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     IMM-3632-96

Ottawa (Ontario), le vendredi 29 août 1997

En présence de Monsieur le juge Gibson

Entre :

     SHALAH NAMDAR GANJI,

     SARA MAHDAVI NARGESI,

     SOHEL MAHDAVI NARGESI,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de la Section du statut de réfugié en cause est infirmée et les revendications du statut de réfugié au sens de la Convention des requérants sont déférées à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour une nouvelle audition et une nouvelle décision par un tribunal différemment constitué.

     FREDERICK E. GIBSON

                                     juge
Traduction certifiée conforme                 
                                 François Blais, LL. L.

     IMM-3632-96

Entre :

     SHALAH NAMDAR GANJI,

     SARA MAHDAVI NARGESI,

     SOHEL MAHDAVI NARGESI,

     requérants,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

     Les présents motifs se rapportent à une demande de contrôle judiciaire d'une décision par laquelle, le 20 septembre 1996, la Section du statut de réfugié (la "SSR") de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a déterminé que les requérants n'étaient pas des réfugiés au sens de la Convention au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration .1

     Les requérants sont une mère (la "requérante principale") et ses deux enfants mineurs, Sara ("Sara") et Sohel ("Sohel"). Tous trois sont des citoyens de l'Iran. Pendant toutes les périodes pertinentes relativement à l'affaire, Sara était âgée de quinze ans et Sohel avait douze ans. Au début de la première audition devant la SSR dans la présente affaire, la requérante principale a été reconnue comme étant la représentante désignée de ses enfants.

     Les requérants prétendent craindre avec raison d'être persécutés s'ils doivent retourner en Iran du fait de leurs opinions politiques et de leur appartenance à un groupe social. Sara et Sohel n'ont pas présenté de revendications distinctes. Comme l'a écrit la SSR, leurs revendications [TRADUCTION] "reposent sur celle de leur mère [...]".

     Le père de la requérante principale était un officier dans l'armée de l'air iranienne. En 1980, il a collaboré à un coup d'état raté contre le gouvernement de la République islamique. Il a été emprisonné, torturé, puis finalement libéré. En 1984, il a été arrêté de nouveau et sa famille ne l'a plus jamais revu depuis. La requérante principale et son époux étaient partisans de la monarchie. Ils prenaient part à des activités à l'appui de leurs opinions politiques. Ils ont été victimes de harcèlement et, de l'opinion de la requérante principale, ils ont été victimes de persécution. Les requérants ont donc fui l'Iran pour se rendre en Turquie à la fin du mois d'avril 1995 et, de là, ils sont venus au Canada en traversant d'autres pays.

     L'audition de la présente affaire devant la SSR s'est déroulée sur deux jours, à quelque deux mois d'intervalle. À l'ouverture de la première audition, après que la requérante principale eut été reconnue comme étant la représentante désignée de ses enfants, une preuve documentaire, dont des notes prises au point d'entrée, a été pour la première fois communiquée à l'avocat des requérants. Le président de l'audience s'est adressé à l'avocat dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]
     Maître, si je comprends bien, votre cliente vous a informé qu'elle souhaitait poursuivre. Est-ce bien cela?         

L'avocat a répondu ceci :

     [TRADUCTION]         
     C'est exact. J'ai reçu le document ce matin. Il est volumineux. Il contient beaucoup de déclarations faites par ma cliente au point d'entrée. Ma première réaction a été de demander un ajournement pour que je puisse discuter du document en question avec ma cliente. [...] [M]a cliente croit fermement -- croit fermement qu'elle devrait poursuivre aujourd'hui. Elle m'a demandé d'agir en ce sens, alors nous devons poursuivre aujourd'hui en dépit de mes inquiétudes.         
     Une fois la documentation identifiée, le président de l'audience a dit ceci :
     [TRADUCTION]         
     Avant l'audition, soit le 1er décembre 1995, nous avons tenu une conférence de règlement de cas. Nous avons convenu que les questions suivantes seraient les principales questions en litige dans la présente affaire. Nous devons d'abord déterminer si le témoignage de la demanderesse est crédible et digne de foi. Comme dans toutes les revendications, la crédibilité est au coeur des revendications en l'espèce. Nous examinerons les documents qui ont été utilisés pour voyager. Nous devons également nous pencher sur la destruction du document par la demanderesse, qui affirme l'avoir détruit lorsqu'elle se trouvait à bord de l'avion. Nous devons aussi déterminer la raison pour laquelle la demanderesse n'a pas présenté de revendications en Turquie ou en France, où elle s'est arrêtée en cours de route. Nous n'avons pas déterminé que les États-Unis étaient l'un des pays mais, comme il y a été statué que sa soeur était une réfugiée au sens de la Convention, j'aimerais seulement savoir si la demanderesse a songé à aller aux États-Unis ou à y présenter une revendication. Je vais juste m'exprimer de façon non officielle.         

     Dans un affidavit déposé à la Cour, la requérante principale a confirmé que, lorsque le président de l'audience s'est exprimé "non officiellement", non seulement le magnétophone était fermé, mais elle-même était incapable de comprendre ce dont on discutait parce que l'interprète avait cessé d'interpréter alors qu'elle comptait sur lui. Aussi, lorsque la SSR a recommencé à s'exprimer de façon officielle et qu'elle a signifié son intention d'interroger Sara et de l'interroger en premier, la requérante principale est-elle apparemment restée interdite. Il n'y a rien dans la transcription qui indiquerait qu'un ajournement a été déclaré ou même demandé par l'avocat pour permettre à ce dernier et à la requérante principale de discuter.

     Dans l'affidavit déposé à la Cour et mentionné précédemment, la requérante principale affirme ceci :

     [TRADUCTION]         
     J'avais d'énormes appréhensions au sujet du témoignage de Sara. Je ne me suis pas rendue compte qu'on en discutait puisque l'interprète avait cessé d'interpréter dès que le magnétophone avait été fermé. Personne n'a discuté de la question avec moi ni ne m'a demandé la permission ou mon avis. Je ne voulais pas que Sara témoigne sans d'abord avoir été préparée d'une façon ou d'une autre. Il se trouve qu'elle a fait des erreurs [...]. Elle a témoigné qu'elle n'était pas certaine d'une bonne partie de ce qu'elle déclarait dans son témoignage. Elle n'avait pas songé à notre vie en Iran depuis plus d'un an, elle avait 15 ans au moment de l'audition, elle n'avait jamais auparavant participé à quelque forme de procédure judiciaire que ce soit, et elle n'était pas bien disposée. Je me serais opposée à ce qu'elle témoigne de la façon déterminée par la Section du statut de réfugié. J'ai tenté de m'objecter, à deux reprises, après qu'elle eut commencé à témoigner, et le président de l'audience m'a dit de me taire.         

     La transcription reproduit les tentatives d'objections de la requérante principale et ce qui semblerait être des rejets plutôt brusques de ses tentatives par le président de l'audience.

     De façon plutôt remarquable, en dépit d'une preuve dans la transcription que la requérante principale était de toute évidence préoccupée de la façon dont les choses se déroulaient, l'avocat ne s'est pas objecté. Ni n'a-t-il tenté d'obtenir un bref ajournement pour revoir la situation avec sa cliente.

     Sara était apparemment elle aussi bouleversée. Dans son propre affidavit déposé à la Cour, elle a affirmé ceci :

     [TRADUCTION]         
     Personne ne m'a préparée avant l'audition. Je n'avais jamais été interrogée par [l'avocat] ou quelqu'un d'autre sur l'affaire. Je n'avais jamais été présente aux réunions au cours desquelles le dossier était discuté par notre avocat et ma mère. Je n'était pas censée témoigner. J'étais très nerveuse, presque au point d'être malade. Je n'avais jamais témoigné sur quoi que ce soit auparavant. Je n'étais jamais allée en cour. En outre, bien que je parle fort bien l'anglais, il s'agit de ma langue seconde. Ma mère a tenté de mettre fin à mon interrogatoire par les commissaires pour cette séance, mais ils ont refusé. J'estime que mon témoignage était inexact à certains égards et vague à d'autres parce que je n'étais pas préparée à témoigner.         

     Encore une fois, remarquablement à mon avis, à la suite du processus décrit précédemment, la SSR a écrit ceci dans ses motifs de décision :

     [TRADUCTION]         
         L'évaluation de la crédibilité et de la valeur probante de la preuve doit être faite en regard de l'ensemble de la preuve, y compris ce qu'on appelle généralement les conditions dans le pays d'origine, ainsi que la situation de personnes qui vivent dans des circonstances semblables dans ce pays.         
         Il faut également tenir compte de la nature du processus d'audience en matière de revendication du statut de réfugié lui-même, dont, par exemple, le fait que le témoignage est donné par l'intermédiaire d'un interprète et qu'il existe par conséquent un risque énorme de malentendu, le fait qu'un demandeur peut être nerveux, qu'il peut témoigner sur des événements traumatisants et qu'il peut exister des différences culturelles.         
         Le plus important, c'est que le témoignage donné sous serment est réputé être vrai, à moins qu'il existe une raison valable de mettre en doute sa véracité.         

     La SSR a ensuite continué dans les termes suivants :

     [TRADUCTION]         
         Le tribunal a une raison valable de douter du caractère véridique des allégations faites à l'appui des revendications et de rejeter celles-ci en raison des incohérences, des contradictions et des invraisemblances qui ont été constatées à l'audition.         
         Les allégations en question ne satisfont pas à notre avis au critère véritable de la vérité, en vertu duquel le récit d'un témoin doit être compatible avec la prépondérance des probabilités qu'une personne pratique et éclairée reconnaîtrait facilement comme étant raisonnable dans ces conditions.         

     La SSR a conclu que le témoignage de la requérante principale était [TRADUCTION] "[...] extrêmement évasif et qu'il n'était pas franc sur des points essentiels à la revendication [...]". Elle a conclu que son témoignage était [TRADUCTION] "[...] intrinsèquement incohérent et incompatible avec les notes prises au point d'entrée". Elle a constaté l'existence de [TRADUCTION] "nombreuses contradictions" entre le témoignage de la requérante principale et celui de Sara. La SSR a conclu que le témoignage de Sara était, contrairement à celui de la requérante principale, [TRADUCTION] "clair, franc et crédible". Aussi a-t-elle préféré le témoignage de Sara à celui de la requérante principale.

     Sur le seul fondement de la crédibilité, la SSR a conclu que la requérante principale ne craignait pas avec raison d'être persécutée si elle devait retourner en Iran. Puisque les revendications de Sara et de Sohel dépendaient de celle de leur mère, elles ont elles aussi été rejetées.

     Bien que, dans son mémoire, l'avocat des requérants ait formulé six questions en litige relativement à la décision de la SSR, dans sa plaidoirie devant moi, il s'est concentré principalement sur trois d'entre elles. D'une part, la SSR a-t-elle commis une erreur de droit, outrepassé sa compétence et violé les principes de justice naturelle en ne consultant pas la représentante désignée de Sara avant d'ordonner que l'adolescente de quinze ans témoigne en premier, sans préparation, alors que les requérants n'avaient pas l'intention de la faire témoigner? D'autre part, en rejetant du revers de la main les tentatives de la requérante principale de faire valoir des objections ou des inquiétudes au cours du témoignage de Sara, le président de l'audience a-t-il créé un motif de crainte raisonnable de partialité de la part de la SSR dans cette affaire? Enfin, la SSR a-t-elle commis une erreur de droit ou tiré des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve ou de façon arbitraire ou vexatoire en déterminant qu'il n'y avait aucune preuve crédible et digne de foi que les requérants craignaient avec raison d'être persécutés s'ils étaient obligés de retourner en Iran? Je me pencherai brièvement, plus loin dans les présents motifs, sur une quatrième question que j'estime ne pas être centrale.

     En ce qui concerne la première question en litige, je me sens forcé de signaler que, compte tenu de la transcription de l'audition tenue devant la SSR et des autres documents dont je dispose, je dois conclure que l'avocat des requérants, qui n'est pas celui qui a comparu devant moi, n'a pas bien représenté les intérêts de ses clients. Il ne s'est pas officiellement objecté à la procédure qui se déroulait et qui, de toute évidence, avait laissé la requérante principale et vraisemblablement Sara en grand désarroi. Il n'a pas demandé d'ajournement pour discuter avec ses clients. Il savait évidemment que la requérante principale souhaitait poursuivre ce jour-là. Toutefois, la requérante principale avait exprimé cette préférence avant d'apprendre que la SSR allait interroger Sara en premier et sans que celle-ci ait la possibilité de se préparer. L'avocat n'a cherché aucune occasion de conférer avec sa cliente pour savoir si les événements qui s'étaient produits avaient pu lui faire changer d'idée sur sa décision de poursuivre ce jour-là. Il n'a pas non plus cherché d'occasion de préparer Sara d'une façon ou d'une autre. Essentiellement, il paraît avoir permis à la SSR de prendre en main la direction du dossier de ses clients, un rôle qui était manifestement le sien.

     Dans l'affaire Kamtapersaud c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,2 Monsieur le juge Rouleau paraît avoir défini le rôle d'un représentant désigné comme étant celui de protéger les intérêts de la personne qu'il représente, en l'occurrence, de Sara et de Sohel. Les directives que le président de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a publiées en matière de revendications du statut de réfugié par des mineurs après la tenue de l'audition dans la présente affaire mais avant la date de la décision, vont plus loin d'une manière qui me paraît être très sensée. La requérante principale a tenté d'assumer ses responsabilités. L'avocat ne lui a offert aucun soutien.

     Dans l'arrêt Sivaguru c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),3 Monsieur le juge Stone s'est exprimé dans les termes suivants :

     En toute déférence, selon mon interprétation de la Loi, un membre de la Commission ne peut pas se mettre en quête d'éléments de preuve comme il a été le cas en l'espèce. Assurément, ce moyen de procéder allait nécessairement corrompre la fonction de la Commission, chargée d'agir à titre de tribunal impartial et ce, même si [le membre de la Commission en question] semblait mû par une préoccupation légitime [...].         

     Dans l'affaire Kante c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),4 Monsieur le juge Nadon a écrit ceci :

         Il est clair en droit que le fardeau de la preuve incombe au requérant, c'est-à-dire qu'il doit convaincre la section du statut de réfugié que sa revendication satisfait, à la fois, aux critères subjectifs et objectifs nécessaires à la justification d'une crainte de persécution. Le requérant doit donc se présenter à une audience muni de tous les éléments de preuve qu'il est en mesure d'offrir et qu'il juge nécessaires aux fins d'établir sa revendication.         
         Il s'ensuit que la section du statut de réfugié ne devrait pas intervenir lorsque le requérant tente d'établir le bien-fondé de ses arguments, sauf lorsqu'il est nécessaire de préciser certains faits essentiels pour bien les comprendre.         

     Je suis convaincu que, dans la présente affaire, la SSR a manqué aux principes qui sont énoncés dans les deux citations qui précèdent. En l'espèce, la SSR a pris en main la direction du dossier des requérants, elle a ordonné à Sara, qui n'était pas préparée, de témoigner, et elle a elle-même mené l'interrogatoire. Tout cela a été fait au désarroi évident de la requérante principale et sans lui donner la possibilité de témoigner en premier.

     Cela étant dit, étant donné la présence de l'avocat, et ce dernier ne s'étant pas objecté officiellement, les requérants ont-ils droit à une mesure de redressement? Dans l'arrêt Cetoute c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),5 Monsieur le juge Hugessen, dans des motifs oraux, a déclaré ceci :

     Qu'elle soit bien fondée ou non, la décision de la Division de première instance dans l'affaire Harvinder Singh Sethi c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration [...] ne peut avoir aucune incidence sur l'issue de la présente cause, car le présent dossier ne démontre pas que l'on ait contesté en temps opportun la compétence de la Commission.         
                                     [citation omise]

     L'avocat de l'intimé s'est fondé sur la décision qui précède pour prétendre que, si aucune objection n'est soulevée contre le comportement de la SSR en la présence de l'avocat dans une situation comme celle dont je suis saisi, il n'existe aucun recours. Compte tenu des faits exposés, qui sont je l'espère plutôt uniques et qui, à mon avis, n'auraient pu être ce à quoi songeait le juge Hugessen lorsqu'il a prononcé les paroles citées précédemment, je conclus qu'il y a lieu d'accorder une réparation. La requérante principale, en qualité de représentante nouvellement désignée de ses enfants, avait le devoir d'agir dans leur intérêt. Elle avait droit au soutien de son avocat mais, en l'absence de ce soutien, elle a cherché à agir directement. Elle a essuyé des rebuffades. Il devait être évident pour les membres de la SSR que la manière de procéder qu'ils avaient adoptée avait complètement dépouillé les requérants de la direction de leur dossier, sans aucun préavis et sans aucun soutien de leur avocat. Je conclus que la SSR avait, dans les circonstances, l'obligation, conformément à son devoir d'agir équitablement, de faire en sorte que les requérants aient la possibilité de rencontrer leur avocat et de reprendre la direction de leur dossier. En l'absence d'une preuve que la SSR a tenté d'offrir cette possibilité, je conclus qu'elle a manqué à son devoir, envers les requérants, de tenir une audition équitable, et qu'elle a par conséquent commis une erreur susceptible de contrôle.

     Compte tenu de la conclusion à laquelle je suis parvenu, il est inutile de traiter des autres arguments soulevés pour le compte des requérants. Je traiterai d'un argument très brièvement. Je ne vois aucune raison, compte tenu du dossier dont je dispose, de conclure que le comportement de la SSR dans la présente affaire a créé une crainte raisonnable de partialité.

     Précédemment dans les présents motifs, j'ai souligné que l'avocat des requérants avait abordé un quatrième argument sur lequel je ferais aussi de brèves remarques. Il a fait valoir que le témoignage de Sara révélait l'existence d'une base de revendication possible du statut de réfugié au sens de la Convention en sa qualité personnelle, et peut-être également pour ce qui est de Sohel, laquelle revendication serait fondée sur une obstruction de son droit ou de leur droit à une éducation de base. Étant donné cette preuve, l'avocat a-t-il fait valoir, il incombait à la SSR d'examiner la question de savoir si, en fait, il existait des revendications distinctes et, dans l'affirmative, d'arriver à une conclusion relativement à ces revendications, nonobstant le fait qu'elles n'avaient pas été présentées directement. Il a fait valoir que son argument découlait par analogie de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Ward c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)6, où, à la page 126, la Cour a examiné un motif énoncé dans la définition de réfugié au sens de la Convention qui n'avait pas été soulevé comme motif de crainte de persécution devant la SSR ni devant la Cour d'appel fédérale. À mon avis, l'analogie ne tient pas. C'est une chose d'épiloguer sur les motifs invoqués à l'appui d'une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention. C'en est une autre d'imposer à la SSR le fardeau de reconnaître et d'examiner des revendications qui n'ont pas été présentées dans les cas où la preuve qui lui est soumise pourrait appuyer de telles revendications.

     Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision de la SSR sera infirmée et l'affaire sera déférée pour une nouvelle audition et une nouvelle décision par un tribunal constitué différemment.

     L'avocat de la requérante a demandé que je certifie cinq questions graves de portée générale. L'avocat de l'intimé a soutenu que la présente affaire se limitait à ses seuls faits plutôt uniques et qu'aucune question ne devrait être certifiée. Compte tenu de la raison pour laquelle j'ai décidé d'accueillir la présente demande, je souscris aux prétentions de l'avocat de l'intimé. Aucune question ne sera certifiée.

     FREDERICK E. GIBSON

     juge

Ottawa (Ontario),

29 août 1997.

Traduction certifiée conforme                 
                                 François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-3632-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Shalah Namdar Ganji et al. c. MCI
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :          13 août 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              29 août 1997

ONT COMPARU :

M. Michael Crane              pour la requérante
M. Kevin Lunney              pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

M. Michael Crane              pour la requérante

Toronto (Ontario)

M. George Thomson          pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

__________________

     1      L.R.C. (1985), ch. I-2.

     2      Le 26 novembre 1993, numéro de dossier T-378-93 (non encore publié) (C.F. 1re inst.).

     3      (1992), 16 Imm.L.R. (2d) 85 (C.A.F.).

     4      Le 23 mars 1994, numéro de greffe IMM-2585-93 (non encore publié) (C.F. 1re inst.).

     5      (1988), 5 Imm. L.R. (2d) 62 (C.A.F.).

     6      (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 85.

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