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Date : 20030904

Dossier : T-463-02

Référence : 2003 CF 1021

Ottawa (Ontario), le 4 septembre 2003

En présence de Monsieur le juge Russell                              

ENTRE :

                                                    FIESTA BARBEQUES LIMITED

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                          GENERAL HOUSEWARES CORPORATION

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

Ordonnance recherchée

[1]                 Il s'agit d'un appel en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi), de la décision en date du 18 janvier 2002 (la décision) par laquelle le registraire des marques de commerce (le registraire) a, à la suite d'une procédure d'opposition, refusé la demande d'enregistrement de la marque de commerce canadienne no TMA 816106 GRILL & Dessin (la marque de commerce visée), produite par la demanderesse.

[2]                 La demande était fondée sur l'emploi projeté au Canada de la marque visée en liaison avec les « accessoires pour barbecue, nommément ustensiles de cuisine pour barbecue, tournebroches pour barbecue et pièces de rechange pour barbecue » .

[3]                 La demanderesse sollicite une ordonnance annulant la décision du registraire, confirmant l'enregistrabilité de la marque de commerce et adjugeant les dépens.

Les moyens invoqués

[4]                 Le registraire a décidé que l'expression GRILL GEAR donne une description claire sous forme sonore des marchandises dont traite la demande et donc contrevient à l'alinéa 12(1)b) de la Loi. Le fait que la marque visée comporte un dessin de flamme qui remplace le « A » ne change rien au fait que, lorsque le consommateur moyen entend prononcer la marque, il y a atteinte à l'alinéa 12(1)b) de la Loi. Qui plus est, le registraire a tranché que la preuve au dossier n'a pas établi que la marque de commerce est devenue distinctive au Canada.

[5]                 Dans le cadre du présent appel, la demanderesse a produit devant la Cour un élément de preuve dont ne disposait pas le registraire, à savoir un affidavit de M. Patrick Minshall, président de la demanderesse.

[6]                 La demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte dans le cas d'une erreur de droit, d'un ajout devant la Cour d'éléments de preuve qui auraient eu des conséquences sur les conclusions de fait du registraire ou encore dans le cas où le registraire a outrepassé son domaine d'expertise. Autrement, la norme applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter.

[7]                 La demanderesse prétend que la question à examiner sous le régime de l'article 12(1)b) est de savoir si d'autres personnes seraient privées de quelque chose qu'elles possèdent déjà, à savoir les mots décrivant certaines marchandises. (Voir : Gordon c. Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 5 C.P.R. (3d) 252 (C.F. 1re inst.), aux p. 255-256; Aluminum Goods Ltd. c. Registrar of Trade-Marks (1954), 19 C.P.R. 93, aux p. 101-103; Association of Professional Engineers of Ontario v. Registrar of Trade-Marks (1959), 31 C.P.R. 79, à la p. 88 (Cour de l'Échiquier). La demanderesse fait valoir que le nouvel élément de preuve produit devant la Cour démontre que l'expression grill gear n'était pas employée par d'autres personnes pour décrire les accessoires pour barbecue. La conclusion du registraire est également incompatible avec une autre de ses conclusions, à savoir que « [l]'opposante n'a présenté aucun élément de preuve démontrant que des tiers ont utilisé la marque de la requérante de façon telle qu'elle soit devenue reconnue au Canada comme désignant des ustensiles de cuisine pour barbecue, tournebroches pour barbecue et pièces de rechange pour barbecue » .

[8]                 La demanderesse allègue également que le registraire a commis une erreur de droit en se fondant sur les désistements de la demanderesse à la page 6 de sa décision. Le dépôt de ceux-ci ne devait pas porter préjudice à la demanderesse et a été fait conformément à l'article 35 de la Loi.

[9]                 Selon la demanderesse, le registraire s'est également trompé en concluant que la marque de commerce visée était descriptive. Il s'agit d'un dessin qui incorpore l'expression GRILL GEAR. Pour déterminer si la marque de commerce est descriptive, il aurait fallu la considérer dans son intégralité. Le législateur ne peut avoir eu l'intention d'interdire l'enregistrement d'un dessin fantaisiste comportant simplement un terme descriptif. La marque de commerce visée doit faire plus que suggérer un sens; elle doit être « clairement descriptive » . En outre, même si la marque visée révèle un certain sens par rapport aux marchandises, elle n'est pas forcément « descriptive » au sens de l'alinéa 12(1)b), car le sens doit être lié à une caractéristique intrinsèque des marchandises. (Voir Le registraire des marques de commerce c. Provenzano (1978), 40 C.P.R. (2d) 288 (C.A.F.)).

[10]            La demanderesse soutient également qu'entre « 90 et 100% » des pièces annexées à l'affidavit de Krit déposé pour le compte de la défenderesse étaient inadmissibles ou peu pertinentes pour évaluer si l'expression Grill Gear constituait un emploi descriptif en liaison avec les accessoires pour barbecue.


[11]            La demanderesse fait aussi valoir à titre subsidiaire que le registraire s'est trompé en statuant que la date pertinente au regard de l'alinéa 12(1)b) doit être la date de la décision plutôt que la date de production de la demande. Le registraire s'est fondé sur la décision Lubrication Engineers Inc. c. Conseil canadien des ingénieurs (1992), 41 C.P.R. (3d) 243. La demanderesse prétend que, dans cette décision, les remarques concernant la date pertinente étaient des remarques incidentes. De plus, dans la décision Conseil canadien des ingénieurs, précitée, la Cour se fonde sur l'arrêt Park Avenue Furniture Corp c. Wickes/Simmons Bedding Ltd (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), aux p. 422-424, lequel examine aussi de façon incidente la question de la date pertinente au sens de l'alinéa 12(1)b). Qui plus est, les remarques incidentes dans l'arrêt Park Avenue, précité, étaient en contradiction directe avec le libellé des dispositions 12(1)e), 9, 10, 13(1), 12(2), 12(1)a) ou b) et 16(3)b), lesquelles confirment que la date pertinente est la date du dépôt de la demande.

[12]            Également de façon subsidiaire, la demanderesse soutient que les remarques incidentes dans l'arrêt Park Avenue, précité, sont contraires à l'arrêt de la Cour suprême Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] 1 D.L.R. 297, confirmant [1931] 2 D.L.R. 625 , aux pages 301-302. La demanderesse admet que cet arrêt a été rendu sous le régime de l'ancienne loi, mais elle soutient qu'il n'y a pas de distinction importante entre l'ancienne et la nouvelle loi quant aux dates pertinentes pour apprécier l'enregistrabilité.

[13]            La demanderesse avance aussi qu'il est commercialement plus logique que la date pertinente au sens de l'alinéa 12(1)b) soit la date de production de la demande, ou la date de premier emploi, plutôt que la date de la décision.

[14]            La présente affaire se distingue de l'affaire précédente sur laquelle s'est fondée le registraire en ce qui concerne la marque de commerce GRILLGEAR, où aucune preuve n'avait été présentée par la demanderesse.

[15]            Enfin, l'arrêt Lightning Fastener Co. Ltd., précité, énonce clairement que pour refuser un enregistrement en raison d'un emploi descriptif, il doit être démontré qu'à la date de la demande le mot était un nom descriptif couramment utilisé. Une preuve sporadique ne suffit pas; la preuve doit établir [traduction] « l'acceptation générale et l'emploi courant du mot pour décrire la chose elle-même » . La demanderesse prétend que la preuve dans la présente affaire ne répond pas à ce critère.

[16]            La défenderesse n'a pas déposé d'avis de comparution, d'argumentation écrite relative à la présente demande et n'a pas comparu à l'audience du 4 juin 2003.

DISPOSITIONS PERTINENTES :

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13




2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi. « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

10. Si une marque, en raison d'une pratique commerciale ordinaire et authentique, devient reconnue au Canada comme désignant le genre, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, le lieu d'origine ou la date de production de marchandises ou services, nul ne peut l'adopter comme marque de commerce en liaison avec ces marchandises ou services ou autres de la même catégorie générale, ou l'employer d'une manière susceptible d'induire en erreur, et nul ne peut ainsi adopter ou employer une marque dont la ressemblance avec la marque en question est telle qu'on pourrait vraisemblablement les confondre.

12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants_:

[...]

b) qu'elle soit sous forme graphique, écrite ou sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse, en langue française ou anglaise, de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer, ou des conditions de leur production, ou des personnes qui les produisent, ou du lieu d'origine de ces marchandises ou services;

c) elle est constituée du nom, dans une langue, de l'une des marchandises ou de l'un des services à l'égard desquels elle est employée, ou à l'égard desquels on projette de l'employer;

[...]

e) elle est une marque dont l'article 9 ou 10 interdit l'adoption;

2) Une marque de commerce qui n'est pas enregistrable en raison de l'alinéa (1)a) ou b) peut être enregistrée si elle a été employée au Canada par le requérant ou son prédécesseur en titre de façon à être devenue distinctive à la date de la production d'une demande d'enregistrement la concernant.

35. Le registraire peut requérir celui qui demande l'enregistrement d'une marque de commerce de se désister du droit à l'usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n'est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l'objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l'enregistrement lors d'une demande subséquente si la matière faisant l'objet du désistement est alors devenue distinctive des marchandises ou services du requérant.

38. 2) Cette opposition peut être fondée sur l'un des motifs suivants_:

[...]

b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;

[...]

d) la marque de commerce n'est pas distinctive.

56. (5) Lors de l'appel, il peut être apporté une preuve en plus de celle qui a été fournie devant le registraire, et le tribunal peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi.

2. In this Act, "distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

10. Where any mark has by ordinary and bona fide commercial usage become recognized in Canada as designating the kind, quality, quantity, destination, value, place of origin or date of production of any wares or services, no person shall adopt it as a trade-mark in association with such wares or services or others of the same general class or use it in a way likely to mislead, nor shall any person so adopt or so use any mark so nearly resembling that mark as to be likely to be mistaken therefore.

12.    (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

[...]

(b) whether depicted, written or sounded, either clearly descriptive or deceptively misdescriptive in the English or French language of the character or quality of the wares or services in association with which it is used or proposed to be used or of the conditions of or the persons employed in their production or of their place of origin;

(c) the name in any language of any of the wares or services in connection with which it is used or proposed to be used;

[...]

(e) a mark of which the adoption is prohibited by section 9 or 10;

(2) A trade-mark that is not registrable by reason of paragraph (1)(a) or (b) is registrable if it has been so used in Canada by the applicant or his predecessor in title as to have become distinctive at the date of filing an application for its registration.

35. The Registrar may require an applicant for registration of a trade-mark to disclaim the right to the exclusive use apart from the trade-mark of such portion of the trade-mark as is not independently registrable, but the disclaimer does not prejudice or affect the applicant's rights then existing or thereafter arising in the disclaimed matter, nor does the disclaimer prejudice or affect the applicant's right to registration on a subsequent application if the disclaimed matter has then become distinctive of the applicant's wares or services.

38. (2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

[...]

(b) that the trade-mark is not registrable;

[...]

(d) that the trade-mark is not distinctive.

56.       (5) On an appeal under subsection (1), evidence in addition to that adduced before the Registrar may be adduced and the Federal Court may exercise any discretion vested in the Registrar.


NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE :

[17]      Une conclusion à l'égard de laquelle aucune preuve additionnelle n'a été présentée doit être considérée avec beaucoup de déférence (Garbo Group Inc. c. Harriet Brown & Co. (1999), 3 C.P.R. (4th) 224 (C.F. 1re inst.), à la p. 235. Ainsi, la norme de contrôle applicable lorsqu'il n'y a pas d'élément de preuve supplémentaire significatif est celle du « caractère raisonnable » . Dans un tel cas, la Cour ne doit intervenir que si la décision était « manifestement erronée » (Molson Breweries c. John Labatt Ltd., [2000] 3 C.F. 145 (C.A.F.), aux p. 168 et 181-182).

[18]      Dans le cas où des éléments de preuve additionnels sont présentés, le juge Evans, dans la décision Garbo, précitée, a statué que la norme applicable à l'égard des conclusions de


fait relatives à ces éléments est celle de la décision correcte :

23 Les dispositions du paragraphe 56(5) qui permettent aux parties de fournir des éléments de preuve additionnels lors de l'appel peuvent laisser croire que les conclusions de fait auxquelles cette preuve renvoie doivent être examinées suivant la norme de la décision correcte. Or, il ne s'ensuit pas nécessairement que la même norme doit s'appliquer aux conclusions tirées par le registraire à l'égard d'autres faits.

24 De fait, même lorsque d'autres éléments de preuve sont admis en appel, il peut néanmoins être approprié d'examiner si la décision du registraire était erronée à la lumière de cette preuve, plutôt que de se demander comment la cour d'appel aurait tranché la question si elle avait été saisie de novo de ce point. Évidemment, plus la preuve additionnelle est importante, plus grande est la latitude dont jouit la cour pour exercer son propre jugement en ce qui touche la conclusion en cause.

ANALYSE

A. Alinéa 12(1)b)

[19]       Le registraire a conclu que la marque de commerce de la demanderesse GRILL GEAR & Dessin contrevient à l'alinéa 12(1)b) de la Loi du fait que, lorsqu'elle est sous forme sonore, elle donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse en langue anglaise de la nature ou de la qualité des marchandises à l'égard desquels on projette de l'employer.

[20]       Pour arriver à sa conclusion, le registraire a adopté le raisonnement élaboré dans General Housewares Corp. c. Fiesta Barbeques Ltd., 13 C.P.R. (4th) 177, une affaire d'opposition apparentée à la demande d'enregistrement précédente de la marque de commerce GRILLGEAR par la demanderesse, où l'agent d'audience Bradbury a considéré que la marque de commerce GRILL GEAR contrevenait à l'alinéa 12(1)b) du fait que :


a)       l'opposante a fourni des éléments de preuve qui, bien qu'ils ne constituent pas une « preuve écrasante » , visaient à démontrer que « l'expression gill gear a déjà été utilisée par d'autres personnes pour décrire des ustensiles de cuisine au barbecue » ;

b)       le mot grill est généralement perçu comme synonyme de « barbecue » et le mot gear désigne habituellement des « pièces d'équipement » ;

c)       d'autres commerçants de l'industrie du barbecue pourraient vouloir utiliser les mots grill gear pour décrire leurs marchandises;

d)       la requérante n'a déposé aucun élément de preuve pour établir, comme lui incombait, que sa marque de commerce ne contrevient pas à l'alinéa 12(1)b).

[21]       En plus d'adopter les motifs de l'agent d'audition Bradbury, le registraire s'est également appuyé sur le fait que la demanderesse utilise dans son catalogue les mots grill et gear de façon descriptive. Le registraire a par la suite conclu que « le récent désistement du droit à l'usage exclusif des mots GRILL et GEAR en dehors de la marque de commerce, que la requérante a inclus dans sa demande d'enregistrement modifiée » était compatible avec la conclusion que les mots donnent une « description claire » .

[22]       Le registraire a aussi tenu compte du fait que la demanderesse souhaitait enregistrer un dessin- marque formé des mots GRILL GEAR, et non seulement les mots eux-mêmes. La demanderesse soutient qu'un dessin-marque ne peut être entièrement sonore, mais le registraire a conclu que « le consommateur moyen des marchandises de cette dernière (la requérante) ne prononcerait pas le nom de la marque en se reportant à tous les éléments formant celle-ci » . L'argument est le suivant : « dans le cas d'une marque nominale comportant des éléments graphiques, comme en l'espèce, ce serait selon moi les mots dominants de la marque qui seraient prononcés » .

[23]       Le registraire affirme que la date pertinente à considérer pour apprécier le motif d'opposition fondé sur l'alinéa 12(1)b) doit être la « date de la décision » . Il s'agit d'un point important en l'espèce puisqu'une grande partie de la preuve présentée par la défenderesse était relative à des cas d'emploi de l'expression grill gear survenus après la date de production et que le registraire reconnaît lui-même comme ne constituant pas, en tout état de cause, des éléments de preuve « écrasants » .

[24]       Comme le fait remarquer la demanderesse, le registraire a commis plusieurs erreurs dans sa décision. D'abord, le registraire n'aurait pas dû fonder sa décision relative à l'alinéa 12(1)b) sur le désistement de la demanderesse quant aux mots GRILL et GEAR. L'article 35 de la Loi dispose :



35. Le registraire peut requérir celui qui demande l'enregistrement d'une marque de commerce de se désister du droit à l'usage exclusif, en dehors de la marque de commerce, de telle partie de la marque qui n'est pas indépendamment enregistrable. Ce désistement ne porte pas préjudice ou atteinte aux droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l'objet du désistement, ni ne porte préjudice ou atteinte au droit que possède le requérant à l'enregistrement lors d'une demande subséquente si la matière faisant l'objet du désistement est alors devenue distinctive des marchandises ou services du requérant.

35. The Registrar may require an applicant for registration of a trade-mark to disclaim the right to the exclusive use apart from the trade-mark of such portion of the trade-mark as is not independently registrable, but the disclaimer does not prejudice or affect the applicant's rights then existing or thereafter arising in the disclaimed matter, nor does the disclaimer prejudice or affect the applicant's right to registration on a subsequent application if the disclaimed matter has then become distinctive of the applicant's wares or services.


[25]       Manifestement, cette disposition ne permet pas qu'un désistement « sans préjudice » porte atteinte aux « droits du requérant, existant alors ou prenant naissance par la suite, dans la matière qui fait l'objet du désistement... »

[26]       De plus, en décidant que la date pertinente à considérer au regard de l'alinéa 12(1)b) est la « date de la décision » (voir à cet effet l'arrêt Conseil canadien des ingénieurs (1996) c. Lubrication Engineers, Inc., 41 C.P.R. (3d) 243 (C.A.F.)), le registraire a ignoré l'arrêt Lightning Fastener Co. c. Canadian Goodrich Co., [1932] 1 D.L.R. 297, [1932] R.C.S. 189 (rendu sous le régime de l'ancienne loi) et appliqué dans la décision Association of Professional Engineers v. Registrar of Trade-Marks (1959), 31 C.P.R. 79 (Cour de l'Échiquier), aux p. 87-88 (rendue en vertu de la loi actuelle), selon lequel la date applicable est la date de production de la demande.


[27]       Si les facteurs précédents sont pris en considération, la décision du registraire en vertu de l'alinéa 12(1)b) n'est fondée sur rien de plus que quelques exemples isolés d'emploi de l'expression grill gear dans les publications pertinentes citées par la défenderesse dans sa procédure d'opposition, sur la propre conclusion du registraire que le mot grill est communément compris comme synonyme du mot « barbecue » et que gear signifie « équipement » , et enfin sur la conclusion quelque peu spéculative que d'autres commerçants souhaiteraient probablement employer l'expression grill gear pour décrire leurs marchandises.

[28]       À l'encontre de ces conclusions, il y a la preuve additionnelle présentée par la demanderesse en l'espèce sous forme d'un affidavit de M. Patrick Minshall, président de la demanderesse, lequel confirme qu'aucun compétiteur de la demanderesse n'a jamais employé la marque visée [traduction] « que ce soit comme marque de commerce pour les marchandises concernées ou comme expression pour simplement désigner ou décrire la nature ou la qualité inhérentes des marchandises au Canada avant la production des demandes ou à tout autre moment » , que [traduction] « cela vaut aussi pour l'extérieur du Canada » et que [traduction] « ni les termes grill gear ou grillgear n'ont été employés dans l'industrie pour désigner ou décrire des accessoires pour barbecue » .

[29]       Le paragraphe 56(5) de la Loi autorise clairement la présentation de nouveaux éléments de preuve dans le cas de la présente demande.


B. Le caractère distinctif

[30]       Le registraire a également convenu avec l'opposante que la marque de commerce visée n'était pas distinctive puisque « l'expression grill gear donne une description claire des marchandises de la requérante et est utilisée par des tiers ainsi que dans le commerce pour désigner des accessoires de barbecue » . Le registraire a suivi le raisonnement suivant :

Comme le motif fondé sur l'alinéa 12(1)b) a été accueilli et comme la marque de commerce de la requérante aurait également été jugée clairement descriptive sous sa forme sonore à la date de l'opposition, c'est-à-dire à la date pertinente pour l'examen du dernier motif invoqué, il s'ensuit que la requérante s'est acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait à cet égard. En outre, l'affidavit de M. Minshall n'établit pas clairement dans quelle mesure la marque de commerce de la requérante était devenue connue au Canada à la date de l'opposition. Il s'ensuit que la requérante n'a pas fait la preuve que la loi exigeait relativement à ce motif. Par conséquent, le motif est accueilli.

[31]       Le problème déjà constaté relativement au motif fondé sur l'alinéa 12(1)b) et les nouveaux éléments de preuve présentés par M. Minshall montrent clairement que la décision du registraire quant à l'absence de caractère distinctif était également erronée et rendue sans le bénéfice d'une preuve suffisante du caractère distinctif de la part de la demanderesse.


[32]       Je garde à l'esprit que la décision du registraire ne doit pas être annulée à la légère et qu'on doit lui accorder un poids considérable. Toutefois, compte tenu des erreurs relevées ci-dessus et de la preuve additionnelle présentée à l'appui de la présente demande, il est impossible de prédire quelle décision le registraire aurait rendue si ces questions avaient été correctement posées et si la nouvelle preuve avait été fournie. Puisque l'article 56 de la Loi permet à la Cour d' « exercer toute discrétion dont le registraire est investi » , il est loisible à la Cour de rendre sa propre décision.

[33]       Rien dans la preuve présentée ne renvoie à de l'équipement pour barbecue si ce n'est un emploi des plus sporadiques de l'expression grill gear. Il n'y a pas de preuve établissant que, en autorisant la marque de commerce, on empêcherait les commerçants de se prévaloir d'un droit quelconque de décrire leurs marchandises comme il le font ou souhaitent le faire. De plus, il n'est pas exact de dire que le dessin-marque, lorsqu'il est sous forme sonore, donne une description claire ou donne une description fausse et trompeuse de la nature ou de la qualité des marchandises ou services en liaison avec lesquels il est employé, ou à l'égard desquels on projette de l'employer. Tout au plus peut-on considérer la composante verbale de la marque de commerce comme un élément sonore de ce type.

[34]       Dans la présente affaire, la composante verbale de la marque de commerce visée et le dessin de la flamme doivent être considérés comme un tout, ce qui rend manifestement la marque de commerce suffisamment distinctive pour la différencier de la terminologie que pourrait désirer employer tout commerçant pour décrire des marchandises de même nature.


[35]       À mon avis, la marque de commerce visée se rapproche passablement du type de marques « KIDFITTER » examiné dans la décision GWG Ltd. c. Registraire des marques de commerce (1981), 55 C.P.R. 1 (2d) (C.F. 1re inst.), dans laquelle deux mots sont combinés pour former un mot inventé. En outre, en l'espèce, un dessin est ajouté. Comme l'a dit la Cour dans la décision GWG, précitée, on a ajouté l'adjectif « claire » à l'alinéa 12(1)b) de la Loi pour permettre l'enregistrement des marques suggestives. La question n'est pas de savoir si la marque de commerce est descriptive ou suggestive, mais bien si elle donne une « description claire » . À mon sens, tel n'est pas le cas.

[36]       Puisque la Cour rend la présente décision en se fondant substantiellement sur une preuve par affidavit dont ne disposait pas le registraire, je refuse de prononcer une ordonnance quant aux dépens.


                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1. que l'appel soit accueilli et l'ordonnance du registraire des marques de commerce en date du 18 janvier 2002 soit annulée;

2. que la demande de marque de commerce no 816,106 soit accueillie;

3. qu'aucune ordonnance ne soit rendue quant aux dépens.

                                                                                             James Russell                    

                         Juge                      

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté


             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

           Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                         T-463-02

INTITULÉ :                                                        FIESTA BARBEQUES LIMITED

demanderesse

- et -

GENERAL HOUSEWARES CORP.

défenderesse

LIEU D'AUDIENCE    :           Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 4 juin 2003   

MOTIFS DE L'ORDONANCE :      le juge Russell

DATE DES MOTIFS :           le 4 septembre 2003

COMPARUTIONS :

Tony Bortolin

POUR LA DEMANDERESSE

Personne

POUR LA DÉFENDERESSE

                                                                                                                   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MACBETH & JOHNSON              POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

133, rue Richmond Ouest,

Bureau 301,

Toronto (Ontario)

M5H 2L7


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

   Date : le 4 septembre 2003

      Dossier : T-463-02

ENTRE :

FIESTA BARBEQUES LIMITED

demanderesse

- et -

GENERAL HOUSEWARES CORP.

défenderesse

                                                             

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                             


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