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Date : 20011217

Dossier : T-241-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1396

Ottawa (Ontario), le lundi 17 décembre 2001

En présence de monsieur le juge Kelen

ENTRE :

                                                                     ARTHUR ROSS

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                                            SA MAJESTÉ LA REINE

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, pour le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 28 juillet 1999 à l'égard du demandeur à la suite d'une audience disciplinaire dans un pénitencier. Le demandeur a été reconnu coupable d'une infraction disciplinaire « mineure » et condamné à une amende de 25 $ pour avoir fabriqué des avions et des bijoux en papier mâché sans le [traduction] « permis récréatif » approprié.

[2]                 Le demandeur cherche à faire annuler cinq décisions, qui en constituent de fait une seule :

1 -         une décision rendue par A. Rancourt le 28 juillet 1999 relativement à une infraction disciplinaire, en vertu de l'article 43 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1992 L.C. ch.20 (la Loi);

2 -         une décision rendue à la suite d'un grief le 30 septembre 1999, en vertu de l'article 90 de la Loi. Le grief portait sur le fait que le demandeur n'avait pas obtenu une audience équitable relativement à son infraction disciplinaire;

3 -         une décision en date du 19 octobre 1999 relativement au premier appel formé contre la décision rendue à la suite du grief;

4 -         une décision en date du 8 décembre 1999 relativement au deuxième appel formé contre la décision rendue à la suite du grief;

5 -         une décision en date du 14 janvier 2000 relativement au troisième appel formé contre la décision rendue à la suite du grief.

[3]                 La décision rendue relativement au troisième appel formé contre le grief est la décision définitive.

LES FAITS


[4]                 À l'époque en question, le demandeur était détenu à l'établissement de Grande Cache, à Grande Cache, en Alberta. Il se trouve présentement dans un autre établissement. Le 10 mars 1999, le détenu a été accusé d'une infraction disciplinaire « mineure » , soit d'avoir fabriqué des avions et des bijoux en papier mâché sans le « permis récréatif » approprié comme l'exigeait le [traduction] « Manuel de bricolage » du pénitencier.

L'ACCUSATION

[5]                 Le demandeur a été accusé, conformément à l'alinéa 40r) de la Loi, d'avoir contrevenu délibérément à une règle écrite. L'alinéa 40r) de la Loi prévoit :

Infractions disciplinaires

40. Est coupable d'une infraction disciplinaire le détenu qui :

...

r) contrevient délibérément à une règle écrite régissant la conduite des détenus;

La « règle écrite » en question se rapporte aux permis écrits accordés au demandeur et autorisant un certain nombre de travaux récréatifs.

L'AUDIENCE DISCIPLINAIRE


[6]                 Une audience disciplinaire a été tenue le 28 juillet 1999 par le surveillant correctionnel M. A. Rancourt conformément à l'article 42 de la Loi. À l'audience, le demandeur a admis avoir excédé le nombre d'avions autorisé par les permis qui lui avaient été délivrés. Il a été reconnu coupable et condamné à une amende de 25 $. M. Rancourt a fait connaître le montant de l'amende avant de permettre au demandeur de parler au sujet de la peine. À la page 19 de la transcription de l'audience, le demandeur demande :

[traduction]

Le demandeur :         Ne suis-je pas autorisé à parler au sujet de l'accusation?

M. Rancourt :          Vous pouvez parler à ce sujet.

D :      Voulez-vous porter l'accusation de nouveau?

R :      Avez-vous une réfutation à apporter?

D :      Ce sera fait.

R :      Devant la Cour fédérale?

Fin de l'audience

Le demandeur a choisi de ne pas en dire davantage.

[7]                 La Loi prévoit un régime disciplinaire aux articles 38 à 44. L'article 42 prévoit que le détenu accusé d'une infraction disciplinaire se voit remettre un avis d'accusation qui mentionne s'il s'agit d'une infraction disciplinaire mineure ou grave. Dans la présente affaire, le demandeur a reçu le rapport d'infraction envers un détenu et l'avis d'accusation en date du 4 mai 1999. Le document indiquait que l'accusation était « mineure » .


[8]                 L'article 43 prévoit qu'il y aura une audience conformément à la procédure réglementaire en vue de la tenue d'une audience équitable et que la personne chargée de l'audience ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée. Il y a eu une audience dans la présente affaire. Le dossier du demandeur contient une transcription de l'audience d'une longueur de 19 pages.

[9]                 Le surveillant correctionnel A. Rancourt a tenu l'audience le 28 juillet 1999. Le demandeur y a pris la parole et a interrogé deux témoins provenant du pénitencier, soit le chef d'unité par intérim D. Stifle et l'agent principal d'admission et d'élargissement Rick Bentley. Le demandeur a voulu assigner comme témoins le directeur ainsi qu'une autre personne. M. Rancourt a jugé que les deux personnes interrogées étaient des témoins pertinents relativement aux événements. Par conséquent, le directeur n'a pas comparu à titre de témoin. Selon l'affidavit de D. Stifle, agent de projet chargé des activités de loisirs, c'est lui-même qui avait accusé le demandeur d'une infraction disciplinaire. Il a informé M. Rancourt, qui présidait l'audience disciplinaire, que les autres témoins assignés par le demandeur

[traduction] n'avaient aucun rapport avec l'accusation car je supervisais les activités de loisirs durant les époques en cause et je donnais des directives au personnel [...]. J'ai informé M. Rancourt que le directeur agissait simplement selon les renseignements que je lui fournissais, renseignements qui m'avaient été fournis par voies hiérarchiques. Donc, le directeur m'avait délégué la responsabilité de faire enquête et de mener l'affaire à bonne fin.

LA PROCÉDURE DE RÈGLEMENT DES GRIEFS


[10]            Le demandeur a déposé un grief en vertu de l'article 40 de la Loi, pour le motif que M. Rancourt l'avait privé d'une audience équitable. La décision rendue à la suite du grief a été portée en appel trois fois par le demandeur, au premier palier, au deuxième palier et puis au troisième palier de la procédure d'appel des griefs en vigueur à l'établissement de Grande Cache. La décision rendue au troisième palier, le 17 janvier 2000, a accueilli le grief en partie, en reconnaissant avec le demandeur qu'il y avait eu une erreur de procédure à l'audience. La décision mentionnait :

[traduction] Il a été reconnu aux paliers antérieurs que vous auriez dû avoir la possibilité de parler au sujet de votre sanction avant qu'elle vous soit infligée au lieu d'après, comme ce fut le cas. Compte tenu de cette erreur de procédure, votre grief a été accueilli en partie au premier palier. Notre enquête a toutefois révélé que, conformément à la directive 580 du commissaire, vous avez eu amplement la possibilité de présenter des observations et d'interroger vos deux témoins. De plus [...] votre audience a été enregistrée intégralement et, ainsi, tous vos moyens de défense, ainsi que votre aveu de culpabilité, figurent sur l'enregistrement...

LES RÈGLES POUR L'OBTENTION DE PERMIS RÉCRÉATIFS

[11]            Le règlement de la salle des activités de loisirs de l'établissement de Grande Cache prévoit que [traduction] « les activités de loisirs sont autorisées au moyen d'un permis récréatif » et que « les détenus doivent suivre les directives indiquées dans le guide du détenu relativement aux activités de loisirs » . À l'audience, le demandeur a admis avoir placé dix avions en papier mâché, deux hangars d'avions, un collier perlé et une paire de boucles d'oreilles perlées dans une boîte adressée à son avocat à titre de correspondance confidentielle pour que celui-ci les vendent. Le demandeur détenait des permis récréatifs pour six avions mais aucun permis récréatif pour les hangars ou les bijoux. Le demandeur savait qu'il était contraire au règlement de poster des travaux récréatifs, si ce n'est avec une permission, et qu'il était également contraire au règlement d'expédier des travaux récréatifs par courrier confidentiel et privilégié à un avocat.


DIVERSES REMARQUES DU DEMANDEUR

[12]            Le demandeur n'est pas d'accord avec le règlement du pénitencier limitant le nombre de travaux récréatifs ou exigeant l'obtention d'un permis récréatif conformément au règlement du pénitencier.

[13]            Le demandeur avait déjà expédié des travaux récréatifs à son avocat de la même manière, probablement sans se faire prendre.

[14]            Lors de l'audience, le demandeur a informé la Cour qu'il avait déposé 385 griefs au cours des quatre dernières années, dont 185 ont été accueillis, que d'autres demandes présentées par lui n'avaient pas encore été entendues par la Cour et qu'il porterait la présente affaire devant la Cour d'appel fédérale et la Cour suprême du Canada.

LES OBSERVATIONS DU DEMANDEUR

[15]            Le demandeur réclame que la décision disciplinaire et les décisions rendues aux différents paliers de la procédure applicable aux griefs soient annulées, que les conclusions soient retirées de son dossier de détenu et que les travaux récréatifs saisis lui soient remis.

[16]            Le demandeur se fonde sur le fait qu'il a été privé d'une audience équitable relativement à l'infraction disciplinaire, puisque :

1 -         aucune règle écrite n'a été présentée en preuve à l'audience pour qu'il puisse présenter une défense pleine et entière;

2 -        il n'a pas été autorisé à assigner ses témoins (dont le directeur de l'établissement);

3 -         [traduction] « la liste des dépositions faites à l'audience ne lui a jamais été communiquée par écrit avant la tenue de l'audience » [sic];

4 -         il n'a pas été autorisé à présenter ses conclusions finales;

5 -         il n'a pas eu l'occasion de parler au sujet de la peine.

ANALYSE

L'audience équitable

[17]            La présente demande est fondée sur le fait que le demandeur a été privé d'une audience équitable. En vertu de l'alinéa 18.1(4)b) de la Loi sur la Cour fédérale, la Section de première instance peut annuler une décision si elle est convaincue que l'office fédéral n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité en matière de procédure. Dans l'arrêt Baker c. Canada (M.C.I.), [1999] 2 R.C.S. 817, [1999] A.C.S. no 39, la Cour suprême du Canada a jugé que l'équité est une norme variable qui dépend des circonstances. Le juge L'Heureux-Dubé a déclaré, au nom de la Cour, aux paragraphes 21 et 22 :

[...]Les facteurs ayant une incidence sur la nature de l'obligation d'équité


L'existence de l'obligation d'équité, toutefois, ne détermine pas quelles exigences s'appliqueront dans des circonstances données. Comme je l'écrivais dans l'arrêt Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653, à la p. 682, « la notion d'équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas » . Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l'obligation d'équité procédurale: Knight, aux pp. 682 et 683; Cardinal, précité, à la p. 654; Assoc. des résidents du Vieux St-Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170, le juge Sopinka.

Bien que l'obligation d'équité soit souple et variable et qu'elle repose sur une appréciation du contexte de la loi particulière et des droits visés, il est utile d'examiner les critères à appliquer pour définir les droits procéduraux requis par l'obligation d'équité dans des circonstances données. Je souligne que l'idée sous-jacente à tous ces facteurs est que les droits de participation faisant partie de l'obligation d'équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d'une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu'ils soient considérés par le décideur.

En l'espèce, le demandeur a eu équitablement l'occasion de prendre connaissance de ce qui lui était reproché et d'y répondre.


[18]            Le demandeur a évoqué devant la Cour l'arrêt rendu par la Cour suprême du Canada dans Martineau c. Comité de discipline des détenus de l'Institution de Matsqui (1977), 74 D.L.R. (3d) 1, [1978] 1 R.C.S. 118. Dans cette affaire-là qui concernait la discipline à l'intérieur d'une prison, la Cour a jugé que les procédures disciplinaires devaient se dérouler de manière équitable et que cette obligation d'équité découlant de la common law pouvait ètre appliquée par la Cour fédérale. En l'espèce, le demandeur a reconnu qu'il connaissait bien les règles écrites concernant les permis récréatifs et qu'il avait enfreint ces règles. Le fait que le demandeur n'a pas pu assigner les témoins requis n'influe pas sur son droit à la tenue d'une audience équitable parce que les deux témoins ayant comparu à l'audience étaient des témoins pertinents relativement à l'infraction disciplinaire mineure. Le demandeur n'a pas automatiquement le droit d'assigner des témoins à son audience disciplinaire à moins que la comparution du témoin soit nécessaire pour témoigner au sujet de l'incident, ce qui n'était pas le cas. Le demandeur a été prié de présenter des observations au sujet de sa peine après que l'agent chargé de l'audience eut prononcé par erreur l'amende de 25 $ avant de demander si le détenu désirait prendre la parole. En reconnaissant son erreur, l'agent chargé de l'audience a prié le demandeur de présenter des observations, mais ce dernier a laissé entendre qu'il porterait l'affaire devant la Cour fédérale.

[19]            Cette erreur de procédure a été reconnue au troisième palier de la procédure d'appel du grief, mais la décision rendue à la suite du grief reconnaissait que, dans les circonstances, le demandeur avait effectivement eu l'occasion de prendre connaissance de ce qui lui était reproché et qu'il avait eu tout à fait l'occasion d'y répondre, de sorte que cette erreur n'avait eu aucun effet sur son droit à une audience équitable. Je suis d'accord avec la décision rendue au troisième palier de la procédure d'appel du grief. Le demandeur aurait dû avoir la possibilité de parler au sujet de l'amende de 25 $ avant que celle-ci lui soit infligée, mais aussitôt que cette erreur a été reconnue par l'agent d'audience, ce dernier a offert au demandeur l'occasion de se faire entendre. Il en résulte manifestement que le demandeur a eu la possibilité de parler au sujet de la peine avant que la peine finale soit infligée. Le demandeur a choisi de ne pas présenter d'autres observations.


[20]            Dans les circonstances, il a été satisfait à l'obligation d'équité en matière de procédure. Le demandeur avait été dûment informé de l'infraction et une audience avait été dûment tenue à cet égard. Le demandeur a eu la possibilité d'interroger les deux témoins et de faire connaître sa position au tribunal avant que ne soit rendue une décision définitive. Dans les circonstances présentes, le demandeur a eu une audience équitable. Étant donné que l'infraction disciplinaire était mineure, que l'amende était de 25 $, que le demandeur a eu la possibilité de parler au sujet de la peine aussitôt que l'agent chargé de l'audience s'est rendu compte que le demandeur désirait parler au sujet de la peine avant que celle-ci ne soit rendue de manière définitive et étant donné que le demandeur a refusé cette possibilité, je suis convaincu qu'il a eu une audience équitable et n'a pas subi de préjudice. Pour ce motif, je suis d'avis de rejeter la présente demande.

[21]            De toute manière, un manquement à l'équité en matière de procédure n'est pas fatal lorsque la décision en résultant aurait été la même si le manquement n'avait pas eu lieu. Dans l'arrêt Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, [1994] A.C.S. no 14, le juge Iacobucci, exposant l'arrêt de la Cour suprême du Canada, écrit au paragraphe 53 :

Dans Administrative Law (6e éd. 1988), à la p. 535, le professeur Wade examine la notion selon laquelle l'équité procédurale devrait avoir préséance et la faiblesse d'une cause ne devrait pas normalement amener les tribunaux à ignorer les manquements à l'équité ou à la justice naturelle. Il ajoute toutefois ceci :

[Traduction] On pourrait peut-être faire une distinction fondée sur la nature de la décision. Dans le cas d'un tribunal qui doit trancher selon le droit, il peut être justifiable d'ignorer un manquement à la justice naturelle lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir.

En l'espèce, la décision en résultant aurait été la même si les manquements à l'équité en matière de procédure n'avaient pas eu lieu. Pour ce motif également, je suis d'avis de rejeter la demande.


LA COUR DOIT INTERVENIR AVEC DISCRÉTION ET RETENUE

[22]            La Cour suprême du Canada a jugé dans l'arrêt Martineau (précité) que le recours au contrôle judiciaire est assujetti à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du tribunal tout en tenant compte des exigences de la discipline carcérale. Dans cette affaire-là, l'infraction disciplinaire était considérée comme « grave » . La Cour suprême du Canada a décidé qu'il est important que le contrôle judiciaire ne soit accordé que dans les cas d'injustice grave; le juge Pigeon dit, à la page 360 :

Dans des procédures pour une infraction disciplinaire relative à un détenu, il ne faut pas faire intervenir les exigences de la procédure judiciaire et, en conséquence, il ne s'agit pas de décisions qui peuvent faire l'objet d'un examen par la Cour d'appel fédérale en vertu de l'art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, recours qui est de la nature d'un droit d'appel. Cependant, cela ne veut pas dire que la Division de première instance ne peut sanctionner l'obligation d'agir équitablement au moyen des recours discrétionnaires mentionnés à l'art. 18 de la Loi sur la Cour fédérale.

L'ordonnance rendue par le juge Mahoney ne porte que sur la compétence de la Division de première instance, non sur la question de savoir si le redressement devrait être accordé dans les circonstances de l'espèce. Cela dépendra de l'exercice du pouvoir discrétionnaire judiciaire et, à cet égard, il sera essentiel de garder à l'esprit les exigences de la discipline carcérale, tout comme il est essentiel de garder à l'esprit les exigences de l'administration efficace de la justice pénale lorsqu'on traite de demandes de certiorari avant le procès. Il est particulièrement important de n'accorder ce redressement que dans des cas d'injustice grave et de bien veiller à ce que ces procédures ne servent pas à retarder le châtiment mérité au point de le rendre inefficace, sinon de l'éviter complètement.

[23]            Le juge Dickson (tel était son titre à l'époque) déclarait, à la page 379 :

Il faut souligner que les cours n'interviendront pas dans tous les cas de violation des règles de procédure carcérale. La nature même d'un établissement carcéral requiert que des décisions soient prises « sur-le-champ » par les fonctionnaires et le contrôle judiciaire doit être exercé avec retenue. Une intervention ne sera pas justifiée dans le cas d'incidents triviaux ou purement théoriques. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a eu une violation des règles carcérales, mais plutôt s'il y a eu une violation de l'obligation d'agir équitablement compte tenu de toutes les circonstances.


[24]            Par conséquent, la Cour suprême du Canada a ordonné que le contrôle judiciaire dans les questions relatives à l'emprisonnement soit exercé avec prudence et que la Cour n'intervienne pas dans « le cas d'incidents triviaux ou purement théoriques » . La Cour ne doit intervenir que dans les cas graves.

[25]            Donc, à part les motifs exposés ci-dessus, je suis d'avis de rejeter la présente demande pour les motifs formulés par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Martineau. Ce ne sont pas tous les manquements aux règles de procédure ou de discipline carcérale qui justifient l'intervention de la Cour. Le contrôle judiciaire prévu à l'article 18 est discrétionnaire et la Cour doit exercer son pouvoir discrétionnaire avec retenue. L'intervention ne sera pas justifiée dans les cas d'incidents triviaux ou purement théoriques. En l'espèce, une infraction disciplinaire mineure entraînant une amende de 25 $ pour avoir fabriqué des avions à modèle réduit sans permis récréatif est triviale.

[26]            De plus, l'allégation selon laquelle le demandeur n'a pas obtenu une audience équitable était fondée sur des « points de détail » . Dès que l'erreur de procédure a été soulevée, l'agent présidant l'audience a invité le demandeur à présenter des observations, invitation que le demandeur a refusée. C'était un manquement purement théorique à l'obligation d'agir de façon équitable, puisque la situation a été corrigée immédiatement.


CONCLUSION

[27]            Pour les motifs exposés en l'espèce, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

  

                                           ORDONNANCE

1.         LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

  

« Michael A. Kelen »

                                                                                                             Juge                       

  

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 décembre 2001

  

Traduction certifiée conforme

Yvan Tardif, B.A., LL.L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

NO DE DOSSIER :                                T-241-00

INTITULÉ DE LA CAUSE :                 ARTHUR ROSS

c.

LE SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

et ses employés, à savoir : M. A. RANCOURT,

M. WENDAL HEDRICK, M. D. BAILEY, M. DAVE

                                                                PELHAM, MME KAREN MORIN, M. MARCEL

CHIASSON, MME E. SMITH et M. MICHEL ROY

LIEU DE L'AUDIENCE :                      SASKATOON (SASKATCHEWAN)

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 4 DÉCEMBRE 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :              LE 17 DÉCEMBRE 2001

ONT COMPARU :

ARTHUR ROSS                                                  POUR SON PROPRE COMPTE

CYNTHIA MYSLICKI                                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

ARTHUR ROSS                                                  POUR SON PROPRE COMPTE

PRINCE ALBERT (SASKATCHEWAN)

  

MORRIS ROSENBERG                                    POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

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