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Date : 20030425

Dossier : IMM-1549-02

Référence : 2003 CFPI 514

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2003

En présence de MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL                              

ENTRE :

                                                              TETSUO KOBAYASHI

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire déposée conformément à l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi), d'une décision de Colleen Wetherall, agente d'immigration de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), rendue le 27 novembre 2001, voulant que le passeport du demandeur continue d'être retenu. Il s'agit également d'une demande d'un bref de mandamus obligeant CIC à remettre le passeport au demandeur.


LES FAITS

[2]                 Le 20 mars 2001, à l'aéroport international de Vancouver, l'Agence des douanes et du revenu du Canada a remis à un agent d'immigration deux enveloppes provenant de Los Angeles d'un expéditeur non identifié. Les deux enveloppes étaient adressées à « Sanae Kobayashi » , à une adresse de Vancouver, et semblaient avoir été envoyées par le même expéditeur, étant donné que les bordereaux de transport aérien étaient identiques.

[3]                 Un agent d'immigration a examiné le contenu des enveloppes. Une d'elles contenait un passeport japonais au nom de Tetsuo Kobasashi, l'autre, une carte American Express et un permis de conduire international au nom de Yosuke Ishikawa. La photo du même homme apparaissait sur le passeport et sur le permis de conduire.

[4]                 Les documents ont été saisis afin que l'on puisse faire enquête sur l'identité de l'homme dont la photo apparaissait sur ces documents, en l'occurrence, le demandeur. Un avis de saisie a été envoyé à l'adresse indiqué sur les enveloppes.

[5]                 Après la saisie, les renseignements recueillis ont été transmis à la Section de l'immigration et des passeports de la GRC pour fins d'enquête. Apparemment, l'enquête se poursuit.

[6]                 Dans une lettre du 30 août 2001, le demandeur, par l'entremise de son avocat, a demandé que le passeport lui soit rendu puisqu'il avait été retenu plus de trois (3) mois, ce qui contrevient à l'article 102.06 de la Loi. Dans une lettre du 27 novembre 2001, CIC a informé le demandeur que le passeport ne serait pas rendu parce que l'enquête n'était pas encore terminée.

[7]                 Dans le dossier no IMM-5241-01, le demandeur sollicitait l'autorisation de la Cour de présenter une demande de contrôle judiciaire afin de contester le refus de CIC de lui rendre le passeport. Dans une ordonnance du 18 mars 2002, la Cour a refusé l'autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire.

[8]                 La demande d'autorisation du présent contrôle judiciaire a été soumise le 4 avril 2002 et, dans une ordonnance du 16 janvier 2003, la Cour y a accédé.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]                 J'estime que les questions suivantes doivent être abordées :

1.         La présente demande est-elle irrecevable en raison de la règle de la chose jugée?

2.         Si non, l'article 102.06 de la Loi s'applique-t-il à l'espèce et, le cas échéant, y a-t-il eu violation de cet article?

3.         L'alinéa 94(1)n) et le paragraphe 110(2) de la Loi s'appliquent-ils à la saisie du passeport du demandeur?

[10]            Dans son mémoire, le demandeur a soumis d'autres arguments. Toutefois, pendant l'exposé oral des arguments, l'avocat du demandeur n'a abordé que les questions susmentionnées, de sorte que l'avocate du défendeur a, elle aussi, restreint son intervention à ces questions. Il n'est donc pas nécessaire d'aborder les autres arguments.

ANALYSE

1.         La présente demande est-elle irrecevable en raison de la règle de la chose jugée?

[11]            Le défendeur prétend que le demandeur essaie d'obtenir une nouvelle instance portant sur la même question et de contester la décision initiale défavorable à la remise du passeport saisi. J'allègue que le demandeur n'a pas le droit de demander deux fois le contrôle judiciaire d'une même décision. Selon le principe de l'autorité de la chose jugée, si un jugement a été prononcé dans le cadre d'une instance, une partie à ce jugement ne peut demander le réexamen de la même cause d'action, ou de toute question qui a nécessairement été tranchée par ce jugement, contre une autre partie dans un litige subséquent. Un plaignant ne peut esquiver l'effet de la chose jugée en reformulant sa revendication sous des apparences de nouvelle cause d'action ou en présentant des arguments à l'appui de cette revendication qui n'ont pas été présentés antérieurement.


[12]            Le défendeur soutient que l'ordonnance que la Cour rendue dans le dossier no IMM-5241-01, rejetant la demande d'autorisation de contrôle judiciaire de la décision rendue par Colleen Wetherall voulant que le passeport saisi soit retenu, était une décision judiciaire prononcée par une cour compétente et qu'il s'agissait d'une décision définitive sur le fond du litige entre les parties.

[13]            Je partage l'avis exprimé par le défendeur dans ses observations, mais il semble ressortir des faits de l'espèce qu'il pourrait y avoir illégalité s'il est validement prouvé que le passeport a été saisi pendant plus de trois mois. Par ailleurs, je ne pense pas que la Cour puisse garder le silence en raison des principes de la chose jugée si elle se rend compte qu'il y a illégalité. Je procéderai donc à mon analyse en tenant compte de cette ambivalence.

2.          L'article 102.06 de la Loi s'applique-t-il à l'espèce et, le cas échéant, y a-t-il eu violation de cet article?

[14]            Le demandeur prétend que CIC continue de retenir son passeport conformément à l'article 102.06 de la Loi, en dépit d'une demande de remise. Il soutient qu'il n'a pas consenti à ce que le passeport soit retenu plus longtemps, qu'aucune décision n'a été rendue par un juge de paix dans les trois mois suivant la saisie ordonnant une prolongation de la saisie et qu'aucune procédure judiciaire n'a été amorcée dans le cadre de laquelle le passeport aurait pu servir. Par conséquent, le fait de retenir le passeport serait contraire à l'article 102.06 de la Loi, qui est libellé comme suit :

102.06 (1) En cas d'examen ou de saisie, effectués en vertu de la présente loi, de dossiers, livres ou documents, le ministre ou l'agent qui les examine ou les a saisis peut en faire, ou en faire faire, des copies. Toute copie présentée comme certifiée conforme par le ministre ou son délégué est admissible en preuve et a la même force probante qu'un original à l'authenticité établie selon les modalités habituelles.


(2) Les dossiers, livres ou documents saisis en vertu de la présente loi comme moyens de preuve ne peuvent être retenus plus de trois mois suivant la saisie que si, avant l'expiration de ce délai :

(a) le saisi donne son accord pour une prolongation d'une durée déterminée;

(b) le juge de paix, estimant justifiée, eu égard aux circonstances, une demande présentée à cet effet, ordonne une prolongation d'une durée déterminée;

(c) sont intentées des procédures judiciaires au cours desquelles les objets saisis peuvent avoir à servir.

[15]            Je ne partage pas cet avis parce que je pense que le paragraphe 102.06(2) de la Loi ne s'applique pas à la présente situation.

[16]            Il ressort d'une lecture attentive des articles 102.01 à 102.19 de la Loi que ces articles portent sur la confiscation de véhicules et sur les infractions commises par quiconque organise l'entrée au Canada ou le débarquement de personnes en mer (voir les articles 94.1, 94.2 et 94.4 de la Loi).

[17]            Dans la présente affaire, les faits entourant la saisie du passeport ou des documents de voyage n'ont aucun lien avec la confiscation de véhicules ou l'entrée illégale de personnes au Canada.

[18]            Donc, je dois arriver à la conclusion que l'article 102.06 de la Loi ne s'applique pas aux faits de la présente espèce.


3.         L'alinéa 94(1)n) et le paragraphe 110(2) de la Loi s'appliquent-ils à la saisie du passeport du demandeur?    

[19]            Les documents envoyés par la poste et qui ont été saisis consistaient en un passeport japonais, un permis de conduire international et une carte de crédit American Express. Il s'agit de documents de voyage et de pièces d'identité sur lesquels figure la photographie du demandeur, mais dont les noms et les renseignements biographiques sont différents.

[20]            Le représentant du défendeur a invoqué l'alinéa 94(1)n) de la Loi, lequel interdit l'importation et l'exportation par la poste de documents de voyage et de pièces d'identité.

94(1)       Commet une infraction quiconque_:

n)             importe ou exporte, par courrier ou autrement, tout document ou toute pièce - visa, passeport, document de voyage ou autre - permettant d'établir l'identité d'une personne, ou tout document ou pièce prétendu ou censé tel, afin de contrevenir à la présente loi ou à ses règlements.

[21]            Le pouvoir conféré à un agent d'immigration d'examiner, de saisir et de retenir des documents est décrit au paragraphe 110(2) de la Loi.

110(2)     L'agent d'immigration a le pouvoir_:

(a.3)          d'examiner, à un point d'entrée ou ailleurs au Canada, pour l'application de la présente loi et de ses règlements, tout document ou toute pièce - visa, passeport, document de voyage ou autre - permettant d'établir l'identité d'une personne, ou tout document ou pièce prétendu ou censé tel, importé ou en instance d'importation ou d'exportation;


(b)            de saisir et retenir, à un point d'entrée ou ailleurs au Canada, tous objets ou documents, lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire qu'une telle mesure s'impose pour faciliter l'application de la présente loi ou de ses règlements;

(c)             pour l'application de la présente loi et de ses règlements, de saisir et retenir tous objets ou documents s'il croit, pour des motifs raisonnables, qu'ils ont été obtenus ou utilisés irrégulièrement ou frauduleusement, ou qu'une telle mesure s'impose pour en empêcher l'utilisation irrégulière ou frauduleuse.

[22]            Dans une lettre du 27 novembre 2001 qu'il a adressée à l'avocat du demandeur, l'agent d'immigration expliquait que le défendeur faisait enquête sur l'identité de l'homme qui apparaissait sur les photos des documents saisis et que le passeport ne pouvait être libéré parce que tous les documents devaient servir pour fins d'enquête. L'agent d'immigration a ajouté que le passeport pouvait être rendu si le demandeur fournissait aux autorités des renseignements qui expliqueraient valablement pourquoi sa photo apparaissait sur les documents saisis, alors que son nom ne figure ni sur le permis de conduire international ni sur la carte de crédit American Express. À ce jour, le demandeur n'a pas fourni ces renseignements.

[23]            Donc, la saisie des documents, y compris celle du passeport du demandeur, est appuyée par les dispositions pertinentes de la Loi. Il faut souligner qu'aux termes de l'alinéa 94(1)n) et du paragraphe 110(2) de la Loi, aucun délai n'est imposé pour les saisies faites par les autorités.

[24]            J'arrive à la conclusion que l'avocat du demandeur ne m'a pas convaincu que la décision de retenir le passeport du demandeur pendant que l'enquête se poursuit justifie une intervention de la Cour.

[25]            Les avocats des parties n'ont proposé la certification d'aucune question. Je suis également d'avis qu'aucune question ne doit être certifiée.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

Les demandes de contrôle judiciaire et d'un bref de mandamus sont rejetées et aucune question n'est certifiée.

         « Simon Noël »                                                                                                                                          Juge

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               IMM-1549-02

INTITULÉ :                              Tetsuo Kobayashi c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :      Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :    Le 16 avril 2003   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : Le juge S. Noël

DATE :                                      Le 25 avril 2003

COMPARUTIONS :

Kenneth Specht                          POUR LE DEMANDEUR

Helen Park                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Avocat                                        POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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