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Date : 20031219

Dossier : IMM-1263-02

Référence : 2003 CF 1504

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MOSLEY

ENTRE :

                                                                  JIANBO QIN

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


[1]                Monsieur Jianbo Qin demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent des visas, Robert Romano (l'agent des visas), a rejeté, en date du 7 février 2002, sa demande de résidence permanente au Canada. Le demandeur souhaite obtenir un certiorari annulant la décision de l'agent des visas et une ordonnance de mandamus ordonnant au défendeur de faire droit à sa demande de résidence permanente au Canada. Il demande subsidiairement à la Cour de rendre une ordonnance renvoyant cette demande à un autre agent des visas afin qu'elle soit examinée en conformité avec les instructions que la Cour donnera. Il demande finalement que les dépens lui soient accordés sur la base avocat-client.

CONTEXTE

[2]                Monsieur Qin, un citoyen de la République populaire de Chine, a demandé la résidence permanente au Canada en qualité d' « entrepreneur » en août 2000. Son épouse et sa fille d'âge mineure étaient aussi visées par la demande. Le [traduction] « projet d'entreprise » soumis par le demandeur au soutien de sa demande décrivait l'entreprise commerciale qu'il envisageait d'établir au Canada :

[traduction] Mettant à profit mes 12 années de scolarité et mon expérience professionnelle à temps plein de plus de 17 ans, j'ai l'intention d'établir à Toronto une entreprise de vente en gros et au détail d'appareils électroniques de soins personnels, semblable à celle que j'ai exploitée en Chine durant les sept dernières années.

J'ai obtenu, par l'entremise de ma société chinoise Zibo Rongchang Business and Trading Co. Ltd., les droits de franchise nécessaires pour commercialiser et vendre les produits de la société Philips Électronique Ltée dans la ville de Zibo (province de Shandong). Philips est la plus grande société d'appareils électroniques grand public en Europe. Ma société à Zibo possède les droits de vente de rasoirs, séchoirs à cheveux, centrifugeuses, fers à friser, aspirateurs et autres appareils ménagers électroniques du même type.


[3]                Monsieur Qin a rencontré une employée du Consulat général du Canada à New York, Michele Defreitas, dans le cadre d'une entrevue tenue dans cette ville le 31 janvier 2002. Mme Defreitas et M. Romano déclarent, dans les affidavits qu'ils ont déposés dans la présente instance, que cette entrevue avait pour but d'obtenir du demandeur des renseignements dont un agent des visas, M. Romano en l'occurrence, allait se servir pour rendre une décision. À l'époque, Mme Defreitas n'était pas autorisée officiellement par le ministre à délivrer des visas, mais elle effectuait différentes tâches connexes incombant normalement aux agents des visas.

Décision de l'agent des visas

[4]                La demande de M. Qin a été rejetée par une lettre datée du 7 février 2002. L'agent des visas n'était pas convaincu que le demandeur était un « entrepreneur » au sens défini au paragraphe 2(1) de l'ancien Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (l'ancien règlement), car il n'avait pas été en mesure d'expliquer comment il avait l'intention d'établir et de gérer un magasin d'appareils électroniques à Toronto. L'agent des visas a aussi indiqué que le demandeur s'était [traduction] « peu renseigné » sur le marché de la vente au détail de ce type d'appareils à Toronto et sur l'exportation en Chine d'appareils semblables provenant du Canada. En outre, il a constaté que le demandeur ne savait rien de la réglementation et des permis exigés pour exploiter l'entreprise qu'il avait l'intention d'établir au Canada et qu'il n'avait pas été en mesure d'expliquer, lors de son entrevue, de quelle façon il prévoyait gagner 120 000 $CAN pendant la première année d'exploitation de son entreprise, ni d'expliquer de manière réaliste comment il ferait face à la concurrence à Toronto.


PRÉTENTIONS DU DEMANDEUR

[5]                Dans ses prétentions écrites, M. Qin soutient que l'agent des visas a commis un certain nombre d'erreurs lorsqu'il a interprété et appliqué la définition d' « entrepreneur » contenue dans l'ancien règlement. L'audience a cependant porté principalement sur le fait que l'agent des visas n'avait pas mené lui-même l'entrevue avec le demandeur.

[6]                Selon le demandeur, l'alinéa 11.1b) de l'ancien règlement exigeait qu'un agent des visas tienne une entrevue si le demandeur était un entrepreneur. Le demandeur soutient que l'agent des visas s'est fondé à tort sur les conclusions de la préposée à l'entrevue pour s'acquitter de cette obligation.

[7]                Monsieur Qin soutient que la maxime relative à l'équité procédurale, selon laquelle [traduction] « celui qui entend l'affaire doit rendre la décision » , n'a pas été respectée. Il se réfère aux lignes directrices générales sur les procédures contenues dans le guide OP1 de Citoyenneté et Immigration Canada (les lignes directrices OP1). Il fait valoir que ces lignes directrices appuient sa prétention, en ce sens qu'elles indiquent que les personnes chargées de recueillir les faits ne peuvent prendre la décision relative à la sélection à la place du décideur final et que celui-ci ne peut donner l'impression de se fonder sur une évaluation subjective effectuée par un intermédiaire.

[8]                Le demandeur prétend que l'agent des visas a aussi manqué à son obligation d'agir équitablement en ne lui donnant pas la possibilité de dissiper les doutes soulevés par sa demande. Au soutien de sa prétention, il invoque l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205 (C.A.). Le demandeur ne pouvait pas savoir quels problèmes sa demande posait puisqu'il n'a pas eu d'entrevue avec l'agent des visas.

[9]                Le demandeur souligne en outre que, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, l'agent des visas a reconnu que [traduction] « ce devait être » à cause d'une conversation qu'il avait eue avec la préposée à l'entrevue à la suite de celle-ci qu'il avait l'impression que le demandeur ne fournissait pas volontiers des renseignements, puisqu'il n'y avait rien à ce sujet dans les notes versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d'immigration (STIDI). Il rappelle cependant que la préposée à l'entrevue a affirmé, lorsqu'elle a été contre-interrogée sur son affidavit, qu'elle n'avait jamais parlé avec l'agent des visas après l'entrevue.

PRÉTENTIONS DU DÉFENDEUR


[10]            Le défendeur soutient que le demandeur ne doit pas se contenter de démontrer que la Cour aurait pu ne pas arriver à la même conclusion que l'agent des visas. La Cour ne devrait pas intervenir si l'agent des visas a exercé son pouvoir discrétionnaire de bonne foi et en conformité avec les principes de justice naturelle et ne s'est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l'objet de la loi (To c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 696 (C.A.) (QL)).

[11]            Le défendeur prétend que la preuve démontre que l'agent des visas connaissait l'expérience des affaires du demandeur, laquelle, selon la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 190 F.T.R. 142, constitue une considération pertinente. Le défendeur se fonde également sur la décision Chiu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 121 F.T.R. 39, où il a été décidé qu'un agent des visas ne commet pas une erreur susceptible de contrôle s'il demande au demandeur de faire la preuve de la viabilité de l'entreprise qu'il se propose d'établir.

[12]            En l'espèce, la préposée à l'entrevue a posé des questions pertinentes et a obtenu les renseignements dont l'agent des visas avait besoin pour évaluer la demande du demandeur. Par conséquent, l'agent des visas n'a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.


[13]            Le défendeur prétend également que le principe selon lequel [traduction] « celui qui entend l'affaire doit rendre la décision » s'applique dans les domaines judiciaire et quasi judiciaire, mais non dans le contexte des demandes d'immigration. Il invoque la décision Silion c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1999), 173 F.T.R. 302, au soutien de sa prétention. Selon lui, la décision n'est pas inéquitable sur le plan de la procédure parce que l'agent des visas a discuté de l'affaire avec la préposée à l'entrevue. Il se fonde à cet égard sur la décision Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 151 F.T.R. 1. Le défendeur soutient en outre que le rôle de la préposée à l'entrevue consistait en gros à recueillir des renseignements à l'intention de l'agent des visas qui a pris la décision finale.

[14]            L'équité procédurale exige qu'avant de se fonder sur une [traduction] « preuve extrinsèque » fournie par un tiers pour prendre la décision finale un agent mette le demandeur au courant de cette preuve et lui donne la possibilité d'y répondre (Muliadi, précité, et Huang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1998), 41 Imm. L.R. (2d) 247 (C.F. 1re inst.)). Selon le défendeur, la conversation entre la préposée à l'entrevue et l'agent des visas ne constitue pas, selon la décision Ali, précitée, une [traduction] « preuve extrinsèque » sur laquelle l'agent s'est fondé pour prendre sa décision.

QUESTIONS EN LITIGE

[15]            1.          L'agent des visas a-t-il commis une erreur de droit dans son interprétation de l'ancienne loi et de l'ancien règlement?

2.          L'agent des visas a-t-il fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait?

3.          L'agent des visas a-t-il violé un principe d'équité procédurale?


ANALYSE ET DÉCISION

[16]            À mon avis, la demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie au motif que l'agent des visas a commis une erreur en ne tenant pas une entrevue avec le demandeur, contrairement à l'alinéa 11.1b) de l'ancien règlement. Cette disposition prévoyait ce qui suit :


11.1 Afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas n'est pas obligé de tenir une entrevue, sauf si l'immigrant, d'après l'étude de sa demande de visa et des documents à l'appui :

...

11.1 For the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants will be able to become successfully established in Canada, a visa officer is not required to conduct an interview unless, based on a review of the visa application and the documents submitted in support thereof,

...

b) soit est un candidat d'une province, un entrepreneur, un investisseur ou un travailleur autonome.

[Non souligné dans l'original]

(b) the immigrant is an entrepreneur, an investor, a provincial nominee or a self-employed person

[Emphasis added]


[17]            L'expression « agent des visas » était définie au paragraphe 2(1) de l'ancienne loi :


« agent des visas » Agent d'immigration en poste à l'étranger et autorisé par arrêté du ministre à délivrer des visas.

"visa officer" means an immigration officer stationed outside Canada and authorized by order of the Minister to issue visas;


[18]            L'expression « agent d'immigration » était également définie au paragraphe 2(1) de l'ancienne loi :


« agent d'immigration » Personne nommée ou désignée en vertu de l'article 109.

"immigration officer" means a person appointed or designated as an immigration officer pursuant to section 109;



[19]            Finalement, les paragraphes 109(1) et (2) de l'ancienne loi prévoyaient ce qui suit :


109 (1) Les agents d'immigration sont nommés conformément à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique.

109 (1) Immigration officers shall be appointed or employed under the Public Service Employment Act.

109 (2) Par dérogation au paragraphe (1), le ministre peut, pour l'application de la présente loi, désigner certaines personnes, à titre individuel ou collectif, comme agents d'immigration et leur conférer tout ou partie des attributions attachées à ce poste.

109 (2) Notwithstanding subsection (1), the Minister may designate any person or class of persons as immigration officers for the purposes of this Act and that person or class of persons shall have such of the powers, duties and functions of an immigration officer as are specified by the Minister.


[20]            Il ressort clairement de la lecture de ces dispositions de l'ancien régime que le législateur voulait que les « agents des visas » aient l'obligation de tenir des entrevues avec les demandeurs dans certains cas prescrits, notamment par l'article 11.1. (Voir Grube c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] A.C.F. no 1089 (1re inst.) (QL), où la Cour a décidé que l'alinéa 11.1b) exigeait qu'un agent des visas accorde une entrevue aux travailleurs autonomes avant de statuer sur leurs demandes.)


[21]            En l'espèce, la préposée à l'entrevue, Mme Defreitas, a reconnu, lors du contre-interrogatoire sur son affidavit, qu'elle n'était pas encore autorisée à exercer les fonctions d'une agente des visas au moment de son entrevue avec le demandeur, le 31 janvier 2002. Aux pages 10 à 12 de la transcription de son contre-interrogatoire, elle a déclaré être devenue une « agente d'immigration désignée » au sens de l'article 109 de l'ancienne loi en avril 2002. Le défendeur a néanmoins soutenu à l'audience que Mme Defreitas était une « agente des visas » au moment où l'entrevue a eu lieu. Or, dans une lettre remise à la Cour après l'audience, le défendeur a admis que Mme Defreitas n'était pas une agente des visas au moment de l'entrevue, mais une [traduction] « agente du programme d'immigration » . Il affirme que Mme Defreitas était habilitée, à ce titre, à effectuer des entrevues en conformité avec les principes établis dans la décision Ali, précitée.

[22]            Dans les décisions Silion et Ali, précitées, la Cour a approuvé la pratique selon laquelle un agent tient une entrevue avec un demandeur afin de recueillir les faits et un autre agent prend la décision finale en se fondant sur les renseignements recueillis par le premier agent. Ces affaires ne concernaient toutefois pas des demandeurs visés à l'alinéa 11.1b) de l'ancien règlement. Le juge Teitelbaum a écrit ce qui suit dans Ali, précitée, aux paragraphes 27 et 28 :

La deuxième question litigieuse consiste à savoir si l'agent des visas a violé l'obligation d'agir équitablement en déléguant la conduite de l'entrevue à Mme Solis. Dans l'ouvrage de D. J. Mullan intitulé Administrative Law, 2e éd. (Carswell, 1979), les auteurs déclarent, à la page 3-112 :

[traduction] [u]n décideur désigné par la loi peut légitimement, dans certains cas, déléguer la tâche de recueillir, trier, classer et résumer la preuve à quelqu'un d'autre pourvu que l'étendue de la délégation ne soit pas telle que la décision finale est, dans les faits, prise par le délégué plutôt que par le décideur désigné par la loi. En d'autres termes, ce dernier doit prendre la décision personnellement, après s'être suffisamment renseigné sur tous les aspects du litige. [Renvois omis]

Il convient également de lire ce passage en tenant compte de l'affirmation que fait le juge Hugessen à la page 83 de l'arrêt Shah c. M.E.I. (1994), 29 Imm. L.R. (2d) 82 (C.A.F.), à savoir que « la teneur de l'obligation d'agir équitablement varie selon les circonstances » .

La loi n'accorde aucun droit à une entrevue. Je remarque également que l'agent des visas a déclaré dans sa déclaration solennelle qu'il a examiné le dossier et les notes prises à l'entrevue, et a ensuite conclu que le requérant n'était pas admissible à une autorisation d'emploi. Selon moi, il n'existe pas suffisamment d'éléments de preuve me permettant de conclure que l'agent des visas n'a pas évalué le fond de la revendication. De plus, vu ma conclusion sur la première question litigieuse, on ne saurait affirmer que le requérant n'a pas eu le droit de faire valoir son point de vue. Je conclus donc que l'agent des visas avait le droit de déléguer la conduite de l'entrevue à Mme Solis.


[23]            Je conviens avec le défendeur que l'obligation d'agir équitablement n'interdit généralement pas la délégation de tâches, notamment celle de recueillir et de résumer les faits, pourvu que la décision finale soit prise par le décideur dûment désigné. Cela signifie que le fait que l'entrevue ayant pour but de découvrir les faits soit effectuée par un agent et que la décision finale relève d'un autre agent ne contrevient habituellement pas à l'obligation d'agir équitablement. J'estime toutefois que, lorsque la loi prévoit expressément qu'une entrevue doit être « tenue » par un « agent des visas » et qu'elle définit de manière très précise qui est un « agent des visas » , les termes utilisés doivent avoir un sens et une fin.

[24]            Ainsi que l'avocat du demandeur l'a fait remarquer, toutes les affaires sur lesquelles le défendeur se fonde pour démontrer que la conduite de l'entrevue a été correctement déléguée en l'espèce concernent des demandes auxquelles l'article 11.1 de l'ancien règlement ne s'appliquait pas. Ces affaires sont donc différentes de celle dont la Cour est saisie en l'espèce.


[25]            Pour ce qui est des autres prétentions du demandeur, elles ne sont pas fondées. Selon l'arrêt To, précité, la décision d'un agent des visas de ne pas faire droit à une demande de résidence permanente est une décision discrétionnaire à laquelle s'applique une norme de contrôle appelant une grande retenue judiciaire, à savoir la norme établie dans l'arrêt Maple Lodge Farms Limited c. Gouvernement du Canada et al., [1982] 2 R.C.S. 2, aux pages 7 et 8. En l'espèce, rien n'indique que l'agent des visas a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait. Les décisions discrétionnaires doivent cependant être prises en conformité avec la procédure prévue par la loi qui établit les paramètres du pouvoir discrétionnaire. Or, pour les raisons exposées dans l'analyse qui précède, l'agent des visas ne s'est pas conformé à la loi.

[26]            Comme l'indiquent les décisions judiciaires invoquées par le défendeur, un agent des visas ne commet pas une erreur susceptible de contrôle lorsqu'il demande à un demandeur d'expliquer la viabilité de l'entreprise qu'il se propose d'établir, et le fait que le demandeur connaisse, ou ne connaisse pas, le contexte commercial canadien est une considération pertinente aux fins de l'évaluation des demandeurs du monde des affaires.


[27]            Par ailleurs, le demandeur n'a pas réussi à démontrer que les renseignements concernant son entrevue qui auraient été communiqués de vive voix à l'agent des visas par la préposée à l'entrevue constituaient une [traduction] « preuve extrinsèque » à laquelle il aurait dû avoir la possibilité de répondre. Selon le principe énoncé dans l'arrêt Muliadi, précité, l'obligation d'agir équitablement exige d'un décideur qu'il informe le demandeur des renseignements obtenus auprès d'un tiers et qu'il lui donne la possibilité de [traduction] « dissiper ses doutes » . Dans Muliadi, la décision finale de l'agent des visas était notamment fondée sur l'évaluation défavorable de l'entreprise du demandeur effectuée par un fonctionnaire provincial. Le demandeur aurait dû, par conséquent, avoir la possibilité d'examiner cette évaluation et d'y répondre. En l'espèce, il est raisonnable de penser que M. Qin aurait dû comprendre les doutes de la préposée à l'entrevue à la lumière des questions qui lui ont été posées à l'entrevue. Ces doutes découlent directement de l'ancienne loi et de l'ancien règlement et ont trait à la question de savoir si le demandeur est visé par la définition d' « entrepreneur » .

[28]            Le demandeur n'a pas démontré que les conditions relatives à la délivrance d'un mandamus, qui est une mesure de redressement plutôt extraordinaire, sont remplies en l'espèce. Ces conditions ont été établies par la Cour dans l'arrêt Apotex Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), conf. par [1994] 3 R.C.S 1100. L'avocat du demandeur n'a d'ailleurs pas insisté sur cette question à l'audience.

[29]            Le demandeur a demandé que les dépens lui soient accordés parce que, selon lui, l'erreur de l'agent des visas lui a causé un [traduction] « préjudice grave » puisqu'il a dû engager des frais pour se rendre à son entrevue à New York et pour déposer la présente demande de contrôle judiciaire. Je ne suis pas convaincu qu'il s'agisse de « raisons spéciales » au sens de la règle 22 des Règles de la Cour fédérale en matière d'immigration et de protection des réfugiés, DORS/2002-232. Par conséquent, aucuns dépens ne seront accordés.


                                        ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision rendue par l'agent des visas en date du 7 février 2002 est annulée et la demande du demandeur est renvoyée à un autre agent des visas pour que celui-ci rende une décision en conformité avec les motifs de la Cour. Aucune question n'est certifiée.

                                                                         _ Richard G. Mosley _           

                                                                                                     Juge                          

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-1263-02

INTITULÉ :                                                                JIANBO QIN

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 16 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                                LE JUGE MOSLEY

DATE DES MOTIFS :                                               LE 19 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Joseph R. Young                                                           POUR LE DEMANDEUR

Angela Marinos                                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Joseph R. Young                                                           POUR LE DEMANDEUR

Avocat

1200, rue Bay, bureau 608

Toronto (Ontario)

M5R 2A5

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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