Date : 20040609
Dossier : T-1821-02
Référence : 2004 CF 832
Montréal (Québec), le 9 juin 2004
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
KRAFT CANADA INC.
KRAFT FOODS SCHWEIZ AG et
KRAFT FOODS BELGIUM SA
demanderesses
et
EURO EXCELLENCE INC.
défenderesse
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s'agit d'une requête présentée par Kraft Canada Inc. demandant que je réexamine le premier paragraphe de mon ordonnance du 3 mai 2004 parce qu'il ne concorde pas avec les motifs présentés et qu'une question qui aurait dû être traitée a été oubliée ou omise accidentellement, c'est-à-dire les instructions relatives à la méthode employée par Euro Excellence Inc. pour que les emballages des produits Toblerone et Côte d'Or qu'elle prévoit distribuer et vendre au Canada ne soient pas des contrefaçons. Par voie d'une ordonnance en date du 3 mai 2004, avec motifs à l'appui, Euro Excellence Inc. a été forcée de cesser la vente, la mise en circulation, l'exposition ou l'offre en vente de copies d'oeuvres artistiques, notamment les éléments de conception d'emballage identifiés comme l'ours dans la montagne de Toblerone et l'éléphant de Côte d'Or. Étant donné que le paragraphe 27(2) de la Loi sur le droit d'auteur stipule que la possession ou l'importation au Canada d'oeuvres protégées à ces fins constitue une violation du droit d'auteur, Kraft soutient que j'ai omis par inadvertance d'inclure possession et importation dans l'ordonnance. Ce n'est pas le cas. J'ai délibérément exclus les termes possession et importation dans l'ordonnance.
[2] Kraft, sous réserve de la décision de la Cour d'appel, est autorisé à interdire à Euro Excellence de distribuer l'oeuvre protégée dans les emballages de tablettes de chocolat. J'ai mentionné au paragraphe 60 des motifs que [traduction] « rien ne peut empêcher Euro Excellence de remplacer les emballages ni de masquer l'oeuvre protégée » .
[3] En ce qui concerne la mesure injonctive, j'ai mentionné au paragraphe 64 :
[traduction]
[64] Par conséquent, je n'ai aucun motif de refuser la mesure injonctive à Kraft relativement à l'oeuvre protégée par le droit d'auteur dans les emballages de tablettes de chocolat, et dans les listes de prix distribuées par Euro Excellence. Toutefois, afin de maintenir un semblant de paix et d'ordre, je ne demanderai pas à Euro Excellence de rappeler le produit qui a déjà fait l'objet de son contrôle. Je ne demanderai pas non plus à Euro Excellence de remettre son inventaire à Kraft. L'ordonnance appropriée est que le produit ne soit pas une contrefaçon. Si les parties ne peuvent conclure une entente à cet égard, je suis disposé à donner des directives.
[4] Il n'y avait, et il n'y a, aucun motif de présumer qu'Euro Excellence ne se conformera pas à l'ordonnance. Il n'est pas contraire à la Loi sur le droit d'auteur d'importer au Canada et de posséder des tablettes de chocolat Toblerone et Côte d'Or dans des emballages affichant les oeuvres protégées. Ce qui importe, c'est de déterminer dans quel but elles sont importées et possédées. Un voyageur qui apporte une tablette de chocolat Toblerone ou Côte d'Or au Canada, la consomme ici, et jette l'emballage n'est pas en violation de la loi. Je n'avais pas l'intention d'interdire à Euro Excellence d'importer et de posséder les tablettes de chocolat dans leur emballage original. Je n'ai certainement pas mentionné qu'il fallait corriger le problème de la contrefaçon des emballages en Europe. Pourvu qu'Euro Excellence fasse en sorte que les emballages ne constituent pas des contrefaçons, que ce soit au Canada ou ailleurs, avant de vendre, mettre en circulation, exposer ou offrir en vente le produit en question, elle ne se trouvera pas à violer le paragraphe 27(2) de la Loi sur le droit d'auteur.
[5] Ce qui nous amène au deuxième point, c'est-à-dire comment faire en sorte que l'emballage ne constituera pas une contrefaçon. J'ai demandé aux parties d'en venir à une entente. Toutefois, elles n'ont pas été en mesure d'y parvenir.
[6] La seule preuve à cet égard consiste en l'affidavit d'André Clemence, président d'Euro Excellence. Après avoir consulté une imprimerie, il propose de masquer l'oeuvre protégée avec une pellicule de plastique autocollante. La pellicule serait translucide, mais la partie couvrant l'ours dans la montagne de Toblerone et l'éléphant de Côte d'Or serait opaque. À l'audience, quatre prototypes ont été déposés, couvrant la tablette Toblerone de 100 grammes, les tablettes Côte d'Or INTENSE de 100 grammes et 10 grammes, et la barre à la banane Côte d'Or de 47,5 grammes.
[7] Kraft s'inquiète du fait que la pellicule de plastique peut être enlevée, par exemple par le commerçant qui désire montrer qu'il vend le produit véritable.
[8] On m'a demandé en audience publique de tenter de retirer la pellicule de plastique. Je n'ai pu l'enlever avec mes ongles. Elle pourrait peut-être être déchirée à l'aide d'un couteau ou d'un autre outil, ou avec de la vapeur. Je ne vois pas pourquoi quelqu'un se donnerait tant de trouble et je ne sais pas quelle forme aurait l'ours ou l'éléphant après un tel supplice. Trois des quatre tablettes ont passé le test. Seule la tablette Côte d'Or INTENSE de 100 grammes a échoué, sur deux plans. Bien que l'éléphant sur l'écusson était masqué par la pellicule (il y a cinq écussons rouges), un éléphant, situé en haut sur le devant de la tablette, est toujours visible à un certain degré d'éclairage. Ceci semble attribuable au fait qu'il soit légèrement en relief. Euro Excellence devra revoir la réalisation de cet emballage. L'emballage comprend également une illustration d'un morceau de chocolat dans lequel l'éléphant est enchâssé. Bien que l'éléphant soit brun foncé dans ce cas, alors que les autres sont blancs, l'oeuvre est constituée de la forme de l'éléphant et non de sa couleur. L'éléphant brun chocolat devra également être masqué.
[9] Euro Excellence commercialise aussi d'autres tailles et formes de produit Toblerone et Côte d'Or. Pourvu que l'ours dans la montagne et l'éléphant soient masqués de la même manière que les trois pièces mentionnées ci-dessus, je suis convaincu que les emballages ne seront pas une contrefaçon. En ce qui concerne la tablette Côte d'Or INTENSE de 100 grammes et les produits similaires, l'éléphant brun chocolat peut être masqué de la même façon que les éléphants blancs. Pour ce qui est de l'éléphant enchâssé, Côte d'Or devra faire en sorte que la forme de l'éléphant ne soit pas visible. Je demande également que des échantillons de chaque produit Toblerone et Côte d'Or soit remis à Kraft par l'intermédiaire de ses avocats afin que ces derniers puissent déterminer si les emballages ne sont pas une contrefaçon.
[10] Je demeure disponible pour donner d'autres directives au besoin en ce qui concerne la tablette Côte d'Or INTENSE de 100 grammes, ou les autres produits qui ne faisaient partie des pièces.
[11] Étant donné que les résultats étaient variables, chaque partie devra assumer ses propres dépens.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la requête de réexamen soit rejetée. Euro Excellence est libre de masquer l'oeuvre protégée des emballages de Toblerone et de Côte d'Or avec une pellicule de plastique opaque, pourvu que la forme de l'oeuvre en question ne soit pas visible.
« Sean Harrington »
Juge
Traduction certifiée conforme
Martine Guay, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1821-02
INTITULÉ :
KRAFT CANADA INC.
KRAFT FOODS SCHWEIZ AG et
KRAFT FOODS BELGIUM SA
demanderesses
et
EURO EXCELLENCE INC.
défenderesse
LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L'AUDIENCE : Le 8 juin 2004
MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :
DATE DES MOTIFS : Le 9 juin 2004
COMPARUTIONS :
Timothy Lowman POUR LES DEMANDERESSES
François Boscher POUR LA DÉFENDERESSE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Sim, Hughes, Ashton & McKay POUR LES DEMANDERESSES
Toronto (Ontario)
François Boscher POUR LA DÉFENDERESSE
Montréal (Québec)