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Date : 20030110

Dossier : T-1281-01

Référence neutre : 2003 CFPI 16

ENTRE :

                                                            FRANK G. ROBERTSON

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                             LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                                      défendeur

                                                                                   

Que la transcription révisée ci-jointe des motifs de l'ordonnance que j'ai prononcés à l'audience, tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 17 décembre 2002, soit déposée conformément à l'article 51 de la Loi sur la Cour fédé rale.

                                                                « Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge                             

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


DOSSIER : T-1281-01

Référence neutre : 2003 CFPI 16

COUR FÉDÉRALE - SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

ENTRE :

FRANK G. ROBERTSON

demandeur

- et -

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

_________________________________________________________________

DÉCISION ORALE

_________________________________________________________________

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE C. LAYDEN-STEVENSON

LIEU DE L'AUDIENCE :         Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE:        Le mardi 17 décembre 2002

AVOCAT :       John P. Bodurtha

Avocat du défendeur

_________________________________________________________________

Enregistrée par :

Drake Recording Services Limited

1592, rue Oxford

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3H 3Z4

Par : Trisha Egan, sténographe judiciaire


LA COUR - (ORALEMENT À L'AUDIENCE)


Le demandeur, Frank Robertson, présente une demande de contrôle judiciaire relativement à la décision du ministre du Revenu national, rendue par le délégataire du ministre, le directeur des Services fiscaux, bureau d'Halifax, à l'Agence des douanes et du revenu du Canada, que j'appellerai l'ADRC. La décision se rapporte au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, communément appelé la disposition d'équité. Au début de l'audience, le demandeur a retiré toutes les mesures de réparation sollicitées dans sa demande, à l'exception de celle que la décision contestée soit annulée et renvoyée pour reconsidération. Aussi, au début de l'audience, le demandeur a informé la Cour qu'il avait découvert un autre moyen pour obtenir la renonciation aux pénalités imposées concernant le dépôt tardif de ses déclarations de revenus. Bien que l'avocat du ministre défendeur ait compris, par suite de discussions avec l'ADRC à la fin de la semaine dernière, qu'une décision de renoncer aux pénalités applicables avait été prise, en fait, en date d'aujourd'hui, le chef d'équipe du bureau d'Halifax a confirmé à l'avocat qu'aucune décision finale n'avait été prise au sujet des pénalités. Le présent contrôle judiciaire se rapporte donc tant aux pénalités qu'aux intérêts concernant les déclarations de revenus du demandeur pour 1998 et 1999. En résumé, les faits sont les suivants : le demandeur n'a pas produit sa déclaration de revenus en 1998. Le 7 mai 2000, il a expédié ses déclarations de 1998 et 1999 par courrier accompagnées d'une correspondance dans laquelle il expliquait les difficultés financières auxquelles il avait fait face par suite de la perte de son emploi en novembre 1997 et des emplois sporadiques qu'il avait ensuite occupés jusqu'en octobre 1999, moment où il a obtenu le poste qu'il détient présentement. Le 29 octobre 2000, après la réception de ses avis de cotisation pour 1998 et 1999, le demandeur a demandé une renonciation aux intérêts et aux pénalités en vertu de la disposition d'équité de la Loi de l'impôt sur le revenu et a proposé un calendrier de remboursements pour ses impôts impayés. Sa demande a été rejetée par une correspondance datée du 30 avril 2001, provenant du coordonnateur d'équipe, à la Direction du recouvrement des recettes. Le demandeur a demandé un examen additionnel indépendant et il a reçu, de la part du directeur, une décision défavorable datée du 12 juin 2001. C'est cette dernière décision qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire. Les parties pertinentes de la décision du délégataire du ministre énoncent :


[traduction]

« J'ai examiné à fond tous les renseignements soumis dans votre lettre. J'ai également examiné les renseignements contenus dans la première demande. L'Agence des douanes et du revenu du Canada, l'ADRC, possède le pouvoir discrétionnaire de renoncer en tout ou en partie à des intérêts et à des pénalités validement imposés. Ce pouvoir discrétionnaire sera en général exercé si le client ne s'est pas conformé à la Loi de l'impôt sur le revenu en raison de circonstances extraordinaires échappant à sa volonté. Font partie des circonstances extraordinaires les désastres naturels ou ceux causés par l'homme, les troubles civils ou les interruptions de service, une maladie ou un accident grave ou encore un trouble émotionnel ou une souffrance morale grave découlant d'erreurs ou de retards de la part de l'ADRC ou encore l'incapacité de payer les montants dus. Comme votre correspondance ne précise pas que vous avez été empêché de produire les déclarations à temps, j'ai le regret de vous informer qu'il ne s'agit pas d'un cas pour lequel il serait approprié de renoncer aux pénalités pour production tardive. De plus, nos dossiers font état que vous avez accumulé une autre dette à la consommation en décembre 2000. La renonciation aux frais d'intérêts n'est généralement pas accordée dans de telles situations. »

La question à trancher est de savoir si le ministre a bien exercé correctement son pouvoir discrétionnaire, s'il a tenu compte des facteurs pertinents et s'il n'a pas tenu compte de facteurs étrangers. (Voir : GoldMaker c. Canada, (Ministre du Revenu national - M.R.N.) (2000), 2 C.T.C. 149 (C.F. 1re inst.)) La norme de contrôle judiciaire est la décision manifestement déraisonnable : Cheng c. Canada (2001), D.T.C. 5575 (C.F. 1re inst.) et Sharma c. Canada (Agence des douanes et du revenu) (2001), D.T.C. 5360 (C.F. 1re inst.)


Comme je l'ai mentionné précédemment, la lettre de refus précise les motifs du refus. Dans son affidavit du 20 septembre 2001, le directeur déclare au paragraphe 7 qu'il a examiné les facteurs suivants : a) la demande formulée par le demandeur et les motifs de cette demande; b) le fait que le demandeur n'ait pas précisé qu'il a été empêché de déposer ses déclarations de revenus à temps; c) le demandeur a accumulé une autre dette à la consommation en décembre 2000; d) les difficultés financières n'étaient pas suffisantes pour justifier l'annulation des pénalités et des intérêts et e) les lignes directrices établies dans la Circulaire d'information 92-2 et dans la Directive interne ARD-92-01 en date du 16 avril 1992 n'ont pas dans les circonstances été respectées.

Concernant le paragraphe b), l'utilisation du mot « empêché » , semblerait impliquer, à première vue, des circonstances échappant à la volonté du demandeur. Toutefois, à la lumière du rapport du directeur daté du 12 juin 2001, le sens à attribuer à « empêché » n'est pas si évident. Dans le deuxième paragraphe de son rapport, le directeur déclare :


[traduction]

« Le 18 mai 2000, le client a produit ses deux déclarations pour 1998 et 1999. Aucun motif n'a été fourni pour la production tardive. »

En fait, dans sa correspondance du 29 octobre 2000 adressée à l'ADRC, le demandeur a fourni des motifs détaillés concernant l'omission de produire ses déclarations. Il se peut bien que le directeur n'ait pas considéré ces motifs comme suffisants. Toutefois, au vu de sa déclaration qu'aucun motif n'avait été fourni, je ne peux pas dire qu'il a tenu compte des motifs, encore moins qu'il a conclu qu'ils étaient insuffisants. Quant au paragraphe c), l'autre dette à la consommation, le lettre de refus précise :

[traduction]

« De plus, nos dossiers font état que vous avez accumulé une autre dette à la consommation en décembre 2000. La renonciation aux frais d'intérêts n'est généralement pas accordée dans de telles situations. »


Cette conclusion de fait est erronée. Il ressort clairement du dossier qu'il n'y avait pas de dette supplémentaire, mais une consolidation de dettes. Le demandeur a fourni tous les documents justificatifs concernant la consolidation de prêts dans la correspondance du 20 février 2001 adressée à l'ADRC. En effet, dans son rapport du 12 juin 2001, le directeur fait précisément référence aux paiements effectués par le demandeur. Les commentaires contenus dans le rapport du directeur contredisent son affidavit et le motif énoncé dans sa lettre de refus. Il y a une autre déclaration dans le rapport du directeur mentionnant une dépense de 100 $ pour les loisirs dans l'état des revenus et des dépenses du demandeur. Bien que cela ne change rien, il s'agit également d'une conclusion erronée parce que le demandeur a attribué aux loisirs 50 $ par mois, non 100 $.

Des notes d'agents de l'ADRC, recommandant de ne pas exercer le pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur, sont jointes à l'affidavit du directeur. L'une d'elles, datée du 5 juin, précise :

[traduction]

« Les intérêts n'expliquent pas les difficultés. Le contribuable a décidé de ne pas emprunter pour payer les arriérés d'impôt, payant d'autres créanciers tout en faisant fi de ses obligations fiscales. »

La preuve démontre que le demandeur a tenté d'emprunter l'argent afin de payer les arriérés d'impôt. Une deuxième note du 5 juin 2001, contient la mention suivante :


[traduction]

« D'accord avec les commentaires ci-dessus. Les sommes avancées sans garantie, Visa, etc., sont responsables des difficultés. »

En fait, le demandeur avait consolidé ses prêts en décembre 2000. À la date de la note, il n'y avait aucune somme avancée sans garantie. Il n'y avait plus que le prêt consolidé chez Canada Trust dont il a été question précédemment.

Quant à la conclusion du directeur selon laquelle les difficultés financières n'étaient pas suffisantes pour justifier l'annulation des pénalités et des intérêts, le demandeur soutient que l'ADRC a commis une erreur en concluant qu'il avait un revenu mensuel excédentaire de 1 100 $. Le directeur a conclu que le demandeur n'éprouvait pas de difficultés financières et qu'il avait un excédent de revenu mensuel. Dans son rapport, il déclare :

[traduction]

« Le client mentionne à plusieurs reprises dans sa correspondance que son revenu mensuel net est en-dessous du seuil de la pauvreté pour une famille de six. Toutefois, en se basant sur le revenu du client pour 2000 dans la classe DD-3 et ses dépenses, le client a un excédent mensuel de 800 $ après déduction de son paiement mensuel de 300 $ à l'ADRC. »


Selon les calculs du demandeur, son excédent est de 80,96 $ par mois. Le document invoqué par le directeur fait partie du dossier, mais rien n'y est mentionné sur la manière dont les calculs ont été effectués. En contre-interrogatoire, le directeur n'a pas été en mesure d'éclairer le demandeur à ce sujet et l'avocat du défendeur n'a pas pu non plus apporter son aide lors de l'audience. Selon moi, le demandeur a le droit de savoir d'où proviennent les calculs et comment ils en sont arrivés à ce résultat.

Je tiens compte des commentaires de mon collègue, M. le juge Rouleau dans la décision Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national - M.R.N.), (1995), 93 F.T.R. 66 et je cite ces commentaires pour le bénéfice du directeur en l'espèce :

« L'objet de cette disposition législative est de permettre à Revenu Canada, Impôt, de gérer plus équitablement le régime fiscal, en faisant la place au bon sens dans le traitement des contribuables qui, en raison de leur infortune ou de circonstances échappant à leur volonté, sont incapables de respecter des délais ou de se conformer aux règles propres au régime fiscal. Le libellé de l'article confère au ministre un large pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts en tout temps. Pour le guider dans l'exercice de ce pouvoir, des lignes directrices ont été formulées; elles sont exposées dans la circulaire 92-2. »


Je fais principalement référence à cela parce que, et je ne cherche pas à laisser entendre que le directeur a agi de mauvaise foi ou quelque chose de cet ordre-là, mais je fais référence à l'alinéa 7e) de son affidavit et il m'a semblé que, certes à première vue, que le directeur ait tenté de placer le demandeur dans les critères catalogués mentionnés dans les lignes directrices et la directive, malgré qu'il soit précisément mentionné qu'elles ne se veulent pas exhaustives. Les commentaires du juge Rouleau nous éclairent à cet égard. En tous les cas, et nonobstant ces commentaires, je tiens également compte du fait que la Cour ne doit pas substituer ses conclusions ou son opinion à celles du délégataire du ministre et, au surplus, qu'il n'appartient pas non plus à la Cour de spéculer sur ce qu'aurait pu être la décision finale du directeur n'eût été les conclusions de fait erronées.

En l'espèce, le directeur a formulé des conclusions de fait erronées qui, à mon avis, vicient la décision. Les motifs, en particuliers ceux qui se rapportent à la production tardive des déclarations, n'expliquent pas de manière adéquate la position du directeur. Dans les circonstances, cette décision est manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision datée du 12 juin 2001 est annulée et l'affaire est renvoyée pour reconsidération.


M. BODURTHA

Merci, Madame le juge.

M. ROBERTSON

Merci, Madame le juge.

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


CERTIFICAT DE LA STÉNOGRAPHE JUDICIAIRE

Je, Sandy Adam, sténographe judiciaire, certifie par les présentes que j'ai transcrit ce qui précède et qu'il s'agit d'une transcription conforme des témoignages rendus dans la présente affaire, FRANK G. ROBERTSON (demandeur) et LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL (défendeur), recueillis par enregistrement électronique conformément à l'article 15 de la Court Reporters Act.

____________________________

Sandy Adam

Sténographe judiciaire

Le dimanche 5 janvier 2003 à Halifax (Nouvelle-Écosse)


                                       COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                    AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-1281-01

INTITULÉ :                                                        Frank G. Robertson

et

Le ministre du Revenu national

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 17 décembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                     Le 10 janvier 2003

COMPARUTIONS :

Frank G. Robertson                                                           POUR LE DEMANDEUR

John Bodurtha                                                                  POUR LE DÉFENDEUR

SOLICITORS OF RECORD:

aucun                                                                                  POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Justice Canada - Bureau régional de l'Atlantique

1400 - 5251, rue Duke

Halifax (Nouvelle-Écosse)

B3J 1P3

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