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Date : 20030423

Dossier : IMM-1882-02

Référence neutre : 2003 CFPI 476

ENTRE :

                                                           DINH TIEN LA

                                                                                                                              demandeur

                                                                       et

                                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                               défendeur

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

HISTORIQUE

[1]                Dinh Tien La (le demandeur) est citoyen du Vietnam; il réside en permanence au Canada depuis le 18 novembre 1994, sa conjointe, deux enfants et lui-même ayant été reconnus à titre de réfugiés au sens de la Convention dans le cadre de la participation du Canada au programme de rétablissement des réfugiés vietnamiens.

[2]                Dans cette demande de contrôle judiciaire, le demandeur cherche à faire annuler deux avis délivrés le 28 mars 2002 par la représentante du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

[3]                Le premier avis a été délivré conformément au paragraphe 70(6) de la Loi sur l'immigration (la Loi). La représentante était d'avis que le demandeur avait violé les conditions d'une ordonnance sursoyant à l'exécution d'une mesure d'expulsion qui avait été rendue le 24 novembre 1999 par la Section d'appel de l'immigration (la SAI) et que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada. L'expulsion du demandeur a été ordonnée parce qu'au mois de mars 1997, il avait été déclaré coupable de possession de cocaïne en vue d'en faire le trafic et qu'il s'était vu infliger une condamnation avec sursis de trois mois à purger dans la collectivité. L'avis exprimé par la représentante du ministre avait pour effet d'annuler le sursis à l'exécution de quatre ans ordonné par la SAI.

[4]                Le deuxième avis rendu par la représentante du ministre était fondé sur l'alinéa 53(1)d) de la Loi. La représentante du ministre était d'avis que le demandeur constituait un danger pour le public. Ce deuxième avis avait pour effet de permettre le renvoi du demandeur au Vietnam, soit un pays d'où il s'était enfui parce qu'il craignait d'y être persécuté.

[5]                Le dossier dont disposait la représentante du ministre révèle le fondement sur lequel repose l'avis qu'elle a exprimé, à savoir la criminalité du demandeur et les probabilités d'une récidive. En 1995, le demandeur avait été reconnu coupable de possession de cocaïne (mais non en vue d'en faire le trafic) et il avait été condamné à un an de probation. Comme il en a été fait mention, le demandeur a été déclaré coupable, le 10 mars 1997, de possession de stupéfiants en vue du trafic. Le 22 octobre 2001, il a été déclaré coupable d'avoir produit de la marijuana à Vancouver et il a été condamné à une peine d'emprisonnement de six mois.

[6]                Dans les documents dont disposait la représentante du ministre, il était également fait mention de deux accusations en instance que la police de la communauté urbaine de Toronto avait portées contre le demandeur. Une accusation se rapportait à la production de marijuana et l'autre se rapportait à la possession de marijuana en vue d'en faire le trafic.

[7]                Dans le rapport ministériel renfermant l'avis en date du 10 janvier 2002, sous le titre [TRADUCTION] « Analyse raisonnée du danger » , figurent les remarques suivantes :

[TRADUCTION] M. La, un citoyen du Vietnam, a obtenu le droit d'établissement en tant que RCI le 18 novembre 1994. Depuis qu'il est arrivé au Canada, cet individu a eu des démêlés avec la police de Vancouver et avec la police de la communauté urbaine de Toronto, à compter de 1995, et ce, jusqu'à maintenant.

[8]                Dans ce même rapport, sous le titre [TRADUCTION] « Récidive » , figurent les remarques suivantes :


[TRADUCTION] La a été reconnu coupable de deux infractions liées à la drogue et, à l'heure actuelle, il fait l'objet d'un mandat d'arrestation qui a été délivré à Toronto (Ontario) et qui n'a pas encore été exécuté pour une troisième infraction liée à la drogue. La a été arrêté pour sa première infraction criminelle un an à peine après être arrivé au Canada. Son comportement criminel se poursuit jusqu'à ce jour. La a obtenu un sursis à l'exécution d'une mesure d'expulsion, lequel était assorti de plusieurs conditions; notamment, il ne devait pas troubler l'ordre public et il devait avoir une bonne conduite. La a fait preuve d'un manque de respect pour cette ordonnance en se livrant au commerce illégal de la drogue, de sorte que la récidive est établie pour ce qui est de sa conduite criminelle.

                                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[9]                Au rapport sur l'avis ministériel étaient joints plusieurs documents, notamment la pièce 22, soit des instructions confidentielles de l'avocat de la Couronne, en Ontario. En examinant cette pièce, aux pages 134 à 153 du dossier certifié du tribunal, on trouve de nombreux documents se rapportant aux accusations portées à Toronto, y compris le sommaire lui-même, un mandat de perquisition pour le 28, avenue Kenpark, à Brampton (Ontario), où serait apparemment située une résidence appartenant au demandeur, ainsi que les renseignements à l'appui de la demande de mandat de perquisition.

[10]            Dans la demande d'avis ministériel en date du 13 février 2002, sous le titre [TRADUCTION] « Profil de danger » , il est fait mention de deux déclarations de culpabilité prononcées en Colombie-Britannique, mais l'accusation portée en Ontario n'est pas mentionnée. Toutefois, on note les arguments soumis par l'avocat du demandeur au sujet des accusations portées en Ontario, lesquels sont ainsi libellés :


[TRADUCTION] En outre, le fait que des accusations, en Ontario, sont encore en instance pour la même infraction inquiète peut-être le ministre, mais M. La nie toute participation à la culture dont il est fait mention dans l'accusation, en Ontario. Les renseignements fournis par la PPO constituent une preuve faible en ce qui concerne la garde et le contrôle de la marijuana trouvée à la résidence appartenant à M. La en Ontario. La police, qui surveillait M. La, n'a jamais vu celui-ci à cet endroit, tant qu'il ne s'y est pas rendu pour recouvrer le loyer qui n'avait pas été payé. Bref, la preuve établit simplement que M. La est propriétaire d'une maison qu'il a louée à des gens qu'il ne connaît pas et qui ont utilisé la maison pour y cultiver de la marijuana. Il n'est pas retourné pour faire face à ces accusations parce que, à l'heure actuelle, il doit rester en Colombie-Britannique tant que l'appel de la sentence n'aura pas été réglé.

[11]            Les contestations du demandeur, en ce qui concerne ces deux avis, comportent deux volets. En premier lieu, le demandeur soutient qu'il n'existe aucun lien, à l'exception de la déclaration de culpabilité elle-même, entre l'activité criminelle dont il a été déclaré coupable, à savoir le trafic de marijuana, et un danger présent ou futur pour le public au Canada. Selon le demandeur, cela n'est pas suffisant parce qu'il doit exister une preuve et une analyse du danger. En second lieu, et ce qui est encore plus important selon le demandeur, la représentante du ministre a tenu compte d'accusations pour lesquelles le demandeur n'avait pas encore été reconnu coupable, de sorte que cette considération n'était pas pertinente.

LA NORME DE CONTRÔLE

[12]            Quant à la norme de contrôle que la Cour devrait appliquer en examinant les deux avis de danger délivrés par la représentante du ministre, cette question a été réglée par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Suresh c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et autre, [2002] C.S.C. 1.

[13]            Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a statué que l'avis exprimé par le représentant du ministre, selon lequel la personne en cause constituait un danger pour la sécurité au Canada conformément à l'alinéa 53(1)b) de la Loi, est susceptible de révision uniquement lorsque le représentant rend une décision manifestement déraisonnable. Voici ce que la Cour a dit au paragraphe 29 :

[...] Nous souscrivons à l'opinion du juge Robertson selon laquelle le tribunal de révision doit faire preuve de retenue à cet égard et annuler la décision discrétionnaire seulement si elle est manifestement déraisonnable parce qu'elle aurait été prise arbitrairement ou de mauvaise foi, qu'elle n'est pas étayée par la preuve ou que la ministre a omis de tenir compte des facteurs pertinents. Le tribunal de révision ne doit ni soupeser à nouveau les différents facteurs ni intervenir uniquement parce qu'il serait arrivé à une autre conclusion.                                                                                   [non souligné dans l'original]

[14]            Dans l'arrêt Suresh, précité, la Cour suprême a fait des remarques au sujet de la décision qu'elle avait rendue dans l'affaire Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817; elle a dit ce qui suit au paragraphe 37 :

37             C'est dans ce contexte qu'il faut interpréter les passages de Baker où il est question de l' « importance accordée » à certains facteurs (par. 68 et 73-75). Il n'incombait à personne d'autre qu'au ministre d'accorder l'importance voulue aux facteurs pertinents. Cet arrêt n'a pas pour effet d'autoriser les tribunaux siégeant en révision de décisions de nature discrétionnaire à utiliser un nouveau processus d'évaluation, mais il repose plutôt sur une jurisprudence établie concernant l'omission d'un délégataire du ministre de prendre en considération et d'évaluer des restrictions tacites ou des facteurs manifestement pertinents : voir Anisminic Ltd. c. Foreign Compensation Commission, [1969] 2 A.C. 147 (H.L.); Re Sheehan and Criminal Injuries Compensation Board (1974), 52 D.L.R. (3d) 728 (C.A. Ont.); Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2; Dagg, précité, par. 111-112, le juge La Forest (dissident pour d'autres motifs).      [non souligné dans l'original]

[15]            La mention de l'arrêt Maple Lodge Farms, [1982] 2 R.C.S. 2 est importante parce que, dans cet arrêt-là, Monsieur le juge McIntyre, pour le compte de la Cour suprême du Canada, a dit ce qui suit à la page 7 :

C'est aussi une règle bien établie que les cours ne doivent pas s'ingérer dans l'exercice qu'un organisme désigné par la loi fait d'un pouvoir discrétionnaire simplement parce que la cour aurait exercé ce pouvoir différemment si la responsabilité lui en avait incombé. Lorsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi, les cours ne devraient pas modifier la décision.

[16]            Il ressort de cette jurisprudence que, si en exerçant un pouvoir discrétionnaire ou en formulant un avis, l'autorité compétente s'est fondée sur des considérations ou sur des facteurs non pertinents, la décision en résultant est manifestement déraisonnable.

CONCLUSIONS

[17]            L'approche à adopter à l'égard de la question dont je suis saisi a été énoncée par Monsieur le juge Strayer dans l'arrêt Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.) au paragraphe 29, où il a expliqué le sens de l'expression « danger pour le public » figurant dans la Loi et le genre d'analyse nécessaire :


29             La Cour suprême a déclaré dans l'arrêt R. c. Nova Scotia Pharmaceutical Society [...] qu'une loi est d'une imprécision inconstitutionnelle "si elle manque de précision au point de ne pas constituer un guide suffisant pour un débat judiciaire". Dans le contexte du contrôle judiciaire d'une décision du ministre sur la question de savoir si, "selon le ministre, [une personne] constitu [e] un danger pour le public au Canada", la question qu'il faut se poser est la suivante: cette phraséologie donne-t-elle des instructions suffisantes au ministre, afin que le ministre et la Cour puissent déterminer si le ministre exerce ce pouvoir comme le législateur l'entendait? À mon avis, le libellé du paragraphe 70(5) est suffisamment clair à cet égard. Dans ce contexte, le sens de l'expression "danger pour le public" n'est pas un mystère: cette expression doit se rapporter à la possibilité qu'une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n'est besoin de prouver "à vrai dire, on ne peut pas prouver" que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l'intéressé et des observations que l'intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l'intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public. J'insiste sur le mot "inacceptable" parce que, vu l'impossibilité de prouver une conduite future, il y a toujours un risque, et la mesure dans laquelle la société devrait être prête à accepter ce risque peut faire intervenir des considérations politiques qui ne sont pas inappropriées de la part d'un ministre. Celui-ci peut bien conclure, par exemple, que les personnes reconnues coupables d'infractions reliées aux stupéfiants sont plus susceptibles de récidiver et que le trafic des stupéfiants constitue une menace particulière pour la société canadienne. Je conviens avec le juge Gibson dans l'affaire Thompson que le "danger" doit être interprété comme un "danger présent ou futur pour le public". J'hésite toutefois à affirmer que le ministre doit avoir en main un type particulier de document pour tirer une conclusion de danger présent ou futur. J'ai du mal à comprendre pourquoi il n'est pas loisible à un ministre de prévoir une inconduite future à partir d'une inconduite passée, particulièrement eu égard aux circonstances des infractions et, comme en l'espèce, aux commentaires faits par l'un des juges qui ont prononcé les peines. Il se peut qu'une cour de contrôle ne soit pas du même avis que le ministre, ou considère qu'on aurait dû donner plus de poids à certains documents, mais cela ne veut pas dire que le critère législatif est d'une imprécision inadmissible simplement parce qu'il permet au ministre de parvenir à une conclusion différente de celle de la Cour.

                                                                                                                  [non souligné dans l'original]

[18]            Les documents dont disposait la représentante du ministre établissaient que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada parce que, comme l'a dit le juge Strayer dans l'arrêt Williams, précité, il était une personne « ayant commis un crime grave dans le passé [pouvant] sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel » .

[19]            La représentante du ministre a expressément reconnu [TRADUCTION] qu' « en arrivant à [s]on avis, [elle avait] tenu compte du rapport sur l'avis ministériel et de la preuve documentaire présentée par les responsables locaux de l'immigration à l'appui de leur recommandation [...] ainsi que des renseignements contenus dans la demande d'avis ministériel et dans les documents à l'appui » . La représentante a déclaré qu'elle avait tenu compte de la lettre de l'avocat du demandeur du 9 janvier 2002, dont certaines parties ont été incorporées dans la demande d'avis ministériel.

[20]            Compte tenu de la preuve mise à ma disposition, je puis uniquement conclure que la représentante du ministre a tenu compte des accusations en instance en Ontario qui avaient été portées contre le demandeur. Comme l'avocat l'a soutenu, il s'agissait d'une considération non pertinente qui avait pour effet de rendre les avis manifestement déraisonnables.

[21]            Par sa nature même, une accusation criminelle en instance ne peut pas constituer une preuve de récidive - de la probabilité qu'une nouvelle infraction sera commise. Cela équivaudrait à prononcer une déclaration de culpabilité sans tenir de procès.


[22]            Je me fonde, à l'appui de cette thèse, sur une décision que Monsieur le juge MacKay a récemment rendue dans l'affaire Dokmajian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] CFPI 85, où mon collègue examinait un avis de danger. Voici ce qu'il a dit au paragraphe 26 :

26     La première mention est la suivante :

[traduction] La nature de ces infractions justifie une décision selon laquelle l'intéressé constitue un danger. Il doit aussi répondre à une accusation, déposée contre lui le 20 avril 2001, pour possession de biens volés d'une valeur inférieure à 5 000 $. Il doit comparaître devant le tribunal le 26 février 2002.

La première des phrases citées ne précise pas pourquoi le demandeur pourrait être considéré comme un danger pour le public, elle parle simplement de la nature des infractions. Comme nous l'avons vu, cela ne suffit pas en soi pour autoriser une décision ministérielle du genre. La deuxième phrase parle d'une accusation en cours, non d'une déclaration de culpabilité, et cela ne justifie pas en soi une décision selon laquelle le demandeur constitue un danger.

[23]            Dans la décision Hinds c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1544, Monsieur le juge Gibson examinait également un avis de danger. Dans le rapport relatif à l'avis ministériel, il était mentionné, sous le titre [TRADUCTION] « Analyse raisonnée du danger » que le demandeur avait été arrêté et accusé de trafic de drogues, mais qu'il avait par la suite été acquitté. Le juge Gibson s'est abstenu de commenter l'opportunité de s'appuyer, dans une analyse raisonnée du danger, sur les circonstances qui avaient donné lieu à une accusation dont le demandeur avait été acquitté. Le juge a dit qu'il suffisait de noter qu'il s'agissait de l'un des trois seuls paragraphes constituant l' « analyse raisonnée du danger » figurant dans le rapport et qu'étant donné l'acquittement et le contexte limité dans lequel ce paragraphe figurait, il pouvait uniquement être considéré comme hautement préjudiciable.

[24]            Dans l'arrêt Kumar c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1984] A.C.F. no 1046 (C.A.F.), Monsieur le juge Heald, au nom de la Cour, a dit ce qui suit :

Bien que la Commission d'appel de l'immigration ait de toute évidence tenté dans ses motifs de fonder sa décision uniquement sur des faits n'ayant aucun rapport avec l'existence des accusations criminelles pesant alors contre l'appelant, le fait d'y référer à l'avant-dernier paragraphe de ses motifs [...] jette un doute sur le succès de la Commission à cet égard. Selon nous, la Commission avait entièrement le droit de faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour refuser l'ajournement sollicité par l'appelant jusqu'à ce qu'on ait statué sur les accusations criminelles pesant contre lui et pour procéder à l'examen. Cependant, si la Commission décidait d'agir ainsi, elle était tenue par l'équité de ne laisser l'existence de ces accusations peser d'aucune façon sur sa décision d'accorder ou de refuser la prorogation de sursis demandée. Comme nous doutons que cette obligation d'équité a été respectée, l'appel devrait être accueilli et l'affaire renvoyée devant la Commission pour une nouvelle audience qui pourra se tenir soit devant des membres différents soit devant les membres ayant mené l'examen attaqué.

[25]            Selon moi, l'arrêt Kumar, précité, étaye la thèse selon laquelle, en exerçant la compétence qu'elle possède en equity en vertu de la Loi d'accorder ou de refuser un sursis, il n'était pas approprié pour la SAI de tenir compte des accusations en instance en déterminant si une ordonnance de sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion devait être rendue.

[26]            Si la chose n'était pas appropriée dans ce cas-là, je conclus qu'il convient encore moins de le faire, lorsque le représentant du ministre doit déterminer si le demandeur constitue un danger pour le public compte tenu de récidives, avec les effets que comporte pareil avis, notamment le fait qu'une demande de sursis à laquelle a fait droit la SAI n'aura plus aucun effet.

[27]            Dans la décision Bertold c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1492, Monsieur le juge Muldoon a examiné la jurisprudence se rapportant aux décisions rendues après la décision Kumar, précitée, dans le contexte de l'examen d'une décision rendue par la SAI de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en vue d'accorder une réparation. Le juge a conclu que la mention de pareilles accusations n'était pas admissible.

[28]            L'avocate du ministre a cherché à établir une distinction avec la jurisprudence. Elle a soutenu que la représentante du ministre pouvait tenir compte de l'accusation pour déterminer si les conditions du sursis accordé par la SAI avaient été violées - le demandeur était tenu de signaler son arrestation en Ontario - et que c'était dans ce contexte que la mention des accusations en instance devrait être appréciée. L'avocate du ministre a également signalé que l'extrait, dans la demande d'avis, reproduisait simplement ce que l'avocat du demandeur avait dit au sujet des accusations en instance en Ontario. Elle a également mentionné la décision rendue par Madame le juge Reed dans l'affaire Kessler c. MCI, [1998] A.C.F. no 1135 (1re inst.).


[29]            Ces arguments ne me convainquent pas. Premièrement, je ne puis voir comment, ayant tenu compte de l'accusation en vue de déterminer s'il y avait eu manquement à l'ordonnance de sursis, l'avocate du ministre pouvait omettre de tenir compte de cette accusation lorsqu'il s'est agi de savoir si le demandeur allait commettre une nouvelle infraction, étant donné en particulier que l'accusation en Ontario était expressément mentionnée dans l'analyse relative à la question de la récidive. Deuxièmement, l'avocat du demandeur a uniquement fait des remarques au sujet des accusations portées en Ontario parce que ces accusations étaient mentionnées dans le rapport ministériel. En dernier lieu, la décision Kessler, précitée, n'aide pas le ministre parce qu'elle se rapportait à une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire visant à assurer le traitement d'une demande de résidence permanente depuis le Canada.

[30]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit être accueillie, les avis de danger doivent être annulés et l'affaire doit être renvoyée au représentant du ministre pour réexamen.

[31]            Les avocats des deux parties peuvent proposer par écrit la certification de questions en les faisant parvenir aux bureaux du greffe au plus tard le 2 mai 2003. Si une partie propose la certification d'une question ou de plusieurs questions, les remarques de l'avocat de la partie adverse devraient être transmises au greffe au plus tard le 9 mai 2003.

« François Lemieux »

Juge

OTTAWA (ONTARIO),

le 23 avril 2003.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-1882-02

INTITULÉ :                                                                Dinh Tien La

c.

MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        le 12 février 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                           Monsieur le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :                                               le 23 avril 2003

COMPARUTIONS :

M. Christopher Elgin                                                     POUR LE DEMANDEUR

Mme Banafsheh Sokhansanj                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon et associés                                              POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (C.-B.)

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Bureau régional de Vancouver

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