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Date : 19991217


Dossier : T-1675-99


OTTAWA (ONTARIO), LE 17 DÉCEMBRE 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE J. E. DUBÉ


ENTRE :

     CLAUDE MICHAEL NICKERSON ET

     685108 ALBERTA INC.

     EXPLOITANT SOUS LA RAISON SOCIALE DE

     LONGHORN LIMOUSINE SERVICES


demandeurs

     - et -


     MINISTRE DES TRANSPORTS ET

     BERTRAND BOILY, UN INSPECTEUR AU SENS DE L"ARTICLE 2 DE LA LOI


défendeurs

     ORDONNANCE

La requête est rejetée avec dépens.

                                

                                             Juge

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.




Date : 19991217

Dossier : T-1675-99

ENTRE :

     CLAUDE MICHAEL NICKERSON ET

     685108 ALBERTA INC.

     EXPLOITANT SOUS LA RAISON SOCIALE DE

     LONGHORN LIMOUSINE SERVICES


demandeurs

     - et -

     MINISTRE DES TRANSPORTS ET

     BERTRAND BOILY, UN INSPECTEUR AU SENS DE L"ARTICLE 2 DE LA LOI


défendeurs


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]      La présente requête des demandeurs (ci-après " M. Nickerson ") vise l"obtention d"une ordonnance pour la remise d"un véhicule saisi par un inspecteur de Transports Canada conformément au paragraphe 15(4) de la Loi sur la sécurité automobile (ci-après " la Loi ")1.

1. Les faits

[2]      Le 7 juillet 1999, M. Nickerson s"est présenté au bureau de la douane canadienne. Il cherchait à importer des États-Unis un véhicule fabriqué au Canada à l"origine mais transformé aux États-Unis en limousine pouvant asseoir 12 passagers. M. Nickerson a été prévenu que le véhicule était inadmissible étant donné qu"il était un autobus selon la réglementation applicable et qu"il n"était pas conforme aux normes de sécurité canadiennes. Le ministre défendeur affirme que M. Nickerson a fait croire aux agents des douanes qu"il avait retourné le véhicule aux États-Unis mais il s"en servait pour exploiter une nouvelle entreprise à Calgary (Alberta). Quand le ministre a été mis au courant de cela, il a émis un avis de rétention le 19 août 1999. Suivant une inspection faite le 2 décembre 1999 par l"inspecteur Harry Baergen, le véhicule a été jugé dangereux et il a été saisi.

2. Compétence

[3]      Le ministre allègue que la Cour devrait décliner compétence pour ordonner la remise du véhicule saisi parce qu"une telle demande pour la remise d"une chose saisie en vertu du paragraphe 15(4) de la Loi assujettit la saisie aux articles 489.1 à 491.2 du Code criminel . Les dispositions pertinentes sont les suivantes :

         15.      (1) Afin de procéder à des vérifications de conformité à la présente loi, l'inspecteur peut, à toute heure convenable, pénétrer dans les lieux où il a des motifs raisonnables de croire à la présence_:
             a) de matériels appartenant à une catégorie assujettie à des normes de sécurité réglementaires et qui sont la propriété ou se trouvent dans les locaux d'une entreprise ou d'un consignataire de matériels importés;
             [...]
         (4) L'inspecteur peut saisir et, sous réserve des articles 489.1 à 491.2 du Code criminel relatifs à la disposition de biens saisis, retenir tous matériels ou pièces visés au paragraphe (1) qu'il croit, pour des motifs raisonnables, avoir servi ou donné lieu à une infraction à la présente loi ou pouvoir servir à prouver l'infraction.
         [...]
         490. (7) Demande de remise - La personne qui, au moment de la saisie, avait la possession d'une chose saisie peut, à l'expiration des périodes de détention prévues aux paragraphes (1) à (3) ou ordonnées en application de ceux-ci et en donnant un avis de trois jours francs au procureur général, demander d'une façon sommaire :
             a) à un juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle ou à un juge au sens de l'article 552, lorsqu'un juge a ordonné la détention de la chose demandée en vertu du paragraphe (3);
             b) à un juge de paix, dans tout autre cas,
         de rendre une ordonnance conformément à l'alinéa (9)c) à l'effet que la chose saisie lui soit rendue.
         (non souligné dans l"original)

[4]      L"affidavit démontre clairement que M. Nickerson était un " consignataire " du véhicule importé en question en vertu de l"alinéa 15(1)a ) de la Loi. Le préambule de la Loi prévoit qu"il s"agit d"une Loi régissant la fabrication et l'importation des véhicules automobiles en vue de limiter les risques de dommages corporels et matériels. L"article 6 de la Loi fait référence à une personne qui importe un véhicule et assujettit la " personne " aux conditions de régularité de l"article 5 qui réfère à une " entreprise ". La Loi ne contient pas de définitions spécifiques pour les termes " consignataire ", " entreprise " ou " personne " mais il est clair que l"objectif de la Loi est d"assujettir les véhicules importés aux exigences en matière de sécurité qui sont prévues par la Loi.

[5]      L"avocat de M. Nickerson plaide que le paragraphe 15(4) de la Loi prévoit qu"une saisie effectuée suivant les règles par Transports Canada ne peut se poursuivre que sous réserve des limites prévues au Code criminel et la référence au Code criminel est simplement destinée à limiter la capacité du ministère de poursuivre une saisie et elle n"a pas pour objet de limiter les recours disponibles pour une personne dont le bien a été saisi.

[6]      Je ne peux accepter cet argument. Les articles pertinents du Code criminel constituent un guide exhaustif régissant la remise des biens saisis. Il n"est pas de nature facultative.

[7]      L"avocat de M. Nickerson invoque la règle 377 des Règles de la Cour fédérale (1998) , qui prévoit ce qui suit :

         377.      (1) La Cour peut, sur requête, rendre une ordonnance pour la garde ou la conservation de biens qui font ou feront l'objet d'une instance ou au sujet desquels une question peut y être soulevée.
             (2) Ordonnances provisoires -- La règle 374 s'applique, avec les adaptations nécessaires, aux ordonnances provisoires pour la garde ou la conservation de biens.

[8]      Le législateur n"avait pas l"intention de faire de la règle 377 une mesure de réparation subsidiaire aux dispositions du Code criminel . D"une façon générale, les Règles de la Cour fédérale ne prévoient pas que notre Cour ait compétence sur des questions que la législature a expressément accordé à d"autres cours2.

[9]      Par conséquent, je déclare que la Cour n"a pas compétence relativement à cette question.

3. Mesure de redressement par voie d"injonction

[10]      Si je devais avoir tort sur cette question, en ce qui a trait à l"absence de compétence, je refuserais quand même de rendre une ordonnance visant la remise du véhicule en question au propriétaire : il n"a pas fait la démonstration d"un préjudice irréparable, et la prépondérance des inconvénients ne le favorise pas. Ses dommages sont de nature purement économique et une somme d"argent saurait opérer pleine compensation.

[11]      Bien que M. Nickerson ait créé une nouvelle entreprise à partir de la limousine nouvellement acquise, ses pertes financières lui sont imputables en ce sens que son véhicule importé n"est pas conforme aux normes en matière de sécurité imposées par le ministère des Transports. Toutefois, je m"empresserais d"ajouter que le ministre doit faire preuve de diligence lors de l"inspection du véhicule pour que M. Nickerson puisse prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer que le véhicule soit sécuritaire.

[12]      Bien que M. Nickerson ait obtenu des certificats de conformité en matière de sécurité de la Commission du transport routier de l"Alberta et de Transports et Services publics de l"Alberta, il a encore à satisfaire aux normes de sécurité plus strictes du fédéral.

[13]      En ce qui a trait à la prépondérance des inconvénients, un des facteurs que la Cour doit prendre en considération est l"intérêt public. Une mesure de redressement par voie d"injonction est de nature extraordinaire et elle doit être appliquée seulement de façon discrétionnaire et ne pas empêcher l"autorité publique d"exercer des pouvoirs légitimes qui lui sont conférés par la loi. S"il était permis à M. Nickerson de transporter des passagers dans une limousine qui s"avérait ne pas être sécuritaire, il se peut qu"un préjudice irréparable soit causé à des passagers ne se doutant de rien.

4. Dispositif

[14]      Par conséquent, à mon avis, la Cour n"a pas compétence pour accorder la réparation que sollicite le demandeur. Même si elle l"était, mon pouvoir discrétionnaire d"accorder la réparation sollicitée ne serait pas exercé en faveur du demandeur. Il s"ensuit que la requête accessoire visant la prorogation de délai pour contre-interroger un déposant est devenue sans objet. La présente requête est rejetée avec dépens.

OTTAWA (Ontario)

Le 17 décembre 1999

                                    

                                                 juge

Traduction certifiée conforme

Kathleen Larochelle, LL.B.

    

    

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DE DOSSIER :              T-1675-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Claude Michael Nickerson et autre c.

                     Le ministre des Transports et autre

LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :          le 16 décembre 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      Monsieur le juge Dubé

EN DATE DU :              17 décembre 1999

ONT COMPARU :

Paul Lalonde                              POUR LE DEMANDEUR

Hana Gertler                              POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Flavell Kubrick & Lalonde

Ottawa (Ontario)                          POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                          POUR LE DÉFENDEUR

__________________

1      L.C. 1993, ch. 16.

2      Mandate Erectors and Welding Ltd. c. Canada (1996), 118 F.T.R. 290, à la page 294-5 (1re inst.).

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