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Date : 20020430

Dossier : T-1711-00

6 juin 2002Référence neutre : 2002 CFPI 492

Ottawa (Ontario), ce 30e jour d'avril 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

                  MINISTRE DU DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                              - et -

                                                                    BERYL TUCKER

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision par laquelle le tribunal de révision constitué en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, L.R.C. (1985), ch. O-9, a accueilli, le 15 août 2000, l'appel interjeté par la défenderesse relativement à la décision du demandeur.

[2]                 Le demandeur cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision du tribunal de révision.

Contexte

[3]                 Le demandeur, le ministre du Développement des ressources humaines, est responsable, notamment, de la mise en oeuvre de l'allocation au survivant.

[4]                 La défenderesse, Beryl Tucker, est une personne ayant le droit de présenter une demande de versement de l'allocation au survivant.

[5]                 Lorsqu'elle a atteint l'âge de soixante ans, la défenderesse a présenté une demande de versement de l'allocation au survivant, dans laquelle elle a déclaré un revenu total de 7 806,44 $ pour l'année d'imposition 1995. La demande a été acceptée et la défenderesse a commencé à recevoir des chèques d'allocation du demandeur. Un écart a par la suite été découvert lorsque le revenu de la défenderesse a été comparé avec celui déclaré dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1995, qui indiquait que son revenu total pour cette année s'élevait à 11 917,44 $. La défenderesse n'avait pas déclaré dans sa demande de versement la somme de 4 111,00 $ reçue du gouvernement provincial à titre de prestation du survivant.

[6]                 Par lettre en date du 23 décembre 1996, la défenderesse a été informée par le demandeur qu'elle avait reçu une somme excédentaire de 1 368,00 $, résultant de la différence entre le revenu déclaré dans sa demande de versement et son revenu réel.

[7]                 Par lettre en date du 7 janvier 1997, la défenderesse a porté la décision du demandeur en appel (en introduisant une demande de révision par le ministre) au motif que le versement excédentaire résultait d'un avis erroné qui lui avait été donné par le bureau du demandeur. La défenderesse a déclaré qu'un employé du demandeur lui avait dit que le revenu reçu du gouvernement provincial ne devait pas être inclus à titre de revenu dans sa demande de versement de l'allocation au survivant. La défenderesse a demandé au ministre de renoncer au versement excédentaire.

[8]                 Par lettre en date du 28 juillet 1997, la défenderesse a été informée que le demandeur n'avait trouvé aucune preuve qu'un avis erroné avait été donné. La défenderesse a été avisée qu'à compter du mois de septembre 1997, ses chèques d'allocation allaient être réduits de 50,00 $ par mois aux fins de remboursement de la somme versée en trop.

[9]                 La défenderesse, se croyant lésée par la décision, a présenté une demande de révision. Le demandeur a révisé la décision en vertu de l'article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, précitée, et a confirmé sa décision initiale.

[10]            Par lettre en date du 9 septembre 1997, la défenderesse a présenté une demande d'appel auprès du Bureau du commissaire du tribunal de révision à l'égard de la décision du demandeur.

[11]            Le tribunal de révision a conclu que la défenderesse avait reçu un avis erroné d'un employé du demandeur. Il a conclu que la défenderesse s'était fiée à cet avis erroné à son détriment. Le tribunal de révision a conclu qu'il avait compétence pour réviser une décision révisée du ministre dans les cas où la décision initiale avait été rendue en application de l'article 32 ou de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, précitée. Le tribunal de révision a statué que le demandeur devait renoncer à toute somme qui aurait été versée en trop.

[12]            Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision du tribunal de révision.

Arguments du demandeur

[13]            Le demandeur fait valoir qu'il n'existait aucun droit d'appel devant le tribunal de révision.


[14]            Le demandeur fait valoir que les pouvoirs conférés au ministre par l'article 32 et par le paragraphe 37(4) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, précitée, sont de nature discrétionnaire. Il soutient que la Loi sur la sécurité de la vieillesse ne prévoit aucun droit d'appel devant un tribunal de révision à l'égard des décisions prises par le ministre en application de ces dispositions.

[15]            Le demandeur prétend que l'article 32 fixe deux conditions : 1) le ministre doit être convaincu qu'un avis erroné ou une erreur administrative sont survenus; et 2) le ministre doit être convaincu que, par suite de cet avis erroné ou de cette erreur administrative, une personne s'est vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit. Le demandeur soutient que la seconde condition ne peut pas avoir été remplie parce que la défenderesse ne s'est pas vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit.

[16]            Le demandeur fait valoir que l'article 32 traite de la perte totale ou partielle d'une prestation par suite d'une erreur administrative. Il soutient que l'alinéa 37(4)d) concerne spécifiquement les cas où une somme excédentaire a été versée par suite d'un avis erroné ou d'une erreur administrative.


[17]            Le demandeur prétend que le paragraphe 27.1(1) ne porte que sur des questions se rapportant directement à l'admissibilité d'une personne à une prestation ou au montant d'une prestation et non sur des questions relatives à un avis erroné ou à une erreur administrative, qui sont des questions distinctes. Il soutient qu'aucune disposition de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, précitée, ou du Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-8, modifié, ne prévoit une révision de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre d'accorder réparation à l'égard d'une erreur administrative ou d'un avis erroné.

[18]            Le demandeur fait valoir que l'article 32 et l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse sont des dispositions parallèles au paragraphe 66(4) et à l'alinéa 66(3)d) du Régime de pensions du Canada. Il fait observer que la Cour d'appel fédérale, dans Pincombe c.Canada (Procureur général) [1995] A.C.F. no 1320 (QL), a statué qu'un tribunal de révision n'a pas compétence pour réviser une décision prise en vertu du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada.

Arguments de la défenderesse

[19]            La défenderesse se représente elle-même et il a été convenu que sa fille présenterait des observations en son nom.

[20]            La défenderesse a fait valoir qu'elle avait fait ce que les fonctionnaires du ministère lui avaient dit de faire.

[21]            Questions en litige


1.          Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'un tribunal de révision constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada et de l'article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a compétence pour réviser une décision du ministre prise en vertu de l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

2.          Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'un tribunal de révision constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada et de l'article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a compétence pour réviser une décision du ministre prise en vertu de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

3.          Le tribunal de révision a-t-il agi sans compétence, outrepassé sa compétence, ou refusé d'exercer sa compétence en infirmant la décision du ministre prise en vertu de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

Dispositions législatives et réglementaires pertinentes

[22]            Les dispositions pertinentes de la Loi sur la sécurité de la vieillesse édictent :


27.1 (1) La personne qui se croit lésée par une décision de refus ou de liquidation de la prestation prise en application de la présente loi peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la notification de la décision, selon les modalités réglementaires, ou dans le délai plus long que le ministre peut accorder avant ou après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix jours, demander au ministre, selon les modalités réglementaires, de réviser sa décision.

(2) Le ministre étudie les demandes dès leur réception; il peut confirmer ou modifier sa décision soit en agréant le versement de la prestation ou en la liquidant, soit en décidant qu'il n'y a pas lieu de verser la prestation. Sans délai, il notifie sa décision et ses motifs.

28. (1) L'auteur de la demande prévue au paragraphe 27.1(1) qui se croit lésé par la décision révisée du ministre -- ou, sous réserve des règlements, quiconque pour son compte -- peut appeler de la décision devant un tribunal de révision constitué en application du paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada.

27.1 (1) A person who is dissatisfied with a decision or determination made under this Act that no benefit may be paid to that person, or respecting the amount of any benefit that may be paid to that person, may, within ninety days after the day on which the person is notified in the prescribed manner of the decision or determination, or within such longer period as the Minister may either before or after the expiration of those ninety days allow, make a request to the Minister in the prescribed form and manner for a reconsideration of that decision or determination.

(2) The Minister shall, without delay after receiving a request referred to in subsection (1), reconsider the decision or determination, as the case may be, and may confirm or vary it and may approve payment of a benefit, determine the amount of a benefit or determine that no benefit is payable and shall without delay notify the person who made the request in writing of the Minister's decision and of the reasons for the decision.

28. (1) A person who makes a request under subsection 27.1(1) and who is dissatisfied with the decision of the Minister in respect of the request, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal under subsection 82(1) of the Canada Pension Plan.


28. (2) Lorsque l'appelant prétend que la décision du ministre touchant son revenu ou celui de son époux ou conjoint de fait, ou le revenu tiré d'une ou de plusieurs sources particulières, est mal fondée, l'appel est, conformément aux règlements, renvoyé pour décision devant la Cour canadienne de l'impôt. La décision de la Cour est, sous la seule réserve des modifications que celle-ci pourrait y apporter pour l'harmoniser avec une autre décision rendue aux termes de la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt sur un appel pertinent à celui interjeté aux termes de la présente loi devant un tribunal de révision, définitive et obligatoire et ne peut faire l'objet que d'un recours prévu par la Loi sur la Cour fédérale.

32. S'il est convaincu qu'une personne s'est vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit par suite d'un avis erroné ou d'une erreur administrative survenus dans le cadre de la présente loi, le ministre prend les mesures qu'il juge de nature à replacer l'intéressé dans la situation où il serait s'il n'y avait pas eu faute de l'administration.

37.(4) Malgré les paragraphes (1), (2) et (3), le ministre peut, sauf dans les cas où le débiteur a été condamné, aux termes d'une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent, s'il est convaincu :

a) soit que la créance ne pourra être recouvrée dans un avenir suffisamment rapproché;

28.(2) Where, on an appeal to a Review Tribunal, it is a ground of the appeal that the decision made by the Minister as to the income or income from a particular source or sources of an applicant or beneficiary or of the spouse or common-law partner of the applicant or beneficiary was incorrectly made, the appeal on that ground shall, in accordance with the regulations, be referred for decision to the Tax Court of Canada, whose decision, subject only to variation by that Court in accordance with any decision on an appeal under the Tax Court of Canada Act relevant to the appeal to the Review Tribunal, is final and binding for all purposes of the appeal to the Review Tribunal except in accordance with the Federal Court Act.

32. Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied a benefit, or a portion of a benefit, to which that person would have been entitled under this Act, the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

37.(4) Notwithstanding subsections (1), (2) and (3), where a person has received or obtained a benefit payment to which that person is not entitled or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which that person is entitled and the Minister is satisfied that

(a) the amount or excess of the benefit payment cannot be collected within the reasonably foreseeable future,


37.(4)b) soit que les frais de recouvrement risquent d'être au moins aussi élevés que le montant de la créance;

c) soit que le remboursement causera un préjudice injustifié au débiteur;

d) soit que la créance résulte d'un avis erroné ou d'une erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la présente loi.

37.(4)(b) the administrative costs of collecting the amount or excess of the benefit payment are likely to equal or exceed the amount to be collected,

(c) repayment of the amount or excess of the benefit payment would cause undue hardship to the debtor, or

(d) the amount or excess of the benefit payment is the result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act,

the Minister may, unless that person has been convicted of an offence under any provision of this Act or of the Criminal Code in connection with the obtaining of the benefit payment, remit all or any portion of the amount or excess of the benefit payment.

[23]            Les dispositions pertinentes du Régime de pension du Canada disposent :

82. (1) La personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) ou celle qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse ou, sous réserve des règlements, quiconque de sa part, peut interjeter appel par écrit auprès d'un tribunal de révision de la décision du ministre soit dans les quatre-vingt-dix jours suivant le jour où la première personne est, de la manière prescrite, avisée de cette décision, ou, selon le cas, suivant le jour où le ministre notifie à la deuxième personne sa décision et ses motifs, soit dans le délai plus long autorisé par le commissaire des tribunaux de révision avant ou après l'expiration des quatre-vingt-dix jours.

82. (1) A party who is dissatisfied with a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2), or a person who is dissatisfied with a decision of the Minister made under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act, or, subject to the regulations, any person on their behalf, may appeal the decision to a Review Tribunal in writing within 90 days, or any longer period that the Commissioner of Review Tribunals may, either before or after the expiration of those 90 days, allow, after the day on which the party was notified in the prescribed manner of the decision or the person was notified in writing of the Minister's decision and of the reasons for it.


82.(11) Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) ou en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu'aux parties à l'appel.

82.(11) A Review Tribunal may confirm or vary a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2) or under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act and may take any action in relation to any of those decisions that might have been taken by the Minister under that section or either of those subsections, and the Commissioner of Review Tribunals shall thereupon notify the Minister and the other parties to the appeal of the Review Tribunal's decision and of the reasons for its decision.

Analyse et décision

[24]            Question 1

Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'un tribunal de révision constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada et de l'article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a compétence pour réviser une décision du ministre prise en vertu de l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

La question a été formulée par rapport à l'article 32, bien que je sois d'avis, comme je l'explique ci-après, que la décision initiale du ministre a été prise en vertu de l'alinéa 37(4)d).

[25]            Selon moi, le tribunal de révision constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada et de l'article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a compétence pour réviser une décision prise par le ministre en vertu de l'article 27.1 relativement à une demande de révision de sa décision prise en vertu de l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.


[26]            Le pouvoir du ministre de réviser sa décision se trouve à l'article 27.1 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La décision révisée du ministre peut être portée en appel devant un tribunal de révision en vertu du paragraphe 28(1) de cette loi.

[27]            Le tribunal de révision qui entend l'appel est constitué et régi par l'article 82 du Régime de pensions du Canada. Le paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canadaprévoit qu'une personne qui se croit lésée par une décision du ministre rendue en application des paragraphes 27.1(1) et (2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse peut interjeter appel de cette décision auprès du tribunal de révision. En l'espèce, la défenderesse s'est crue lésée par la décision révisée du ministre et a porté cette décision en appel devant le tribunal de révision. Comme je l'ai déjà mentionné, compte tenu du contexte législatif, le tribunal de révision a compétence pour entendre l'appel visant la décision prise par le ministre relativement à une demande de révision de sa décision prise en vertu de l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, les décisions prises en application de cet article étant des décisions rendues en application de la Loi sur la sécurité de la vieillesse au sens du paragraphe 27.1(1) de cette loi.


[28]            Le demandeur invoque la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Pincombe c. Canada (P.G.), précitée, à l'appui de l'argument voulant que le tribunal de révision n'ait pas compétence pour réviser les décisions discrétionnaires du ministre. La décision rendue dans l'affaire Pincombe l'a été en application du Régime de pensions du Canada, lequel ne prévoit que des droits d'appel limités devant un tribunal de révision et qui, plus particulièrement, ne contient aucune disposition similaire aux articles 27.1 et 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.

[29]            En conséquence, la décision rendue dans Pincombe, précitée, n'affecte pas le droit de la défenderesse d'interjeter appel devant un tribunal de révision dans la présente affaire.

[30]            Question 2

Le tribunal de révision a-t-il commis une erreur de droit en concluant qu'un tribunal de révision constitué en vertu de l'article 82 du Régime de pensions du Canada et de l'article 28 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse a compétence pour réviser une décision du ministre prise en vertu de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

Je suis d'avis qu'une décision prise par le ministre en application du paragraphe 37(4)de laLoi sur la sécurité de la vieillesse est une décision visée par le paragraphe 27.1(1) de cette loi.


[31]            Pour les mêmes motifs que ceux énoncés à la question 1, j'estime que le tribunal de révision a compétence pour entendre le présent appel. Le libellé des paragraphes 27.1(1) et 28(1) est suffisamment large pour ne pas exclure les décisions discrétionnaires prises en vertu de l'article 32 ou de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. En outre, le ministre a révisé la décision initiale en application de l'article 27.1 et la Loi accorde clairement un droit d'appel devant le tribunal de révision à l'égard des décisions révisées en vertu du paragraphe 27.1(2).

[32]            Question 3

Le tribunal de révision a-t-il agi sans compétence, outrepassé sa compétence, ou refusé d'exercer sa compétence en infirmant la décision du ministre prise en vertu de l'alinéa 37(4)d) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse?

Le demandeur prétend que l'article 32 fixe deux conditions : 1) le ministre doit être convaincu qu'un avis erroné ou une erreur administrative sont survenus; et 2) le ministre doit être convaincu que, par suite de cet avis erroné ou de cette erreur administrative, une personne s'est vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit. Le demandeur soutient que la seconde condition ne peut pas avoir été remplie parce que la défenderesse ne s'est pas vu refuser tout ou partie d'une prestation à laquelle elle avait droit.

[33]            Mon analyse de la législation m'amène à conclure que l'article 32 de la Loi sur la sécurité de la vieillesse traite d'un avis erroné ou d'une erreur administrative qui a pour effet de priver une personne de tout ou partie de la prestation à laquelle elle avait droit. Le reste de l'article 32 porte sur les mesures que le ministre juge approprié de prendre pour replacer l'intéressé dans la situation où il serait s'il n'y avait pas eu faute de l'administration.

[34]            En l'espèce, la défenderesse a reçu une prestation plus élevée que celle à laquelle elle avait droit par suite d'un avis erroné ou d'une erreur administrative.

[35]            Le paragraphe 37(4), reproduit ci-dessous par souci de commodité, prévoit notamment :

37.(4) Malgré les paragraphes (1), (2) et (3), le ministre peut, sauf dans les cas où le débiteur a été condamné, aux termes d'une disposition de la présente loi ou du Code criminel, pour avoir obtenu la prestation illégalement, faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent, s'il est convaincu :

. . .

d) soit que la créance résulte d'un avis erroné ou d'une erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la présente loi.

37.(4) Notwithstanding subsections (1), (2) and (3), where a person has received or obtained a benefit payment to which that person is not entitled or a benefit payment in excess of the amount of the benefit payment to which that person is entitled and the Minister is satisfied that

. . .

(d) the amount or excess of the benefit payment is the result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act,

the Minister may, unless that person has been convicted of an offence under any provision of this Act or of the Criminal Code in connection with the obtaining of the benefit payment, remit all or any portion of the amount or excess of the benefit payment.

[36]            Ce paragraphe s'intéresse à l'excédent dont il est question au paragraphe 33 de la présente décision, particulièrement au versement d'une prestation à laquelle la personne n'avait pas droit.


[37]            La défenderesse se croit lésée par le montant de la prestation qui devrait lui être versée. Elle souhaite conserver la somme qui lui a été versée par suite de l'avis erroné ou de l'erreur administrative survenus dans le cadre de l'application de la Loi. La défenderesse est donc en droit de demander une révision en vertu du paragraphe 27.1(1) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse. Si la décision révisée ne lui est pas favorable, elle peut porter cette décision en appel devant le tribunal de révision en vertu du paragraphe 28(1)de la Loi. Comme je l'ai déjà mentionné à la question 2, le tribunal de révision a compétence pour entendre l'appel visant une décision prise en application de l'alinéa 37(4)d).

[38]            Les pouvoirs du tribunal de révision sont énoncés au paragraphe 82(11) du Régime de pensions du Canada, et sont reproduits ci-dessous par souci de commodité :

82.(11) Un tribunal de révision peut confirmer ou modifier une décision du ministre prise en vertu de l'article 81 ou du paragraphe 84(2) ou en vertu du paragraphe 27.1(2) de la Loi sur la sécurité de la vieillesse et il peut, à cet égard, prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre en application de ces dispositions; le commissaire des tribunaux de révision doit aussitôt donner un avis écrit de la décision du tribunal et des motifs la justifiant au ministre ainsi qu'aux parties à l'appel.

82.(11) A Review Tribunal may confirm or vary a decision of the Minister made under section 81 or subsection 84(2) or under subsection 27.1(2) of the Old Age Security Act and may take any action in relation to any of those decisions that might have been taken by the Minister under that section or either of those subsections, and the Commissioner of Review Tribunals shall thereupon notify the Minister and the other parties to the appeal of the Review Tribunal's decision and of the reasons for its decision.


[39]            Selon cette disposition, le tribunal de révision peut prendre toute mesure que le ministre aurait pu prendre à l'égard de ces décisions. En révisant sa décision, le ministre aurait pu décider de « faire remise de tout ou partie des montants versés indûment ou en excédent » (alinéa 37(4)d)de la Loi sur la sécurité de la vieillesse). C'est ce que le tribunal de révision a ordonné selon moi. La décision du tribunal de révision était donc une décision raisonnable que celui-ci était habilité à prendre en vertu de la législation. Dans la mesure où la décision du tribunal de révision n'était pas déraisonnable, ce n'est pas le rôle de la Cour de la modifier.

[40]            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

ORDONNANCE

[41]            LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit, et elle est par la présente, rejetée.

                                                                                                                                     « John A. O'Keefe »             

                                                                                                                                                                 Juge                      

Ottawa (Ontario)

Le 30 avril 2002

  

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B., D.D.N.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             T-1711-00

INTITULÉ :                                            Le ministre du Développement des ressources humaines

c.

Beryl Tucker

LIEU DE L'AUDIENCE :                   St-Jean (Terre-Neuve)

DATE DE L'AUDIENCE :                  27 mars 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        30 avril 2002

COMPARUTIONS:

Mme Katia Bustros                                                             POUR LE DEMANDEUR

Mme Beryl Tucker                                                              EN SON PROPRE NOM

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg                                                              POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

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