité. Vers ce moment-là, l'agent Peckham a demandé à son répartiteur s'il avait pu obtenir l'identité du propriétaire du véhicule, car il songeait à cesser la poursuite, selon qu'il obtiendrait ou non des indications sur la propriété du véhicule.


[16]            Très peu de temps après que l'agent Peckham eut terminé sa conversation radio, M. Watson atteignait l'extrémité apparente de la route, alors qu'en réalité la route devenait à cet endroit un chemin cahoteux pour véhicules à quatre roues motrices, dont l'accès était partiellement dissimulé par des arbres. M. Watson a alors stoppé son véhicule au milieu du chemin, qui était assez étroit. Je relèverais ici qu'il y avait de substantiels accotements, d'un côté et de l'autre. M. Watson est demeuré quelques instants assis dans son véhicule, dont il frappait le volant de colère. Il a dit qu'il savait à ce moment-là que la poursuite était terminée. Sans prendre garde, il est sorti du véhicule par la porte du côté chauffeur. Au moment même où il sortait de son véhicule, arrivait l'agent Peckham, qui avait dû prendre la tangente pour éviter une collision parfaite avec le véhicule de M. Watson, heurtant de ce fait le coin arrière gauche du véhicule de M. Watson, endommageant le coin avant droit du véhicule de police, et heurtant M. Watson ou bien le poussant devant le véhicule de police, ce qui lui a causé des lésions, notamment une blessure grave à la jambe gauche. Au moment de la collision, les phares du véhicule de M. Watson étaient allumés, et ils ont d'ailleurs été éteints par un agent de la GRC arrivé plus tard sur les lieux.

[17]            J'admets que M. Watson a dit à l'agent Peckham, lorsque celui-ci s'est approché de lui après l'accident, qu'il avait fait une chose extrêmement stupide, mais je n'y vois pas de ce fait une admission de responsabilité.

[18]            L'agent Peckham a dit que l'objet de la poursuite était éventuellement d'obtenir l'arrêt du véhicule, mais qu'en général il restait à l'arrière. Il voulait obtenir autant de renseignements que possible avant de décider quoi faire. D'ailleurs, s'il avait su que le chauffeur, M. Watson, était un homme de la région, il aurait mis fin à la poursuite. Il se trouve qu'il n'a appris l'identité du chauffeur qu'après l'accident.

[19]            L'agent Peckham reconnaît que la poussière formait un brouillard assez épais, réduisant la visibilité à une distance qui se situait entre 25 mètres et 100 mètres. Peu avant l'accident, il avait posé son microphone manuel, puis avait vu la voiture de M. Watson devant la sienne, à une distance correspondant à deux ou trois véhicules. Il n'a donc pas eu le temps de s'arrêter, mais simplement, comme je l'ai dit, le temps de prendre la tangente, en donnant un coup de volant à gauche.

[20]            Eu égard à l'ensemble des circonstances et aux éléments de preuve, il n'y a pour ainsi dire aucune divergence de vues sur la manière dont les choses se sont passées. Cependant, il y a divergence de vues sur leurs conséquences juridiques.

EXAMEN

Responsabilité de la Couronne


[21]            L'avocat de M. Watson reconnaît que, en application de l'article 68.1 du Alberta Highway Traffic Act, R.S.A. 1980, ch. H-7, un véhicule de police dont la sirène est actionnée bénéficie de plusieurs libertés, notamment en ce qui concerne les limites de vitesse et les contraventions aux règles de la circulation [traduction] « ... si, eu égard aux circonstances, cette manière de faire est raisonnable et ne menace pas la sécurité » . Cependant, il fait aussi remarquer que, selon le paragraphe 68.1(6), aucune des libertés ainsi accordées n'autorise le conducteur du véhicule à agir d'une manière négligente, compte tenu des circonstances. L'avocat du demandeur fait donc valoir que ce qui est en cause, c'est la négligence de l'agent Peckham, qui dans ce contexte conduisait trop vite ou qui de temps à autre conversait avec son répartiteur, notamment peu avant l'accident, et il dit qu'il lui était difficile d'échapper à sa responsabilité après un choc par l'arrière. Cependant, il a admis que la poussière projetée par le véhicule de M. Watson durant la poursuite le long du chemin de gravier non asphalté posait un problème. Puis l'avocat du demandeur a évoqué un autre aspect, celui de la faute partagée.

[22]            Il faudrait certainement aussi, outre l'article 68.1 de la Loi, prendre en compte d'autres dispositions du Highway Traffic Act, notamment l'article 179, qui concerne la charge de la preuve dans le cas d'un accident de la route, et autres dispositions relatives à la vitesse que requièrent les circonstances, et enfin l'article 123, qui concerne la conduite imprudente. Cependant, ces dispositions doivent être lues d'une manière qui tienne compte de la liberté accordée au véhicule de police, ainsi que de l'obligation imposée à ce même véhicule, par l'article 68.1, et qui tienne compte également des nombreux précédents relatifs aux véhicules de police engagés dans des poursuites.


[23]            Je ne partage pas l'avis du demandeur selon lequel la poursuite a pris fin lorsque le demandeur a finalement arrêté son véhicule et en est sorti. Cette situation n'est pas sans rappeler le principe de la poursuite immédiate, selon lequel la poursuite est continue, de telle sorte que la poursuite elle-même et la capture, ainsi que la perpétration de l'infraction, constituent ensemble un unique événement : voir par exemple l'arrêt R. c. Macooh (1993) 155 N.R. 44, aux pages 60 et suivantes, où le juge en chef Lamer définit et explore le concept. Je passe maintenant à quelques-uns des cas de poursuite.

[24]            L'avocat de la Couronne dit que, si les actes d'une personne déclenchent une poursuite, cette personne devient responsable du résultat. Il s'agit là d'une généralisation, mais c'est une notion assez universelle, sauf cas particuliers.


[25]            M. Watson a certainement été fautif sous plusieurs aspects, notamment le fait de conduire avec un seul feu arrière en état de marche, le fait de s'arrêter au milieu de la chaussée, dans l'obscurité et dans une poussière qui rendait la visibilité mauvaise, et le fait d'être sorti de son véhicule sans prendre garde et apparemment sans tendre l'oreille pour tenter de deviner la position du véhicule de police. Cependant ce sont les précédents relatifs aux poursuites policières qui permettront d'établir la responsabilité. Une poursuite du genre peut entraîner des conséquences fâcheuses. Cependant les policiers sont autorisés à utiliser autant de force que nécessaire dans un cas de poursuite, en gardant toujours à l'esprit qu'ils doivent privilégier le moyen le plus raisonnable et le moins violent de poursuivre et d'attraper le fuyard. J'ai ici à l'esprit l'arrêt Priestman c. Colangelo [1959] R.C.S. 615. Dans cette affaire, des policiers engagés dans une poursuite avaient tenté de tirer sur les pneus du véhicule poursuivi, et ils avaient, ce faisant, blessé le conducteur de ce véhicule, lequel ensuite avait heurté et tué deux piétons. Les administrateurs successoraux des deux passants avaient donc demandé réparation. Cependant, la Cour avait reconnu que l'obligation imposée aux policiers, celle d'arrêter les contrevenants, pouvait parfois nécessairement entraîner un risque de blessure pour les membres du public.

[26]            Il y a aussi l'affaire Pepper c. Hoover (1976) 71 D.L.R. (3d) 129, décidée par la Cour suprême de l'Alberta. Un véhicule dans lequel prenait place le demandeur, et qui était poursuivi par la police, avait fini sa course dans un fossé. Le véhicule policier engagé dans la poursuite avait glissé dans le fossé, était entré en collision avec le véhicule poursuivi et avait causé des lésions au demandeur. Le véhicule poursuivi roulait dangereusement et à grande vitesse. Il faisait nuit noire et le policier engagé dans la poursuite ne connaissait pas très bien la route, mais le tribunal a estimé que sa vitesse était raisonnable et adéquate, compte tenu des circonstances. Cependant, et aspect sans doute plus important pour le cas qui nous concerne, le demandeur, qui était un passager, n'avait pas protesté auprès du conducteur du véhicule à propos de ce qu'il faisait, mais avait accepté les dangers que suppose la conduite à une telle vitesse, et la possibilité d'un accident par suite de la perte de la maîtrise du véhicule, voire par le fait que le véhicule de police pouvait les rattraper et entrer en collision avec eux (voir la page 133). Dans cette affaire, le tribunal avait estimé que le demandeur, en tant que passager, avait tout simplement consenti à assumer ce risque sans être indemnisé (loc. cit.). À plus forte raison, dans le cas qui nous intéresse, le demandeur devrait-il être réputé avoir accepté le risque, sans indemnisation.


[27]            Le jugement Ontario (AG) c. Keller (1978), 86 D.L.R. (3d) 426 (H.C. Ont.), confirmé (1978) 94 D.L.R. (3d) 632, présente de l'intérêt parce qu'il fait le point sur les précédents relatifs à des poursuites. Dans cette affaire, le conducteur du véhicule poursuivi savait qu'il était poursuivi, mais il tentait d'échapper à une arrestation. Le policier, qui demandait réparation, avait été blessé. Il a obtenu gain de cause, le mode de conduite du véhicule poursuivi ayant été la cause immédiate de l'accident. Monsieur le juge Hollingworth avait cité un jugement américain, MacDonald c. Hall 244 A (2d) 809, rendu par la Cour suprême du Maine. Le passage en question est tout à fait à propos dans le cas d'un conducteur en fuite dont la faute est avérée :

[traduction] Il doit nécessairement savoir qu'une telle poursuite est dangereuse, non seulement pour les usagers de la route, mais aussi pour les occupants des véhicules concernés. Il a provoqué une course à laquelle seul le policier avait le droit, en vertu de ses fonctions officielles, de participer. Ici, selon une preuve non contredite, le défendeur savait qu'un shérif adjoint le poursuivait. Il était juridiquement fautif.

(page 438)

[28]            On peut aussi établir une comparaison entre l'affaire Keller et la présente affaire, car, dans l'affaire Keller, même si c'est le policier qui avait été blessé, après avoir heurté un poteau télégraphique au cours d'une poursuite à vive allure, le conducteur du véhicule poursuivi avait été jugé responsable en dépit du fait que le policier savait la chaussée glissante, qu'il avait dérapé et qu'il conduisait de la main gauche, en tenant de l'autre son microphone-émetteur.


[29]            L'avocat du demandeur m'a signalé un précédent dans lequel un policier avait été blessé au cours d'une poursuite à grande vitesse, mais où le conducteur du véhicule poursuivi n'avait été jugé responsable qu'à 75 p. 100, car au moment de la blessure la poursuite avait véritablement pris fin depuis un bon moment. Cependant, les observations générales de monsieur le juge O'Leary, de la Cour suprême de l'Ontario, dans l'affaire Crew c. Nicholson (1987) 1 M.V.R. (2d) 284, méritent d'être citées :

[traduction] Je passe maintenant à la faute, s'il y en a une, du défendeur Nicholson, faute dont répond le défendeur McDonald. Les automobilistes qui tentent d'échapper à la police en appuyant sur l'accélérateur et qui provoquent ainsi une poursuite à grande vitesse savent que, ce faisant, ils créent un risque appréciable de voir cette poursuite se terminer par des blessures corporelles ou des dommages matériels, soit pour la police, soit pour les membres du public qui se trouvent légalement sur la voie publique. Il n'importe nullement qu'un tel automobiliste ne puisse prédire exactement la manière dont sa volonté d'échapper à la police peut entraîner des blessures ou des dommages pour autrui, et il ne lui est non plus d'aucune utilité de prétendre que le policier aurait pu prévenir les dommages ou les blessures si le policier s'était montré prudent durant la poursuite. En tentant d'échapper à la police, l'automobiliste déclenche une série d'événements qui le rendront responsable des blessures ou des dommages causés durant la poursuite. Les policiers ont l'obligation de veiller au respect de la loi en arrêtant les automobilistes et autres qu'ils voient en train d'enfreindre la loi. Cela signifie qu'ils doivent parfois suivre et, si nécessaire, poursuivre ceux qui tentent de leur échapper. Si, dans l'agitation provoquée par une telle poursuite, le policier oublie d'exercer la prudence à laquelle il est astreint, l'automobiliste qui a provoqué la poursuite n'est pas pour autant excusé. En cherchant à échapper à la police, l'automobiliste précipite les circonstances mêmes qui induisent la police à prendre des risques que parfois elle ne devrait pas prendre. Lorsqu'un accident résulte à la fois de la faute d'un automobiliste qui tente d'échapper à la police, et de la faute d'un policier qui n'a pas exercé toute la prudence requise durant la poursuite, la responsabilité qui reviendra à chacun variera naturellement selon les circonstances. En règle générale, cependant, l'automobiliste qui tente d'échapper à la police supportera la responsabilité la plus grande puisque c'est lui qui a provoqué la poursuite à l'origine. Dans le cas présent, j'attribue à Nicholson 75 p. 100 de la responsabilité de l'accident, et à l'agent Mason 25 p. 100.

Le jugement Crew a été confirmé : (1989) 58 D.L.R. (4th) 111. Cet extrait concerne le partage de la responsabilité, mais toute aussi importante est l'idée selon laquelle « en tentant d'échapper à la police, l'automobiliste déclenche une série d'événements qui le rendront responsable des blessures ou des dommages causés durant la poursuite » .

[30]            De façon générale, les précédents dont j'ai fait état jusqu'à maintenant interprètent résolument le droit de poursuite en faveur de la police et attribuent tout aussi résolument la responsabilité au conducteur du véhicule poursuivi. Cependant, il doit exister un équilibre entre l'obligation d'appréhender un fuyard et l'obligation de faire preuve de prudence non seulement envers le public, mais également envers le fuyard. Ici, je voudrais citer l'affaire Blaz c. Dickinson (1996) 23 M.V.R. (3d) 70 (C. Ont. Div. gén.), où le véhicule volé qui était pourchassé avait été conduit imprudemment dans le dessein d'éviter une arrestation. Il était entré en collision avec celui d'un autre automobiliste, le demandeur, M. Blaz. M. Blaz a poursuivi à la fois le chauffeur imprudent et la police, mais il n'a obtenu gain de cause qu'à l'encontre du chauffeur imprudent, la police, qui avait agi avec un soin raisonnable, n'ayant pas été reconnue fautive, même partiellement. Cependant, le passage suivant montre l'équilibre qu'il convient d'établir entre les obligations d'un policier, à savoir l'appréhension des criminels et l'obligation d'assurer la sécurité du public, et la nécessité de ne pas perdre de vue le devoir de prudence de la police à l'égard d'un fugitif :

[traduction]

35      Les policiers ont le devoir d'appréhender les criminels et de protéger les vies et les biens. Selon l'article 25 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, les policiers peuvent employer autant de force qu'il est nécessaire dans leur tâche de faire appliquer la loi, à condition qu'ils agissent sur des motifs raisonnables. Cet article établit une immunité en faveur de certaines personnes, notamment les policiers, agissant dans l'exercice de leurs fonctions.

40      Une mise en équilibre est nécessaire entre l'obligation d'appréhender un fugitif et l'obligation de garantir, ce faisant, la sécurité du public. Le devoir de prudence auquel est astreint le policier qui poursuit s'étend au suspect en fuite. C'est le même devoir que celui auquel il est astreint envers les autres personnes, plus précisément l'obligation de prudence et de compétence que requièrent les circonstances : Marshall c. Osmond, [1983] 2 All E.R. 225 (C.A.), à la page 227.


44       Les policiers sont tenus de prendre des décisions qui attestent un minimum de discernement. Les risques que comporte une poursuite ne doivent pas dépasser les avantages d'une telle poursuite. Cette évaluation suppose un calcul des probabilités, et la prise d'une décision dans un court laps de temps, avec une connaissance imparfaite de tous les facteurs pertinents. De simples erreurs de jugement ne constituent pas, rétrospectivement, une faute. La loi n'exige pas la perfection.

96       Le corps policier est responsable des blessures et dommages qui ont pour cause immédiate la faute d'un policier commise au volant de son véhicule durant une poursuite. Un policier a l'obligation d'appréhender les criminels et de protéger les vies et les biens. Cependant, un policier n'est pas spécialement dispensé de l'obligation générale imposée aux citoyens, à savoir l'obligation de prudence à l'égard de la sécurité d'autrui. Plus précisément, un policier doit exercer ses fonctions de policier d'une manière qui s'accorde avec l'obligation de ne pas mettre en danger la sécurité d'autrui.

98       L'obligation d'un policier d'agir raisonnablement en protégeant le public contre tout risque excessif de blessures ou de dommages comprend l'obligation de prendre les moyens raisonnables de protéger le public contre les agissements du criminel lui-même. Les agissements du criminel qui cherche à échapper à la police au cours d'une poursuite constituent la cause immédiate et opérante du préjudice subi par les tiers lorsqu'un accident se produit. Le contrevenant est le premier responsable d'un tel accident. Cependant, vu le risque qu'entraîne nécessairement pour le public la prise en chasse d'un fugitif, le policier se doit de se demander si, eu égard aux circonstances, il ne vaudrait pas mieux mettre fin à la poursuite. Le fait de ne pas mettre fin à une poursuite peut constituer une faute. Le fait que c'est le véhicule du criminel poursuivi, et non celui de la police, qui renverse la victime n'excuse pas nécessairement le policier.


[31]            Dans le cas qui nous occupe, et eu égard au jugement Blaz c. Dickinson, je dois considérer que le devoir de prudence dont est créancier le demandeur, M. Watson, comprend la prudence et la compétence que requièrent les circonstances, mais je dois garder à l'esprit que ce qui est requis n'est pas un conseil de perfection, mais plutôt l'exécution de tâches réglementaires d'une manière qui s'accorde avec la prudence envers autrui et la sécurité d'autrui. En l'espèce, M. Watson conduisait, à n'en pas douter, d'une manière imprudente. L'agent Peckham avait l'obligation de l'appréhender. Selon la preuve, l'unique feu arrière du véhicule de M. Watson n'était plus visible, et l'agent Peckham était arrivé à la conclusion que le véhicule avait bifurqué ou avait amorcé une descente. L'agent Peckham fut, avec raison, très surpris de trouver le véhicule arrêté au milieu de la chaussée, devant lui. Il était impossible de prévoir cela, car M. Watson avait déjà eu maintes occasions de s'arrêter sur le bas-côté du chemin, notamment au cul-de-sac. S'agissant du cul-de-sac, les photographies confirment que, même si la chaussée elle-même était relativement étroite, M. Watson disposait d'un espace largement suffisant pour se ranger sur l'accotement, large et tout plat. L'agent Peckham se demandait certainement s'il valait mieux abandonner la poursuite : rétrospectivement, il aurait pu y mettre fin plus tôt, mais cela ne constitue pas, à mon avis, une faute.

[32]            Le dernier cas dont je ferai état est le jugement non publié de monsieur le juge Turnbull, de la Cour du banc de la Reine du Nouveau-Brunswick, Craig c. Hawboldt, le 8 mai 2000, [2000] N.B.J. 215. Dans cette affaire, la poursuite s'était déroulée à des vitesses variées, selon ce que permettaient des conditions routières très brumeuses. Ce scénario ressemble à celui de la présente affaire, l'agent Peckham ayant dû ralentir à cause de la poussière. Dans l'affaire Craig c. Hawboldt, le véhicule en fuite avait heurté la butée d'un pont, et le véhicule de la police était entré en collision avec l'arrière du véhicule en fuite. Le juge Turnbull a fait observer qu'il aurait pu y avoir faute, pour la collision par l'arrière, si la voiture avait été conduite par un non-initié, mais, vu l'obligation légale imposée par la société aux policiers d'appréhender les criminels, il a exprimé l'avis que l'idée d'une faute partagée était à exclure totalement. Un aspect clé de l'affaire Craig c. Hawboldt était le fait que tout le monde avait été surpris par l'étroitesse du pont. On peut établir un parallèle avec la présente affaire, où l'agent Peckham avait été surpris de constater que le véhicule de M. Watson s'était immobilisé au milieu du chemin.


[33]            Eu égard à l'ensemble des circonstances et aux précédents très éloquents évoqués, je ne puis imputer ici aucune faute, même partielle, à l'agent Peckham.

La déclaration antérieure de culpabilité et l'abus de procédure


[34]            À supposer, à titre d'exemple, que l'on puisse imputer une faute partielle à l'agent Peckham et, comme je l'ai dit, je ne lui en impute aucune, je dois alors dire quelques mots sur les conclusions tirées par le juge Clozza dans la procédure criminelle antérieure se rapportant à cette affaire. Il avait fait observer qu'une poursuite policière établissait un commencement de preuve d'une conduite dangereuse. Cependant, il avait ensuite considéré la conduite dangereuse elle-même, à savoir la violation de quatre panneaux « Arrêt » , ce qui en soit est une conduite dangereuse. Puis il a retenu que M. Watson avait admis qu'il essayait de distancer le policier et qu'il n'était pas parfaitement conscient de ce qui se passait autour de lui. M. Watson n'a pas vu un ami qui passait. Là encore, il y avait danger pour une personne, et il y avait conduite dangereuse. Le juge Clozza a fait observer que [traduction] « il y avait danger pour l'accusé lui-même. En réalité, l'accusé a fini par être frappé, et je suis d'avis qu'il a été l'auteur de sa propre mésaventure » (pages 60 et 61 de la transcription du procès criminel). Puis il a reconnu M. Watson coupable de conduite dangereuse. Le juge Clozza a indiqué que l'accident était malheureux, mais il a relevé que M. Watson avait eu [traduction] « une foule d'occasions de s'arrêter et d'éviter le résultat ultime » : il a souligné que M. Watson était l'auteur de sa propre mésaventure (page 64). Le juge Clozza lui a également ordonné d'indemniser la Couronne pour les dommages au véhicule de police.

[35]            Pour dire que la Couronne est responsable des actes de l'agent Peckham, il me faudrait arriver à une conclusion contraire à celle du juge Clozza. Cela serait ignorer les propos tenus par la Cour suprême du Canada sur l'abus de procédure, dans l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c. Ville de Toronto, qui met l'accent sur la nécessité de préserver l'intégrité de la fonction juridictionnelle des tribunaux.


[36]            Comme je l'ai fait observer plus haut, la Cour suprême du Canada soulignait, aux paragraphes 51 et 52 de son arrêt, l'importance de préserver l'intégrité du processus juridictionnel et énumérait aussi les cas dans lesquels il pourrait y avoir nouveau procès. Les cas justifiant un nouveau procès sont ceux où l'instance initiale est entachée de fraude ou de malhonnêteté, ceux où des preuves nouvelles apparaissent et ceux où l'équité exige que le résultat initial n'ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte. Aucune de ces exceptions ne s'applique dans le cas qui nous occupe. Eu égard à l'arrêt Syndicat canadien de la fonction publique c. Ville de Toronto, je ne crois pas devoir modifier les conclusions du juge Clozza, ce qu'il me faudrait faire si j'étais d'avis qu'il y a eu faute partagée, et, comme je l'ai dit, je ne vois ici en tout état de cause aucune possibilité de faute partagée. De même, en raison du jugement Trang c. Alberta (précité), je dois déférer à la décision du juge Clozza, dont les conclusions essentielles ne sauraient être remises en cause. La présente affaire ne renferme d'ailleurs aucun des éléments de preuve qui seraient nécessaires pour que soient réfutées les conclusions antérieures : voir Trang c. Alberta, au paragraphe 61.

CONCLUSION

[37]            Dans cette affaire, le travail des avocats a été excellent. Les témoins ont été de bons témoins. Il est malheureux qu'il doive y avoir un gagnant et un perdant. Cependant, l'action est rejetée. Les dépens sont adjugés à la Couronne.

           « John A. Hargrave »           

      Protonotaire

Vancouver (C.-B.)

le 21 novembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                    T-1227-00

INTITULÉ :                   ADRIAN JOHN WATSON c. SA MAJESTÉ LA REINE,

REPRÉSENTÉE PAR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :                              LE 18 NOVEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE PROTONOTAIRE JOHN HARGRAVE

DATE DES MOTIFS :                                     LE 21 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

John D'Arcy Boulton                                            POUR LE DEMANDEUR

Barry Benkendorf                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Boulton's Law Office                                            POUR LE DEMANDEUR

Sundre (Alberta)

Morris Rosenberg                                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)


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