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Date : 20031003

Dossier : T-122-02

Référence : 2003 CF 1145

Ottawa (Ontario) le 3 octobre 2003

En présence de Monsieur le juge Blais                                      

ENTRE :

                                  H. LUNDBECK A/S et LUNDBECK CANADA INC.

                                                                                                                                        demanderesses

                                                                                  et

                                   LE MINISTRE DE LA SANTÉ et GENPHARM INC.

                                                                                                                                               défendeurs

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande présentée par H. Lundbeck A/S et Lundbeck Canada Inc. en vertu du paragraphe 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [le Règlement MB (ADC)] en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer à Genpharm Inc. un avis de conformité (ADC) en ce qui concerne l'hydrobromure de citalopram à des concentrations de 10 mg, 20 mg et 40 mg avant l'expiration du brevet canadien no 2,049,368.


FAITS

[2]                 La demanderesse H. Lundbeck A/S est une entreprise pharmaceutique qui s'intéresse exclusivement au traitement du système nerveux central. Lundbeck Canada Inc. est la filiale canadienne de H. Lundbeck A/S [Lundbeck].

[3]                 La défenderesse Genpharm Inc. est une entreprise canadienne de produits pharmaceutiques génériques [Genpharm].

[4]                 Lundbeck Canada Inc. est propriétaire de deux brevets canadiens relatifs à l'hydrobromure de citalopram [citalopram] : brevet no 1,237,147 [brevet 147] et brevet no 2,049,368 [brevet 368]. Seul le brevet 368 est en cause en l'espèce.

[5]                 Lundbeck a présenté une demande concernant le brevet 368 en date du 16 août 1991; le brevet a été accordé le 23 octobre 2001 et expire le 16 août 2011. Il a été inscrit au registre des brevets le 29 novembre 2001.

[6]                 Le 11 décembre 2001, Genpharm a envoyé à Lundbeck un avis d'allégation [ADA] ayant trait aux brevets 147 et 368 portant sur le citalopram. Dans cette lettre, Genpharm déclare qu'elle a présenté une demande au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social en vue d'obtenir un ADC pour l'hydrobromure de citalopram à trois concentrations, à savoir 10 mg, 20 mg et 40 mg.


[7]                 Genpharm a soutenu dans l'ADA que les brevets 147 et 368 ne devraient pas être inscrits au registre des brevets. À la demande de Genpharm, le brevet 147 a été ultérieurement retiré du registre par la Direction des produits thérapeutiques [DPT]. La demande de Genpharm de retirer le brevet 368 du registre fait l'objet d'une autre instance (T-1652-02), qui doit être entendue en même temps que la présente affaire.

[8]                 Dans son ADA, Genpharm prétend que, même si le brevet 368 n'était pas retiré du registre, fabriquer du citalopram générique ne constituerait pas une contrefaçon vu l'absence de contrefaçon liée à l'utilisation du médicament. L'inscription du brevet 368 au registre vise à protéger l'utilisation du médicament.

Le brevet

[9]                 Le brevet 368 s'intitule Treatment of Cerebro-Vascular Disorders. La composition chimique du médicament suppose une nouvelle étape intermédiaire, laquelle fait l'objet du brevet 147. L'élément nouveau dans le brevet 368 est l'utilisation du citalopram afin de traiter la démence et les maladies vasculaires cérébrales [MVC]. Le citalopram est déjà bien connu comme antidépresseur, comme l'indique le brevet.   


[10]            Le brevet 368 renferme la description du médicament ainsi qu'une liste de 21 revendications. Les revendications protégées par l'inclusion du médicament dans la liste de brevets sont celles ayant trait à l'utilisation du médicament. Nous reproduisons ci-dessous les revendications liées au brevet 368; celles relatives à l'utilisation sont soulignées.

[TRADUCTION] Les réalisations concrètes de l'invention sur lesquelles un droit de propriété exclusif est revendiqué sont définies ainsi :

1. L'utilisation d'un 1-[3-(diméthylamino)propyl]-1-phénylphthalane de la formule : où R1 et R2 sont pris chacun dans le groupe comprenant un halogène, le trifluorométhyle, un cyano et R-CO-, où R est un radical alkyle avec 1 à 4 atomes de C inclusivement, ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance, pour la fabrication d'un médicament destiné au traitement des troubles cognitifs ou de l'amnésie associée à la démence et des troubles vasculaires cérébraux.

2. L'utilisation conforme à celle décrite à la revendication 1, où le médicament sert au traitement d'un trouble vasculaire cérébral causé par un infarctus cérébral, une hémorragie cérébrale, une artériosclérose cérébrale, une hémorragie sous-arachnoïdienne, une thrombose cérébrale ou une embolie cérébrale.

3. L'utilisation conforme à celle décrite à la revendication 2, où le médicament sert au traitement de l'ischémie.

4. L'utilisation conforme à celle décrite à la revendication 3, où le médicament sert au traitement de l'amnésie associée à l'ischémie.

    

                5. L'utilisation conforme à celle décrite à la revendication 1, où le médicament sert au traitement de la démence vasculaire ou artérioscléreuse.

                6. L'utilisation conforme à celle décrite à à la revendication 1, où la démence est une démence de type Alzheimer.

                7. L'utilisation conforme à celle décrite dans l'une ou l'autre des revendications 1 à 6, le composé de la formule 1 étant le citalopram ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance.

                8. Une composition pharmaceutique ou un médicament pour le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux qui renferme une certaine quantité d'un 1-[3-diméthylamino)propyl]-1-phénylphthalane de la formule, où R1 et R2 sont chacun pris dans le groupe comprenant un halogène, le trifluorométhyle, un cyano et R-CO~, où R est un radical alkyle avec 1 à 4 atomes C inclusivement, ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance, qui est efficace pour une telle indication, et un diluant ou un véhicule pharmaco-acceptable.

                9. La composition conforme à celle décrite à la revendication 8, qui concerne le traitement des troubles vasculaires cérébraux causés par un infarctus cérébral, une hémorragie cérébrale, une artériosclérose cérébrale, une hémorragie sous-arachnoïdienne, une thrombose cérébrale ou une embolie cérébrale.

                10. La composition conforme à celle décrite à la revendication 9, qui concerne le traitement de l'ischémie.

                11. La composition conforme à celle décrite à la revendication 9, qui concerne le traitement de l'amnésie associée à l'ischémie.


                12. La composition conforme à celle décrite à la revendication 9, qui concerne le traitement de la démence vasculaire ou artérioscléreuse.

                13. La composition conforme à celle décrite à la revendication 8, qui concerne le traitement de la démence de type Alzheimer.

                14. La composition conforme à celle décrite à la revendication 8, où le composé de la formule I est le citalopram ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance.

                15. Une méthode de production d'une préparation pharmaceutique utile dans le traitement de la démence et des troubles vasculaires cérébraux chez un patient qui en a besoin, laquelle comprend l'étape du mélange d'une quantité d'un 1-[3-diméthylamino)propyl]-1-phénylphthalane de la formule, où R1 et R2 sont chacun pris dans le groupe comprenant un halogène, le trifluorométhyle, un cyano et R-CO~, où R est un radical alkyle avec 1 à 4 atomes C inclusivement, ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance, qui est efficace pour une telle indication, et un diluant ou un véhicule pharmaco-acceptable.

                16. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 15, où la préparation sert au traitement des troubles vasculaires cérébraux causés par un infarctus cérébral, une hémorragie cérébrale, une artériosclérose cérébrale, une hémorragie sous-arachnoïdienne, une thrombose cérébrale ou une embolie cérébrale.

17. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 16, où la préparation sert au traitement de l'ischémie.

                18. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 16, où la préparation sert au traitement de l'amnésie associée à l'ischémie.

                19. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 16, où la préparation sert au traitement d'une démence vasculaire ou artérioscléreuse.

                20. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 15, où la préparation sert au traitement de la démence de type Alzheimer.

21. Une méthode conforme à celle décrite à la revendication 15, où le composé de la formule I est le citalopram ou un sel d'addition acide pharmaco-acceptable de cette substance.

[11]            Le citalopram fait partie d'une classe de produits pharmaceutiques appelés les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine [ISRS], type de médicament qui s'est avéré très utile dans le traitement de la dépression et de l'état dépressif. Les ISRS agissent sur le système sérotoninergique, généralement lié à l'humeur, aux sentiments de bien-être, d'anxiété, etc. Pour le moment, Lundbeck est le seul fabricant de citalopram autorisé au Canada à vendre le produit, lequel est commercialisé sous la marque déposée de Celexa_.


[12]            La vente de médicaments au Canada est régie par le Règlement sur les aliments et drogues. Selon ce règlement, le fabriquant d'un médicament doit obtenir un ADC avant de pouvoir vendre son médicament. En février 1999, Lundbeck a obtenu un ADC pour son produit Celexa_à des concentrations de 10 mg, 20 mg et 40 mg. L'ADC délivré par le ministère de la Santé indique que le Celexa_est destiné à soulager les symptômes de la dépression. L'ADC n'inclut pas les utilisations revendiquées dans le brevet 368, à savoir le traitement de la démence, des MVC ou de tout autre trouble spécifié dans les demandes de brevets.

[13]            En vertu du Règlement MB (ADC), un fabricant de médicaments qui est titulaire d'un brevet pour lequel un ADC a été délivré quant à un médicament peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de ce médicament. Cette liste de brevets apparaît à un registre tenu par le ministre. Dès lors, quiconque fait une demande d'ADC pour un médicament qui est comparé au médicament breveté apparaissant au registre ou auquel on fait renvoi doit alléguer dans sa demande que le brevet relatif à ce médicament ne sera pas contrefait. L'ADA doit être signifié au titulaire du brevet, lequel a 45 jours pour débattre de la question et demander à la Cour fédérale de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un ADC.


Témoignages des experts

[14]            Lundbeck a présenté deux experts par voie d'affidavit et de contre-interrogatoire. Il s'agit des Drs Kiran Rabheru et Serge Gauthier. Vu leur formation dont font foi leurs curriculum vitae, ceux-ci semblent bien se qualifier comme témoins experts.

[15]            Genpharm a présenté deux témoins experts apparemment tout aussi qualifiés, à savoir les Drs Harold Merskey et Michel Piers Rathbone.

[16]            Genpharm soutient essentiellement que la production de citalopram n'entraîne pas la contrefaçon du brevet de Lundbeck puisque Genpharm entend commercialiser le citalopram uniquement pour l'utilisation bien connue et indiquée à l'ADC, soit pour contrer la dépression. Puisque le brevet protège l'utilisation du citalopram comme traitement de la démence (de différents types) et des MVC (de différents types), y compris les troubles cognitifs ou l'amnésie liée à ces maladies, Genpharm fait valoir qu'il n'y aurait pas de contrefaçon des utilisations indiquées à la liste de brevets.

[17]            Lundbeck présente principalement trois arguments pour contrer les allégations de Genpharm : rien n'empêche une utilisation hors étiquette; la démence inclut la dépression; les études ont démontré que le citalopram est efficace pour traiter la démence, d'où la possibilité de son utilisation telle que le prévoit le brevet et donc la contrefaçon du brevet.


Utilisation hors étiquette

[18]             Lundbeck soutient que, même si Genpharm déclare qu'elle commercialisera le citalopram uniquement pour contrer la dépression, rien n'empêche les médecins de prescrire le médicament ou les patients de le prendre contre la démence ou les MVC et donc de contrefaire le brevet et ce, sans égard à l'intention déclarée de Genpharm. L'utilisation du médicament à des fins autres que celles visées par l'ADC est connue sous le nom de « utilisation hors étiquette »

[19]            Il existe peu d'éléments de preuve venant des témoins experts qui tendent à établir que le citalopram a été utilisé pour traiter la démence et les MVC ou que celui-ci serait le traitement de choix pour traiter l'affection primaire associée à ces maladies, soit la perte des fonctions cognitives. Tous les experts semblent s'entendre sur le fait que le citalopram est utile contre la dépression ou les symptômes de la dépression.

[20]            Les Drs Merskey et Rathbone ont été contre-interrogés sur la possible utilisation hors étiquette du citalopram, à savoir non comme un antidépresseur suivant l'usage prévu dans l'ADC, mais plutôt comme un médicament pour traiter la démence ou les MVC, soit l'utilisation protégée.


[21]            Le Dr Merskey a déclaré : [traduction] « J'affirme sans hésitation que le citalopram est un bon médicament pour traiter la dépression et qu'il constitue également un bon médicament pour le traitement de patients atteints de démence et souffrant également de dépression. Je n'oserais pas l'utiliser autrement chez des patients atteints de démence. » (D.D., vol. III, onglet 12, p. 910)

[22]            Le Dr Rathbone déclare que l'utilisation hors étiquette se présente généralement dans le cadre d'essais cliniques à grande échelle, soit quand il y a une certaine preuve pharmacologique pouvant appuyer l'essai du médicament à d'autres fins que celles approuvées. Le médecin qui prescrit fait face à deux réalités : la première, les directives du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada et, la seconde, le remboursement par le gouvernement en vertu du régime ontarien et ce, particulièrement en ce qui a trait aux personnes âgées. Le gouvernement ne rembourse un médicament que s'il est prescrit pour une utilisation reconnue (c'est-à-dire, dans le cas du citalopram, pour traiter la dépression et non pour des utilisations pour lesquelles aucun ADC n'a été délivré). Il est possible qu'un médicament soit remboursé malgré l'absence d'ADC, mais seulement dans l'hypothèse où il y a eu un nombre important d'essais cliniques et qu'une preuve abondante milite en faveur d'une utilisation hors étiquette. Selon le Dr Rathbone, l'expérimentation d'une utilisation hors étiquette par les médecins est rare; il est beaucoup plus probable qu'une utilisation hors étiquette se produise dans le cadre d'essais cliniques à grande échelle fondés sur des découvertes pharmacologiques préliminaires. (D.D., vol III, onglet 14, p. 1024-1026)


La démence (de type Alzheimer ou vasculaire cérébral) comprend la dépression

[23]            Les TVC (troubles vasculaires cérébraux) sont définis dans le brevet 368 à la page 3 de la façon suivante :

[TRADUCTION] Lésions cérébrales causées par un infarctus cérébral, une hémorragie cérébrale, une artériosclérose cérébrale, une hémorragie sous-arachnoïdienne, une thrombose cérébrale, une embolie cérébrale ou un trouble apparenté, p. ex. ischémie et séquelles psychologiques et neurologiques de telles lésions. (D.D., vol. I, onglet 4b, p. 215)

[Non souligné dans l'original.]

[24]            Ainsi, le brevet inclut dans la définition des TVC les séquelles psychologiques des TVC en définissant les troubles comme des lésions cérébrales.

[25]            Le Dr Rabheru affirme dans son affidavit que dépression et trouble cognitif coexistent souvent. Il s'appuie sur diverses études qui ont été effectuées et qui sont citées dans son affidavit, indiquant la présence d'une dépression chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer ou d'un TVC. L'utilisation des SRS, tels que Celexa_, peut aider à atténuer les symptômes comportementaux et psychologiques de la démence [SCPD], [traduction] « dans les domaines non cognitifs comme la dépression et l'anxiété » (onglet 3, D.D., vol. 1, p.13). L'amélioration du trouble cognitif n'est pas systématique et reste à prouver dans le cas de la démence vasculaire cérébrale (DV). Le Dr Rabheru explique ensuite que l'amélioration observée au niveau de la fonction cognitive peut être attribuable à un soulagement de la dépression.


[26]            Lors du contre-interrogatoire, le Dr Rabheru a précisé la notion de coexistence de la démence et de la dépression :

[TRADUCTION] Le groupe des symptômes qui caractérisent la démence intéresse trois domaines [...] que nous appelons l'ABC de la démence [...] Le « A » désigne le changement dans le fonctionnement ou les activités de la vie quotidienne [...] Le second domaine concerne la cognition, et c'est le « C » [...] Le troisième domaine, celui du « B » [...] renvoie au terme général qu'on utilise maintenant dans la littérature, SCPD [...] symptômes comportementaux et psychologiques de la démence, et il inclut tout un éventail de symptômes, allant de l'anxiété à la dépression, l'agitation, la psychose, l'agressivité [...] (D.D., vol. III, onglet 15, p. 1159-1160).

[27]            En assimilant la dépression à la démence, on risque de franchir l'étape suivante et de considérer que la dépression chez un patient dément équivaut réellement à traiter la démence. Le Dr Merskey, dans son affidavit, met en garde contre le franchissement d'un tel pas. La dépression peut être causée par tout type de facteurs physiques, notamment par les infections.

[TRADUCTION] La dépression post-grippale est une de ces formes de dépression causée par une infection. Le soulagement de ce trouble apporté par le citalopram ne constituerait pas une preuve que le citalopram guérit la grippe à tout autre égard ni que le soulagement de la dépression fait intervenir un nouveau mécanisme (D.D., vol. II, onglet 9, p. 758).

Des études ont montré que le citalopram est un mode efficace de traitement de la démence

[28]            Dans son affidavit, le Dr Serge Gauthier indique qu'au moins quatre études publiées se sont penchées sur les effets du citalopram chez les patients déprimés et non déprimés atteints de la maladie d'Alzheimer.


[TRADUCTION] Citons notamment l'étude de Nyth et coll. (Acta Psychiatr Scand 1992, 86, 138-145), où 29 patients atteints de démence ont été répartis au hasard en deux groupes, l'un recevant du citalopram (N=15) et l'autre un placebo (N=8) pendant six semaines; des différences importantes à l'avantage du citalopram ont été observées pour divers points d'une échelle bien validée, notamment un trouble d'orientation dans le temps, une altération de la mémoire des faits récents [...] Ce type d'amélioration semble indiquer une amélioration cognitive qui dépasse la simple amélioration de la dépression.

[29]            Un peu plus loin, il ajoute, sous la rubrique « Conclusions » :

[TRADUCTION] Les données et la plausibilité biologique sont suffisantes pour corroborer une action plus étendue du citalopram comme médicament contre la démence, action qui dépasse son indication originale comme antidépresseur (vol I, D.D., onglet 5, p. 293).

[30]            Le Dr Merskey affirme dans son affidavit que de nombreux antidépresseurs, dont les ISRS, améliorent les fonctions cognitives chez les patients au moment où survient un soulagement de la dépression. Aucune donnée n'a été présentée par les experts de Lundbeck indiquant que le citalopram est plus performant à cet égard que d'autres antidépresseurs comparables.

[31]            L'amélioration cognitive au-delà l'amélioration de la dépression, thèse avancée par le Dr Gauthier, demeure une spéculation selon le Dr Merskey. Toujours selon le Dr Merskey, l'absence de recherches plus poussées depuis 1992 [traduction] « donne aussi à penser que les notions courantes mises de l'avant relativement à ces questions n'ont pas été considérées à ce jour comme méritant beaucoup plus d'attention » . (D.D., vol II, onglet 9, p. 763.)


[32]            Le Dr Merskey discute longuement dans son affidavit des études citées par le Dr Rabheru et le Dr Gauthier et souligne que ce qui aurait pu constituer des avenues prometteuses de recherche (par exemple l'interaction du citalopram avec le système cholinergique, plus directement associé aux fonctions cognitives) n'ont pas été explorées plus à fond depuis 1992 (l'étude de Nyth). Le Dr Merskey résume ainsi son expérience clinique de l'effet du citalopram :

[traduction] Je connais bien le citalopram et c'est en effet l'un des médicaments contre la dépression que je prescris le plus souvent. Son « ancienne utilisation » est bien établie et concerne la dépression, accompagnée ou non d'une complication. Cette complication peut être une néphropathie, une cardiopathie, un trouble douloureux d'une partie du corps ou une démence qui a causé une altération de certaines des fonctions du cerveau. Dans tous ces cas, pour autant que je puisse en juger par moi-même et à la lumière des connaissances actuelles, et malgré tout ce que j'ai lu dans les documents cités, l'effet du citalopram chez les patients atteints de démence s'apparente à l'effet du citalopram dans d'autres cas : à notre connaissance, il ne fait que soulager la dépression - de façon plutôt efficace (D.D., vol. II, onglet 9, p. 765).

[33]            Pendant le contre-interrogatoire du Dr Rabheru, la demanderesse a tenté de produire une nouvelle étude (Pollock, B.G. et al. « An Open Pilot Study of Citalopram for Behavioral Disturbances of Dementia » , American Journal of Geriatric Psychiatry 1997; 5:70-78), laquelle semble contredire la déclaration du Dr Merskey voulant qu'aucune autre étude n'ait été menée concernant le traitement de la démence au moyen du citalopram. La défenderesse s'est opposée à la présentation d'un nouvel élément de preuve lors du réinterrogatoire des témoins et l'élément de preuve en question a été déclaré inadmissible par le protonotaire Lafrenière.


[34]            À la lumière des témoignages des experts des deux parties, je ne suis pas encore convaincu que le citalopram est utilisé ou prescrit à l'heure actuelle pour d'autres indications que la dépression. Le fait qu'il puisse y avoir des effets positifs chez les patients souffrant d'une démence, de la maladie d'Alzheimer ou d'une MVC, semble lié au fait qu'il soulage les symptômes dépressifs. Lorsque l'humeur dépressive est relevée, les symptômes cognitifs peuvent s'améliorer; il demeure que c'est la dépression et rien d'autre qui a été traitée.


[35]            Il se peut que le citalopram soit utile pour traiter les problèmes comportementaux chez les personnes souffrant d'une démence; je trouve cependant qu'une telle allégation, que ne confirme pas tout à fait la recherche scientifique (d'après la preuve présentée), ne change en rien le fond de la question qui nous occupe, à savoir si l'allégation d'absence de contrefaçon est justifiée. Rien dans les revendications ne concerne les symptômes comportementaux. L'exposé de l'invention contient une définition des TVC qui inclut les séquelles psychologiques et neurologiques des lésions cérébrales causées par les diverses formes de TVC. Il ne s'agit pas des symptômes comportementaux auxquels a fait référence le Dr Rabheru lorsqu'il parlait de la démence ou de la maladie d'Alzheimer. Les symptômes comportementaux sont un aspect pénible de la démence et de la maladie d'Alzheimer, mais je ne crois pas que traiter ces symptômes revient à traiter la démence ou la maladie d'Alzheimer, pas plus que je ne crois que le traitement de la dépression qui accompagne la démence peut être assimilé au traitement de la démence. Les « séquelles psychologiques et neurologiques des lésions cérébrales » n'englobent pas non plus, à mon avis, la dépression au sens où on l'entend aujourd'hui et où on l'entend pour les besoins d'un AC. La dépression n'est pas une séquelle psychologique ou neurologique d'une lésion cérébrale. Elle peut survenir en présence de lésions cérébrales, mais elle peut également survenir en l'absence de toute lésion cérébrale causée par des TVC ou la démence. Elle existe comme entité clinique autonome et c'est ce que cherche à traiter le citalopram.

Question en litige

[36]            Genpharm est-elle fondée de prétendre qu'en fabriquant et vendant le médicament citalopram elle ne contrefait pas le brevet 368?             

DISPOSITIONS PERTINENTES

[37]            Les dispositions suivantes du Règlement MB (ADC) (DORS/93-133) s'appliquent en l'espèce :



5. (...) (1.1) Sous réserve du paragraphe (1.2), lorsque le paragraphe (1) ne s'applique pas, la personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament que l'on trouve dans une autre drogue qui a été commercialisée au Canada par suite de la délivrance d'un avis de conformité à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise doit inclure dans la demande, à l'égard de chaque brevet inscrit au registre visant cette autre drogue contenant ce médicament, lorsque celle-ci présente la même voie d'administration et une forme posologique et une concentration comparables :

(...)

b) soit une allégation portant que, selon le cas :

(...)

(iv) aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne seraient contrefaites advenant l'utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de la drogue faisant l'objet de la demande d'avis de conformité.

(...)

(3) Lorsqu'une personne fait une allégation visée aux alinéas (1)b) ou (1.1)b) ou au paragraphe (2), elle doit :

a) fournir un énoncé détaillé du droit et des faits sur lesquels elle se fonde;

(...)

c) si l'allégation est faite aux termes des sous-alinéas (1)b)(iv) ou (1.1)b)(iv) :

(i) signifier à la première personne un avis de l'allégation relative à la demande déposée selon les paragraphes (1) ou (1.1), au moment où elle dépose la demande ou par la suite,

(ii) insérer dans l'avis d'allégation une description de la forme posologique, de la concentration et de la voie d'administration de la drogue visée par la demande;(...)

6. (1) La première personne peut, dans les 45 jours après avoir reçu signification d'un avis d'allégation aux termes des alinéas 5(3)b) ou c), demander au tribunal de rendre une ordonnance interdisant au ministre de délivrer un avis de conformité avant l'expiration du brevet visé par l'allégation.

(2) Le tribunal rend une ordonnance en vertu du paragraphe (1) à l'égard du brevet visé par une ou plusieurs allégations si elle conclut qu'aucune des allégations n'est fondée

5. (1.1) Subject to subsection (1.2), where subsection (1) does not apply and where a person files or has filed a submission for a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine found in another drug that has been marketed in Canada pursuant to a notice of compliance issued to a first person and in respect of which a patent list has been submitted, the person shall, in the submission, with respect to each patent included on the register in respect of the other drug containing the medicine, where the drug has the same route of administration and a comparable strength and dosage form,

(...)

(b) allege that

(...)

(iv) no claim for the medecine itself and no claim for the use of the medicine would be infringed by the making, constructing, using or selling by that person of the drug for which the submission for the notice of compliance is filed.

(...)

(3) Where a person makes an allegation pursuant to paragraph (1.1)(b) (...) the person shall

(a) provide a detailed statement of the legal and factual basis for the allegation;

(...)

(c) if the allegation is made under subparagraph (1)(b)(iv),

(I) serve on the first person a notice of the allegation relating to the submission filed under subsection (1) or (1.1) at the time that the person files the submission or at any time thereafter, and

(ii) include in the notice of allegation a description of the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission has been filed: (...)

6. (1) A first person may, within 45 days after being served with a notice of an allegation pursuant to paragraph 5(3) (b) or (c), apply to a court for an order prohibiting the Minister from issuing a notice of compliance until after the expiration of a patent that is the subject of the allegation.

(2) The court shall make an order pursuant to subsection (1) in respect of a patent that is the subject of one or more allegations if it finds that none of those allegations is justified.(...)



[38]            La liste de brevets dont fait mention le paragraphe 5(1.1) est décrite à l'article 4. La liste se trouve dans un registre tenu par le ministre, conformément à l'article 3; aucune liste de brevets à l'égard d'un médicament ne peut apparaître au registre avant que celui-ci ne fasse l'objet d'un ADC en permettant la fabrication et la vente au Canada. L'ADC est délivré en vertu de l'article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues et concerne la sécurité d'un médicament.

[39]            Le paragraphe 4(7) indique qu'une personne qui soumet une liste de brevets doit remettre une attestation portant que les brevets sont admissibles à l'inscription et « pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité » . Le paragraphe 3(3) pévoit qu'aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'ADC. Suivant la Loi sur les aliments et drogues, l'ADC précise l'utilisation du médicament.

[40]            Il n'y a pas, dans le Règlement MB (ADC), de lien explicite entre l'utilisation indiquée dans l'ADC et les utilisations consignées dans la liste de brevets. Cette question sera également étudiée dans l'affaire T-1652-02 entendue parallèlement.

[41]            Pour plus de commodité, les articles 3 et 4 sont reproduits ci-dessous :



3. (1) Le ministre tient un registre des renseignements fournis aux thermes de l'article 4. À cette fin, il peut refuser d'y ajouter ou en supprimer tout renseignement qui n'est pas conforme aux exigences de cet article.

(2) Le registre est ouvert à l'inspection publique durant les heures de bureau.

(3) Aucun renseignement soumis aux termes de l'article 4 n'est consigné au registre avant la délivrance de l'avis de conformité à l'égard duquel il a été soumis.

(4) Pour décider si tout renseignement fourni aux termes de l'article 4 doit être ajouté au registre ou en être supprimé, le ministre peut consulter le personnel du Bureau des brevets.

LISTE DES BREVETS

4. (1) La personne qui dépose ou a déposé une demande d'avis de conformité pour une drogue contenant un médicament ou qui a obtenu un tel avis peut soumettre au ministre une liste de brevets à l'égard de la drogue, accompagnée de l'attestation visée au paragraphe (7).

(2) La liste de brevets au sujet de la drogue doit contenir les renseignements suivants :

a) la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue;

b) tout brevet canadien dont la personne est propriétaire ou à l'égard duquel elle détient une licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste, qui comporte une revendication pour le médicament en soi ou une revendication pour l'utilisation du médicament, et qu'elle souhaite voir inscrit au registre;

c) une déclaration portant, à l'égard de chaque brevet, que la personne qui demande l'avis de conformité en est le propriétaire, en détient la licence exclusive ou a obtenu le consentement du propriétaire pour l'inclure dans la liste;

d) la date d'expiration de la durée de chaque brevet aux termes des articles 44 ou 45 de la Loi sur les brevets;

e) l'adresse de la personne au Canada aux fins de signification de tout avis d'allégation visé aux alinéas 5(3)b) ou c), ou les nom et adresse au Canada d'une autre personne qui peut en recevoir signification avec le même effet que s'il s'agissait de la personne elle-même.

(3) Sous réserve du paragraphe (4), la personne qui soumet une liste de brevets doit le faire au moment du dépôt de la demande d'avis de conformité.

(4) La première personne peut, après la date de dépôt de la demande d'avis de conformité et dans les 30 jours suivant la délivrance d'un brevet qui est fondée sur une demande de brevet dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande d'avis de conformité, soumettre une liste de brevets, ou toute modification apportée à une liste de brevets, qui contient les renseignements visés au paragraphe (2).

(5) Lorsque la première personne soumet, conformément au paragraphe (4), une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets, elle doit indiquer la demande d'avis de conformité à laquelle se rapporte la liste ou la modification, en précisant notamment la date de dépôt de la demande.

(6) La personne qui soumet une liste de brevets doit la tenir à jour mais ne peut ajouter de brevets à une liste que si elle le fait en conformité avec le paragraphe (4).

(7) La personne qui soumet une liste de brevets ou une modification apportée à une liste de brevets aux termes des paragraphes (1) ou (4) doit remettre une attestation portant que :

a) les renseignements fournis sont exacts;

b) les brevets mentionnés dans la liste ou dans la modification sont admissibles à l'inscription au registre et sont pertinents quant à la forme posologique, la concentration et la voie d'administration de la drogue visée par la demande d'avis de conformité.

3. (1) The Minister shall maintain a register of any information submitted under section 4. To maintain it, the Minister may refuse to add or may delete any information that does not meet the requirements of that section.

(2) The register shall be open to public inspection during business hours.

(3) No information submitted pursuant to section 4 shall be included on the register until after the issuance of the notice of compliance in respect of which the information was submitted.

(4) For the purpose of deciding whether information submitted under section 4 should be added to or deleted from the register, the Minister may consult with officers or employees of the Patent Office. SOR/98-166, s. 2.

PATENT LIST

4. (1) A person who files or has filed a submission for, or has been issued, a notice of compliance in respect of a drug that contains a medicine may submit to the Minister a patent list certified in accordance with subsection (7) in respect of the drug.

(2) A patent list submitted in respect of a drug must

(a) indicate the dosage form, strength and route of administration of the drug;

(b) set out any Canadian patent that is owned by the person, or in respect of which the person has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list, that contains a claim for the medicine itself or a claim for the use of the medicine and that the person wishes to have included on the register;

(c) contain a statement that, in respect of each patent, the person applying for a notice of compliance is the owner, has an exclusive licence or has obtained the consent of the owner of the patent for the inclusion of the patent on the patent list;

(d) set out the date on which the term limited for the duration of each patent will expire pursuant to section 44 or 45 of the Patent Act; and

(e) set out the address in Canada for service on the person of any notice of an allegation referred to in paragraph 5(3)(b) or (c), or the name and address in Canada of another person on whom service may be made, with the same effect as if service had been made on the person.

(3) Subject to subsection (4), a person who submits a patent list must do so at the time the person files a submission for a notice of compliance.

(4) A first person may, after the date of filing of a submission for a notice of compliance and within 30 days after the issuance of a patent that was issued on the basis of an application that has a filing date that precedes the date of filing of the submission, submit a patent list, or an amendment to an existing patent list, that includes the information referred to in subsection (2).

(5) When a first person submits a patent list or an amendment to an existing patent list in accordance with subsection (4), the first person must identify the submission to which the patent list or the amendment relates, including the date on which the submission was filed.

(6) A person who submits a patent list must keep the list up to date but may not add a patent to an existing patent list except in accordance with subsection (4).

(7) A person who submits a patent list or an amendment to an existing patent list under subsection (1) or (4) must certify that

(a) the information submitted is accurate; and

(b) the patents set out on the patent list or in the amendment are eligible for inclusion on the register and are relevant to the dosage form, strength and route of administration of the drug in respect of which the submission for a notice of compliance has been filed. SOR/98-166, s. 3.


LES ALLÉGATIONS DE GENPHARM

[42]            Dans sa présentation soumise au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, Genpharm soutient que la seule utilisation du médicament qu'elle entend fabriquer et vendre est le soulagement des symptômes de la dépression. Aucune utilisation prévue dans les 21 revendications relatives au brevet 368 ne sera indiquée. En conséquence, Genpharm affirme qu'aucune revendication pour l'utilisation du médicament ne sera contrefaite par elle.

LES PRÉTENTIONS DE LUNDBECK

[43]            Lundbeck soutient que, compte tenu du nombre considérable de patients qui souffrent à la fois de dépression et de démence ou de TVC, il est inévitable que les comprimés de Genpharm seront prescrits aux patients souffrant d'une démence ou d'un TVC. Selon Lundbeck, cela veut dire que le citalopram traitera la démence ou le TVC de ces patients. Dans la description du brevet, à la p. 3, les TVC (troubles vasculaires cérébraux) sont définis comme englobant les [TRADUCTION] « séquelles psychologiques et neurologiques » de diverses lésions cérébrales telles que l'infarctus cérébral ou l'hémorragie cérébrale. L'utilisation conforme à celle décrite dans la revendication relative au traitement des TVC englobe donc le traitement de la dépression, qui pourrait être assimilée à l'une des séquelles psychologiques des lésions cérébrales.


[44]            L'absence d'intention plaidée par Genpharm n'a pas d'incidences quant à l'appréciation de la contrefaçon. De plus, toute preuve d'inefficacité est inadmissible étant donné qu'elle va au-delà de l'ADA de Genpharm.

ANALYSE

[45]            Dans l'arrêt Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social ) (1994), 55 C.P.R. (3d) 302 (C.A.F.), confirmant 53 C.P.R. (3d) 368, le juge Hugessen écrivant au nom de la Cour définit ainsi la charge de la preuve dans une affaire relevant du Règlement MB (ADC) :

Si je saisis bien l'économie du règlement, c'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6, en l'espèce Merck, qui doit poursuivre la procédure et assumer la charge de la preuve initiale. Cette charge me paraît difficile puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des conclusions de l'avis d'allégation, conclusions qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité. Il y a bien entendu certaines présomptions (par exemple la présomption légale de validité du brevet, [art. 43 Loi sur les brevets]), qui peuvent être à l'avantage de la partie requérante et peuvent avoir pour effet de faire passer la charge de la preuve à la partie intimée. Cependant, la présomption créée par l'article 55.1 n'est pas de celles-là. La procédure engagée n'est pas une action et ne vise qu'à faire interdire la délivrance d'un avis de conformité sous le régime du Règlement sur les aliments et drogues. Manifestement, elle ne constitue pas une « action en contrefaçon de brevet » : voir Bayer, précité.

Au surplus, étant donné que le règlement habilite le ministre, si une demande fondée sur l'article 6 n'est pas intentée dans les délais, à délivrer l'avis de conformité sur la foi des assertions contenues dans l'avis d'allégation, il semblerait qu'à l'audition de cette demande, du moins dans le cas où l'avis allègue la non-contrefaçon, la Cour doive présumer que les allégations de fait contenues dans l'avis d'allégation sont avérées sauf dans la mesure que la partie requérante prouve le contraire. Pour décider si les allégations sont « fondées » (paragraphe 6(2)), la Cour doit examiner si, à la lumière de ces faits tels qu'ils sont présumés ou prouvés, ces allégations engageraient en droit à conclure que le brevet ne serait pas contrefait par la partie intimée. [p.319] [Non souligné dans l'original.]


[46]            Lundbeck doit donc s'acquitter de la charge de prouver que les allégations de Genpharm quant à l'absence de contrefaçon sont dépourvues de fondement. Preuve doit être faite que l'utilisation qu'entend faire Genpharm de son médicament contreferait l'utilisation protégée du fait que le brevet 368 est consigné au registre.

[47]            Lundbeck doit établir que les comprimés fabriqués par Genpharm connaîtront une utilisation identique à celle qui est protégée (telle qu'elle apparaît au registre), par opposition à l'utilisation non protégée prévue dans l'ADC. Les experts de Lundbeck ont tout au plus déclaré que le citalopram peut être efficace pour traiter des problèmes de comportements liés à la démence ou à l'Alzheimer, mais même cette utilisation n'est pas totalement confirmée dans la littérature médicale.

[48]            Lundbeck soutient que Genpharm ne peut prouver l'inefficacité puisque cela va au-delà des termes de sa déclaration détaillée incluse dans son ADA. Dans l'affaire citée, Ab Hassle c. Canada (Ministre de la santé et du bien-être social) (2000), 7 C.P.R. (4th) 272 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a décidé que des éléments de preuve additionnels ne peuvent être présentés par le défendeur si ces éléments vont au-delà de ce qui apparaît dans la déclaration détaillée. La justification semble résider dans le fait que l'ADA vise à donner au breveté la possibilité de décider s'il réagira ou non à l'ADA en formulant des allégations auxquelles il devra répondre.


[49]            En l'espèce, les affidavits produits par Genpharm répondaient aux affidavits présentés par Lundbeck. L'allégation de Genpharm est simple : le citalopram qu'elle entend produire ne sera pas utilisé pour traiter une quelconque maladie énumérée dans les revendications de brevet. La preuve présentée par Genpharm comprend deux volets : premièrement, la dépression n'est pas équivalente à la démence ou aux MVC, en conséquence traiter l'une n'est pas traiter l'autre; deuxièmement, il y a peu de chance que le citalopram soit prescrit pour une utilisation protégée par le brevet. Je considère que la preuve présentée sert à confirmer l'allégation de non-contrefaçon. La question de l'inefficacité ne visait pas la validité du brevet, mais plutôt la probabilité que le médicament générique soit utilisé ou prescrit d'une façon qui porterait atteinte aux revendications de brevet. Cette stratégie n'avait rien d'inattendu, et il appartenait à la demanderesse de montrer que le médicament générique serait prescrit pour des utilisations protégées par la liste de brevets.

[50]            Dans la décision Pfizer Canada Inc. c. Nu-Pharm Inc. (1998), 83 C.P.R. (3d) 1, la Cour fédérale a statué à la p. 3 :

Il est bien établi que, pour qu'elle puisse accorder une ordonnance d'interdiction, la Cour doit conclure que le breveté a démontré, selon la prépondérance de la preuve, que les allégations de la seconde personne ne sont pas fondées. Pour déterminer la nature du fardeau qui incombe aux demanderesses, il est important de se rappeler que la procédure engagée aux termes du paragraphe 6(2) n'est pas une action en contrefaçon ordinaire. Il s'agit plutôt d'une procédure sommaire destinée à permettre au titulaire d'un brevet de protéger ses droits de brevet lorsque les allégations d'absence de contrefaçon et de nullité du fabricant du produit générique sont dénuées de fondement. En conséquence, si le titulaire d'un brevet ne peut pas démontrer que les allégations d'un fabricant générique sont dénuées de fondement, la demande d'interdiction devrait être rejetée et la question tranchée à l'aide de mesures plus conventionnelles.

[51]            La contrefaçon possible en raison de la prescription par des médecins ou l'utilisation par des patients d'un « ancien » médicament pour une « nouvelle » utilisation protégée a été étudiée dans deux décisions de la Cour d'appel fédérale.


[52]            Dans l'arrêt Genpharm Inc. c. Procter & Gamble Inc. (2002), 20 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), Genpharm avait fait une demande d'ADC afin de produire des comprimés d'étidronate disodique en vue de traiter l'ostéoporose. Procter & Gamble [P & G] avait inventé une nouvelle utilisation au produit connu en développant une thérapie à cycles intermittents propre à favoriser l'accroissement de la masse osseuse. L'étidronate disodique est utilisé en comprimés de 200 mg afin de traiter la maladie de Paget et l'hypercalcénie associée à une affectation maligne. P & G a produit des comprimés de 400 mg aux fins du traitement de l'ostéoporose. Genpharm cherchait à obtenir un ADC pour une concentration de 400 mg, mais plaidait qu'elle commercialiserait ces comprimés pour traiter la maladie de Paget et l'hypercalcénie et non pour traiter l'ostéoporose. La Cour d'appel fédérale a décidé que la confusion entre le médicament breveté de P & G et le médicament proposé par Genpharm serait telle qu'une contrefaçon serait inévitable.

[53]            Cette affaire se distingue de l'espèce du fait que l'utilisation pour le traitement de l'ostéoporose n'était pas en cause. L'utilisation intermittente de comprimés de 400 mg était approuvée, brevetée et protégée et pouvait être contrefaite. Étant donné qu'un ADC avait été délivré pour cette utilisation, délivrer un ADC au bénéfice de Genpharm pour le même type de comprimés était susceptible de donner lieu à une contrefaçon. En l'espèce, l'utilisation de citalopram pour traiter les MVC et la démence n'a pas été établie et aucun ADC n'a été délivré pour ces utilisations.


[54]            Le second arrêt de la Cour d'appel fédérale, à savoir AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social) (2002), 22 C.P.R. (4th) 1 (C.A.F.), traite plus directement de la question en litige en l'espèce. Curieusement, la demanderesse a plutôt choisi de se fonder sur une autre décision, à savoir A.B. Hassle c. Rhoxalpharma Inc., [2002] C.F. 1re inst. 780 (juge Gibson), qui traite de la même question mais connaît une conclusion différente.

[55]            Le litige portait sur la fabrication d'un composé connu, l'oméprazole. Dans le brevet, la revendication relative à l'utilisation était liée au traitement des infections à Campylobacter. Dans son ADA, le fabricant du médicament générique (Apotex dans l'arrêt de la Cour d'appel fédérale et Rhoxalpharma dans la décision du juge Gibson) a allégué qu'aucune revendication relative au médicament ou à l'utilisation de celui-ci ne serait contrefaite puisque ce produit ne serait pas fabriqué, utilisé ou vendu pour le traitement des infections à Campylobacter.

[56]            En première instance, le juge Gibson, qui a instruit l'affaire Rhoxalpharma, a tranché qu'étant donné qu'il était probable que les médecins prescrivent l'oméprazole sous sa forme générique pour traiter les infections à Campylobacter, il y aurait contrefaçon indirecte du brevet même si aucune contrefaçon directe n'avait été établie; en conséquence, il a délivré une ordonnance d'interdiction pour toute la durée du brevet.


[57]            Dans sa décision, le juge Gibson se reporte à la décision de première instance du juge O'Keefe AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (2001), 16 C.P.R. (4th) 21 (C.F. 1re inst.), décision confirmée plus tard par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt précité. La situation factuelle était identique. Le juge O'Keefe a refusé de délivrer une ordonnance d'interdiction parce qu'il n'était pas convaincu que la contrefaçon, directe ou indirecte, avait été établie.

[58]            La décision du juge Gibson n'a pas d'antécédents et n'a pas non plus été suivie. La décision du juge O'Keefe, citée précédemment, a quant à elle été confirmée par la Cour d'appel fédérale. Celle-ci a statué que la décision du juge de première instance était raisonnable compte tenu de ses conclusions de fait :

Il n'a pas été démontré qu'Apotex entend fabriquer, utiliser ou vendre son médicament pour l'utilisation spécifique breveté.

Il y a un lien entre la seconde personne (le fabricant de médicament générique) et la contrefaçon par un tiers. La seconde personne doit être impliquée dans la contrefaçon soit directement, soit indirectement, par exemple en incitant ou en amenant le tiers à la contrefaçon. Apotex n'avait ni incité ni amené aucune personne à la contrefaçon.

Hassle devait prouver que 1) le médecin prescrivait vraisemblablement le médicament sous sa forme générique pour le traitement des infections à Campylobacter et 2) le pharmacien aurait tendance à délivrer au patient le produit générique à moindre coût, ce qui entraînerait une contrefaçon du brevet 668.Cette preuve n'a pas été établie. Le juge O'Keefe a conclu que Hassle n'avait pas établi, suivant la prépondérance de la preuve, qu'Apotex contreferait le brevet de Hassle.


[59]                 Une contrefaçon peut être directe ou indirecte. En l'espèce, la demanderesse n'a pas établi, selon la prépondérance de la preuve, que Genpharm entend fabriquer, utiliser ou vendre du citalopram sous sa forme générique pour toute autre utilisation que celle approuvée. La demanderesse ne m'a pas davantage convaincu que le citalopram serait utilisé ou prescrit par des tierces parties pour des utilisations autres que celle approuvée. On ne m'a pas prouvé que le citalopram était reconnu par la profession médicale comme un médicament prometteur pour une quelconque utilisation revendiquée dans la liste de brevets.

[60]                 Dans l'arrêt Procter & Gamble, précité, la Cour d'appel fédérale a considéré que l'utilisation par des patients du médicament aux fins protégées par le brevet équivaudrait à une contrefaçon et que, en conséquence, il ne convenait pas de délivrer un ADC au fabriquant du médicament générique. Toutefois, dans cette décision, « la preuve établissait de façon écrasante que les actes et les intentions [du fabricant de médicament générique] mèneraient inévitablement à la contrefaçon » [Procter & Gamble, précité, para. 57].

[61]                 À mon avis, la Cour d'appel fédérale formule, dans l'arrêt AB Hassle, précité, une conclusion applicable à l'espèce :          


¶ [57]             Par conséquent, Apotex ne peut être empêchée d'obtenir un avis de conformité pour le seul motif qu'elle vendra de l'oméprazole. Affirmer le contraire soulèverait de graves questions de politique. S'il y avait une quelconque possibilité qu'un patient consomme un produit générique pour une utilisation brevetée, alors le produit générique ne serait pas approuvé. Cela empêcherait l'autorisation de nouvelles utilisations de médicaments existants, car il est toujours possible que quelqu'un, quelque part, utilise le médicament pour l'objet breveté et interdit. Cette position mènerait à une véritable injustice : comme la société qui fabrique des génériques ne peut raisonnablement contrôler comment chacun dans le monde utilise son produit, empêcher le fabricant de génériques de commercialiser son produit contribuerait à conforter et élargir davantage le monopole des titulaires de brevet. Les titulaires de brevet se trouveraient de ce fait à contrôler effectivement non seulement les nouvelles utilisations d'un composé existant, mais le composé lui-même, même si celui-ci n'est pas protégé par le brevet au départ. Les titulaires de brevet auraient ainsi un avantage qu'ils ne devraient pas avoir. En fin de compte, la société serait privée de l'avantage des nouveaux modes d'utilisation des produits pharmaceutiques existants, disponibles à un coût inférieur.

(...)

¶ [59]             Les appelantes n'ont pas établi que, dans le cas où un avis de conformité serait délivré à Apotex et où elle vendrait de l'oméprazole, les patients ou d'autres tiers contreferaient le brevet d'utilisation des appelantes. Dans une procédure d'interdiction, si la première personne ne parvient pas à établir que des contrefaçons se produiront si l'avis de conformité est délivré, elle ne peut obtenir l'interdiction en se fondant sur le sous-alinéa 5(1)b)(iv), quelle que soit la définition du lien nécessaire entre le fabricant de génériques et la contrefaçon.

[62]                 La décision américaine Warner-Lambert Co. v. Apotex Corp., Apotex Inc., and Torpharm, Inc., 2003 U.S. App. Lexis 594 (U.S. Ct. App. Fed. Cir.), est intéressante du fait de l'énoncé succint de la Court of Appeal (Federal Circuit) des États-Unis expliquant pourquoi un breveté ne devrait pas être autorisé à formuler une nouvelle revendication pour un ancien médicament pour empêcher un fabricant de génériques de produire le médicament. Même si la Cour n'est pas liée par la jurisprudence américaine, les lois américaine et canadienne sont suffisamment semblables pour rendre la citation pertinente en l'espèce :

[TRADUCTION] L'interprétation proposée par Warner-Lambert est incompatible avec les deux objectifs énoncés dans la loi Hatch-Waxman et conférerait des droits additionnels substantiels aux premiers propriétaires du médicament breveté, ce que le Congrès voulait assez clairement éviter. Si l'interprétation Warner-Lambert était juste, un titulaire de NDA [ADC au Canada] pourrait pratiquement conserver son exclusivité en produisant une nouvelle demande de brevet sur une base régulière dans laquelle il revendiquerait une méthode d'utilisation restreinte non prévue au NDA. Il pourrait alors utiliser la disposition § 271(e)(2)(A) comme un glaive contre tout compétiteur de NDA abrégé souhaitant une approbation pour commercialiser un médicament hors brevet pour une utilisation approuvée non incluse dans le brevet. Les fabricants de médicaments génériques seraient dans les faits tous exclus du marché. Cela ne servirait assurément pas à rendre disponibles « plus de médicaments génériques à bas prix » et irait à l'encontre de l'intention du Congrès. Par ailleurs, même si Warner-Lambert prétend que confirmer la décision de la cour de district nuirait aux activités de recherche et développement des innovateurs, le Congrès a expressément déclaré que les incitatifs créés par la Loi correspondaient au rétablissement de la durée du brevet. Preuve n'a pas été faite que le Congrès avait pour intention de permettre à l'innovateur d'étendre son exclusivité en faisant simplement valoir ses brevets pour des utilisations non approuvées. [par. 38]


[63]                 Dans l'arrêt Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd, [2001] 1 C.F. 495 (C.A.F.), une des questions en litige consistait à savoir si l'AZT, un composé pharmaceutique bien connu, pouvait être breveté en raison de la découverte d'une nouvelle utilisation, soit la prophylaxie des infections à VIH. Ce qui était brevetable, selon la Cour d'appel fédérale, était la nouvelle utilisation et seulement celle-ci.

Lorsqu'un nouveau composé est inventé, l'inventeur a droit à un brevet englobant tous les usages du composé. Lorsque le composé n'est pas nouveau, toutefois, le brevet ne portera que sur le nouvel usage découvert. [par. 81]

[64]                 En l'espèce, la nouvelle utilisation concerne la démence, les MVC et l'Alzheimer, mais non la dépression. Tenter d'y inclure la dépression ne crée pas une nouvelle utilisation.                                                                                    

CONCLUSION

[65]                 La revendication relative à l'utilisation est liée au traitement de la démence, des MVC, de l'Alzheimer ou de l'ischémie. L'utilisation du citalopram pour traiter la dépression est une ancienne utilisation qui n'est pas revendiquée au brevet. L'utilisation pour laquelle l'ADC a été délivré dans le cas du Celexa_ de Lundbeck est la dépression, non l'une quelconque des maladies pour le traitement de laquelle une revendication est inscrite au registre des brevets. Le brevet ne comporte aucune revendication relative à la dépression puisque cette utilisation est bien établie et ne peut donc être brevetée. Il va sans dire que si une utilisation ne peut être brevetée, il ne peut y avoir contrefaçon.


[66]                 Lundbeck soutient que le traitement de la dépression est inclus dans le traitement de la démence ou des TVC. Mais, même si l'on tient pour acquis que [TRADUCTION] « les séquelles psychologiques et neurologiques » de lésions cérébrales constituent une forme de TVC, comme on l'affirme dans la description figurant au brevet, rien dans le témoignage des experts n'établit, selon la prépondérance de la preuve, que traiter la dépression revient à traiter la démence ou les TVC. Il se peut fort bien que la dépression accompagne diverses démences et divers troubles vasculaires cérébraux, mais elle existe comme entité clinique distincte. La traiter ne revient pas à traiter un autre trouble, que ce soit le cancer, la grippe ou l'hémorragie cérébrale, qui peuvent tous être présents ou non dans les cas de dépression. Je suis d'avis que l'inclusion des « séquelles psychologiques et neurologiques » dans la définition des TVC est trop vague et trop peu spécifique pour qu'on puisse commencer à discuter de l'allégation de Genpharm concernant l'absence de contrefaçon.


[67]                 Lundbeck n'a pas démontré de façon convaincante que le citalopram produit par Genpharm serait prescrit pour traiter autre chose que la dépression. Il semble tout à fait illogique de penser que la dépression se présentera toujours seule. Le citalopram, comme tous les experts appelés à témoigner l'ont déclaré, est le médicament de choix pour traiter la dépression chez les personnes âgées, compte tenu de sa faible toxicité et de ses effets secondaires relativement bénins. Les personnes âgées sont plus susceptibles d'être affectées par tout un éventail de maladies, dont des maladies liées à la démence, à la maladie d'Alzheimer et aux TVC. Ce fait à lui seul ne suffit pas à prouver la contrefaçon du brevet 368, qui concerne le traitement des TVC, de la démence et de la maladie d'Alzheimer, et non de la dépression.

[68]                 Aucune preuve concluante voulant que le citalopram soit utile pour traiter en tant que tels les TVC, la démence ou la maladie d'Alzheimer n'a été fournie. Les études sur le traitement des problèmes comportementaux sont encore très peu probantes. Il reste que le citalopram constitue un remède efficace contre la dépression et que son utilisation n'est pas protégée. Toutes les autres utilisations du citalopram ont jusqu'à présent eu lieu dans le cadre d'expériences isolées, qui ne semblaient pas paver la voie à d'autres recherches.

[69]                 La demanderesse n'a pas établi, selon la prépondérance de la preuve, que la délivrance d'un ADC en faveur de la défenderesse pour la fabrication et la commercialisation du citalopram entraînerait la contrefaçon du brevet 368.

[70]                 En conséquence, la demande doit être rejetée.


                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

- que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

- que des dépens soient adjugés en faveur de la défenderesse Genpharm.

                  « Pierre Blais »             

                        Juge

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté, LL.B., D.E.S.S. trad.


                                                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-122-02

INTITULÉ :                                        H. Lundbeck A\S et al.

c.                  

Ministre de la Santé et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE D'AUDIENCE :                     le 17 septembre 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE   

ET ORDONNANCE :                     le juge Blais

DATE DES MOTIFS :                      le 3 octobre 2003

COMPARUTIONS :

Mme Marie Lafleur                  POUR LES DEMANDERESSES

M. Roger Hugues                     POUR LA DÉFENDERESSE

Mme Kamleh Nicola                 Genpharm

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FASKEN, MARTINEAU          POUR LES

DUMOULIN LLP                       DEMANDERESSES

Montréal (Québec)

SIM, HUGUES,                         POUR LA

ASHTON & McKay                   DÉFENDERESSE

Toronto (Ontario)                      Genpharm


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