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Date : 20030228

Dossier : T-1340-02

Référence neutre : 2003 CFPI 261

OTTAWA (ONTARIO), LE 28e JOUR DU MOIS DE FÉVRIER 2003

En présence de : L'HONORABLE JUGE LUC MARTINEAU

ENTRE :

                                                                 MICHEL DE LUCA

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                              PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                   

                                                                                                                                                     Défendeur

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision rendue par le Service correctionnel du Canada (le « Service » ) à l'effet que le demandeur n'est pas admissible à la procédure d'examen expéditif prévue à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la « Loi » ) et assortie d'une demande de mandamus afin que le Service procède à l'étude de son dossier en vue de sa transmission à la Commission nationale des libérations conditionnelles (la « Commission » ).

[2]                 La décision rendue le 25 juillet 2002 par le Service se lit comme suit :

Après avoir pris connaissance de votre dossier et plus particulièrement de la transcription des notes de la cour dans la cause numéro (500-73-0015270015), nous constatons que la cour a retenu certains facteurs qui sont reliés à des actes de gangstérisme tel que décrit à/aux endroits(s) suivant(s):

Page 7, 3e paragraphe "la preuve qu'il s'agit d'une organisation criminelle bien structurée; le fait que le réseau avait des ramifications internationales, en particulier en ....jusqu'en Colombie; Michel De Luca jouit de la confiance de l'organisation et a joué un rôle d'intermédiaire; et la durée de l'implication de l'accusé, qui a été de près d'un an".

Ces facteurs rencontre (sic) les critères prévus à l'article 2 du code criminel et de ce fait vous exclus (sic) de la procédure d'examen expéditif tel que prévu à l'article 125 (1) a) (vi) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

Vos dates d'admissibilité ont été calculées conformément à l'article 119 (1) c) pour la semi-liberté et à l'article 120 (1) pour la libération conditionnelle totale.

[3]                 Afin de faciliter une meilleure compréhension des présents motifs, il est utile de reproduire l'alinéa 119(1)c), l'article 119.1, le paragraphe 120(1), ainsi que les articles 125, 126 et 126.1 de la Loi :



119. (1) Sous réserve de l'article 746.1 du Code criminel, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté est:

. . .

     

c) dans le cas du délinquant qui purge une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à deux ans, à l'exclusion des peines visées aux alinéas a) et b), six mois ou, si elle est plus longue, la période qui se termine six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale;

     

. . .

119. (1) Subject to section 746.1 of the Criminal Code, subsection 140.3(2) of the National Defence Act and subsection 15(2) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, the portion of a sentence that must be served before an offender may be released on day parole is

. . .

(c) where the offender is serving a sentence of two years or more, other than a sentence referred to in paragraph (a) or (b), the greater of

(i) the portion ending six months before the date on which full parole may be granted, and

(ii) six months; or

. . .

119.1 Le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la semi-liberté est, dans le cas d'un délinquant admissible à la procédure d'examen expéditif en vertu des articles 125 et 126, six mois ou, si elle est supérieure, la période qui équivaut au sxième de la peine.

. . .

119.1 The portion of the sentence of an offender who is eligible for accelerated parole review under sections 125 and 126 that must be served before the offender may be released on day parole is six months, or one sixth of the sentence, whichever is longer.

. . .

120. (1) Sous réserve des articles 746.1 et 761 du Code criminel et de toute ordonnance rendue en vertu de l'article 743.6 de cette loi, du paragraphe 140.3(2) de la Loi sur la défense nationale et de toute ordonnance rendue en vertu de l'article 140.4 de cette loi, et du paragraphe 15(2) de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, le temps d'épreuve pour l'admissibilité à la libération conditionnelle totale est d'un tiers de la peine à concurrence de sept ans.

. . .                    

120. (1) Subject to sections 746.1 and 761 of the Criminal Code and to any order made under section 743.6 of that Act, to subsection 140.3(2) of the National Defence Act and to any order made under section 140.4 of that Act, and to subsection 15(2) of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act, an offender is not eligible for full parole until the day on which the offender has served a period of ineligibility of the lesser of one third of the sentence and seven years.

. . .



125. (1) Le présent article et l'article 126 s'appliquent aux délinquants condamnés ou transférés pour la première fois au pénitencier - autrement qu'en vertu de l'accord visé au paragraphe 16(1) -, à l'exception de ceux :

a) qui y purgent une peine pour une des infractions suivantes :

(i) le meurtre,

(ii) une infraction mentionnée à l'annexe I ou un complot en vue d'en commettre une,(ii.1) une infraction mentionnée aux articles 83.02 (fournir ou réunir des biens en vue de certains actes), 83.03 (fournir, rendre disponibles, etc. des biens ou services à des fins terroristes), 83.04 (utiliser ou avoir en sa possession des biens à des fins terroristes), 83.18 (participation à une activité d'un groupe terroriste), 83.19 (facilitation d'une activité terroriste), 83.2 (infraction au profit d'un groupe terroriste), 83.21 (charger une personne de se livrer à une activité pour un groupe terroriste), 83.22 (charger une personne de se livrer à une activité terroriste) ou 83.23 (héberger ou cacher) du Code criminel, ou un complot en vue d'en commettre une,

(iii) l'infraction prévue à l'article 463 du Code criminel et relative à une infraction mentionnée à l'annexe I - sauf celle qui est prévue à l'alinéa (1)q) de celle-ci - et ayant fait l'objet d'une poursuite par mise en accusation,

(iv) une infraction mentionnée à l'annexe II et sanctionnée par une peine ayant fait l'objet d'une ordonnance rendue en vertu de l'article 743.6 du Code criminel,

(v) le meurtre, lorsqu'il constitue une infraction à l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, une infraction mentionnée à l'annexe I ou une infraction mentionnée à l'annexe II pour laquelle une ordonnance a été rendue en vertu de l'article 140.4 de la Loi sur la défense nationale,

(vi) un acte de gangstérisme, au sens de l'article 2 du Code criminel, y compris l'infraction visée au paragraphe 82(2);

a.1) qui ont été déclarés coupables de l'infraction visée à l'article 240 du Code criminel;

b) qui purgent une peine d'emprisonnement à perpétuité à condition que cette peine n'ait pas     constitué un minimum en l'occurrence;

c) dont la semi-liberté a été révoquée.

125. (1) This section and section 126 apply to an    offender sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, otherwise than pursuant to an agreement entered into under paragraph 16(1)(b), other than an offender

(a) serving a sentence for one of the following     offences, namely,

(i) murder,

(ii) an offence set out in Schedule I or a conspiracy to commit such an offence,(ii.1) an offence under section 83.02 (providing or collecting property for certain activities), 83.03 (providing, making available, etc. property or      services for terrorist purposes), 83.04 (using or possessing property for terrorist purposes), 83.18 (participation in activity of terrorist group), 83.19 (facilitating terrorist activity), 83.2 (to carry out activity for terrorist group), 83.21 (instructing to carry out activity for terrorist group), 83.22 (instructing to carry out terrorist activity) or 83.23 (harbouring or concealing) of the Criminal Code or a conspiracy to commit such an offence,

(iii) an offence under section 463 of the Criminal Code that was prosecuted by indictment in       relation to an offence set out in Schedule I, other than the offence set out in paragraph (1)(q) of that Schedule,

(iv) an offence set out in Schedule II in respect of which an order has been made under section 743.6 of the Criminal Code,

(v) an offence contrary to section 130 of the National Defence Act where the offence is murder, an offence set out in Schedule I or an offence set out in Schedule II in respect of which an order has been made under section 140.4 of the National Defence Act, or

(vi) a criminal organization offence within the meaning of section 2 of the Criminal Code, including an offence under subsection 82(2);

(a.1) convicted of an offence under section 240 of the Criminal Code;

(b) serving a life sentence imposed otherwise than as a minimum punishment; or

(c) whose day parole has been revoked.



(1.1) Il est entendu que le présent article et l'article 126 :

a) s'appliquent aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, sont condamnés pour une infraction - autre qu'une infraction visée à l'alinéa (1)a) - commise avant cette condamnation ou ce transfert;

b) ne s'appliquent pas aux délinquants visés au paragraphe (1) et qui, après leur condamnation ou leur transfèrement au pénitencier pour la première fois, commettent une infraction à une loi fédérale pour laquelle une peine d'emprisonnement supplémentaire est infligée.

(1.1) For greater certainty, this section and section 126

(a) apply to an offender referred to in subsection (1) who, after being sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, is sentenced in respect of an offence, other than an offence referred to in paragraph (1)(a), that was committed before the offender was sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time; and

(b) do not apply to an offender referred to in subsection (1) who, after being sentenced, committed or transferred to penitentiary for the first time, commits an offence under an Act of Parliament for which the offender receives an additional sentence.

(2) Le Service procède, au cours de la période prévue par règlement, à l'étude des dossiers des délinquants visés par le présent article en vue de leur transmission à la Commission pour décision conformément à l'article 126.

(2) The Service shall, at the time prescribed by the regulations, review the case of an offender to whom this section applies for the purpose of referral of the case to the Board for a determination under section 126.

(3) L'étude du dossier se fonde sur tous les renseignements pertinents qui sont normalement disponibles, notamment :

a) les antécédents sociaux et criminels du délinquant obtenus en vertu de l'article 23;

b) l'information portant sur sa conduite pendant la détention;

c) tout autre renseignement révélant une propension à la violence de sa part.

(3) A review made pursuant to subsection (2) shall be based on all reasonably available information that is relevant, including

(a) the social and criminal history of the offender obtained pursuant to section 23;

(b) information relating to the performance and behaviour of the offender while under sentence; and

(c) any information that discloses a potential for violent behaviour by the offender.

(4) Au terme de l'étude, le Service transmet à la Commission, dans les délais réglementaires impartis mais avant la date d'admissibilité du délinquant à la libération conditionnelle totale, les renseignements qu'il juge utiles.

(4) On completion of a review pursuant to subsection (2), the Service shall, within such period as is prescribed by the regulations preceding the offender's eligibility date for full parole, refer the case to the Board together with all information that, in its opinion, is relevant to the case.

(5) Le Service peut déléguer aux autorités correctionnelles d'une province les pouvoirs que lui confère le présent article en ce qui concerne les délinquants qui purgent leur peine dans un établissement correctionnel de la province.

(5) The Service may delegate to the correctional authorities of a province its powers under this section in relation to offenders who are serving their sentences in provincial correctional facilities in that province.

126. (1) La Commission procède sans audience, au cours de la période prévue par règlement ou antérieurement, à l'examen des dossiers transmis par le Service ou les autorités correctionnelles d'une province.

126. (1) The Board shall review without a hearing, at or before the time prescribed by the regulations, the case of an offender referred to it pursuant to section 125.

(2) Par dérogation à l'article 102, quand elle est convaincue qu'il n'existe aucun motif raisonnable de croire que le délinquant commettra une infraction accompagnée de violence s'il est remis en liberté avant l'expiration légale de sa peine, la Commission ordonne sa libération conditionnelle totale.

(2) Notwithstanding section 102, if the Board is satisfied that there are no reasonable grounds to believe that the offender, if released, is likely to commit an offence involving violence before the expiration of the offender's sentence according to law, it shall direct that the offender be released on full parole.

(3) Si elle est convaincue du contraire, la Commission communique au délinquant ses conclusions et motifs.

(3) If the Board does not direct, pursuant to subsection (2), that the offender be released on full parole, it shall report its refusal to so direct, and its reasons, to the offender.

(4) La Commission transmet ses conclusions et motifs à un comité constitué de commissaires n'ayant pas déjà examiné le cas et chargé, au cours de la période prévue par règlement, du réexamen du dossier.

4) The Board shall refer any refusal and reasons reported to the offender pursuant to subsection (3) to a panel of members other than those who reviewed the case under subsection (1), and the panel shall review the case at the time prescribed by the regulations.

(5) Si le réexamen lui apporte la conviction précisée au paragraphe (2), le comité ordonne la libération conditionnelle totale du délinquant.

(5) Notwithstanding section 102, if the panel reviewing a case pursuant to subsection (4) is satisfied as described in subsection (2), the panel shall direct that the offender be released on full parole.

(6) Dans le cas contraire, la libération conditionnelle totale est refusée, le délinquant continuant toutefois d'avoir droit au réexamen de son dossier selon les modalités prévues au paragraphe 123(5).

(6) An offender who is not released on full parole pursuant to subsection (5) is entitled to subsequent reviews in accordance with subsection 123(5).

(7) Pour l'application du présent article, une infraction accompagnée de violence s'entend du meurtre ou de toute infraction mentionnée à l'annexe I; toutefois, il n'est pas nécessaire, en déterminant s'il existe des motifs raisonnables de croire que le délinquant en commettra une, de préciser laquelle.

(7) In this section, "offence involving violence" means murder or any offence set out in Schedule I, but, in determining whether there are reasonable grounds to believe that an offender is likely to commit an offence involving violence, it is not necessary to determine whether the offender is likely to commit any particular offence.



(8) En cas de révocation ou de cessation de la libération conditionnelle, le délinquant perd le bénéfice de la procédure expéditive.

(8) Where the parole of an offender released pursuant to this section is terminated or revoked, the offender is not entitled to another review pursuant to this section.

126.1 Les articles 125 et 126 s'appliquent, avec les adaptations nécessaires, à la procédure d'examen expéditif visant à déterminer si la semi-liberté sera accordée au délinquant visé à l'article 119.1.

126.1 Sections 125 and 126 apply, with such modifications as the circumstances require, to a review to determine if an offender referred to in subsection 119.1 should be released on day parole.

[4]                 Puisque le Service se réfère dans sa décision à l'exception prévue à l'alinéa 125(1)a)(vi) de la Loi, les définitions d' « acte de gangstérisme » et de « gang » que l'on retrouvait à l'article 2, ainsi que l'article 467.1, le sous-alinéa 718.2a)(vi) et le paragraphe 743.6(1.1) du Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46 (le « Code » ), tels que ceux-ci pouvaient se lire avant les amendements apportés par la Loi modifiant le Code criminel, L.C. 2001, c. 32, sont également pertinents :


« Acte de gangstérisme »

a) Soit l'acte criminel défini par l'article 467.1 ou tout autre acte criminel défini par la présente loi ou une autre loi fédérale, passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus et commis au profit ou sous la direction d'un gang, ou en association avec lui;

b) soit le complot ou la tentative de commettre un tel acte, la complicité après le fait à tel égard ou le fait de conseiller de le commettre.

"criminal organization offence" means

(a) an offence under section 467.1 or an indictable offence under this or any other Act of Parliament committed for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization for which the maximum punishment is imprisonment for five years or more, or

(b) a conspiracy or an attempt to commit, being an accessory after the fact in relation to, or any counselling in relation to, an offence referred to in paragraph (a);

« Gang » Groupe, association ou autre organisation d'au moins cinq personnes, constitué de façon formelle ou non et qui remplit les conditions suivantes_:

a) l'une de ses principales activités consiste à commettre des actes criminels définis par la présente loi ou une autre loi fédérale et passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus;

b) ses membres ou certains d'entre eux commettent ou ont commis, au cours des cinq dernières années, une série d'actes criminels passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus.

. . .

"criminal organization" means any group, association or other body consisting of five or more persons, whether formally or informally organized,

(a) having as one of its primary activities the commission of an indictable offence under this or any other Act of Parliament for which the maximum punishment is imprisonment for five years or more, and

(b) any or all of the members of which engage in or have, within the preceding five years, engaged in the commission of a series of such offences;

. . .

467.1 Est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement maximal de quatorze ans quiconque, à la fois_:

a) participe aux activités d'un gang, ou y contribue de façon importante, tout en sachant que les membres de celui-ci ou certains d'entre eux commettent ou ont commis, au cours des cinq dernières années, une série d'actes criminels définis par la présente loi ou une autre loi fédérale et passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans

ou plus

b) est partie à la perpétration d'un acte criminel passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans ou plus et commis au profit ou sous la direction du gang, ou en association avec lui.

(2) La peine infligée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) est purgée consécutivement à toute autre peine sanctionnant une autre infraction basée sur les mêmes faits et à toute autre peine en cours d'exécution.

. . .

467.1 Every one who

(a) participates in or substantially contributes to the activities of a criminal organization knowing that any or all of the members of the organization engage in or have, within the preceding five years, engaged in the commission of a series of indictable offences under this or any other Act of Parliament for each of which the maximum punishment is imprisonment for five years or more, and

(b) is a party to the commission of an indictable offence for the benefit of, at the direction of or in association with the criminal organization for which the maximum punishment is imprisonment for five years or more is guilty of an indictable offence and liable to imprisonment for a term not exceeding fourteen years.

(2) A sentence imposed on a person for an offence under subsection (1) shall be served consecutively to any other punishment imposed on the person for an offence arising out of the same event or series of events and to any other sentence to which the person is subject at the time the sentence is imposed on the person for an offence under subsection (1).

. . .

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants_:

a) la peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du délinquant; sont notamment considérées comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant_:

. . .

(iv) que l'infraction a été commise au profit ou sous la direction d'un gang, ou en association avec lui,

. . .

718.2 A court that imposes a sentence shall also take into consideration the following principles:

(a) a sentence should be increased or reduced to account for any relevant aggravating or mitigating circumstances relating to the offence or the offender, and, without limiting the generality of the foregoing,

. . .

(iv) evidence that the offence was committed for the benefit of, at the direction of or in association with a criminal organization, or

. . .

743.6(1.1) Par dérogation au paragraphe 120(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le tribunal peut ordonner que le délinquant condamné pour un acte de gangstérisme, sur déclaration de culpabilité, à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus - y compris une peine d'emprisonnement à perpétuité à condition que cette peine n'ait pas constitué un minimum en l'occurrence - purge, avant d'être admissible à la libération conditionnelle totale, le moindre de la moitié de sa peine ou dix ans.

743.6(1.1) Notwithstanding subsection 120(1) of the Corrections and Conditional Release Act, where an offender receives a sentence of imprisonment of two years or more, including a sentence of imprisonment for life imposed otherwise than as a minimum punishment, on conviction for a criminal organization offence, the court may order that the portion of the sentence that must be served before the offender may be released on full parole is one half of the sentence or ten years, whichever is less.

[5]                 Dans la présente affaire, la Cour est appelée à décider si le Service a erré en droit ou a autrement refusé d'exercer son devoir légal en déterminant que le demandeur n'était pas éligible à la procédure d'examen expéditif et en refusant de procéder à l'étude de son dossier, en vertu du paragraphe 125(2) de la Loi, pour transmission à la Commission en vertu de l'article 126 de la Loi.


[6]                 En premier lieu, il convient de souligner qu'il ne s'agit pas d'un cas où, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour devrait refuser d'entendre une demande de contrôle judiciaire ou d'exercer les pouvoirs que lui confèrent les articles 18 et 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1985, c. F-7. Sans avoir à statuer sur ce point, même si aux termes du paragraphe 4g), des articles 90 et suivants de la Loi et des articles 74 et suivants du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620, le demandeur aurait pu contester, par voie de grief, la décision du Service, je considère que son défaut de présenter un tel grief n'est pas fatal en l'espèce. En effet, il s'agit ici d'interpréter correctement la portée du sous-alinéa 125(a)a)(vi) de la Loi qui réfère à un « acte de gangstérisme » au sens de l'article 2 du Code. D'autre part, l'interprétation administrative dont fait état le Bulletin du 22 avril 1999 (dossier du demandeur, aux pages 161-62), et sur laquelle le Service fonde implicitement son raisonnement, est contestée par le demandeur, qui y voit une usurpation de pouvoir. La présente affaire se distingue donc nettement des décisions qu'invoque le défendeur au soutien de son objection préliminaire (Giesbrecht c. Canada (1998), 148 F.T.R. 81 (F.C.T.D.); Condo c. Canada (Attorney General), [2003] F.C.J. No. 91 (QL); Anderson c. Canada (Forces armées) (C.A.), [1997] 1 C.F. 273 (F.C.A.); et Bordage c. Établissement Archambault, (2000), 204 F.T.R. 133, [2002] A.C.F. No. 710 (F.C.A.)). Cette dernière est en conséquence rejetée.

[7]                 Le demandeur, dont c'est la première condamnation et le premier séjour dans un pénitencier, a été déclaré coupable par la juge Elizabeth Corte de la Cour du Québec (chambre criminelle et pénale) (le « tribunal » ) de l'infraction prévue à l'article 465 du Code, suite à sa participation à un complot en vue d'importer une substance inscrite à l'annexe I de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, c. 19 en l'occurrence de la cocaïne (pièce A-1 de l'affidavit de Michel De Luca). Pour la commission de cette dernière infraction, le demandeur s'est vu infliger une peine d'emprisonnement de six ans, et qui, tenant compte de la période de sa détention provisoire, a été fixée par le tribunal à quatre ans à compter du prononcé de la sentence, le 27 mai 2002.

[8]                 Selon la preuve au dossier, le demandeur n'a jamais été poursuivi pour la commission de l'infraction mentionnée à l'article 467.1 du Code, ni déclaré coupable par le tribunal d'un « acte de gangstérisme » au sens de l'article 2 du Code. Cela étant, il importe de souligner ici que l'infraction prévue à l'article 467.1 du Code exige la preuve hors de tout doute raisonnable de l'appartenance de l'accusé à un gang et de la nature de l'infraction reprochée. Comme le faisait remarquer le juge Robert Sansfaçon de la Cour du Québec (Chambre criminelle et pénale) dans l'affaire R. c. Leclerc (C.Q.), [2001] R.J.Q. 747, aux pages 791-792 :


Il faut plutôt déterminer si l'action d'une personne, d'une part, est un crime passible de cinq ans ou plus commis au profit ou sous la direction du gang ou en association avec lui et, d'autre part, participe ou prend part à ce moment aux activités du gang ou y contribue de façon importante.

. . .

Puisqu'il s'agit d'un élément essentiel de l'infraction, il faut que non seulement il y ait une preuve hors de tout doute raisonnable du fait de l'appartenance de chaque membre allégué, au gang, mais aussi de la connaissance que l'accusé, membre ou non, a de cette appartenance. À cet égard, il n'y a aucune indication à l'effet que le législateur exige qu'il s'agisse de "gang" structuré, il peut être ponctuel et/ou informel. De cette dimension, découle une double difficulté. Si le gang est informel, donc sans reconnaissance officielle de ses membres, la détermination judiciaire créera officiellement ce gang, il sera alors très difficile de démontrer qu'une personne, l'accusé, savait qu'au moins cinq personnes le composait de même que leur identité.

Si le gang est organisé, il y a donc des règles d'appartenance connues des membres, en conséquence il sera presque impossible qu'une détermination judiciaire, a posteriori, intègre des personnes comme membres de ce gang, alors que pour les membres de ce gang, ils n'en faisaient pas partie. De plus, nous pourrons alors difficilement affirmer que l'accusé savait qu'une personne était membre alors qu'elle ne l'était pas selon les règles d'appartenance de ce groupe.

. . .

Pour qu'un accusé soit trouvé coupable en vertu de l'article 467.1 C.cr. la poursuite doit, entre autres, faire la preuve que celui-ci savait que les membres du gang ou certains d'entre eux commettaient ou avaient commis, au cours des cinq dernières années, une série d'actes criminels, etc. Il s'agit, en l'espèce, de déterminer comment la preuve d'une telle connaissance peut être faite.

La connaissance par l'accusé de la commission d'actes criminels par certains membres du gang constitue l'un des éléments essentiels de l'infraction. Comme à l'égard de chacun des éléments de l'infraction, le juge du procès devra être convaincu hors de tout doute raisonnable de cette connaissance pour conclure à la culpabilité de l'accusé.

   

[9]                 Rappelons ici que le demandeur a reconnu sa culpabilité quant à l'infraction de complot; néanmoins, il n'a jamais fait quelque admission que ce soit quant à la perpétration d'un acte de gangstérisme. La personne condamnée pour un acte criminel bénéficie toujours du doute raisonnable sur les questions relatives à la sentence qui lui sera attribuée. Par conséquent, la poursuite devait donc prouver hors de tout doute raisonnable toutes les circonstances aggravantes qu'elle invoquait et qui n'étaient pas visées par l'aveu de culpabilité du demandeur (R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368, à la p. 414).

[10]            En l'espèce, le défendeur concède que le demandeur n'a pas été accusé, ni déclaré coupable de l'une ou l'autre des infractions spécifiquement mentionnées au paragraphe 125(1) de la Loi. Néanmoins, celui-ci soumet que le demandeur est inadmissible à la procédure d'examen expéditif en raison de la portée générale du sous-alinéa 125(1)a)vi) de la Loi, car lors du prononcé de la sentence, le tribunal a retenu comme facteur aggravant le fait que le demandeur avait joué un « rôle d'intermédiaire » et qu'il avait « la confiance ... des autres membres de l'organisation » impliqués dans le complot, qualifiant celle-ci d' « organisation criminelle bien structurée » (sentence, notes sténographiques, dossier du défendeur, aux pages 56 et 58). Le défendeur soumet qu'on peut raisonnablement inférer que l'infraction spécifique pour laquelle le demandeur a été déclaré coupable, le complot, l'a donc été « au profit ou sous la direction d'un gang, ou en association avec lui » , et que la décision du Service de ne pas considérer le demandeur admissible à la procédure d'examen expéditif est bien fondée en fait et en droit.

[11]            Je ne peux retenir l'argumentation du défendeur car le Service s'appuie sur une interprétation administrative de la portée du sous-alinéa 125(1)a)(vi) de la Loi qui est erronée et contraire à la Loi. Je conclus également que sa décision est manifestement déraisonnable.

[12]            En l'absence de condamnation par le tribunal pour l'une des infractions expressément indiquées au paragraphe 125(1) de la Loi, et hormis les cas expressément prévus dans la Loi ou le Code (pensons au cas où une ordonnance a été rendue par le tribunal en vertu du paragraphe 743.6(1.1) du Code), il est clair que les articles 125 et 126 de la Loi s'appliquent automatiquement aux délinquants condamnés ou transférés pour la première fois au pénitencier. C'est le cas du demandeur. Le fait que dans la fixation de la peine appropriée pour la commission de l'infraction dont le demandeur a été déclaré coupable, le tribunal ait pu tenir compte du facteur aggravant indiqué au sous-alinéa 718.2(a)(iv) du Code, ne change pas la nature première de l'infraction pour laquelle le demandeur a été condamné et purge sa peine. Celle-ci était et demeure toujours une infraction de complot, non expressément visée par le paragraphe 125(1) de la Loi.


[13]            Les exceptions prévues au paragraphe 125(1) de la Loi doivent être interprétées d'une façon restrictive; pour que l'exception prévue au sous-alinéa 125(1)a)vi) de la Loi s'applique, il faut donc, à mon avis, que le tribunal ait spécifiquement condamné le délinquant pour un « acte de gangstérisme » , ce qui n'est pas le cas en l'espèce. De surcroît, bien que dans le prononcé de la sentence, le tribunal, au chapitre des circonstances aggravantes, se réfère à une « organisation criminelle bien structurée » , je note que jamais celui-ci ne mentionne expressément que la preuve a établi, hors de tout doute raisonnable, que l'infraction de complot pour laquelle le tribunal condamne le demandeur, l'a été « au profit ou sous la direction d'un gang, ou en association avec lui » , ni que l' « organisation criminelle bien structurée » dont il est question dans le prononcé de la sentence constitue effectivement un « gang » au sens de l'article 2 du Code.


[14]            D'autre part, je m'arrête ici pour souligner qu'en vertu du paragraphe 125(3) de la Loi, lorsque le Service procède à l'étude du dossier d'un délinquant, celui-ci doit vérifier pour quelle(s) infraction(s) un délinquant a été condamné; toutefois, cela n'autorise pas le Service à se substituer au tribunal. Le Service n'a aucune compétence pour déterminer si, selon la preuve au dossier, le délinquant a pu commettre un « acte de gangstérisme » au sens de l'article 2 du Code. L'interprétation du sous-alinéa 125(1)a)(vi) de la Loi que propose le défendeur est non seulement incompatible avec l'interprétation restrictive donnée aux autres exceptions prévues aux paragraphes 125(1) et (1.1) de la Loi, et voulant qu'il y ait eu déclaration préalable de culpabilité à l'égard de chacune de ces infractions, mais celle-ci va directement à l'encontre de la présomption d'innocence reconnue à l'article 6 du Code et au paragraphe 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, (R.-U.), 1982, c. 11. Or, le retrait du statut d'examen expéditif a des conséquences directes sur la liberté de la personne incarcérée. En conséquence, le Service ne peut priver un délinquant de l'admissibilité à la semi-liberté prévue aux articles 119 et 119.1 de la Loi qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale et qu'en respectant toute disposition de la Loi applicable en l'espèce.

[15]            À cet égard, l'économie du Code suggère clairement que les « actes de gangstérisme » (ou les « infractions d'organisation criminelle » selon leur nouvelle désignation) peuvent donner lieu à des condamnations distinctes, à la condition bien entendu que des accusations distinctes aient été portées devant le tribunal, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Lorsqu'il y a condamnations distinctes, les peines imposées par le tribunal devront ou pourront être purgées consécutivement. De plus, je note que le législateur semble s'être spécifiquement penché sur la question de l'impact d'une condamnation pour un acte de gangstérisme relativement à l'admissibilité du délinquant à une libération conditionnelle. Par exemple, en vertu du paragraphe 743.6(1.1) du Code, par dérogation à l'article 120 de la Loi, le tribunal peut ordonner que le délinquant condamné pour un acte de gangstérisme, sur déclaration de culpabilité, à une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, purge, avant d'être admissible à la libération conditionnelle totale, le moindre de la moitié de sa peine ou dix ans. Je conclus donc qu'il faudrait un texte autrement plus précis que les dispositions actuelles de la Loi pour permettre au Service d'exclure, de son propre chef et a posteriori, de la procédure d'examen expéditif, un délinquant qui n'a pas été au préalable déclaré coupable d' « acte de gangstérisme » , et ce, conformément à la Loi, par un tribunal indépendant et impartial, à l'issue d'un procès public et équitable.


[16]            Je suis bien conscient que le gangstérisme constitue une menace pour la société et l'ordre public. Néanmoins, j'estime qu'il n'appartient pas à cette Cour de corriger toute lacune législative pouvant résulter du fait qu'avant les amendements apportés en 2001 au Code, il semblait impossible pour la poursuite d'obtenir une condamnation reliée à un « acte de gangstérisme » autre que pour l'infraction spécifique prévue à l'ancien article 467.1 du Code. À cet égard, je note que les nouveaux articles 467.11, 467.12 et 467.13 du Code visent un ensemble beaucoup plus varié de situations et que l'action de commettre un acte criminel au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle, ou en association avec elle, est expressément réprimée par l'article 467.12 du Code qui en fait maintenant une infraction spécifique.

[17]            Dans le cas qui nous concerne, selon la preuve au dossier, je conclus qu'en vertu des articles 119.1 et 126.1 de la Loi, le demandeur est admissible à la procédure d'examen expéditif, et qu'en vertu du paragraphe 125(2) de la Loi, le Service est tenu de procéder à l'étude du dossier du demandeur en vue de sa transmission à la Commission pour décision conformément à l'article 126 de la Loi. Le demandeur a donc droit aux redressements qu'il sollicite dans sa demande de contrôle judiciaire.

    

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          La présente demande de contrôle judiciaire, aux termes de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, est accueillie;

2.          La décision rendue le 25 juillet 2002 par le Service correctionnel du Canada à l'effet que le demandeur n'est pas admissible à la procédure d'examen expéditif, prévue aux articles 125 et 126 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, est annulée;

3.          Il est enjoint au Service correctionnel du Canada de procéder, en vertu du paragraphe 125(2) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, à l'étude du dossier du demandeur en vue de sa transmission à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour décision conformément à l'article 126 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

                                                                                                                                                                                  

                                                                                                         Juge


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATES INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                       T-1340-02

INTITULÉ :                      MICHEL DE LUCA c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                             MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                                           18 FÉVRIER 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

EN DATE DU :                 28 FÉVRIER 2003

COMPARUTIONS :

Me JACINTHE LANCTÔT

POUR LE DEMANDEUR

Me MICHELLE LAVERGNE

Me DOMINIQUE GUIMOND

POUR LE DÉFENDEUR

  

   

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                                             

                                                         

JACINTHE LANCTÔT

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR LE DEMANDEUR

MORRIS ROSENBERG

MONTRÉAL (QUÉBEC)

POUR LE DÉFENDEUR

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