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Recueil des arrêts de la Cour fédérale
University of Saskatchewan c. Canada (Directrice du Bureau de la protection des obtentions végétales) (1re inst.) [2001] 3 C.F. 247

Date : 20010301

Dossier : T-547-00

Référence neutre : 2001 CFPI 134

Ottawa (Ontario), le 1er mars 2001

En présence de M. le juge Muldoon

Entre :

                                         UNIVERSITY OF SASKATCHEWAN

demanderesse

et

VALERIE SISSON, EN QUALITÉ DE DIRECTRICE DU BUREAU

DE LA PROTECTION DES OBTENTIONS VÉGÉTALES

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Le juge Muldoon

1. Introduction


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'égard de la décision en date du 15 février 2000 par laquelle Valerie Sisson, directrice du Bureau de la protection des obtentions végétales, a rejeté la demande de la demanderesse fondée sur le paragraphe 14(5) de la Loi sur la protection des obtentions végétales[1] et sur l'alinéa 23(2)b) du Règlement sur la protection des obtentions végétales[2] en vue de remplacer la dénomination TR133 qui se rapporte à une variété d'orge, par CDC Kendall. L'affaire a été entendue à Winnipeg (Manitoba).

2. Exposé des faits

a. Parties

[2]                La demanderesse est la University of Saskatchewan et la défenderesse, la directrice du Bureau de la protection des obtentions végétales qui a été désignée en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi sur la protection des obtentions végétales. Le Bureau dont la défenderesse est directrice administre le régime législatif qui régit les droits de propriété intellectuelle découlant de la Loi sur la protection des obtentions végétales et du Règlement pris en application de celle-ci et fait partie de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

b. Loi sur la protection des obtentions végétales

[3]                Les certificats d'obtention constituent une forme de droit de propriété intellectuelle protégé par la Loi sur la protection des obtentions végétales. Le titulaire du certificat d'obtention a le droit exclusif de vendre et de produire la variété protégée au Canada, de vendre du matériel de multiplication de la variété, d'utiliser la variété en vue de la production commerciale d'une autre variété ou en vue de la production de plantes ornementales ou de fleurs coupées et d'accorder à un tiers l'autorisation d'utiliser la variété.


[4]                Une demande de certificat d'obtention peut être présentée au directeur du Bureau de la protection des obtentions végétales à l'égard d'une nouvelle variété proposée. Une fois que le certificat est délivré, la dénomination choisie doit être utilisée lors de la vente de matériel de multiplication. À l'article 2 de la Loi sur la protection des obtentions végétales, le matériel de multiplication est défini comme suit : «    s'entend, outre du matériel de reproduction ou de multiplication végétative d'une variété végétale, des semences ainsi que des plants entiers ou partie de ceux-ci qui peuvent servir à la multiplication » .

[5]                Lorsqu'un certificat d'obtention a été délivré à l'égard d'une variété donnée, la vente de matériel de multiplication de cette variété sous une dénomination différente constitue une infraction selon la Loi sur la protection des obtentions végétales.

[6]                Bien que les droits de propriété intellectuelle afférents aux obtentions végétales soient créés en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales, l'importation, l'exportation, l'annonce et la vente de variétés végétales sont régies par la Loi sur les semences[3] et par le Règlement pris en application de celle-ci[4]. L'administration de la Loi sur les semences relève d'un organisme différent du Bureau de la protection des obtentions végétales, soit le Bureau d'enregistrement des variétés, qui fait également partie de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Même si le Bureau d'enregistrement des variétés et le Bureau de la protection des obtentions végétales sont des entités distinctes, les deux font partie de la même agence fédérale et les installations des deux organismes se trouvent dans le même immeuble.


c. Processus d'obtention d'une nouvelle variété végétale

[7]                 Le processus d'obtention d'une nouvelle variété d'orge est décrit dans la preuve par affidavit qui a été déposée en l'espèce et qui n'est pas contredite[5]. Le sélectionneur doit d'abord concevoir une variété d'orge de malterie possible et lui attribuer un numéro en se fondant sur son propre système interne.

[8]                Lorsque la variété d'orge de malterie présente une valeur exceptionnelle, le sélectionneur la soumet à des essais coopératifs à grande échelle afin d'en déterminer les propriétés culturales, comme le rendement, la maturité et la résistance à la verse et aux maladies. Ces essais sont menés par une association de sélectionneurs, d'universités, d'organismes privés et de représentants d'Agriculture Canada. Habituellement, les essais coopératifs schelonnent sur une période de trois ans.

[9]                 Au cours des essais coopératifs, le coordinateur des essais attribue un numéro à la variété. Selon le système de désignation qui est utilisé depuis plus de vingt ans, les lettres «    TR » servent à désigner les variétés à deux rangs et les lettres «    BT » , les variétés à six rangs. Les caractères qui suivent les deux premières lettres sont des chiffres qui sont réutilisés plus tard pour des essais non connexes.


[10]            Après trois ans d'évaluation agronomique et deux ans d'essais à petite échelle visant à évaluer la qualité du maltage et du brassage, la variété peut être enregistrée sous le régime de la Loi sur les semences et des essais sont alors menés sur une plus grande échelle. Au Canada, la pratique consiste à enregistrer la variété d'orge de malterie d'abord en vertu de la Loi sur les semences en utilisant comme dénomination le code numérique employé lors des essais coopératifs. Il s'agit d'une étape très importante du processus de commercialisation. Avant ces essais à grande échelle, la quantité de semences est limitée et la variété n'a pas été soumise à des tests en quantités commerciales dans les installations de brasserie et de maltage. Au Canada, l'industrie brassicole exige habituellement des essais dans des établissements commerciaux pendant au moins deux ans avant d'ajouter une nouvelle variété à sa liste d'ingrédients.

[11]            Les essais à grande échelle nécessitent une plus grande quantité de semences et il faut alors vendre des semences aux agriculteurs multiplicateurs. Étant donné que la Loi sur la protection des obtentions végétales interdit toute vente de semences avant la demande de certificat d'obtention, le certificat est obtenu à cette étape.

[12]            Généralement, le sélectionneur attribue à la variété un nom permanent uniquement après au moins deux ans d'essais à grande échelle ainsi qu'après l'acceptation commerciale de la variété. Les distributeurs de malt, de graines et de semences peuvent alors passer à ltape de la reconnaissance de la marque. Ainsi, dans le cas sous étude, la désignation TR133 a été remplacée par le nom CDC Kendall après trois ans d'essais. En vertu de la Loi sur les semences, ce changement de nom se fait assez régulièrement. Habituellement, les désignations comportent également un code d'identification permettant de connaître le nom du sélectionneur qui a obtenu la semence.

d. Le cas sous étude

[13]            Le 21 juin 1995, la demanderesse a enregistré une variété d'orge de malterie à deux rangs sous la dénomination TR133 auprès du Bureau d'enregistrement des variétés en application de la Loi sur les semences.


[14]            Le 17 mars 1997, la demanderesse s'est vu accorder un certificat d'obtention sous le régime de la Loi sur la protection des obtentions végétales à l'égard d'une variété d'orge dont la dénomination était la même, soit TR133.

[15]            Le 28 novembre 1997, la demanderesse a avisé le Bureau d'enregistrement des variétés qu'elle remplaçait la dénomination TR133 par CDC Lager et a présumé, à tort, que celui-ci aviserait le Bureau de protection des obtentions végétales du changement, parce que les deux organismes se trouvent dans le même immeuble et font tous deux partie de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Toutefois, chaque bureau est indépendant et le changement de dénomination n'a jamais été enregistré auprès du Bureau de la protection des obtentions végétales.

[16]            La dénomination a été remplacée par CDC Kendall après que plusieurs clients japonais se sont opposés à la dénomination CDC Lager, parce qu'elle était liée de près à Kirin Breweries, société de brasserie japonaise dont la principale marque est la bière Kirin Lager. La dénomination CDC Kendall renvoie à M. Norman Kendall, ancien directeur principal de l'Institut de recherche sur l'orge de brasserie et de maltage, qui est reconnu dans l'industrie du malt et l'industrie brassicole au Canada et à ltranger. Le préfixe CDC indique que la variété provenait du Crop Development Center (centre de développement végétatif) de la University of Saskatchewan, qui est reconnu à lchelle internationale en matière de création de variétés d'orge de malterie supérieures.


[17]            Le 17 mars 1999, la demanderesse a présenté au Bureau d'enregistrement des variétés une demande visant à remplacer la dénomination par CDC Kendall en présumant, à tort encore une fois, que le changement serait communiqué au Bureau de la protection des obtentions végétales. Une fois de plus, le changement n'a pas été enregistré auprès de celui-ci.

[18]            En 1998 et 1999, la demanderesse a payé les frais d'enregistrement annuels au bureau de la défenderesse à l'égard de la dénomination TR133, conformément à la Loi sur la protection des obtentions végétales.

[19]            En janvier 2000, la défenderesse a appris que la demanderesse vendait de l'orge TR133 sous la dénomination CDC Kendall. Le 27 janvier 2000, Valerie Sisson, directrice du Bureau de la protection des obtentions végétales, a écrit à M. Bryan Harvey, vice-président de la recherche à la University of Saskatchewan, pour l'aviser que la variété appelée TR133 était enregistrée en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales, mais que la variété appelée CDC Kendall ne l'était pas :

[TRADUCTION] La présente lettre fait suite à notre conversation téléphonique concernant la variété susmentionnée. Le 24 janvier 2000, nous avons appris que le matériel de multiplication de la variété d'orge TR133, à l'égard de laquelle une protection a été accordée en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales (POV), est vendue sous une autre dénomination, soit CDC Kendall.

Un certificat d'obtention a été accordé le 17 mars 1997 à la University of Saskatchewan à l'égard de la variété d'orge appelée « TR133 » . À cette époque, un enregistrement provisoire sous cette dénomination existait depuis le 21 juin 1995 à l'égard de la variété en vertu de la Loi sur les semences. Nous avons également appris que, depuis la délivrance du certificat conformément à la Loi POV, deux changements de nom ont été apportés à la variété selon le système d'enregistrement des variétés créé en application du Règlement sur les semences. Le Bureau POV a fait parvenir à deux reprises des avis exigeant des frais annuels à l'égard du maintien du certificat d'obtention relatif à la variété «    TR133 » . Le Bureau POV n'a reçu aucune demande visant à modifier le nom de la variété et ce n'est que le 24 janvier 2000 qu'il a appris que d'autres noms étaient utilisés pour la vente de la variété.

Après la délivrance du certificat d'obtention, aucune autre dénomination ne peut être utilisée pour la vente de matériel de multiplication de la variété, que ce soit avant ou après l'expiration dudit certificat (article 15 de la Loi POV). Les dénominations des variétés ne peuvent être modifiées que dans les circonstances et selon les modalités réglementaires (paragraphe 14(5) de la Loi POV).


Un changement de dénomination peut être demandé lorsque la dénomination approuvée n'est pas celle que le titulaire a proposée ou lorsque des renseignements additionnels justifiant un changement deviennent accessibles après la délivrance du certificat, p. ex., existence de droits antérieurs (alinéas 23(2)a) et b) du Règlement POV).

Le fait de désigner délibérément du matériel de multiplication, en vue de le vendre, sous une dénomination différente de celle que le directeur a approuvée constitue une infraction (par. 53(2) de la Loi POV). La personne morale reconnue coupable de cette infraction encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 25 000 $ ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende dont le montant est laissé à la discrétion du tribunal (par. 53(5) de la Loi POV).

Nous vous recommandons également d'aviser vos utilisateurs autorisés concernés que toutes les ventes, y compris la publicité connexe, de matériel de multiplication de la variété sous une dénomination autre que «    TR133 » doivent cesser immédiatement. Étant donné que la variété est enregistrée en vertu de la Loi sur les semences sous le nom «    CDC Kendall » , elle ne peut être vendue sous la dénomination «    TR133 » avant que le nom de la variété soit modifié conformément au Règlement sur les semences. Comme vous l'avez demandé, je joins le texte des dispositions pertinentes de la Loi et du Règlement POV pour votre information.

(Dossier de la demanderesse, aux pages 13 et 14.)

[20]            Le 2 février 2000, M. Harvey a répondu par écrit et demandé que la dénomination «    TR133 » soit remplacée par «    CDC Kendall » conformément à l'article 23 du Règlement sur la protection des obtentions végétales :

[TRADUCTION] Je vous remercie d'avoir porté à notre attention la situation concernant le remplacement de la dénomination «    TR133 » par le nom «    CDC Kendall » . Je vous remercie également de la compréhension et de la collaboration dont vous avez fait montre pour tenter de trouver une solution à ce dilemme. Nous avons cru, à tort, que le Bureau d'enregistrement des variétés informerait votre bureau du changement de dénomination en question. De toute évidence, tel n'a pas été le cas et nous n'avons pas fait le suivi à cet égard.

Les certificats d'obtention doivent être demandés avant le début de la multiplication. Par conséquent, le numéro d'essai coopératif TR133 a été utilisé pour la demande de certificat et pour l'enregistrement provisoire, comme le voulait la coutume à lpoque. Le Bureau d'enregistrement des variétés a approuvéle nom «    permanent » CDC Lager pour la variété en juillet 1998. Il a subséquemment modifié ce même nom à notre demande, en raison des objections soulevées par d'importants clients japonais, et approuvé le nom CDC Kendall en mars 1999.


Les essais d'acceptation commerciale qui ont été menés à lgard de la variété ont donné des résultats très encourageants et l'industrie estime que cette variété remplacera la variété Harrington, qui est depuis longtemps reconnue comme la norme pour cette catégorie. Tant au Canada qultranger, elle est connue et annoncée principalement sous le nom de CDC Kendall. Des plans ont été arrêtés en vue de la production en sous-traitance sur une superficie de plus de 100 000 acres en l'an 2000. La variété est désignée sous cette dénomination dans les brochures pertinentes de la Commission canadienne du blé, de l'Association canadienne des producteurs de semences et de la Canadian Malting Industry Association ainsi que de différents organismes provinciaux. Un changement de nom risquerait de semer une grande confusion. La désignation TR133 est un numéro d'inscription utilisé pour le test préliminaire coopératif à lgard de l'orge à deux rangs. Ces numéros sont réutilisés dès que 100 dénominations d'un établissement ont été inscrites. Ainsi, dans quelques années, il y aura une autre variété TR133, si bien que cette désignation sera inacceptable comme dénomination permanente.

En conséquence, nous demandons que le Bureau POV remplace ce nom par CDC Kendall. Nous espérons que ces renseignements supplémentaires indiquant que les numéros des essais coopératifs sont acceptables uniquement comme noms temporaires et que cette variété, qui pourrait être cultivée sur des millions d'acres, est connue dans l'industrie principalement sous le nom de CDC Kendall, vous permettront d'autoriser un changement de dénomination en application de l'alinéa 23(2)b) du Règlement POV.

(Dossier de la demanderesse, à la page 20.)

[21]            Le 15 février 2000, la directrice a rejeté la demande de changement de dénomination de la demanderesse :

[TRADUCTION] Nous vous remercions de votre lettre du 2 février 2000 concernant l'enregistrement de la dénomination TR133 auprès du Bureau de la protection des obtentions végétales. Dans votre réponse, vous avez donné des renseignements supplémentaires afin de justifier votre demande visant à remplacer cette dénomination par le nom «    CDC Kendall » .

Après examen des motifs que vous avez invoqués dans votre réponse pour demander un changement de dénomination, il a été conclu que les renseignements ne justifient pas le changement de dénomination demandé conformément au paragraphe 23(2) du Règlement POV. L'allégation selon laquelle d'importants clients japonais se sont opposés à l'emploi du nom «    CDC Lager » n'est pas pertinente en l'espèce, parce que la dénomination «    CDC Lager » n'a jamais été enregistrée par notre bureau. L'allégation selon laquelle il n'est pas possible d'utiliser la dénomination expérimentale «    TR133 » en raison de problèmes de réutilisation des numéros n'est pas acceptable non plus. De plus, la University of Saskatchewan ne s'est pas conformée à la Loi POV, parce qu'elle a omis de demander un changement de dénomination conformément à cette Loi. Par ailleurs, le Bureau POV vous a fait parvenir deux avis de demande de paiement des frais de renouvellement annuels à lgard de la dénomination «    T133 » et vous avez payé les frais en question.

Par conséquent, nous demandons que vous nous fassiez parvenir à notre bureau, dans les 30 jours qui suivent, des renseignements indiquant que vous avez avisé vos utilisateurs autorisés concernés, y compris la Commission canadienne du bléet l'Association canadienne des producteurs de semences, de cette situation. Étant donné que la variété est enregistrée en vertu de la Loi sur les semences et du Règlement connexe (partie III) sous la dénomination «    CDC Kendall » , elle ne pourra être vendue sous la dénomination «    TR133 » avant que le Bureau d'enregistrement des variétés ait reçu une demande visant à remplacer le nom «    CDC Kendall » par «    TR133 » et que le changement en question soit fait conformément au Règlement sur les semences.


Selon l'article 15 de la Loi POV après la délivrance du certificat, aucune autre dénomination ne peut être utilisée pour la vente de matériel de multiplication de la variété, que ce soit avant ou après l'expiration du certificat en question. Comme je l'ai mentionnédans ma lettre précédente du 27 janvier 2000, le fait de désigner, en vue de le vendre, du matériel de multiplication d'une variété sous une dénomination différente de celle qu'a approuvée le directeur (par. 53(2) de la Loi POV) constitue une infraction. La personne morale reconnue coupable de cette infraction encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire, une amende maximale de 25 000 $ ou, sur déclaration de culpabilité par mise en accusation, une amende dont le montant est laissé à la discrétion du tribunal (par. 53(5) de la Loi POV).

(Dossier de la demanderesse, aux pages 21 et 22.)

[22]            La demanderesse demande le contrôle judiciaire à l'égard du refus par la directrice de remplacer la dénomination TR133 par CDC Kendall.

3. Questions en litige

a.         La directrice a-t-elle mal interprété les dispositions de l'alinéa 23(2)b) du Règlement sur la protection des obtentions végétales en soutenant qu'elle n'avait pas la compétence nécessaire pour modifier la dénomination?

b.         Si la directrice était investie de la compétence législative nécessaire pour modifier la dénomination, a-t-elle bien exercé son pouvoir dans les circonstances de la présente affaire?

c.         La demanderesse avait-elle le droit d'exiger des motifs écrits au sujet du rejet de la demande?

d.         La directrice est-elle tenue de payer les frais de la présente demande?


4. L'arrêt Baker c. M.C.I. et l'exercice du pouvoir discrétionnaire

[23]            Dans l'arrêt Baker c. M.C.I.[6], Madame le juge L'Heureux-Dubé décrit la démarche que les tribunaux doivent suivre pour examiner les décisions de nature discrétionnaire (à la page 852) :

[52]          La notion de pouvoir discrétionnaire s'applique dans les cas où le droit ne dicte pas une décision précise, ou quand le décideur se trouve devant un choix d'options à l'intérieur de limites imposées par la loi. K. C. Davis écrit ceci dans Discretionary Justice (1969), à la page 4 :

[TRADUCTION]    Un fonctionnaire possède un pouvoir discrétionnaire quand les limites réelles de son pouvoir lui donnent la liberté de choisir entre divers modes d'action ou d'inaction possibles.

Il faut examiner en l'espèce l'approche du contrôle judiciaire en matière de pouvoir discrétionnaire administratif, en tenant compte de l'analyse « pragmatique et fonctionnelle » du contrôle judiciaire qui a été énoncée pour la première fois dans l'arrêt U.E.S., Local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048, et appliquée dans des arrêts postérieurs dont Canada (Procureur général) c. Mossop, [1993] 1 R.C.S. 554, aux pages 601 à 607, le jugeL'Heureux-Dubé, dissidente sur d'autres points; Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557; Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748; et Pushpanathan, précité.


[53]          Le droit administratif a traditionnellement abordé le contrôle judiciaire des décisions discrétionnaires séparément de décisions sur l'interprétation de règles de droit. Le principe est qu'on ne peut exercer un contrôle judiciaire sur les décisions discrétionnaires que pour des motifs limités, comme la mauvaise foi des décideurs, l'exercice du pouvoir discrétionnaire dans un but incorrect, et l'utilisation de considérations non pertinentes : voir, par exemple, Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8; Produits Shell Canada Ltée c. Vancouver (Ville), [1994] 1 R.C.S. 231. Un principe général relatif au « caractère déraisonnable » a parfois été appliqué aussi à des décisions discrétionnaires : Associated Provincial Picture Houses, Ltd. c. Wednesbury Corporation, [1948] 1 K.B. 223 (C.A.). À mon avis, ces principes englobent deux idées centrales -- qu'une décision discrétionnaire, comme toute autre décision administrative, doit respecter les limites de la compétence conférée par la loi, mais que les tribunaux devront exercer une grande retenue à l'égard des décideurs lorsqu'ils contrôlent ce pouvoir discrétionnaire et déterminent l'étendue de la compétence du décideur. Ces principes reconnaissent que lorsque le législateur confère par voie législative des choix étendus aux organismes administratifs, son intention est d'indiquer que les tribunaux ne devraient pas intervenir à la légère dans de telles décisions, et devraient accorder une marge considérable de respect aux décideurs lorsqu'ils révisent la façon dont les décideurs ont exercé leur discrétion. Toutefois, l'exercice du pouvoir discrétionnaire doit quand même rester dans les limites d'une interprétation raisonnable de la marge de manoeuvre envisagée par le législateur, conformément aux principes de la primauté du droit (Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121), suivant les principes généraux de droit administratif régissant l'exercice du pouvoir discrétionnaire, et de façon conciliable avec la Charte canadienne des droits et libertés (Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038).

[54]          J'estime qu'il est inexact de parler d'une dichotomie stricte entre les décisions « discrétionnaires » et les décisions « non discrétionnaires » . La plupart des décisions administratives comportent l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire implicite relativement à de nombreux aspects de la prise de décision. Pour ne donner qu'un seul exemple, les décideurs peuvent avoir un pouvoir discrétionnaire très étendu dans les réparations qu'ils accordent. En outre, il n'est pas facile d'établir une distinction entre l'interprétation et l'exercice du pouvoir discrétionnaire; l'interprétation de règles de droit comporte un pouvoir discrétionnaire étendu pour ce qui est de clarifier, de combler les vides juridiques, et de choisir entre différentes options. Comme le disent Brown et Evans, op. cit., à la page 14-47 :

[TRADUCTION]    Le degré de discrétion dans l'attribution d'un pouvoir peut aller d'un pouvoir dans lequel le décideur est contraint seulement par les objectifs de la loi, à un pouvoir si défini que n'intervient pratiquement pas de discrétion. Entre les deux, évidemment, il existe plusieurs limites à la liberté de choix du décideur, parfois appelée une discrétion « structurée » .

[55]          La démarche « pragmatique et fonctionnelle » reconnaît qu'il y a une large gamme de normes de contrôle judiciaire des erreurs de droit, certaines décisions exigeant plus de retenue, et d'autres moins : Pezim, précité, aux pages 589 et 590; Southam, précité, au par. 30; Pushpanathan, précité, au par. 27. Trois normes de contrôle ont été définies : la décision manifestement déraisonnable, la décision raisonnable simpliciter et la décision correcte : Southam, précité, aux par. 54 à 56. Je suis d'avis que la norme de contrôle des éléments de fond d'une décision discrétionnaire est mieux envisagée dans ce cadre, compte tenu particulièrement de la difficulté de faire des classifications rigides entre les décisions discrétionnaires et les décisions non discrétionnaires. La démarche pragmatique et fonctionnelle tient compte de considérations comme l'expertise du tribunal, la nature de la décision qui est prise, et le libellé de la disposition et des lois qui s'y rapportent. Elle comprend des facteurs comme le caractère « polycentrique » d'une décision et l'intention exprimée par le langage employé par la loi. La latitude que laisse le Parlement au décideur administratif et la nature de la décision qui est prise sont également d'importantes considérations dans l'analyse. La gamme de normes de contrôle peut comprendre le principe que, dans certains cas, la législature a fait part de son intention de laisser des choix plus grands aux décideurs que dans d'autres, mais qu'il faut qu'un tribunal intervienne quand une telle décision dépasse l'étendue du pouvoir conféré par le Parlement. Enfin, je signalerais que notre Cour a déjà appliqué ce cadre à des dispositions législatives qui accordent une latitude importante à des organismes administratifs, par exemple, en contrôlant l'exercice des pouvoirs de réparation conférés par la loi en cause dans l'arrêt Southam, précité.


[56]          L'intégration du contrôle judiciaire de décisions comportant un large pouvoir discrétionnaire dans l'analyse pragmatique et fonctionnelle en raison d'erreurs de droit ne devrait pas être considérée comme une diminution du niveau de retenue accordé aux décisions de nature hautement discrétionnaire. En fait, des normes de contrôle judiciaire empreintes de retenue peuvent donner au décideur discrétionnaire une grande liberté d'action dans la détermination des « objectifs appropriés » ou des « considérations pertinentes » . La démarche pragmatique et fonctionnelle peut tenir compte du fait que plus le pouvoir discrétionnaire accordé à un décideur est grand, plus les tribunaux devraient hésiter à intervenir dans la manière dont les décideurs ont choisi entre diverses options. Toutefois, même si, en général, il sera accordé un grand respect aux décisions discrétionnaires, il faut que le pouvoir discrétionnaire soit exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit, aux principes du droit administratif, aux valeurs fondamentales de la société canadienne, et aux principes de la Charte.

[24]            L'arrêt Baker définit le cadre à l'intérieur duquel la Cour doit agir en l'espèce pour réviser la décision discrétionnaire de la directrice. Ce contrôle comporte deux dimensions : d'abord, la décision doit être conforme aux règles de droit et, en second lieu, la directrice doit avoir exercé son pouvoir discrétionnaire conformément à la norme de contrôle applicable.

5. Respect des règles de droit : la portée du pouvoir de modifier les dénominations

a. Cadre analytique

[25]            Dans l'arrêt Baker, Madame le juge L'Heureux-Dubé a réitéré le principe de droit bien connu selon lequel, même si les décisions discrétionnaires seront respectées, le pouvoir discrétionnaire doit avoir été exercé conformément aux limites imposées dans la loi, aux principes de la primauté du droit et aux principes du droit administratif. Par conséquent, si la décision de la directrice n'était pas conforme à la Loi sur la protection des obtentions végétales, la directrice aura commis une erreur de compétence et sa décision pourra être révisée selon la norme de la décision correcte.

b. Loi sur la protection des obtentions végétales

[26]            Le paragraphe 14(5) de la Loi sur la protection des obtentions végétales est ainsi libellé :

Changement de dénomination

14(5) La dénomination approuvée peut toutefois être changée avec l'approbation du directeur dans les circonstances et selon les modalités réglementaires.


[27]            Le paragraphe 23(2) du Règlement sur la protection des obtentions végétales prescrit les circonstances dans lesquelles une dénomination peut être modifiée :

23(2) Le directeur peut approuver un changement de dénomination aux termes du paragraphe 14(5) de la Loi dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a)             en raison d'une erreur, la dénomination qu'a approuvée le directeur n'est pas celle que le titulaire avait proposée;

b)             des renseignements additionnels qui justifient un changement de dénomination deviennent accessibles après la délivrance du certificat d'obtention;

c)              un avis d'opposition est déposé conformément au paragraphe 25(2).

[28]          Enfin, l'article 7 de l'annexe II du Règlement sur la protection des obtentions végétales prévoit que des frais de 100 $ seront exigés du titulaire du certificat pour le traitement d'une demande visant à modifier une dénomination approuvée conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la protection des obtentions végétales.

c. Arguments de la défenderesse

[29]            Selon la défenderesse, le sens ordinaire du texte de la législation indique que le Parlement avait l'intention de restreindre la capacité pour un titulaire de certificat de modifier une dénomination. Le titulaire en question doit choisir avec soin une dénomination ayant une qualité marchande dès le départ, parce qu'il ne peut rectifier une erreur une fois que la dénomination a été approuvée. En d'autres termes, les dénominations temporaires ne sont pas autorisées en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales.


[30]            La Loi sur la protection des obtentions végétales prévoit une procédure très formelle en ce qui concerne l'enregistrement d'une variété végétale, notamment la publication d'une dénomination proposée afin d'informer ceux qui pourraient être touchés par la délivrance du certificat. Le système permet d'éliminer les risques de confusion tout en offrant de la certitude à l'industrie. La directrice doit exercer son pouvoir discrétionnaire uniquement pour maintenir la certitude et préserver la fiabilité du registre et ne peut rectifier des problèmes que dans des circonstances restreintes.

[31]            L'alinéa 23(2)b) du Règlement permet un changement de dénomination lorsque des renseignements additionnels deviennent accessibles après la délivrance du certificat d'obtention. La défenderesse soutient qu'un changement de dénomination n'est justifié que lorsque la directrice est mise au courant de l'existence de droits antérieurs rattachés à la même dénomination. Par conséquent, elle allègue que l'approbation du changement de dénomination en l'espèce dépasserait ses pouvoirs d'origine législative.

d. Conclusion

[32]            La Cour en l'espèce estime que la directrice est investie du pouvoir de déterminer les circonstances qui justifient un changement de dénomination en vertu de l'alinéa 23(2)b) du Règlement sur la protection des obtentions végétales. Il appartient au directeur de déterminer, en se fondant sur des motifs rationnels, les renseignements additionnels qui justifient un changement de dénomination. Toutefois, l'interprétation que la directrice propose de l'alinéa 23(2)b) est trop restrictive. Aucun élément de cette disposition n'indique que le régime législatif ne lui permet pas de corriger d'autres types d'erreurs. Au contraire, cette disposition accorde spécifiquement à la directrice le pouvoir discrétionnaire voulu à cette fin. Même s'il n'est peut-être pas aussi facile de changer une dénomination en vertu de la Loi sur la protection des obtentions végétales qu'en vertu de la Loi sur les semences, l'interdiction absolue que la défenderesse décrète à cet égard va trop loin.


[33]            Les frais de 100 $ qui sont mentionnés à l'annexe 2 du Règlement appuient cette conclusion. Si aucune circonstance ne justifiait un changement de dénomination, sauf en cas d'erreur que le directeur aurait commise en faisant droit à une demande de certificat d'obtention sous une dénomination précédemment enregistrée, il serait absurde d'exiger des frais du titulaire de certificat innocent. L'erreur du directeur, le cas échéant, n'est pas une erreur de traitement dont le coût devrait être refilé à une partie innocente. Par conséquent, il doit y avoir des cas dans lesquels un changement de dénomination peut être demandé par le titulaire du certificat, faute de quoi l'article 7 de l'annexe 2 sera superflu.

[34]            L'interprétation que la directrice fait de l'alinéa 23(2)b) est trop restrictive et la directrice a commis une erreur de droit en rejetant la demande de la demanderesse pour ce motif.


[35]            Cependant, cette conclusion ne met pas fin au débat. Au cours des plaidoiries, la défenderesse a limité ses observations à la question de la compétence. Toutefois, cet argument n'appuie pas la preuve présentée en l'espèce. La directrice a effectivement examiné quelques-unes des explications de la demanderesse et les a rejetées au motif qu'elles étaient insuffisantes pour justifier un changement de dénomination. Ainsi, dans la lettre datée du 15 février 2000, la directrice a rejeté l'explication de la demanderesse selon laquelle il y aurait confusion en raison de la réutilisation des numéros de désignation lors des essais préalables à l'enregistrement. La directrice a également rejetéles arguments invoqués au sujet des objections formulées par des clients japonais. Enfin, elle a mentionné que la demanderesse ne stait pas conformée à la Loi sur la protection des obtentions végétales en omettant de demander un changement de nom selon les exigences de la Loi. Toutefois, devant la Cour, la directrice a fait valoir qu'elle n'a jamais eu la compétence voulue pour examiner un changement de dénomination, indépendamment de la nature de la demande de modification formulée. Compte tenu de ces incohérences en ce qui a trait aux arguments invoqués, la Cour examinera la question de savoir si la directrice a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en l'espèce, ne serait-ce que pour orienter celle-ci dans ses décisions ultérieures.

6. La façon dont la directrice a exercé son pouvoir discrétionnaire

a. Arguments de la demanderesse

[36]            La demanderesse fait valoir que la Loi sur la protection des obtentions végétales vise principalement à accorder des droits exclusifs de vente, de production et de reproduction de variétés végétales aux sélectionneurs. Par conséquent, elle a pour but de favoriser la recherche et le développement de nouvelles variétés végétales. La Loi vise également à protéger les droits des sélectionneurs en accordant des réparations civiles à l'encontre des auteurs de contrefaçon.

[37]            La dénomination vise principalement à assurer la reconnaissance de la marque d'une variété ainsi qu'à protéger les droits du titulaire. Elle a pour effet d'informer les céréaliers, les acheteurs et d'autres sélectionneurs que le titulaire du certificat a créé une variété végétale comportant des caractéristiques spécifiques.

[38]            De l'avis de la demanderesse, la directrice a commis une erreur de droit en omettant d'examiner tous les arguments qu'elle a soulevés. De plus, la demanderesse ajoute que la directrice ne peut se fonder sur des facteurs que la demanderesse n'a pas invoqués dans sa demande écrite de changement de dénomination. En tenant compte d'autres facteurs, la directrice a mal interprété le texte législatif et a commis une erreur de droit susceptible de révision.


[39]            Selon la demanderesse, la décision de la directrice n'est pas fondée sur tous les renseignements qu'elle lui a soumis. Ainsi, la défenderesse n'a pas tenu compte du fait que de nombreux organismes utilisent la dénomination CDC Kendall pour désigner la variété d'orge. Elle n'a pas tenu compte non plus du fait que la variété était largement connue et annoncée sous la dénomination CDC Kendall, tant au Canada qu'à l'étranger. De plus, la directrice n'a pas prêté attention à l'argument de la demanderesse selon lequel une superficie de 100 000 acres de terrain était réservée à la production de la variété au cours de l'année de récolte 2000. Enfin, la directrice n'a pas reconnu que la demanderesse avait mal compris le processus d'enregistrement.

[40]            La demanderesse ajoute que la directrice s'est fondée sur des éléments externes pour en arriver à sa décision. Plus précisément, la directrice souligne que la demanderesse a payé des frais annuels relatifs à la dénomination TR133 pendant deux années consécutives. Le texte de loi ne mentionne nullement qu'un changement de dénomination doit être refusé lorsque la partie requérante a payé les frais de renouvellement. Il n'autorise pas non plus la directrice à opposer une fin de non-recevoir absolue à la partie requérante qui a payé les montants en question.

[41]            La demanderesse fait valoir que la décision de la directrice n'est pas raisonnable. Personne n'est lésé, sauf la demanderesse et ses utilisateurs autorisés. Le préjudice causé est irréparable, parce que les ressources affectées à l'établissement de la dénomination CDC Kendall sur le marché seront perdues. L'utilisation de la dénomination TR133 risque de nuire à la viabilité commerciale de la variété, parce que cette dénomination est liée au développement expérimental des semences.


b. Arguments de la défenderesse

[42]            La défenderesse soutient que des erreurs ne suffisent pas à justifier un changement de dénomination, parce que, si tel est le cas, le système deviendra chaotique. De plus, les renouvellements indiquent que la demanderesse savait ou aurait dû savoir que la dénomination visée par la Loi sur la protection des obtentions végétales n'avait pas changé lors de la modification communiquée au Bureau d'enregistrement des variétés en application de la Loi sur les semences. De plus, en janvier 2000, les utilisateurs autorisés de la demanderesse avaient eu la possibilité d'utiliser et de promouvoir la dénomination CDC Kendall depuis à peine un peu plus de neuf mois.

c. Analyse

[43]            Comme la Cour suprême du Canada l'a mentionné dans l'arrêt Baker, les tribunaux doivent évaluer les décisions discrétionnaires à la lumière de la norme de contrôle applicable. La démarche à suivre pour évaluer la norme de contrôle appliquée dans l'affaire Baker a d'abord été commentée par le juge Bastarache dans l'arrêt Pushpanathan c. M.C.I.[7] :

(1) Facteurs à prendre en considération

[29] Les facteurs à prendre en considération pour déterminer la norme de contrôle ont été étudiés à fond dans un certain nombre d'arrêts récents de notre Cour. On peut les répartir dans quatre catégories.

(i) Clauses privatives

[30] L'absence de clause privative n'implique pas une norme élevée de contrôle, si d'autres facteurs commandent une norme peu exigeante. Toutefois, la présence d'une telle clause « intégrale » atteste persuasivement que la cour doit faire montre de retenue à l'égard de la décision du tribunal administratif, sauf si d'autres facteurs suggèrent fortement le contraire en ce qui a trait à la décision en cause...

...

(ii) Expertise


[32] Pour reprendre les paroles du juge Iacobucci dans l'arrêt Southam, précité, au par. 50, il s'agit du « facteur le plus important qu'une cour doit examiner pour arrêter la norme de contrôle applicable » . Ce facteur englobe plusieurs aspects. Si le tribunal est doté d'une certaine expertise quant à la réalisation des objectifs d'une loi, que ce soit en raison des connaissances spécialisées de ses membres, de sa procédure spéciale ou de moyens non judiciaires d'appliquer la loi, il y a lieu de faire preuve de plus de retenue. Dans Southam, la Cour a estimé qu'il fallait accorder beaucoup d'importance à la composition et à l'expertise du tribunal visé par la Loi sur la concurrence qui le rendent plus à même qu'une cour de justice de trancher des questions concernant la compétitivité, en général, et la définition du marché pertinent pour ce qui est du produit, en particulier.

...

(iii) Objet de la loi dans son ensemble et de la disposition en cause

[36] Comme le juge Iacobucci l'a fait remarquer dans l'arrêt Southam, précité, au par. 50, l'objet et l'expertise se confondent souvent. L'objet de la loi est souvent indiqué par la nature spécialisée du régime législatif et du mécanisme de règlement des différends, et la nécessité de l'expertise se dégage souvent autant des exigences énoncées dans la loi que des qualités des membres du tribunal. Lorsque les objectifs de la loi et du décideur sont définis non pas principalement comme consistant à établir les droits des parties, ou ce qui leur revient de droit, mais bien à réaliser un équilibre délicat entre divers intérêts, alors l'opportunité d'une supervision judiciaire diminue... Ce sont tous là des manifestations concrètes du principe général de la « polycentricité » que les universitaires connaissent bien et qui, d'après eux, justifie le mieux la retenue dont les tribunaux judiciaires doivent faire preuve à l'endroit des organismes non judiciaires. Une [traduction] « question polycentrique fait intervenir un grand nombre de considérations et d'intérêts entremêlés et interdépendants » (P. Cane, An Introduction to Administrative Law (3e éd. 1996), à la page 35). Certes, la procédure des tribunaux judiciaires repose fondamentalement sur l'opposition bipolaire des parties, des intérêts et sur l'établissement des faits, mais certains problèmes exigent la prise en compte de nombreux intérêts simultanément et l'adoption de solutions de nature à assurer en même temps un équilibre entre les coûts et les bénéfices pour de nombreuses parties distinctes. Quand un régime administratif ressemble davantage à ce modèle, les cours de justice feront preuve de retenue. Le principe de polycentricité est utile lorsqu'il s'agit de saisir la diversité des critères élaborés sous la rubrique de l' « objet de la loi » .

(iv) « Nature du problème » : question de droit ou de fait?

[37] Je le répète, il peut convenir de faire preuve d'un degré élevé de retenue même à l'égard de pures questions de droit, si d'autres facteurs de l'analyse pragmatique et fonctionnelle semblent indiquer que cela correspond à l'intention du législateur, comme notre Cour l'a décidé dans l'arrêt Pasiechnyk, précité. Toutefois, en cas d'ambiguïté des autres facteurs, les cours de justice doivent faire preuve de moins de retenue à l'égard des décisions qui portent sur de pures questions de droit.

Le fondement de cette assertion est lié à la question de l'expertise relative mentionnée précédemment. Il n'y a pas de démarcation nette entre les questions de droit et les questions de fait et, de toute façon, nombre de décisions ont trait à des questions mixtes de droit et de fait. Le juge Iacobucci a énoncé un critère décisif pertinent dans l'arrêt Southam, précité, au par. 37 :

Il va de soi qu'il n'est pas facile de dire avec précision où doit être tracée la ligne de démarcation; quoique, dans la plupart des cas, la situation soit suffisamment claire pour permettre de déterminer si le litige porte sur une proposition générale qui peut être qualifiée de principe de droit ou sur un ensemble très particulier de circonstances qui n'est pas susceptible de présenter beaucoup d'intérêt pour les juges et les avocats dans l'avenir.

Clause privative

[44]         La Loi sur la protection des obtentions végétales ne comporte aucune clause privative. Par conséquent, une retenue inférieure est justifiée à l'égard de la décision de la directrice.


Expertise de l'instance décisionnelle

[45]         La directrice, qui est désignée par le président de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, reçoit toutes les demandes de certificat d'obtention ainsi que les frais, les documents et le matériel connexes soumis et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour délivrer les certificats d'obtention et exercer tous ses autres pouvoirs. La directrice a également la garde du registre et dirige le Bureau de la protection des obtentions végétales[8].

[46]         La directrice est plus spécialisée que les cours de justice en matière de délivrance de certificats d'obtention, notamment en ce qui a trait à l'examen de l'opportunité d'approuver une dénomination. Cette caractéristique milite en faveur d'une plus grande retenue à l'endroit de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de la directrice.

Objet de la Loi

[47]         La Loi sur la protection des obtentions végétales permet aux sélectionneurs de protéger de nouvelles variétés de végétaux. Les variétés peuvent être protégées en vertu du texte législatif pour une période pouvant atteindre 18 ans. Toutes les espèces de végétaux, sauf les algues, les bactéries et les champignons, peuvent être protégées. Le propriétaire d'une nouvelle variété qui obtient un certificat possède des droits exclusifs à l'égard de l'utilisation de la variété et peut protéger celle-ci de l'exploitation par des tiers. La Loi sur la protection des obtentions végétales vise à stimuler les activités de sélection végétale au Canada, à assurer aux producteurs canadiens un meilleur accès à des variétés étrangères et à mieux protéger les variétés canadiennes dans les autres pays[9].


[48]         Le titulaire d'un certificat d'obtention a le droit exclusif de vendre et de produire une variété au Canada, de vendre son matériel de multiplication, d'utiliser la variété pour produire une autre variété à l'échelle commerciale ou encore pour produire des plantes ornementales ou des fleurs coupées, et d'autoriser une tierce partie à utiliser la variété.

[49]         La Loi sur la protection des obtentions végétales a principalement pour but de créer des droits pour les parties concernées plutôt que d'atteindre un équilibre délicat entre différentes parties. Même s'il existe un aspect international à la protection des obtentions végétales, parce que le Canada est signataire de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales[10], la législation vise à protéger les intérêts liés à la sélection végétale tant au Canada qu'à l'étranger. Par conséquent, le contrôle judiciaire est tout aussi opportun. Ce facteur milite en faveur d'une retenue moins grande à l'endroit de la décision de la directrice.

Question de droit ou de fait

[50]         La décision de la directrice de modifier une dénomination découle d'une appréciation des faits d'un cas donné et non de l'application ou de l'interprétation de règles de droit définitives. Compte tenu de la nature discrétionnaire de cette décision, qui concerne essentiellement des faits, il s'agit d'un facteur militant en faveur de la retenue.

Résumé : norme de contrôle

[51]         Un examen de ces différents facteurs pour déterminer la norme de contrôle applicable indique qu'une certaine retenue devrait être accordée aux décisions de la directrice en raison de l'expertise de celle-ci et de la nature factuelle liée au changement de dénomination. Toutefois, l'absence de clause privative et l'objet du texte législatif justifient une retenue moins importante à l'endroit des décisions de la directrice. La Cour en l'espèce en arrive à la conclusion que la norme de contrôle applicable aux décisions de la directrice est celle de la décision raisonnable simpliciter.


d. Conclusion

[52]         La demanderesse a cité trois jugements appuyant la maxime juridique bien connue selon laquelle une instance décisionnelle commet une erreur de droit lorsqu'elle omet de tenir compte de facteurs pertinents ou qu'elle tient compte de facteurs non pertinents pour en arriver à sa décision[11]. Cependant, depuis l'arrêt Baker, ces jugements doivent être compris à la lumière de la norme de contrôle applicable. La Cour en l'espèce doit évaluer la façon dont la décision a été rendue à la lumière de la norme de la décision raisonnable simpliciter.

[53]         La Cour reconnaît, comme la demanderesse l'a soutenu, que la directrice a omis de tenir compte de certains facteurs pertinents pour en arriver à sa décision. La lettre du 15 février 2000 ne comporte aucun commentaire au sujet du principal argument de la demanderesse, soit le fait qu'une erreur coûteuse donnant lieu à de graves conséquences pour elle avait été commise. Cette omission n'était pas raisonnable dans les circonstances, étant donné, surtout, que la rectification pouvait être perçue comme une mesure généralement profitable et peu coûteuse.

[54]         La Loi sur la protection des obtentions végétales a pour but de stimuler la sélection végétale au Canada, d'offrir aux producteurs canadiens un meilleur accès aux variétés étrangères et de faciliter la protection des variétés canadiennes dans d'autres pays. À la lumière de ces objectifs, la décision de la directrice n'est pas raisonnable, compte tenu des motifs énoncés dans la lettre du 15 février 2000. En refusant d'examiner les problèmes causés par l'erreur, la directrice n'a pas tenu compte des objectifs pertinents du texte législatif, soit protéger les droits canadiens et promouvoir la sélection végétale au Canada et à l'étranger.


[55]         La décision de la directrice touche les droits et intérêts de la demanderesse, qui a injecté, de même que ses utilisateurs autorisés, des ressources considérables dans la création de la variété CDC Kendall. Il appert de l'affidavit non contredit de M. Bryan Harvey, coordinateur de la recherche agricole à la University of Saskatchewan, que les variétés d'orge de brasserie sont commercialisées par leur nom sur le marché global plutôt que par leur désignation numérique. De plus, d'après l'affidavit non contredit de Michael Brophy, le directeur principal du programme du développement du marché de l'orge de la Commission canadienne du blé, l'industrie brassicole au Canada et à ltranger reconnaît que la désignation TR est temporaire et qu'une variété désignée par les lettres TR est considérée comme une variété expérimentale et non acceptable sur le plan commercial.

[56]         Il est difficile de voir comment le refus de reconnaître les réalités commerciales de l'industrie brassicole permet de promouvoir les fins de la Loi. Des ressources visant à promouvoir la variété CDC Kendall ont été injectées tant à l'échelle fédérale et provinciale qu'à l'échelle privée. Même si c'est la demanderesse qui a provoqué l'erreur, la directrice est autorisée en vertu de la Loi à déterminer les circonstances dans lesquelles les conséquences de cette erreur justifient un changement de dénomination.

[57]         Bien que la directrice soit investie du pouvoir de modifier une dénomination, elle n'est pas limitée aux motifs qui sont invoqués dans la demande écrite de la demanderesse en vue d'obtenir un changement de dénomination. Les renseignements supplémentaires justifiant un changement de cette nature peuvent comprendre une multitude de facteurs que la demanderesse n'a pas nécessairement signalés.

7. Communication des motifs

[58]         Dans l'arrêt Baker, Madame le juge L'Heureux-Dubé a commenté l'obligation de communiquer des motifs à l'appui d'une décision (à la page 848) :

[38] Toutefois, les tribunaux et les auteurs ont maintes fois souligné l'utilité des motifs pour assurer la transparence et l'équité de la prise de décision. Quoique l'arrêt Northwestern Utilities traite d'une obligation légale de motiver des décisions, le juge Estey fait l'observation suivante, à la page 706, sur l'utilité d'une règle de common law qui exigerait la production de motifs :


Cette obligation est salutaire : elle réduit considérablement les risques de décisions arbitraires, raffermit la confiance du public dans le jugement et l'équité des tribunaux administratifs et permet aux parties aux procédures d'évaluer la possibilité d'un appel...

...

[39] On a soutenu que la rédaction de motifs favorise une meilleure prise de décision en ce qu'elle exige une bonne formulation des questions et du raisonnement et, en conséquence, une analyse plus rigoureuse. Le processus de rédaction des motifs d'une décision peut en lui-même garantir une meilleure décision. Les motifs permettent aussi aux parties de voir que les considérations applicables ont été soigneusement étudiées, et ils sont de valeur inestimable si la décision est portée en appel, contestée ou soumise au contrôle judiciaire... Il est plus probable que les personnes touchées ont l'impression d'être traitées avec équité et de façon appropriée si des motifs sont fournis... Je suis d'accord qu'il s'agit là d'avantages importants de la rédaction de motifs écrits.

...

[43] À mon avis, il est maintenant approprié de reconnaître que, dans certaines circonstances, l'obligation d'équité procédurale requerra une explication écrite de la décision. Les solides arguments démontrant les avantages de motifs écrits indiquent que, dans des cas comme en l'espèce où la décision revêt une grande importance pour l'individu, dans des cas où il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances, une forme quelconque de motifs écrits est requise. Cette exigence est apparue dans la common law ailleurs. Les circonstances de l'espèce, à mon avis, constituent l'une de ces situations où des motifs écrits sont nécessaires. L'importance cruciale d'une décision d'ordre humanitaire pour les personnes visées, comme celles dont il est question dans les arrêts Orlowski, Cunningham et Doody, milite en faveur de l'obligation de donner des motifs. Il serait injuste à l'égard d'une personne visée par une telle décision, si essentielle pour son avenir, de ne pas lui expliquer pourquoi elle a été prise.

[59]         La communication de motifs écrits est nécessaire lorsque la décision revêt une grande importance pour l'individu, lorsqu'il existe un droit d'appel prévu par la loi, ou dans d'autres circonstances appropriées. La Cour juge que, dans les circonstances de la présente affaire, la directrice était tenue de fournir des motifs illustrant de façon satisfaisante le fondement de son refus de permettre le changement de dénomination. Les répercussions pour le titulaire du certificat sont évidentes en l'espèce. De plus, la communication de motifs permet de connaître le fondement de la décision de la directrice et d'évaluer le caractère raisonnable de celle-ci lors du contrôle judiciaire.

[60]         Les motifs communiqués en l'espèce étaient insuffisants et constituaient un refus du droit à l'équité procédurale que la demanderesse pouvait invoquer.


8. Frais

[61]         L'article 48 de la Loi sur la protection des obtentions végétales permet que des frais soient adjugés à l'encontre de toute partie, sauf le directeur :

Frais du directeur

48. Le tribunal fixe les frais du directeur, mais celui-ci ne peut être tenu de supporter ceux des autres parties

[62]            La partie 11 des Règles de la Cour fédérale comporte une règle au sujet des frais entre les parties :

Pouvoir discrétionnaire de la Cour

400. (1) La Cour a entière discrétion pour déterminer le montant des dépens, les répartir et désigner les personnes qui doivent les payer.

[63]            Étant donné que la présente demande est une demande de contrôle judiciaire fondée sur l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, il se peut que les dispositions de la Loi sur la protection des obtentions végétales qui concernent les frais ne s'appliquent pas, eu égard à la règle 400. Bien entendu, il est nécessaire de respecter les dispositions dans lesquelles le Parlement énonce clairement son intention, comme l'article 48 de la Loi susmentionnée. L'instrument d'interprétation qui convient en pareil cas est la maxime suivante : generalia specialibus non derogant - les dispositions générales (règle 400) ne dérogent pas aux dispositions spéciales (article 48) de la Loi sur la protection des obtentions végétales. Par conséquent, une loi spécifique du Parlement l'emporte sur une règle de la Cour.

9. Décision


[64]            La Cour annule la décision de la défenderesse en date du 15 février 2000 et renvoie le litige en vue d'une nouvelle décision par la défenderesse ou par le successeur autorisé de celle-ci, qui devra exercer à cette fin sa compétence conformément aux principes mentionnés aux présentes. La défenderesse n'est pas tenue de payer les frais que la demanderesse a engagés dans la présente demande, compte tenu de l'article 48 de la Loi sur la protection des obtentions végétales.

                                                          ORDONNANCE

Pour les motifs exposés ci-dessus,

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, annule la décision de la défenderesse en date du 15 février 2000 et renvoie le litige en vue d'une nouvelle décision par la défenderesse ou par le successeur autorisé de celle-ci conformément aux principes et motifs énoncés aux présentes, le tout sans frais pour l'une ou l'autre des parties.

                                                                                                      « F.C. MULDOON »       

                                                                                                                J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


                                           COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                      SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                        AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                           T-547-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         UNIVERSITY OF SASKATCHEWAN c. VALERIE SISSON, EN QUALITÉ DE DIRECTRICE DU BUREAU DE LA PROTECTION DES OBTENTIONS VÉGÉTALES

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :                            le 16 novembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE MULDOON

DATE DES MOTIFS :                                   le 1er mars 2001

ONT COMPARU :

Me Catherine Sloan                                            pour la demanderesse

Me James Gunvaldsen-Klassen              pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McKercher McKercher & Whitmore

Saskatoon (Saskatchewan)                                pour la demanderesse

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                               pour la défenderesse



[1]                L.R.C. 1990, ch. P-14.6.

[2]                DORS/91-594.

[3]                L.R.C. (1985), ch. S-8.

[4]                C.R.C., ch. 1400.

[5]                Affidavits de Monte Kesslering, directeur de la Seed Business Unit du Saskatchewan Wheat Pool, et de Tim Ferguson, directeur du développement végétatif chez Agricore Co­operative Ltd., le distributeur exclusif d'orge CDC Kendall en Alberta et au Manitoba.

[6]                [1999] 2 R.C.S. 817.

[7]                [1998] 1 R.C. S. 982, (1998) , 160 D.L.R. (4th) 193 (C.S.C.).

[8]                Loi sur la protection des obtentions végétales, par.56(4)

[9]                Ces objets sont reconnus dans le site web de la défenderesse, dont l'adresse est la suivante :

http ://www.cfia-acia.agr.ca/français/plaveg/pbrpov/pbrpove.shtml

[10]              Convention POV (1961), révisée à Genève (1972, 1978 et 1991).

[11]              Oakwood Development Ltd. c. Municipalité rurale de St-François-Xavier, [1985] 2 R.C.S. 164, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Société Radio-Canada (1986), 64 N.R. 330 (C.A.F.), Kershaw(P) c. Canada (1992), 140 N.R. 382 (C.A.F.).

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