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Date : 20031217

Dossier : DES-2-03

Référence : 2003 CF 1484

Ottawa (Ontario), le 17 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Blais

AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé conformément au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)

ET le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada conformément au paragraphe 77(1) ainsi qu'aux articles 78 et 80 de la Loi;

ET ERNST ZÜNDEL

                          MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Le défendeur Ernst Zündel a présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance de récusation. Monsieur Zündel affirme que je devrais me récuser parce que, en ma qualité de solliciteur général en 1989, j'étais le ministre responsable du SCRS devant le Parlement. Monsieur Zündel allègue également que certains commentaires que j'ai faits au sujet d'un livre produit en preuve montrent que je suis partial envers le SCRS.


[2]                 Monsieur Zündel affirme que je devrais me récuser dès le début parce que, ayant été responsable du SCRS, je ne pourrais pas être impartial en examinant une affaire dans laquelle le SCRS fournit un bon nombre des éléments de preuve. En outre, certains de ces éléments de preuve sont confidentiels et ni M. Zündel ni ses avocats n'y ont accès. Par conséquent, selon M. Zündel, il existe une crainte raisonnable de partialité à cause des liens que j'entretenais par le passé avec le SCRS et à cause de la nature de la preuve présentée à son encontre.

[3]                Les ministres ont répondu en plaidant des questions techniques et des questions de fond. Sur le plan technique, les ministres affirment que la requête n'a pas été présentée de la façon appropriée puisqu'elle n'était pas accompagnée d'observations écrites et qu'elle était étayée par un affidavit renfermant non seulement des faits, mais aussi des allégations et des arguments.


[4]                 Quant aux questions de fond, les ministres soutiennent que la doctrine de la chose jugée s'applique étant donné qu'il s'agit ici de la deuxième requête présentée au sujet de la récusation et qu'aucun des faits sur lesquels cette requête est fondée ne s'est produit après la présentation de la première requête. En outre, les ministres soutiennent qu'il n'existe aucun motif sérieux justifiant une crainte raisonnable de partialité, soit une allégation fort sérieuse qui exige que la personne qui allègue l'existence d'une crainte raisonnable de partialité satisfasse à une exigence préliminaire fort stricte. Le solliciteur général, même s'il est responsable du SCRS devant le Parlement, participe directement fort peu, en vertu de la Loi, aux affaires du SCRS, qui relèvent du directeur. Il est donc peu probable qu'en ma qualité de solliciteur général, j'aie été directement mêlé aux activités concernant M. Zündel. Les ministres affirment en outre que, compte tenu de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Bande indienne Wewaykum c. Canada [2003] A.C.S. no 50 (Wewaykum), l'argument fondé sur l'écoulement du temps s'applique certainement dans ce cas-ci. Enfin, les ministres affirment qu'il n'existait aucune obligation de communication, étant donnéque je n'entretenais avec le SCRS aucune relation susceptible de donner lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[5]                Il existe quatre principaux motifs permettant de rejeter la requête visant la récusation : la doctrine de la renonciation, le caractère non pertinent de la preuve, l'écoulement du temps et la présomption d'impartialité.

1) La renonciation

[6]                Il était au départ de notoriété publique qu'en 1989, j'étais solliciteur général. Un examen rapide du site Web de la Cour fédérale indique que ce fait est inclus dans ma biographie. Je ne croyais pas, et je ne crois toujours pas, que le fait d'avoir exercé les fonctions de solliciteur général il y a treize ans, à un moment où les groupes d'extrême-droite ne constituaient pas une préoccupation pressante pour le Canada sur le plan de la politique, influerait sur une audience pour laquelle j'ai été désigné en 2003.

[7]                Si la question préoccupe M. Zündel, il aurait dû la soulever au début des présentes audiences plutôt que maintenant, lorsque six mois se sont déjà écoulés.

[8]                Dans l'arrêt Affaire intéressant un tribunal des droits de la personne et Énergie atomique du Canada Ltée, [1986] 1 C.F. 103, autorisation de pourvoi refusée, (1986), 72 N.R. 77, le juge MacGuigan a fait les remarques suivantes aux pages 112 et 113 :

La seule manière d'agir raisonnable pour une partie qui éprouve une crainte raisonnable de partialité serait d'alléguer la violation d'un principe de justice naturelle à la première occasion. En l'espèce, EACL a cité des témoins, a contre-interrogé les témoins cités par la Commission, a présenté un grand nombre d'arguments au Tribunal et a engagé des procédures devant la Division de première instance et cette Cour sans contester l'indépendance de la Commission. Bref, elle a participé d'une manière complète à l'audience et, par conséquent, on doit tenir pour acquis qu'elle a implicitement renoncé à son droit de s'opposer.

[9]                 Dans l'arrêt Zündel c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne) (Affaire intéressant le Congrès juif canadien) [2000] A.C.F. no 1838, la Cour d'appel fédérale présente comme suit la doctrine de la renonciation dans une affaire de crainte raisonnable de partialité, au paragraphe 4 :

En common law, même une renonciation implicite à s'opposer à un arbitre au premier stade d'une affaire constitue un motif pour invalider une opposition ultérieure : Re Thompson and Local 1026 of International Union of Mine, Mill and Smelter Workers et al. (1962), 35 D.L.R. (2d) 333 (C.A. Man.); Rex v. Byles and others; Ex parte Hollidge (1912), 108 L.T. 270 (K.B.D. Ang.); Regina v. Nailsworth Licensing Justices. Ex parte Bird, [1953] 1 W.L.R. 1046 Q.B.D. Ang.); Bateman v. McKay et al., [1976] 4 W.W.R. 129 (B.R. Sask.). Le principe est énoncé de la manière suivante dans Halsbury, Laws of England (4th ed.), volume 1, paragraphe 71, page 37:


[TRADUCTION] Le droit de contester des procédures viciées par la participation d'un arbitre qui n'a plus qualité en raison de l'intérêt ou de la vraisemblance de partialité peut être perdu par une renonciation expresse ou implicite au droit de s'opposer. Il n'y a aucune renonciation ou acceptation à moins que la partie qui a le droit de s'opposer à la participation d'un arbitre ne soit entièrement au courant de la nature de la perte de qualité et ait eu une possibilité raisonnable de s'opposer. Lorsque ces conditions sont remplies, une partie est réputée avoir accepté la participation d'un arbitre qui n'a plus qualité à moins qu'elle ne se soit opposée à la première occasion.

[10]            Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale a statué qu'étant donné que les motifs d'opposition existaient au départ puisqu'ils faisaient partie de la Loi, ils auraient dû être soulevés au début des audiences. En l'espèce, il était de notoriété publique que j'étais solliciteur général en 1989 et ce renseignement a été publié sur le site Web de la Cour fédérale ainsi que dans d'autres ouvrages de référence publics tels que le Canadian Who's Who, le Guide parlementaire canadien, l'International Year Book et le Statesmen's Who's Who. Peu importe à la Cour que le demandeur dans la présente requête n'ait découvert la chose que récemment. Monsieur Zündel a présenté une preuve, il a cité des témoins et il a présenté une requête antérieure visant la récusation en se fondant sur d'autres motifs. Il me semble que M. Zündel a renoncé à son droit de contester ma désignation en invoquant les fonctions que j'exerçais autrefois en tant que solliciteur général.

[11]            Monsieur Zündel soutient que j'aurais dû mettre les parties au courant de mon mandat de solliciteur général en 1989. Monsieur Zündel semble laisser entendre que ma situation devrait nécessairement me rendre inhabile et que je devrais me récuser à cause d'un conflit d'intérêts.

[12]            Le jugement le plus récent portant sur cette question a été rendu par la Chambre des lords dans l'affaire R. c. Bow Street Metropolitan Stipendiary Magistrate, Ex Parte Pinochet Ugarte (no. 2), [1999] 2 W.L.R. 272, où la Chambre des lords devait déterminer si l'un des lords faisant partie du comité d'appel était nécessairement inhabile. Le comité d'appel de la Chambre des lords a eu à déterminer si le général Pinochet, accusé en Espagne de crimes contre l'humanité, pouvait être extradé de la Grande-Bretagne ou s'il était protégé par l'immunité diplomatique. Le comité s'est prononcé en faveur de l'extradition dans une décision partagée, à trois membres contre deux. L'un des membres qui appuyait la décision était lord Hoffman. Les avocats du général Pinochet avaient découvert, une fois la décision rendue, que lord Hoffman était directeur et président d'Amnesty International Charity Limited (AICL), un organisme de bienfaisance enregistré constitué en 1986 pour financer les oeuvres de bienfaisance (selon le droit britannique) d'Amnesty International Limited.


[13]            Lors des audiences qui ont été tenues devant le comité d'appel, Amnesty International (AI) agissait à titre d'intervenante. En outre, la preuve montrait qu'AICL avait financé des recherches effectuées par AI sur les cas d'abus des droits de la personne au Chili et sur le défaut de poursuite des parties jugées responsables de ces abus. La Chambre des lords a statué que lord Hoffman devait être déclaré inhabile. Il ne s'agissait pas d'une affaire de partialité ou de crainte de partialité. Puisqu'il participait directement aux activités d'AI, lord Hoffman était plutôt par ce fait même inhabile. Comme l'a dit lord Goff of Chieveley, qui souscrivait au jugement :

[TRADUCTION] 51              Il importe de faire remarquer qu'à mon avis, cette conclusion ne dépend aucunement des opinions personnelles de lord Hoffman, ou du fait que lord Hoffman poursuivait un objectif, au sujet de la question de savoir si le sénateur Pinochet devait être extradé, et elle n'est pas non plus fondée sur une partialité réelle ou apparente de la part de lord Hoffman. En effet, les personnes représentant le sénateur Pinochet déniaient toute idée de partialité de sa part. Cela découle simplement de la participation de lord Hoffman aux activités d'AICL; des relations étroites existant entre AI, AIL et AICL, ces organisations pouvant dans ce cas-ci être considérées en pratique comme ne formant qu'une seule organisation; ainsi que de la participation d'AI à la présente instance, à laquelle elle est donc partie ou doit être considérée comme telle.

[14]            Cela étant, la participation était clairement si étroite que le principe selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie entrait en ligne de compte. En l'espèce, la situation est tout à fait différente. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, étant donné le temps qui s'est écoulé et l'absence complète de participation aux activités du SCRS au cours des treize dernières années. Un juge serait tenu de divulguer un conflit d'intérêts actuel, mais non une crainte raisonnable de partialité fondée sur des liens passés. La crainte raisonnable de partialité prend nécessairement naissance (le cas échéant) dans l'esprit d'une des parties se présentant devant le juge. Le juge peut soulever la question afin d'éviter qu'elle soit invoquée plus tard, mais dans ce cas-ci, il n'y avait pas lieu pour le juge de la soulever, et ce, pour les raisons mêmes pour lesquelles il n'y avait pas lieu pour le juge Binnie de le faire dans l'affaire Wewaykum, précitée, à savoir qu'il ne se rappelait rien de l'affaire pendant son mandat.


2) Le caractère non pertinent

[15]            Une bonne partie des activités du SCRS dans le contexte du mouvement pour la suprématie de la race blanche se sont déroulées à un moment où je n'agissais pas à titre de solliciteur général. À l'appui de son affidavit, M. Zündel présente un certain nombre de documents portant sur les activités du SCRS. Ces documents ne se rapportent pas à la période pendant laquelle j'étais solliciteur général. Dans son affidavit, M. Zündel déplore le fait qu'en ma qualité de solliciteur général, en 1989, j'ai donné une directive au SCRS au sujet du recours aux sources humaines. Monsieur Zündel déclare ensuite que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité (le CSARS), dans son rapport sur l'affaire du Heritage Front, soumis au solliciteur général le 9 décembre 1994, a examiné les directives que j'avais données et les a jugées « nettement insuffisant[es] » . En fait, le rapport du CSARS a été rédigé en 1994; il y est dit que « [...] les instructions actuelles du Solliciteur général et du Directeur devraient être étoffées et améliorées [...] » , et ce, après un changement de gouvernement et après que trois personnes eurent exercé le mandat de solliciteur général. Je ne puis être tenu responsable des directives du solliciteur général qui s'appliquaient en 1994.

[16]            Il vaut probablement la peine de reproduire le passage exact du rapport du CSARS sur l'affaire du Heritage Front dans lequel figurent les mots « nettement insuffisant » . Il importe de noter que toute cette question n'a rien à voir avec M. Zündel.


13.11 Directives ministérielles - Le SCRS et la politique relative aux sources

Toutes les activités des sources humaines sont régies par les limites de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité et par les instructions données par le Solliciteur général en vertu du paragraphe 6(2) de cette loi. Elles sont également régies par les directives internes du SCRS figurant dans le Manuel des opérations du SCRS. Dans leurs directives aux sources, les agents du SCRS doivent s'en tenir aux limites fixées par les articles 2 et 12 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.

En vertu de cette loi, le Ministre peut donner des instructions par écrit au Service. Le 30 octobre 1989, le Solliciteur général de l'époque [Pierre Blais] a donné des lignes directrices complètes à l'usage des sources humaines. Dans son instruction, le Ministre signale qu' « il incombe au SCRS de faire tout ce qui est raisonnable pour s'assurer que ses sources confidentielles agissent dans les limites de la loi, et que leur conduite ne jette pas le discrédit sur le gouvernement ni sur le Service. »

Le ministre mentionnait en outre que les sources confidentielles devaient être averties de ne pas s'engager dans des activités illégales pour accomplir leur travail pour le compte du Service, de ne pas agir comme « agents provocateurs » , et de ne pas inciter ni encourager, de quelque façon que ce soit, d'autres personnes à avoir des activités illégales.

À notre avis, toutefois, le niveau des directives fournies aux agents du SCRS est nettement insuffisant.

Nous croyons qu'il y aurait lieu de réexaminer les directives et les politiques en la matière. En effet, elles devraient à tout le moins répondre pleinement aux besoins du personnel du SCRS en lui fournissant des réponses bien pesées à diverses questions importantes, comme :

·        quel genre de rôle actif est acceptable de la part d'une source au sein d'une organisation ciblée par le SCRS?

·        convient-il qu'une source soit un dirigeant ou un chef au sein d'une organisation ou d'un mouvement?

·        les sources devraient-elles participer à des contre-mesures qui contribueraient à détruire les groupes ou mouvements terroristes, plutôt qu'à les faire durer?

·        est-il plus profitable de conserver une source que de prendre des mesures (de concert avec les forces de police, p. ex.) pour détruire le groupe?

[...]


Notre enquête sur l'affaire du Heritage Front nous a permis de constater que trop peu d'orientations étaient fournies aux intéressés. Ainsi, nous n'avons relevé aucune directive claire au sujet des faits entourant la campagne de harcèlement; personne n'avait de vue d'ensemble de ce qui se passait.

À notre avis, le Service devrait dresser régulièrement le « bilan » des avantages du travail d'une source donnée. Autrement dit, la direction et le personnel qui traitent avec une source de haut niveau devraient prendre régulièrement du recul face aux activités courantes pour évaluer l'opération dans son ensemble. Cela se fait, jusqu'à un certain point, dans le processus de renouvellement des autorisations de ciblage. En l'occurrence, toutefois, une activité importante de la source, la campagne « IT » n'a pas été soumise à la haute direction qui n'a donc pu en discuter; cela constitue, à notre avis, une omission sérieuse.

Nous en concluons que les instructions actuelles du Solliciteur général et du Directeur devraient être étoffées et améliorées de manière à permettre de résoudre les problèmes que nous avons exposés.

                                                                                                                 [Non souligné dans l'original.]

[17]       Chaque année, le CSARS fait rapport au solliciteur général au sujet des activités du SCRS vers la fin du mois de septembre. Dans l'exercice de son mandat, le CSARS examine la légalité des actions du SCRS et, pour s'acquitter de cette tâche, il a accès à tous les renseignements dont dispose le SCRS.

[18]       Le mouvement pour la suprématie de la race blanche n'est mentionné dans aucun des rapports jusqu'à la publication du rapport annuel de 1994-1995, qui suit le rapport spécial sur l'affaire du Heritage Front soumis le 9 décembre 1994. Ce dernier rapport montre clairement que, dès le début, le SCRS surveillait de près les activités de ce qu'il considérait comme des gens d'extrême-droite risquant d'être dangereux. Toutefois, cette activité n'a jamais été mentionnée par le CSARS, et ce, même si d'autres questions susceptibles de soulever une controverse, comme la surveillance du mouvement autochtone ou des syndicats, sont examinées d'une façon exhaustive.


[19]       Dans le rapport que le CSARS a soumis au solliciteur général le 9 décembre 1994 au sujet de l'affaire du Heritage Front, il est dit ce qui suit :

Le SCRS n'a pas cessé de revoir, à partir de 1985, le ciblage qui vise depuis sa création certains dirigeants du mouvement militant pour la suprématie de la race blanche. Les cibles mêmes ont changé et le champ des enquêtes s'est rétréci pour ensuite reprendre de l'ampleur, il y a quelque temps. Au fil des ans, un nombre considérable de titulaires de postes de commande, au sein tant de l'appareil gouvernemental que de la magistrature, étaient au courant des activités du Service dans cette sphère et les approuvaient.

Au nombre des personnes qui, depuis la création du SCRS, ont scruté le ciblage de membres du mouvement militant pour la suprématie de la race blanche, figurent sept solliciteurs généraux, quatre inspecteurs généraux, douze membres du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité et quatre directeurs du SCRS. De plus, des juges de la Cour fédérale ont décerné au Service des mandats l'habilitant à mener des enquêtes en ce domaine.

[20]       Selon le rapport, les personnes qui étaient ciblées par le SCRS étaient celles qui étaient soupçonnées de se livrer à des activités violentes, comme Wolfgang Droege ou Tom Long. Le SCRS ciblait peut-être Ernst Zündel en vue de le surveiller dès 1989, mais autant que je me rappelle, ce renseignement n'a pas été divulgué au solliciteur général à ce moment-là. En 1989, il y avait d'autres questions plus pressantes, comme le montre clairement le rapport de 1988-1989 du CSARS, soit la seule année où j'ai reçu un rapport en ma qualité de solliciteur général du Canada.

[21]       Dans le Rapport sur l'affaire du Heritage Front, le passage suivant, portant sur les individus d'extrême-droite qui sont ciblés en vue d'être surveillés, est selon moi plutôt révélateur :


Le Service a aussi tenté d'établir des sources humaines dans l'entourage des dirigeants de l'extrême droite afin de connaître la stratégie de celle-ci. En polarisant plutôt son enquête sur les dirigeants, il cherchait à la distinguer des enquêtes criminelles.

En mars 1991, le CARC [Comité d'approbation et de révision des cibles] a ajouté une condition importante :

L'éventail des méthodes d'enquête à employer aux termes de cette autorisation devra être établi en consultation avec le Ministre.

C'est depuis ce moment-là que le Service est tenu d'envoyer un aide-mémoire au Solliciteur général - avant de donner suite à un certificat du CARC.

                                                                                                                 [Non souligné dans l'original.]

[22]       La plupart des activités du SCRS concernant le traitement de la source au sein du mouvement pour la suprématie de la race blanche dont il est fait mention dans le rapport sur l'affaire du Heritage Front se sont déroulées après que j'eus cessé d'exercer mes fonctions de solliciteur général. En outre, la preuve montre que le SCRS savait que le Heritage Front avait infiltré le Parti réformiste, contrairement au solliciteur général de l'époque (l'honorable Doug Lewis).

[23]       Le Sous-comité de la Chambre sur la sécuriténationale a produit un rapport au sujet de l'affaire du Heritage Front; les membres du Bloc québécois et du Parti réformiste faisant partie du sous-comité, qui étaient dissidents, ont produit un rapport commun. Dans ces deux rapports, la seule mention qui est faite au sujet des mesures que j'ai prises en ma qualité de solliciteur général se rapporte à la directive que j'avais donnée, par laquelle je cherchais précisément à assurer le plus grand respect des droits et libertés (cette directive a été modifiée au mois d'août 1993 par le ministre qui était alors en place).


[24]       Dans l'opinion dissidente, il est dit ce qui suit au paragraphe 20 :

D'après les députés de l'opposition membres du Sous-comité, le SCRS était justifié de cibler les dirigeants de l'extrême-droite et sa nouvelle organisation la plus importante, le Heritage Front, dans les premiers temps après la réorientation de l'enquête [ciblant Wolfgang Droege à son retour au Canada en 1989].

Et au paragraphe 27 :

Pourtant, à un moment donné, comme nous l'avons signalé dans la section précédente de notre rapport, on a conclu dans une demande présentée au CARC en 1990-1991 que les organisations d'extrême-droite n'avaient que des activités criminelles mineures et ne constituaient nullement une menace envers la sécurité du Canada. Les députés de l'opposition membres du Sous-comité n'ont pas bien saisi pourquoi le Service n'avait pas tout simplement renvoyé ces affaires aux corps policiers au lieu de réorienter l'enquête et la source pour cibler les dirigeants de l'extrême-droite au-delà d'une période initiale. Il faut se demander au premier chef s'il était justifié de continuer à cibler ces personnes et à garder la source après 1990.

                                                                                                                 [Non souligné dans l'original.]

[25]       Est-il nécessaire de rappeler à M. Zündel que je n'avais alors plus rien à voir avec le SCRS? J'ai exercé les fonctions de solliciteur général du 30 janvier 1989 au 22 février 1990. L'honorable Pierre Cadieux a été nommé le 23 février 1990. De 1991 à1993, le solliciteur général du Canada était l'honorable Doug Lewis. Avec le changement de gouvernement en 1993, un nouveau solliciteur général, l'honorable Herb Gray, a été nommé. En 1993, je suis retourné exercer ma profession dans un cabinet privé. En 1998, j'ai été nommé à la Cour fédérale.


[26]       Dans l'arrêt Wewaykum, précité, la Cour suprême du Canada examinait une allégation de crainte raisonnable de partialité qui avait été faite par la bande de Campbell River et par la bande de Cape Mudge contre le juge Binnie, qui avait rédigé les motifs rendus par la Cour à l'unanimité, par lesquels étaient rejetés les appels interjetés par les bandes dans une affaire de revendication territoriale où chaque bande réclamait la réserve occupée par l'autre. Quinze ans plus tôt, en sa qualité de sous-ministre adjoint de la Justice, de 1982 à 1986, M. Binnie (tel était alors son titre), avait eu l'occasion d'examiner les revendications en exprimant un avis de principe sur la question, qui relevait de sa compétence. « À titre de sous-ministre adjoint de la Justice, le juge Binnie était responsable de tous les litiges auxquels était partie le gouvernement fédéral, sauf les affaires fiscales et les litiges émanant du Québec. Il assumait également des responsabilités particulières à l'égard des questions autochtones [Wewaykum, paragraphe 5] » . Les bandes ont sollicité une ordonnance en vue de faire annuler le jugement.

[27]       La requête a été rejetée par les huit juges de la Cour qui siégeaient dans l'affaire (le juge Binnie s'était récusé). Cette affaire est pertinente dans ce cas-ci; en effet, on y trouve un examen approfondi de ce qui constitue une crainte raisonnable de partialité lorsqu'un ancien ministre de la Couronne entend une affaire qui, à un moment donné, relevait de sa compétence ministérielle.

[28]       La Cour énonce de nouveau le critère bien connu qui s'applique à la crainte raisonnable de partialité (paragraphe 60) :


En droit canadien, une norme s'est maintenant imposée comme critère de récusation. Ce critère, formulé par le juge de Grandpré dans Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, précité, p. 394, est la crainte raisonnable de partialité :

[...] la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d'une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d'appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait-elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

[29]       La Cour note (au paragraphe 77) qu' « il s'agit d'une analyse qui dépend énormément des faits propres à chaque affaire » . Il n'existe pas de règles strictes applicables et les circonstances de l'affaire doivent être minutieusement examinées.

[30]       En l'espèce, il y a deux facteurs qui étaient présents dans l'affaire Wewaykum : l'étendue de la participation aux activités des parties à l'instance, et l'écoulement du temps. Dans le cas du juge Binnie, on avait produit plusieurs notes de service visant à démontrer qu'il avait été mis au courant de la situation relative aux revendications. Sa réaction était qu'à vrai dire, il ne se rappelait pas avoir examiné ces questions. Ses responsabilités englobaient strictement des milliers de dossiers. Après avoir quitté la fonction publique, il s'était occupéd'autres questions. En sa qualité de juge de la Cour suprême, il examinait donc l'affaire à nouveau et d'une façon impartiale.


[31]       Il en va de même dans la présente espèce. Des centaines de questions, dont une fraction seulement concerne le SCRS, sont portées à l'attention du solliciteur général toutes les semaines. Je ne puis me souvenir de tous les cas et je ne me souviens certes pas du cas de M. Zündel. Les rapports du CSARS montrent que le mouvement d'extrême-droite n'était pas une préoccupation pressante au moment où j'étais solliciteur général. Les choses ont changé au début des années 1990, mais je ne menais plus la barque.

[32]       Le lien le plus direct qui a été invoqué est la directive ministérielle du mois d'octobre 1989. Cette instruction visait fondamentalement à rappeler au SCRS qu'il fallait respecter la loi et les « institutions les plus névralgiques de notre société » . Le rapport du CSARS sur l'affaire du Heritage Front ainsi que les rapports majoritaires et minoritaires du Sous-comité de la Chambre indiquent tous que le SCRS n'a pas suivi l'instruction sur l'utilisation des sources qui avait été donnée en 1989. Je ne comprends absolument pas comment ce fait peut être invoqué à l'appui d'une crainte raisonnable de partialité.


[33]       Monsieur Zündel présente la preuve de Paul Kennedy, sous-solliciteur général adjoint principal responsable de la sécuriténationale, qui a comparu devant le Sous-comité sur la sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes le 3 juin 2003 afin de produire les directives ministérielles données par le solliciteur général cette année-là. Monsieur Kennedy donne des détails au sujet de la participation du solliciteur général aux affaires du SCRS, mais il dit bien que les activités quotidiennes relèvent du directeur du SCRS. Or, selon moi, cette preuve n'est pas très utile aux fins qui nous occupent. De toute évidence, le solliciteur général doit se tenir au courant de ce qui se passe au sein de son ministère; c'est ce que fait un ministre responsable, mais cela ne veut pas dire que je me souviens exactement, treize ans plus tard, des enquêtes qui ont été menées ou que je suis probablement partial. Je tiens à ajouter que, dans les rapports que le CSARS et le Sous-comité de la Chambre ont présentés au Parlement pour les années 1989 à 1995, les lacunes qui sont signalées se rapportent précisément, dans bien des cas, au manque de renseignements communiqués aux divers solliciteurs généraux de l'époque.

3) L'écoulement du temps

[34]       L'un des principaux points signalés par la juge en chef McLachlin dans l'arrêt Weywakum, précité, en ce qui concerne l'importance des faits propres à chaque affaire, se rapporte au temps qui s'était écoulé dans le cas du juge Binnie (paragraphe 85) :

Selon nous, un seul facteur important se détache nettement des autres et doit éclairer la personne raisonnable dans son appréciation de l'incidence de la participation du juge Binnie sur son impartialité dans les pourvois. Il s'agit en l'occurrence de l'écoulement du temps. Dans la plupart des cas où l'on plaide l'inhabilité du décideur, on invoque des circonstances contemporaines au processus décisionnel ou survenues peu avant celui-ci.

[35]       La Cour cite la Cour d'appel d'Angleterre [Locabail (U.K.) Ltd. c. Bayfield Properties Ltd., [2000] Q.B. 451, page 480], au paragraphe 86 :

[TRADUCTION] [...] chaque demande doit être tranchée selon les faits et les circonstances propres à l'affaire concernée. Plus il s'est écoulé de temps entre l'événement qui, plaide-t-on, crée le risque de partialité et l'affaire dans laquelle cet argument est soulevé, plus faible (toutes choses étant par ailleurs égales) sera l'argument.


[36]       Je crois que la même considération s'applique dans ce cas-ci. Je n'ai pas eu de contacts avec le SCRS à titre officiel depuis treize ans. Au cours de ces treize années, un certain nombre de solliciteurs généraux ont été en place et le parti au pouvoir a changé; bref, je ne me rappelle plus les politiques qui étaient mises en oeuvre au sein du SCRS, pas plus qu'un autre citoyen canadien. En outre, le lien existant avec le SCRS a depuis longtemps été rompu.

[37]       Monsieur Zündel déclare que cet argument ne peut pas être retenu puisque les allégations dont il a fait l'objet remontent dans certains cas à l'année 1981. Dans l'affaire Wewaykum, les revendications remontaient également à une époque où le juge Binnie n'était même pas responsable des litiges fédéraux. Cela importe peu. C'est le critère se rapportant à la crainte raisonnable de partialité qu'il faut appliquer - à savoir si le poste occupé par une personne treize ans plus tôt peut maintenant influer sur le jugement de celle-ci, alors que rien ne montre que la personne en question ait été mêlée à l'affaire et que le SCRS agissait largement de son propre chef à cette époque (et puisque la seule preuve qui a été fournie au sujet du lien existant entre le SCRS, le mouvement militant pour la suprématie de la race blanche et mon mandat de solliciteur général se rapporte au fait que la directive ministérielle n'a pas été suivie!).


4) Impartialité

[38]       Enfin, je crois qu'il est important de parler de la présomption d'impartialité. Comme la juge en chef McLachlin le dit dans l'arrêt Weywakum, précité, la magistrature est présumée impartiale, et cette présomption ne peut pas être écartée à la légère. Il doit exister une raison fort bonne permettant de réfuter cette présomption.


[39]       Dans son affidavit, M. Zündel déclare avoir commencé à soupçonner que j'entretenais avec le SCRS des liens plus étroits que nécessaire pour être impartial lorsque j'ai remis en question la véracité d'un document qu'il avait produit afin de démontrer l'exactitude de l'allégation selon laquelle le SCRS était responsable d'une bombe qui avait été envoyée chez lui par la poste ou que le SCRS était du moins au courant de la chose. Avec égards, et la transcription confirme cette interprétation, j'essayais de déterminer si M. Zündel souscrivait à la preuve qu'il avait lui-même produite. D'une part, dans l'ouvrage en question, Covert Entry, d'Andrew Mitrovica, il était question de la bombe; d'autre part, il était également dit qu'une liste avait été envoyée à M. Zündel, qui avait nié l'avoir reçue. Or, j'ai simplement fait remarquer que si l'ouvrage en question était un ouvrage de fiction, la contradiction apparente pouvait être résolue. La Loi me permet de retenir un bon nombre des éléments de preuve qui seraient par ailleurs jugés inadmissibles. Pour ce motif, je dois faire preuve d'énormément de prudence en soupesant ces éléments. C'est ce à quoi s'attend M. Zündel en ce qui concerne la preuve de la Couronne; or, les mêmes règles s'appliquent à tous. Ceci dit, je ne crois pas que le fait de remettre la preuve en question indique de quelque façon que ce soit un parti pris en faveur d'une partie plutôt que de l'autre.

[40]       J'ai exercé mes fonctions de solliciteur général pendant un an. J'ai exercé ma profession d'avocat pendant bien des années. De la même façon qu'un juge peut, au bout d'un certain temps, entendre des affaires dans lesquelles ses anciens collègues occupent comme avocats, je ne crois pas que le fait d'avoir été ministre responsable du SCRS devant le Parlement ait pour effet de me rendre inhabile pour toujours à entendre une affaire à laquelle le SCRS est mêlé. Si c'était le cas, fort peu de juges au Canada seraient en mesure de s'acquitter de leur tâche.

[41]       Si j'avais personnellement pris part aux décisions concernant M. Zündel, je me serais bien sûr récusé. Or, je n'en ai aucun souvenir, et il n'existe aucune preuve en ce sens. Je ne suis pas une partie intéressée à l'affaire et je n'ai aucune raison de favoriser la Couronne plutôt que le défendeur, pas plus que dans tout autre cas.

[42]       Un autre juge de la Cour, le juge Dubé, a fait face à une question similaire dans l'affaire Fogal c. Canada [1999] A.C.F. no 129; on avait demandé au juge de se récuser étant donnéque les poursuites étaient engagées contre le gouvernement du Canada et qu'il avait été ministre du Cabinet et député fédéral pour le parti qui était encore au pouvoir.


[43]       Le juge Dubé a refusé de se récuser parce que l'allégation de crainte raisonnable de partialité était dénuée de fondement. Je crois qu'il vaut la peine de reproduire les remarques fort éloquentes qu'il a faites (paragraphe 10) :

Les juges ne procèdent pas du ciel. Ils proviennent de différentes sphères d'activité. Certains d'entre nous sont d'anciens professeurs, d'autres appartenaient à la fonction publique et d'autres ont exercé le droit dans de petites villes ou de grands cabinets d'avocats. Certains d'entre nous, encore, ont fait de la politique. La diversité des carrières personnelles de leurs membres constitue, pour les tribunaux, une source précieuse de connaissance et d'expérience. Quand nous avons prêté notre serment d'office, nous nous sommes coupés de notre passé et nous sommes consacrés à notre nouvelle vocation. Notre devoir est de rendre justice sans crainte et sans favoritisme.

[44]       Treize années se sont écoulées depuis que j'exerçais mes fonctions de solliciteur général. Àl'heure actuelle, les liens que j'entretiens avec le SCRS sont les mêmes que ceux qu'entretiennent les autres juges de la Cour fédérale. Les arguments que M. Zündel soumet àl'appui de ma récusation sont liés à des mesures prises par le SCRS une fois terminé mon mandat de solliciteur général. Je n'ai jamais songé à me récuser parce que, à vrai dire, je ne me rappelle pas avoir eu connaissance de renseignements spéciaux concernant M. Zündel pendant la période où j'étais solliciteur général. Je n'éprouve aucun sentiment spécial de loyauté envers le SCRS. Mon premier et seul devoir de loyauté est énoncé dans le serment professionnel que j'ai prêté lorsque je suis devenu juge à la Cour fédérale.


[45]       Le critère applicable à la crainte raisonnable de partialité est de savoir si une personne bien informée estimerait qu'il existe une possibilité de partialité. Compte tenu des faits et de la jurisprudence pertinente, je ne crois pas qu'une personne bien informée pense que je suis partial.

[46]       Il est malheureux que tant d'énergie ait été gaspillée sur la question pendant que M. Zündel attend encore qu'une décision soit rendue au sujet de son maintien en incarcération.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

Pour les motifs susmentionnés, la requête est rejetée.

« Pierre Blais »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad.a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     DES-2-03

INTITULÉ :                                                    AFFAIRE CONCERNANT un certificat signé conformément au paragraphe 77(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi)

ET le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada conformément au paragraphe 77(1) ainsi qu'aux articles 78 et 80 de la Loi;

ET ERNST ZÜNDEL

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATES DE L'AUDIENCE :                         les 6 et 7 novembre, le 10 décembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                   le 17 décembre 2003

COMPARUTIONS :

Donald MacIntosh et Pamela Larmondin            POUR LE MINISTRE

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

Murray Rodych et Toby Hoffman                      POUR LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL

Service canadien du

renseignement de sécurité

Services juridiques

Ottawa (Ontario)


Page : 2

Doug Christie                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Avocat

Victoria (C.-B.)

Peter Lindsay et Chi-Kun Shi

Avocats

Toronto (Ontario)

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