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Date : 20030526

Dossier : T-2071-01

Référence : 2003 CFPI 653

Ottawa (Ontario), le 26 mai 2003

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE SNIDER

ENTRE :

NADA LAPLANTE, WAJID HUSSAIN et

CATHERINE DUBREUIL-MELLON

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, BRUCE WEIR,

VERONICA PARKER-WRIGHT, ROSE SPIRITO, FRED PREGL,

BRENDA SINGREIL, PATRICK WARNER, STEVE ROBERTSON,

GEOFFREY LAROSE, NATHALIE BELLEU, JANICE MACDONALD,

KEVIN YAMAMOTO, ROBERT BEGIN, PATRICIA SEABROOK,

AUDREY MANTHA, GERARD LEVESQUE, JOHN ROBERTSON,

DARLENE RICHARDSON, LESLEY MARTIN, SHEILA FULLBROOK

et GEOFFRY CHAPMAN

défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                 Une demande de contrôle judiciaire a été déposée contre la décision interlocutoire de Cindy Read Hartman, présidente du comité d'appel de la Commission de la fonction publique du Canada (la présidente), datée du 18 octobre 2001, qui avait rejeté la requête du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (le ministère) pour que soient concédés les appels. Les appels avaient été interjetés par Nada Laplante, Wajid Hussain et Catherine Dubreuil-Mellon (les demandeurs) à l'encontre des nominations faites pour les postes de chef d'équipe en approvisionnements (projet) et chef d'équipe en approvisionnement (achats).

Les faits

[2]                 En janvier 2001, le ministère organisait des concours pour les postes de chef d'équipe en approvisionnements (achats) et de chef d'équipe en approvisionnements (projet). Les candidats pouvaient se présenter à l'un des deux concours, ou aux deux. Les candidats présélectionnés furent invités à subir un examen de leurs connaissances générales et un examen propre au concours. Les candidats qui obtenaient 70 p. 100 à chacun des deux examens étaient invités à une entrevue.


[3]                 Avant les examens, au moins cinq candidats avaient communiqué avec Linda Fletcher, membre du jury de sélection, et lui avaient demandé des renseignements sur les examens. Mme Fletcher leur avait donné oralement des indications sur les aspects à étudier. Ces indications avaient été consignées par Jim Allison, superviseur de Mme Laplante, dans un document appelé « document en sept points » . Mme Laplante avait remis à M. Allison les suggestions d'étude après en avoir été informée par un candidat qui avait reçu lesdites suggestions de Mme Fletcher. L'information figurant dans le document en sept points, qui portait la même date que l'examen, s'accordait avec certaines des questions de l'examen.

[4]                 À la fin de la procédure, deux listes d'admissibilité ont été établies, qui contenaient au total vingt et un noms. Les cinq candidats qui avaient reçu l'information de Mme Fletcher n'ont pas réussi l'examen des connaissances générales, et leurs noms ne figuraient pas sur la liste d'admissibilité.

[5]                 Les demandeurs n'ont pas été retenus dans le concours. Ils ont fait appel des nominations résultant du concours au comité d'appel, en application du paragraphe 21(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33 (la Loi).

[6]                 Les défendeurs autres que le procureur général du Canada étaient les candidats reçus dans le concours. À l'exception de Lesley Martin, Sheila Fullbrook et Geoffry Chapman, ils ont tous participé à l'audience tenue devant la présidente. Ils ont présenté à l'audience un document signé selon lequel ils n'avaient pas été en possession du document en sept points.


[7]                 Dans un geste très inusité, le ministère a déclaré, dès le début de l'audience devant la présidente, qu'il souhaitait concéder l'appel. Il a dit qu'il ne pouvait déterminer avec un minimum de certitude l'étendue de la fuite de renseignements provoquée par Mme Fletcher, ni l'incidence de cette fuite sur les concours, mais il a fait valoir que le principe du mérite avait été suffisamment ébranlé par cette fuite.

[8]                 La présidente, se fondant sur l'arrêt rendu par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Caldwell c. Canada (Commission de la fonction publique), [1978] A.C.F. n ° 918 (QL), a répondu qu'une apparence d'irrégularité ne constitue pas un fondement suffisant sur lequel faire droit à un appel. La présidente a exprimé l'avis que la communication des renseignements n'avait pas en réalité fait obstacle à la sélection selon le mérite et elle a rejeté la requête du ministère pour que soient concédés les appels sur cette base. Les demandeurs ont déposé une demande de contrôle judiciaire de cette décision.

Points en litige

[9]                 Les demandeurs soulèvent les points suivants :

          1.        La présidente était-elle tenue d'accepter la concession du ministère et de dire que le concours avait entraîné une entorse au principe du mérite?

2.        La présidente a-t-elle appliqué le mauvais critère, et placé le fardeau au mauvais endroit, lorsqu'elle s'est demandé si la procédure de sélection s'accordait avec le principe du mérite?

            3.         La présidente a-t-elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée d'une manière abusive ou arbitraire et sans égard aux éléments dont elle disposait, lorsqu'elle a dit que la divulgation des sujets d'examen à certains candidats, avant l'examen lui-même, n'avait eu aucune incidence sur l'issue du concours?


Analyse

Point n ° 1: La présidente était-elle tenue d'accepter la concession du ministère et de dire que le concours avait entraîné une entorse au principe du mérite?

[10]            Selon les demandeurs, puisque le ministère avait concédé, au début de l'audience, l'appel interjeté en vertu de l'article 21, la présidente aurait dû s'abstenir d'instruire davantage cette affaire et aurait dû rendre une décision conforme à la concession faite par le ministère. La concession faite par le ministère touchait le fond du litige et, de l'avis des demandeurs, elle était l'unique preuve dont disposait le tribunal.

[11]            Les demandeurs invoquent l'affaire Aylward c. McMaster University [1991] O.J. No. 230 (Cour de l'Ontario, Div. gén.) (QL), dans laquelle un professeur d'université avait lancé une accusation de malhonnêteté intellectuelle. Au début de l'audience, le professeur avait informé le tribunal qu'il souhaitait retirer sa plainte. Le tribunal a procédé à l'instruction de l'affaire. Annulant la décision, la Cour de l'Ontario, division générale, s'était exprimée ainsi :

[Traduction] La décision du conseil d'aller de l'avant a eu pour effet de fusionner les fonctions de procureur et celles de juge ainsi que l'a démontré l'enquête du conseil sur les dispositions du professeur à témoigner. Il n'y avait aucun cadre procédural établi permettant au conseil de se poser en procureur ou d'entreprendre une procédure investigatrice ou inquisitoriale. Par conséquent, cette décision dépassait son rôle quasi judiciaire et son pouvoir et à ce titre :


a) elle était manifestement déraisonnable;

b) elle constituait dans la procédure un vice de forme qui donnait lieu de craindre que le tribunal ne rendrait pas une décision totalement impartiale, et

c) elle dépassait la compétence du tribunal et contrevenait aux règles de la justice naturelle.

[12]            Les demandeurs affirment que la situation ici est la même que dans l'affaire Aylward, parce que le ministère a admis que le principe du mérite avait été mis en péril et parce qu'il ne souhaitait pas convoquer de témoins. Néanmoins, la présidente avait insisté pour qu'un témoin du ministère soit convoqué et elle avait entrepris de poser plusieurs questions à ce témoin. Par ces agissements, la présidente avait endossé le rôle d'un procureur et elle avait donc commis une erreur.

[13]            Je ne partage pas la manière dont les demandeurs qualifient les fonctions de la présidente selon l'article 21. Voici le texte de cette disposition :


21. (1) Dans le cas d'une nomination, effective ou imminente, consécutive à un concours interne, tout candidat non reçu peut, dans le délai fixé par règlement de la Commission, en appeler de la nomination devant un comité chargé par elle de faire une enquête, au cours de laquelle l'appelant et l'administrateur général en cause, ou leurs représentants, ont l'occasion de se faire entendre.

21. (1) Where a person is appointed or is about to be appointed under this Act and the selection of the person for appointment was made by closed competition, every unsuccessful candidate may, within the period provided for by the regulations of the Commission, appeal against the appointment to a board established by the Commission to conduct an inquiry at which the person appealing and the deputy head concerned, or their representatives, shall be given an opportunity to be heard.


[14]            J'observe que, selon la disposition applicable, la présidente doit faire une « enquête » ; c'est certainement davantage qu'une simple décision départageant les parties. D'ailleurs, plusieurs autres parties sont concernées par l'issue de la décision de la présidente, notamment les candidats reçus, dont certains sont parties à cette demande de contrôle judiciaire. En l'espèce, la présidente a fort bien décrit sa tâche, dans les termes suivants :

[Traduction] [...] bien que le ministère souhaite concéder l'appel, je dois, pour rendre une décision, me demander si le principe du mérite a ou non été observé en ce qui a trait à toutes les nominations, et non pas me demander si la procédure a été équitable et transparente.

[15]            Il ne s'agit pas ici d'un cas assimilable à l'affaire Aylward, où le plaignant avait retiré sa plainte. Dans cette affaire, puisque la plainte avait été retirée, il n'y avait pas de fondement ou de dossier pouvant servir de point de départ. De plus, la plainte avait été déposée contre un seul étudiant.

[16]            Dans l'affaire qui nous occupe, la présidente a validement exercé sa compétence lorsqu'elle a mené son enquête afin de déterminer si le principe du mérite avait été observé et d'examiner le fondement sur lequel la concession avait été faite. Vue sous cet angle, la concession faite par le ministère était l'un des facteurs que la présidente avait pris en compte pour conclure qu'il y avait eu irrégularité, mais que l'irrégularité n'avait pas eu d'incidence sur l'issue du concours.

[17]            Contrairement aux affirmations des demandeurs, je ne considère pas que les décisions de la présidente ont « franchi une ligne » . En demandant au ministère de présenter son témoin et en posant des questions au témoin, elle n'est pas « descendue dans l'arène » ; elle cherchait plutôt à mener à bien le dossier en tenant compte des événements, et elle l'a fait sans mettre en péril sa propre impartialité.

[18]            Il s'agit là d'un cas très inusité. Aucun des précédents mentionnés par les avocats n'était directement applicable. Par exemple, il ne s'agit pas d'une situation semblable à celle dont était saisi le juge Muldoon dans l'affaire Ladio c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. n ° 991 (1re inst.) (QL), où il avait affirmé que « le consentement des parties » , sans que des raisons en soient données, ne suffisait pas pour que la Cour fasse droit à une demande de contrôle judiciaire. Ici, le ministère a donné des raisons à l'appui de la concession qu'il a faite. Cependant, je ne puis arriver à la conclusion inverse, c'est-à-dire affirmer que, simplement parce que des raisons ont été données à l'appui de la concession ainsi faite, la présidente aurait dû abandonner la partie.

[19]            Pour ces motifs, je suis d'avis que la présidente n'a pas commis d'erreur lorsqu'elle a continué son examen en dépit de la concession faite par le ministère.


Point n ° 2 : La présidente a-t-elle appliqué le mauvais critère, et placé le fardeau au mauvais endroit, lorsqu'elle s'est demandé si la procédure de sélection s'accordait avec le principe du mérite?

[20]            Selon les demandeurs, la présidente a commis une erreur parce qu'elle a appliqué le mauvais critère pour dire si le principe du mérite avait été observé et parce qu'elle a exigé la preuve certaine qu'un candidat reçu avait, avant les examens, été mis au courant de leur contenu irrégulièrement révélé. Si la présidente avait appliqué le bon critère, exposé dans l'arrêt Charest c. Canada (P.G.), [1973] C.F. 1217 (C.A.), elle aurait été amenée à conclure qu'il y avait réellement lieu de se demander si l'un ou plusieurs des candidats reçus avaient eu accès à l'information irrégulièrement divulguée.

[21]            Selon les demandeurs, la présidente a également commis une erreur en obligeant les demandeurs à prouver que la révélation du contenu de l'examen avait influé sur l'issue des concours (Field c. Canada (P.G.), [1995] A.C.F. n ° 458 (1re inst.) (QL)).

[22]            Pour les raisons qui suivent, je suis d'avis que la présidente a appliqué ici le bon critère et placé le fardeau de la preuve au bon endroit.

[23]            La présidente est arrivée à la conclusion que le principe du mérite avait ici été respecté, pour les raisons suivantes :


La preuve m'a convaincue que ce processus de sélection comporte une irrégularité. Cependant, je crois que cette irrégularité n'a eu aucune incidence sur le résultat du concours. Linda Fletcher a déclaré qu'environ cinq candidats lui avaient posé des questions avant les examens et qu'elle leur avait fourni de l'information concernant certaines questions qui se trouvaient dans les examens sur les connaissances générales et la gestion de projet. Toutefois, elle a également déclaré qu'aucun de ces candidats n'avait réussi l'évaluation sur les connaissances et qu'aucun d'entre eux ne figurait sur la liste d'admissibilité. Les appelants n'ont fourni aucune preuve contraire.

Selon l'affaire Caldwell, la perception d'un acte répréhensible n'est pas suffisante pour accueillir un appel. Donc, comme je suis convaincue que le fait d'avoir fourni de l'information n'a pas empêché la sélection fondée sur le mérite, la demande du ministère de concéder le bien-fondé de ces appels est rejetée.

[24]            La fonction du comité d'appel dans un appel selon l'article 21 consiste à dire si le principe du mérite a été observé dans la procédure de sélection (Caldwell, précité; Charest, précité). Si le comité d'appel juge qu'un concours s'est déroulé dans des circonstances où il y a lieu de se demander si la sélection a été faite selon le principe du mérite, alors le comité d'appel doit intervenir (Charest, précité; Cyr c. Canada (P.G.), [2000] A.C.F. n ° 1916 (1re inst.) (QL)). Cependant, si le comité d'appel est « convaincu que le résultat du concours n'a pas été influencé par une irrégularité, il ne peut ensuite invoquer cette irrégularité pour accorder l'appel » (Caldwell, précité, au paragraphe 4). À mon avis, le passage susmentionné montre que la présidente était consciente de cette fonction et qu'elle a appliqué le bon critère dans son analyse de la preuve. Le dossier contient d'ailleurs d'autres passages où la présidente a montré qu'elle connaissait ses responsabilités.


[25]            Ma lecture de la transcription et de la décision tout entière de la présidente ne me conduit pas à conclure que la présidente a obligé les demandeurs à prouver d'une manière concluante qu'un candidat reçu avait, avant l'examen en question, obtenu les renseignements irrégulièrement révélés. La transcription et la décision montrent plutôt que la présidente avait invité les demandeurs à prouver que le principe du mérite n'avait pas été respecté, ce qui s'accorde avec l'obligation énoncée par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Leckie c. La Reine, [1993] 2 C.F. 473, à la page 481 (C.A.) :

Afin de parvenir, en vertu de l'article 21, à établir qu'il y avait violation du principe du mérite, les requérants devaient convaincre le comité d'appel que le mode de sélection choisi était « tel qu'on puisse douter qu'il permette de juger du mérite des candidats » , c'est-à-dire qu'il permette de juger si l'on avait trouvé « les personnes les mieux qualifiées » . La fonction principale d'un comité d'appel étant de s'assurer que les personnes les mieux qualifiées ont été nommées, il va sans dire que l'appelant, avant même de tenter de contester le mode de sélection choisi, devrait au moins alléguer (et finalement prouver) qu'il existe la possibilité réelle ou la vraisemblance que les personnes les mieux qualifiées n'ont pas été nommées. (Omission des notes).

[26]            En l'espèce, l'obligation imposée aux demandeurs comprendrait la production d'éléments de preuve attestant que les candidats reçus avaient figuré sur la liste d'admissibilité non en raison de leur mérite, mais parce qu'ils avaient eu accès, avant l'examen, aux renseignements irrégulièrement divulgués.

[27]            Par conséquent, à mon avis, la présidente n'a pas commis d'erreur parce qu'elle aurait appliqué le mauvais critère ou qu'elle aurait placé le fardeau de la preuve sur les demandeurs.

Point n ° 3 : La présidente a-t-elle rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée d'une manière abusive ou arbitraire et sans égard aux éléments dont elle disposait, lorsqu'elle a dit que la divulgation des sujets d'examen à certains candidats, avant l'examen lui-même, n'avait eu aucune incidence sur l'issue du concours?

[28]            Selon les demandeurs, la présidente a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait qu'elle a tirée d'une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments qu'elle avait devant elle, lorsqu'elle a conclu, sans preuve à l'appui, que la révélation du contenu de l'examen n'avait eu aucune incidence sur l'issue du concours.

[29]            Les demandeurs affirment aussi que la présidente a mal appliqué l'arrêt Caldwell, précité. Dans cette affaire, le comité d'appel et la Cour d'appel fédérale avaient été convaincus, au vu de la preuve, qu'aucun des candidats reçus n'avait eu accès aux documents de référence qui avaient été irrégulièrement mis à la disposition de certains des candidats non reçus. En l'espèce, les candidats reçus qui ont participé à l'audience du comité d'appel ont refusé de dire si, avant l'examen, ils avaient eu accès aux renseignements irrégulièrement révélés. Les demandeurs affirment que la seule conclusion logique à tirer du silence de ces candidats est que l'un ou plusieurs des candidats reçus ont de fait eu accès auxdits renseignements avant l'examen.

[30]            La question de savoir si l'irrégularité de la procédure de sélection a été sans conséquence est une pure question de fait (Lai c. Canada (P.G.), 2001 CFPI 740, [2001] A.C.F. n ° 1088 (QL)). La Cour s'abstiendra de modifier les conclusions de fait de la présidente à moins que ces conclusions n'aient été tirées d'une manière abusive ou arbitraire ou sans égard aux éléments dont elle disposait (Lai, précité; Maassen c. Canada (P.G.), 2001 CFPI 633, [2001] A.C.F. n ° 961 (QL); Hains c. Canada (P.G.), 2001 CFPI 861, [2001] A.C.F. n ° 1238 (QL)).

[31]            À mon avis, la conclusion de la présidente selon laquelle la communication des renseignements avant l'examen écrit n'avait pas eu d'incidence sur le résultat du concours n'était pas abusive ou arbitraire, et c'est une conclusion qu'elle pouvait validement tirer, eu égard à la preuve dont elle disposait.

[32]            Le ministère a indiqué à l'audience qu'il « n'était pas en position de préciser l'étendue de la fuite » , mais c'est à la présidente, et non au ministère, qu'il appartenait de dire si la fuite de renseignements avait menacé le principe du mérite.

[33]            À mon avis, il est significatif que le document en sept points n'ait pas été préparé ou distribué par le ministère. Ce document a plutôt été rédigé par M. Allison sur la foi de renseignements que lui avait donnés Mme Laplante, l'une des demanderesses dans cette demande de contrôle judiciaire. Il est révélateur aussi, à mon avis, que le document en sept points porte la même date que le jour où l'examen a eu lieu. Selon l'affidavit de Paul Tittley, M. Allison avait déclaré à l'audience que, bien qu'il indique toujours, comme date de ses documents, le jour où il les a rédigés, le document en sept points avait été rédigé par lui trois jours avant l'examen. On ne sait donc pas quand ce document a effectivement été rédigé, ni quand les renseignements y figurant ont effectivement été communiqués par Mme Fletcher.


[34]            Aucun des cinq candidats qui s'étaient adressés à Mme Fletcher et qui avaient obtenu d'elle les suggestions d'étude n'a réussi à l'examen. De plus, comme dans l'arrêt Caldwell, précité, la preuve a montré qu'aucun des candidats retenus n'avait eu accès au document en sept points. Je ne partage pas l'avis des demandeurs selon lequel, eu égard au silence des défendeurs, il faudrait conclure que, avant l'examen, ces défendeurs avaient eu connaissance des renseignements irrégulièrement révélés. Mme Fletcher, la source initiale des renseignements, avait témoigné à l'audience qu'elle avait communiqué ces renseignements à plusieurs personnes et qu'elle se souvenait précisément de cinq personnes qui l'avaient approchée pour obtenir des conseils. Selon les demandeurs, le comité d'appel n'avait aucun renseignement sur la mesure dans laquelle ces cinq candidats avaient pu partager les renseignements avec d'autres. Cependant, l'inexistence de cette preuve s'expliquait en partie par le refus de Mme Laplante de désigner le candidat qui avait communiqué avec elle pour partager les renseignements donnés par Mme Fletcher. Il n'existait aucune preuve absolue attestant que les renseignements avaient été communiqués à d'autres personnes, outre les cinq candidats qui s'étaient adressés à Mme Fletcher.

[35]            Par ailleurs, Mme Fletcher a témoigné qu'elle n'avait communiqué que des renseignements généraux aux candidats qui s'étaient adressés à elle, et qu'elle n'avait discuté en détail de ses indications générales avec aucun des candidats. Répondant aux questions de Bruce Weir, l'un des candidats reçus, Mme Fletcher avait reconnu que les domaines d'étude qu'elle avait indiqués étaient « tous des domaines qui relèvent tout à fait des connaissances de quiconque travaille à Travaux publics dans la gestion de projets, ou de quiconque travaille dans l'administration fédérale » .

[36]            À mon avis, eu égard à ce qui suit :

•           l'incertitude entourant la date de préparation du document en sept points;

•           le fait que le document en sept points n'avait pas été établi par le ministère;

•           l'absence d'une preuve attestant que les suggestions d'étude avaient été communiquées aux candidats reçus;

•           la preuve que les candidats qui avaient reçu les renseignements de Mme Fletcher ne figuraient pas sur la liste d'admissibilité; et

•           la nature très générale des renseignements donnés par Mme Fletcher,

il n'était pas manifestement déraisonnable pour la présidente de dire que le résultat du concours n'avait pas été influencé par la communication irrégulière des renseignements, et par conséquent de dire que le principe du mérite avait été observé dans la procédure de sélection.

Conclusion

[37]            Pour les motifs susmentionnés, je suis d'avis que cette demande n'est pas recevable.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

Cette demande de contrôle judiciaire est rejetée.

             « Judith A. Snider »             

Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

Date : 20030526

Dossier : T-2071-01

ENTRE :

Nada Laplante, Wajid Hussain et

Catherine Dubreuil-Mellon

                                                                                  demandeurs

- et -

Le Procureur général du Canada, Bruce Weir,

Veronica Parker-wright, Rose Spirito, Fred Pregl,

Brenda Singreil, Patrick Warner, Steve Robertson,

Geoffrey Larose, Nathalie Belleu, Janice Macdonald,

Kevin Yamamoto, Robert Begin, Patricia Seabrook,

Audrey Mantha, Gerard Levesque, John Robertson,

Darlene Richardson, Lesley Martin, Sheila Fullbrook et Geoffry Chapman

                                                                                    défendeurs

                                                                                                                                   

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                                   


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                           T-2071-01

INTITULÉ :                                        NADA LAPLANTE ET AUTRES c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 12 MAI 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : MADAME LE JUGE SNIDER

DATE DES MOTIFS :                      LE 26 MAI 2003

COMPARUTIONS :

DOUGALD BROWN                                                                  POUR LES DEMANDEURS

JOHN WESTDAL                                                                         POUR LA DÉFENDERESSE, ROSE SPIRITO

PATRICK WARNER                                                                  POUR LUI-MÊME

BRUCE WEIR                                                                               POUR LUI-MÊME

SANDY GRAHAM                                                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

NELLIGAN O'BRIEN PAYNE LLP POUR LES DEMANDEURS

OTTAWA (ONTARIO)

SEVIGNY, CABINET JURIDIQUE POUR LA DÉFENDERESSE,

OTTAWA (ONTARIO)                                                               ROSE SPIRITO

MORRIS ROSENBERG                                                              POUR LE DÉFENDEUR,

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL

MINISTÈRE DE LA JUSTICE                                                    DU CANADA

OTTAWA (ONTARIO)


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