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Date : 20030801

Dossier : T-2148-01

Référence : 2003 CF 945

OTTAWA (ONTARIO), LE 1er AOÛT 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

ENTRE :

                                                DR PUSHPALA NARSIMHALU et

Mme LALITHA NARSIMHALU

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                                                               AIR CANADA et

SINGAPORE AIRLINES LTD.

                                                                                                                                    défenderesses

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Les demandeurs présentent une requête en réexamen en vertu de l'article 397 des Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-196 (les Règles), relativement à l'ordonnance de la Cour, datée du 17 avril 2003, dans laquelle j'ai rejeté la déclaration dans le présent dossier pour cause de retard.


Le contexte

[2]                Les demandeurs ont déposé une déclaration le 6 décembre 2001. La défenderesse, Singapore Airlines Ltd., a déposé une défense le 9 janvier 2002. La défenderesse, Air Canada, a déposé une défense le 14 janvier 2002 et une défense amendée le 23 janvier 2002.

[3]                Un avis d'examen de l'état de l'instance a été délivré le 24 février 2003, exigeant des demandeurs qu'ils produisent des observations écrites quant à savoir pourquoi la présente action ne devrait pas être rejetée pour cause de retard, et cela au plus tard le 17 mars 2003.

[4]                Le 28 février 2003, l'avocat des demandeurs a envoyé une lettre à la Cour fédérale du Canada, signée par Badrul H. Chrishti censément pour le compte de Zia H. Chishti, visant à obtenir une prorogation jusqu'au 25 avril 2003 pour produire les observations écrites.

[5]                Le 17 mars 2003, les défenderesses ont déposé des observations écrites conjointes répondant à l'avis d'examen de l'état de l'instance.

[6]                Le 17 avril 2003, j'ai ordonné que l'action soit rejetée pour cause de retard (l'ordonnance contestée).

[7]                Le 25 avril 2003, les demandeurs ont déposé une requête en vertu du paragraphe 397(1) des Règles demandant le réexamen de l'ordonnance contestée. Le 9 mai 2003, les défenderesses ont déposé une réponse conjointe à la requête des demandeurs. Dans la requête, l'avocat des demandeurs soutient que je devrais réexaminer l'ordonnance contestée au motif qu'il en résultera un grand préjudice en raison d'une maladie grave et imprévue dont il a malheureusement souffert. Essentiellement, il soulève un argument fondé sur les intérêts de la justice, pour des raisons d'ordre humanitaire, lequel découle de la compétence inhérente de la Cour.

[8]                Dans l'intervalle, le 1er avril 2003, M. le juge Farley de la Cour supérieure de justice de l'Ontario a accordé à la défenderesse, Air Canada, une ordonnance initiale pour sa protection en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36 (la LACC), et il a nommé Ernst & Young Inc. à titre de contrôleur (le contrôleur). L'ordonnance initiale prévoyait une suspension provisoire des procédures engagées contre la défenderesse, Air Canada, ou contre ses biens, ses droits, ses actifs ou ses entreprises, actuels ou futurs, où qu'ils soient. Le 13 mai 2003, le contrôleur nommé a déposé l'ordonnance initiale accompagnée d'un avis de suspendre les procédures devant la Cour fédérale du Canada.

[9]                Le 27 mai 2003, j'ai émis la directive suivante :

[traduction]

Il est ordonné au greffe d'accepter le dépôt de l'avis de suspendre les procédures et des pièces qui y sont jointes, reçus le 13 mai 2003 par le greffe de Charlottetown, et d'en transmettre une copie aux avocats dans le dossier no T-2148-01.


Il est ordonné aux avocats de faire leurs commentaires concernant les effets de cet avis et de l'ordonnance de suspension de M. le juge Farley jointe, datée du 1er avril 2003, le cas échéant, concernant les procédures devant la Cour et concernant l'ordonnance rendue par la Cour le 17 avril 2003 rejetant la déclaration pour cause de retard et à l'encontre de laquelle la présente requête en réexamen est présentée au nom des demandeurs. Les réponses devront être faites par écrit et elles devront être signifiées et déposées au plus tard le 6 juin 2003.

[10]            À la suite de cette directive, les demandeurs ont déposé leurs commentaires le 2 juin 2003 et les défenderesses ont déposé une réponse conjointe le 6 juin 2003 exposant leur point de vue relativement à l'ordonnance initiale du juge Farley que nous examinerons davantage plus loin.

Réexamen

[11]            Premièrement, il est important de regarder l'article 397 des Règles pour déterminer la question appropriée dans une requête en réexamen. Cette disposition prévoit que :


397. (1) Dans les 10 jours après qu'une ordonnance a été rendue ou dans tout autre délai accordé par la Cour, une partie peut signifier et déposer un avis de requête demandant à la Cour qui a rendu l'ordonnance, telle qu'elle était constituée à ce moment, d'en examiner de nouveau les termes, mais seulement pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

a) l'ordonnance ne concorde pas avec les motifs qui, le cas échéant, ont été donnés pour la justifier;

b) une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement.

397. (1) Within 10 days after the making of an order, or within such other time as the Court may allow, a party may serve and file a notice of motion to request that the Court, as constituted at the time the order was made, reconsider its terms on the ground that

(a) the order does not accord with any reasons given for it; or

(b) a matter that should have been dealt with has been overlooked or accidentally omitted.

(2) Les fautes de transcription, les erreurs et les omissions contenues dans les ordonnances peuvent être corrigées à tout moment par la Cour.

(Non souligné dans l'original.)

(2) Clerical mistakes, errors or omissions in an order may at any time be corrected by the Court.


[12]            Il a également été établi que le réexamen d'une décision définitive n'est permis que dans des circonstances exceptionnelles. Dans les arrêts Metodieva c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 132 N.R. 38 (Metodieva), et Rostamian c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1991), 129 N.R. 394, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'il est essentiel de respecter le caractère définitif des jugements et que la Cour ne devrait pas annuler une décision à la légère.

[13]            Plus particulièrement, dans l'arrêt Metodieva, précité, la Cour a déclaré :

Il m'apparaît important de préciser que la Cour n'a pas compétence pour décider de nouveau de la question, et ce, quelle que soit la raison pour laquelle la première demande d'autorisation avait été rejetée. En l'espèce, l'ordonnance du 18 décembre 1990 se lisait comme suit : « The application, being unsupported by any affidavit or other material, is dismissed » et le procureur de la requérante s'est autorisé de ce libellé pour informer sa cliente « qu'étant une étrangère au Canada, (elle) ne pouvai(t) être victime d'un vice de procédure causé par (s)es avocats » . Cette information me parait erronée sous trois aspects. Le premier : qu'une requête ait été rejetée pour vice de procédure ne change en rien le fait que l'ordonnance rendue est finale et échappe à toute reconsidération, hors les cas permis. Le second : l'absence d'affidavit est un vice de fond; la règle 9(1) en matière d'immigration fait du dépôt d'un affidavit une partie intégrante de la requête et une demande d'autorisation non appuyée d'un affidavit est incomplète et ne saurait être accueillie par la Cour. Le troisième : le fait que la requérante soit « une étrangère au Canada » ne lui confère ni le privilège de l'ignorance des lois canadiennes ni un statut particulier face aux erreurs qu'elle-même ou son procureur aurait commises.

[14]            L'ordonnance contestée dont il est question en l'espèce a énoncé les éléments dont il faut tenir compte lors de l'analyse d'un avis d'examen de l'état de l'instance. La Cour doit analyser deux questions :

1.         Est-ce que les raisons pour lesquelles l'affaire n'a pas progressé justifient le retard?

2.         De quelle nature sont les mesures que la partie propose de prendre pour faire progresser l'affaire?


[15]            Dans cette affaire, j'ai conclu que :

[...] Les déclarations d'intention et le désir de poursuivre l'affaire ne suffisent pas. Le demandeur est responsable de la conduite de l'affaire et il lui incombe d'expliquer pourquoi il a tardé à poursuivre l'action. On accorde beaucoup d'importance aux prétentions écrites de la partie et la partie à laquelle le retard est attribuable doit présenter à la Cour des gestes concrets et positifs visant à faire progresser l'affaire. Voir Baroud c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 160 F.T.R. 91 (1re inst.); Grenier c. Canada, [2001] A.C.F. no 147 (C.A.F.); Bell c. Succession Bell (2000), 187 F.T.R. 64 (protonotaire) et Importations Alimentaires Stella Inc. c. National Cheese Co. (2000), 2000 CarswellNat 2676, 273 N.R. 392, 10 C.P.R. (4th) 392 (C.A.F.).

[...]

[...] les demandeurs ont déposé une déclaration le 6 décembre 2001. La défenderesse Singapore Airlines Ltd. a déposé une défense le 14 janvier 2002 et une défense modifiée le 23 janvier 2002. Il n'y avait pas eu de communications entre les défenderesses et les demandeurs depuis la date du dépôt de la déclaration. L'avocat des demandeurs n'a pas pris de mesures pour faire progresser l'affaire avant de quitter le pays. L'avocat des demandeurs a été informé de la situation et a décidé de ne rien faire. La demande, en date du 28 février 2003, en vue de l'obtention d'une prorogation jusqu'au 25 avril 2003, retarde encore plus le déroulement de l'instance, sans indication de plan visant à faire progresser l'affaire. Ni l'une ni l'autre défenderesse n'a consenti à une prorogation du délai dans lequel une réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance peut être déposée. À ce jour, les demandeurs n'ont pas déposé d'autres documents auprès de la Cour et ils n'ont pas demandé la tenue d'une conférence préparatoire. Depuis que le retour au Canada de l'avocat des demandeurs a été annoncé, l'avocat n'a pris aucune mesure en vue de régulariser la situation. La demande de prorogation de délai n'est pas conforme aux Règles; elle n'est pas étayée par un affidavit et elle ne satisfait pas aux exigences établies par la jurisprudence de la Cour. Je ne suis donc pas convaincu que la présente action doive se poursuivre.


[16]            Dans ses observations, l'avocat des demandeurs explique qu'il est tombé dans la salle de bain vers le mois de novembre 2000 et qu'il a subi des lésions à trois vertèbres au niveau du cou. Au début, il ne semblait pas y avoir de mal, mais finalement, vers le mois de mars 2002, il a subi un accident cérébrovasculaire paralysant 80 % de sa main et de sa jambe droites et 30 % de sa main et de sa jambe gauches, le rendant incapable de marcher et d'utiliser ses mains. Par suite de cet accident cérébrovasculaire, le bureau d'avocats, qui est en fait le bureau d'un seul avocat, a cessé de fonctionner. Son médecin l'a avisé qu'il devrait déménager vers un climat plus chaud, en raison de la sévérité de l'hiver canadien. Par conséquent, en novembre 2002, il a déménagé à Karachi pour que son frère et ses soeurs s'occupent de lui là-bas. L'avocat des demandeurs est revenu au Canada le 9 avril 2003.

[17]            Toutefois, comme l'ont souligné les défenderesses et comme il est déclaré dans l'affidavit de Colleen Atkinson souscrit le 6 mai 2003, l'avocat des demandeurs s'est présenté en cour au cours de la période où il était prétendument incapable de poursuivre l'affaire, entre le 23 janvier 2002 et le 17 avril 2003. Trois décisions de la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard ont notamment été déposées pour démontrer que l'avocat des demandeurs s'est présenté en cour et qu'il a plaidé dans de longs procès pour lesquels il lui aurait été insupportable de se présenter selon les observations qu'il a faites en ce qui concerne sa maladie : voir Prince Edward Island (Director of Child Welfare) c. S.P.L. (2002), 218 Nfld. & P.E.I.R. 197; R. c. Doyle, [2002] P.E.I.J. No. 90, et R. c. Poulin (2002), 218 Nfld. & P.E.I.R. 68. Ces affaires démontrent que l'avocat des demandeurs s'est présenté en cour entre le 8 mai et le 21 octobre 2002. Par conséquent, je ne puis accepter que sa maladie l'ait empêché de respecter les délais dans la présente affaire.


[18]            Vu les motifs qui précèdent, et même en tenant compte des explications qui sont maintenant données par l'avocat des demandeurs, ceux-ci ne m'ont pas convaincu qu'une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement lors du prononcé de l'ordonnance susmentionnée.

Effet de l'ordonnance initiale

[19]            En l'espèce, les défenderesses prétendent que ni l'ordonnance initiale du juge Farley, datée du 1er avril 2003, ni l'avis de suspendre les procédures ne sont exécutoires contre la défenderesse, Singapore Airlines Ltd. Par conséquent, l'ordonnance contestée datée du 17 avril 2003 rejetant l'action pour cause de retard serait valide à l'encontre de cette défenderesse. Les deux défenderesses soutiennent que l'ordonnance contestée est valide vu que les observations dans la réponse à l'avis d'examen de l'état de l'instance ont été déposées le 17 mars 2003 avant l'ordonnance initiale du juge Farley. À partir de ce moment, aucune mesure additionnelle n'avait été prise en l'instance et les parties attendaient la décision de la Cour. Les défenderesses soutiennent que l'ordonnance initiale du juge Farley n'est pas visée par la description de la procédure telle qu'envisagée à l'article 11 de la LACC.

[20]            Les demandeurs soutiennent de leur côté que l'ordonnance contestée est invalide étant donné que l'ordonnance initiale du juge Farley suspend toutes les procédures à l'encontre ou à l'égard d'Air Canada et qu'elle rend l'ordonnance contestée infructueuse. Par conséquent, les demandeurs soutiennent que l'ordonnance devrait être considérée comme n'ayant jamais été rendue et que leur déclaration devrait demeurer en vigueur telle qu'elle était le 1er avril 2003.


[21]            Il est essentiel de lire d'abord le paragraphe applicable de l'ordonnance initiale du juge Farley qui est ainsi libellé :

[traduction]

70. LA COUR SOLLICITE l'aide et la considération de tout tribunal et de tout corps judiciaire, administratif ou de réglementation de chaque province ou territoire (y compris l'aide de tout tribunal au Canada conformément à l'article 17 de la LACC), de la Cour fédérale du Canada et de tout tribunal judiciaire, administratif ou de réglementation ou de toute autre cour instituée par le Parlement du Canada ou une assemblée législative provinciale et de toute cour ou entité judiciaire, administrative ou de réglementation des États-Unis d'Amérique et des États américains et de leurs subdivisions, de toute nation et de tout État, pour prêter main forte à cette Cour et de s'en faire les auxiliaires pour mettre à exécution la teneur de la présente ordonnance.

[22]            La Cour a analysé les conséquences de l'ordonnance initiale du juge Farley dans une décision récente de M. le juge Hugessen. Dans l'affaire Always Travel Inc. et al. c. Air Canada et al., 2003 CFPI 707, [2003] F.C.J. No. 933 (Always Travel), il a clairement déclaré ce qui suit aux paragraphes 5, 9, 12 et 18 :

Je dirai, en premier lieu, qu'à mon avis, une ordonnance rendue en vertu des articles 11.3 et 11.4 de la LACC n'entraîne pas automatiquement une suspension de la procédure engagée devant cette Cour. Plus particulièrement, l'ordonnance du juge Farley datée du 1er avril 2003, et postérieurement prorogée, n'a pas un tel effet. Je tire cette conclusion en premier lieu de l'interprétation que je fais des articles 11.3, 11.4 et 16 de la Loi, et, également, des paragraphes 3 et 70 de l'ordonnance du juge Farley relative à Air Canada ainsi que des paragraphes équivalents de son ordonnance reconnaissant la procédure intentée par United Airlines.

[...]

Il me paraît bien évident des dispositions législatives, que le législateur n'entendait pas que les ordonnances rendues par les cours supérieures provinciales dans l'exercice de leur compétence touchant la LACC, puissent s'étendre au point d'obliger notre Cour à suspendre ses procédures sur toute question entrant dans le cadre de sa juridiction. On en trouve des exemples, notamment l'article 16 de la LACC où le législateur a donné compétence à une cour supérieure de suspendre une instance portée devant une autre cour supérieure. À mon avis, une telle disposition doit être expressément formulée.


[...]

Ce n'est pas tout. Si une partie à une instance dont la Cour est saisie estime qu'une suspension ne devrait pas être accordée à titre de courtoisie pour venir en aide à une cour supérieure provinciale au regard d'une ordonnance, il lui est loisible de s'opposer à cette suspension ou, si elle est déjà accordée, de demander à la Cour de la lever. Il eut été loisible alors aux demanderesses de me présenter aujourd'hui des preuves et des observations disant que, pour certaines raisons ou autres considérations, il ne faudrait pas surseoir à la présente instance; mais les choses ne se sont pas passées ainsi. Que je le dise bien clairement. Le fardeau incombe à toute personne qui s'adresse à cette Cour en vue de se soustraire aux conséquences de l'aide prêtée à une cour supérieure provinciale qui exerce sa juridiction en vertu de la LACC, de dissuader la Cour de consentir cette aide. Rien de ce que je dis ou fais aujourd'hui n'interdit aux demanderesses de présenter une demande si elles le désirent. Je dis simplement que, de la façon dont l'actuelle procédure a évolué, les avocats et la Cour ont convenu qu'il faudrait strictement se limiter aujourd'hui aux questions de droit quitte à remettre à plus tard, au besoin, les questions de fait.

[...]

Les demanderesses sont autorisées, si elles le désirent, à demander par voie de requête à la Cour la levée de l'ordonnance de suspension qui a été rendue sans preuve à l'appui, mais uniquement en raison de l'aide que notre Cour est tenue de fournir à la Cour supérieure de l'Ontario. Si, après réflexion, les demanderesses décident que c'est la voie qu'elles veulent emprunter, elles devraient prendre rendez-vous avec le greffier et nous tiendrons alors une brève conférence téléphonique pour fixer un calendrier de travail après quoi, nous nous réunirons tous une nouvelle fois.

(Non souligné dans l'original.)

[23]            L'article 16 de la LACC mentionné dans l'extrait ci-dessus prévoit ce qui suit :


16. Toute ordonnance rendue par le tribunal d'une province dans l'exercice de la juridiction conférée par la présente loi à l'égard de quelque transaction ou arrangement a pleine vigueur et effet dans les autres provinces, et elle est appliquée devant le tribunal de chacune des autres provinces de la même manière, à tous égards, que si elle avait été rendue par le tribunal la faisant ainsi exécuter.

(Non souligné dans l'original.)

16. Every order made by the court in any province in the exercise of jurisdiction conferred by this Act in respect of any compromise or arrangement shall have full force and effect in all the other provinces and shall be enforced in the court of each of the other provinces in the same manner in all respects as if the order had been made by the court enforcing it.


[24]            D'autres dispositions pertinentes de la Loi, comme les articles 2 et 17, prévoient ce qui suit :


« tribunal »

a) Dans les provinces de la Nouvelle-Écosse, de la Colombie-Britannique et de Terre-Neuve, la Cour suprême;

a.1) dans la province d'Ontario, la Cour supérieure de justice;

b) dans la province de Québec, la Cour supérieure;

c) dans les provinces du Nouveau-Brunswick, du Manitoba, de la Saskatchewan et d'Alberta, la Cour du Banc de la Reine;

c.1) dans la province de l'Île-du-Prince-Édouard, la Section de première instance de la Cour suprême;

d) dans le territoire du Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, la Cour suprême, et, dans le territoire du Nunavut, la Cour de justice du Nunavut.

"court" means

(a) in Nova Scotia, British Columbia and Newfoundland, the Supreme Court,

(a.1) in Ontario, the Superior Court of Justice,

(b) in Quebec, the Superior Court,

(c) in New Brunswick, Manitoba, Saskatchewan and Alberta, the Court of Queen's Bench,

©.1) in Prince Edward Island, the Trial Division of the Supreme Court, and

(d) in the Yukon Territory and the Northwest Territories, the Supreme Court of the territory, and in Nunavut, the Nunavut Court of Justice;

17. Tous les tribunaux ayant juridiction sous le régime de la présente loi et les fonctionnaires de ces tribunaux sont tenus de s'entraider et de se faire les auxiliaires les uns des autres en toutes matières prévues par la présente loi, et une ordonnance du tribunal sollicitant de l'aide au moyen d'une demande à un autre tribunal est réputée suffisante pour permettre à ce dernier tribunal d'exercer, en ce qui concerne les questions prescrites par l'ordonnance, la juridiction que le tribunal ayant formulé la demande ou le tribunal auquel est adressée la demande pourrait exercer à l'égard de questions similaires dans les limites de leurs juridictions respectives.

17. All courts that have jurisdiction under this Act and the officers of those courts shall act in aid of and be auxiliary to each other in all matters provided for in this Act, and an order of a court seeking aid with a request to another court shall be deemed sufficient to enable the latter court to exercise in regard to the matters directed by the order such jurisdiction as either the court that made the request or the court to which the request is made could exercise in regard to similar matters within their respective jurisdictions.



[25]            Ces dispositions établissent clairement que la Cour fédérale n'est pas incluse dans le mot « tribunal » et qu'elle n'est pas liée par une ordonnance de suspension rendue par « le tribunal d'une province » au sens de la LACC. Cela dit, je partage l'opinion du juge Hugessen selon laquelle la coopération entre les cours supérieures est « essentielle » et que, à cet égard, « la coopération respectueuse [...] exigera tout naturellement de notre Cour, et sur demande conforme, qu'elle prête son concours dans pratiquement tous les cas où une cour provinciale rendra une ordonnance dans l'exercice de sa juridiction touchant la LACC et réclamera l'aide de notre Cour » (Always Travel, précitée, aux paragraphes 10 et 11). Toutefois, la situation actuelle est tout à fait différente. En l'espèce, la déclaration a été rejetée avant le dépôt de l'avis de suspendre les procédures (si je présume que cet avis est une « demande conforme » faite par le contrôleur). Accueillir la présente requête en réexamen présentée par les demandeurs qui visent à tirer profit de l'ordonnance initiale va directement à l'encontre de l'objet qui sous-tend l'ordonnance initiale, laquelle a été rendue dans le but de permettre « l'émergence d'un environnement structuré où [Air Canada] peut essayer de se réorganiser et de poursuivre ses activités en ayant en main tous ses actifs » : voir Always Travel, précitée, au paragraphe 14.

Conclusion

[26]            En l'espèce, les demandeurs ne m'ont pas convaincu qu'une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise involontairement lors du prononcé de l'ordonnance contestée. À supposer qu'il eût fallu que je tienne compte de l'ordonnance initiale du juge Farley, ce qui n'est pas le cas, les demandeurs auraient dû, à tout le moins, la porter à l'attention de la Cour, eux qui avaient le fardeau de justifier le retard et de soumettre un plan pour faire progresser l'affaire, ce qu'ils ont omis de faire au moment de la décision contestée. De plus, ils n'ont pas expliqué pourquoi je devrais être lié par l'ordonnance initiale du juge Farley. Par conséquent, je rejetterai la présente requête en réexamen. L'ordonnance contestée était définitive et ne devrait être modifiée que dans des circonstances exceptionnelles.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la requête en réexamen de l'ordonnance de la Cour datée du 17 avril 2003, rejetant l'action pour cause de retard, soit rejetée.

                                        __________________________________

                                                                                                     Juge                              

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                  COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                  T-2148-01

INTITULÉ :                                 DR. PUSHPALA NARSIMHALU ET AL. c. AIR CANADA ET AL.

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

DATE DES MOTIFS :               LE 1er AOÛT 2003

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Zia H. Chisti                                                                        POUR LES DEMANDEURS

Bruce M. Gordon                                                                POUR LA DÉFENDERESSE -

SINGAPORE AIRLINES LTD.

Robert MacGregor                                                              POUR LA DÉFENDERESSE -

AIR CANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zia H. Chisti Law Office                                                      POUR LES DEMANDEURS

Charlottetown (Î.-P.-É.)

Norton Steward                                                                  POUR LA DÉFENDERESSE -

Vancouver (Colombie-Britannique)                                      SINGAPORE AIRLINES LTD.

Patterson Palmer                                                                 POUR LA DÉFENDERESSE - Charlottetown (Î.-P.-É.)                                                         AIR CANADA


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