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Date : 20031128

Dossier : IMM-4191-02

Référence : 2003 CF 1398

ENTRE :

                          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      demandeur

                                                                                   et

                                                             RANDHEER SINGH GILL

                                                                                                                                                        défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LEMIEUX

CONTEXTE

[1]                 Dans la procédure de contrôle judiciaire en l'espèce, le demandeur est le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre). Le défendeur n'était pas présent à l'audition de sa demande et il n'était pas non plus représenté par un avocat.


[2]                 Le ministre demande que soit infirmée la décision du 22 août 2002 de Dianne Tordorf, membre de la Section de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal), qui, après avoir effectué un premier contrôle de la détention dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci, en conformité avec le paragraphe 57(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi), a ordonné, conformément à l'article 58 de la Loi, la mise en liberté du défendeur.

[3]                 Le ministre prétend que le tribunal a commis plusieurs erreurs :

(1)        en ne tenant pas compte des critères prévus;

(2)        en tenant compte d'un critère qui n'était pas pertinent;

(3)        en tirant une conclusion de fait manifestement déraisonnable.

[4]                 La décision que le tribunal doit prendre en l'espèce repose sur l'examen de la partie 1, section 6 de la Loi, concernant la mise en liberté et la détention, de même que les dispositions de la partie XIV du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) qui prescrit les critères applicables à la partie 1, section 6 de la Loi.

[5]                 L'essentiel des arguments du ministre vise l'aspect de la Loi et du Règlement qui s'applique lorsqu'une personne dont l'identité n'est pas établie cherche à entrer au Canada ou à y être admis en tant qu'immigrant.

[6]                 Le défendeur prétend être un citoyen d'Inde. Il est entré au Canada le 27 juin 2002 et il a passé la douane et l'immigration à l'aéroport de Dorval. Il a fait une demande d'asile le lendemain.

[7]                 Le 20 août 2002, le défendeur a été interviewé par un agent d'immigration aux bureaux de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) à Montréal. Voici les renseignements qu'il est possible de glaner de l'affidavit de l'agent d'immigration :

(1)        il n'avait en sa possession ni passeport ni titres de voyage, notamment un billet d'avion;

(2)        pour entrer au Canada, il s'est servi d'un passeport indien au nom de Gursharan Singh dont la photo avait été substituée, passeport que son passeur avait conservé après qu'il l'eût montré à un agent des douanes du Canada;

(3)        il a dit qu'en réalité, il s'appelait Randheer Singh Gill;

(4)        il a prétendu avoir quitté l'Inde en passant par la Hollande; toutefois, il ne se souvenait pas de la ligne aérienne avec laquelle il avait voyagé;

(5)        il a présenté deux pièces d'identité à l'agent d'immigration : une photocopie de son certificat de naissance, de même qu'un permis de conduire. La CIC a tout de suite examiné ces documents et elle a décidé, le même jour, qu'il était peu probable qu'il s'agisse de documents authentiques.

[8]                 Après l'entrevue, les événements suivants ont tous eu lieu le 20 août 2002 :

(1)        l'agent d'immigration a produit un rapport en conformité avec l'article 44 dans lequel il alléguait que le défendeur était interdit de territoire au Canada;

(2)        une mesure d'interdiction de séjour contre Randheer Singh Gill a été signifiée contre le défendeur, ce dernier ne possédant aucun visa valide;


(3)        le représentant du ministre a dit, en conformité avec l'alinéa 58(1)d) de la Loi, que l'identité du défendeur n'avait pas été prouvée, mais qu'elle pouvait l'être;

(4)        l'agent a arrêté et détenu le défendeur sans mandat, conformément à l'alinéa 55(2)b) qui l'autorise à le faire si « l'identité de celui-ci ne lui a pas été prouvée dans le cadre d'une procédure prévue par la présente loi » .

[9]                 Aux termes de l'article 57 de la Loi, la Section de l'immigration doit contrôler les motifs justifiant le maintien en détention d'un résident permanent ou d'un étranger dans les quarante-huit heures suivant le début de celle-ci.

DÉCISION DU TRIBUNAL

[10]            Tel que susmentionné, le 22 août 2002, le tribunal a ordonné la mise en liberté du défendeur à condition qu'il se présente, conformément aux directives d'un agent d'immigration, au lieu, à la date et à l'heure précisés à des fins de contrôle et de prise des modalités de départ, qu'il fournisse son adresse à CIC et, qu'avant de déménager, il avise CIC de son changement d'adresse.


[11]            Le tribunal a mentionné que, pendant l'entrevue du 20 août 2002, le défendeur avait dit à l'agent d'immigration qu'il n'avait jamais obtenu son propre passeport et qu'il pouvait obtenir d'autres pièces d'identité de l'Inde, notamment sa carte de ravitaillement, son laissez-passer et sa carte d'électeur. Le tribunal a confirmé que le contrôle effectué par CIC avait révélé qu'il était peu probable que la photocopie de son certificat de naissance et son permis de conduire soient authentiques et il a constaté que, sur son permis de conduire, le mot _ licence _ en anglais était écrit « license » .

[12]            Il a dit que CIC « ne peut faire valoir d'autre motif pour justifier votre détention que son désir d'enquêter en vue d'établir votre identité » et que « [l]'étape suivante aurait été de vous demander de plus amples renseignements et de communiquer avec l'ambassade du Canada en Inde pour poursuivre les recherches, mais rien de précis n'a été mentionné » .

[13]            Le tribunal a mentionné qu'il avait demandé si CIC avait envoyé ou non « vos empreintes à la GRC, au FBI ou à l'USINS _ et il a conclu en ces termes : « Il n'est mentionné nulle part dans le dossier qu'un de ces organismes ait été contacté à ce sujet. J'ajouterais que cette procédure est élémentaire lorsque qu'on se préoccupe vraiment de savoir qui vous êtes, Monsieur _.

[14]            L'essentiel des motifs écrits du tribunal se trouve aux paragraphes suivants :

Je vous ai dit en début d'audience que je tiendrais compte de certains critères de l'article 247 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, paragraphe a) : l'intéressé a-t-il collaboré, à savoir, a-t-il justifié de son identité, a-t-il aidé le Ministère à obtenir cette justification, a-t-il communiqué des renseignements détaillés sur son itinéraire? Je pense qu'effectivement, vous avez coopéré avec Immigration Canada; et il n'y a eu aucune enquête concernant votre itinéraire pour mettre en doute ce que vous avez dit sur la façon dont vous êtes venu au Canada.


L'analyse de votre certificat de naissance et de votre permis de conduire, lesquels sont versés à votre dossier, est d'une importance primordiale. On s'interroge sérieusement sur l'authenticité de ces deux documents. Immigration Canada a toutefois décidé de prendre une mesure d'interdiction de séjour à votre égard en se fondant sur les renseignements contenus dans ces documents. Je pense qu'il est illogique que le Ministère mette en doute ces documents alors qu'il s'en est contenté pour rédiger un document officiel de renvoi à votre endroit.

Il était possible de poursuivre votre interrogatoire ou de continuer l'enquête jusqu'à ce que votre identité soit établie, après quoi on pouvait mettre fin à votre interrogatoire et prendre une éventuelle mesure de renvoi. Je conçois qu'en vertu de la Loi, le Ministère soit contraint de décider de la recevabilité de votre demande dans les trois jours. Toutefois, selon moi, le fait que le ministère de l'Immigration considère qu'une personne est en droit de demander l'asile ne signifie pas qu'il soit convaincu de son identité. Votre demande sera cependant jugée recevable s'il n'y a aucune raison d'empêcher la poursuite du traitement de votre demande d'asile.

Si Immigration Canada avait des doutes sérieux quant à votre identité, je pense que vos empreintes auraient pu être envoyées à différents organismes pour que l'on vérifie au moins si vous étiez allé aux États-Unis ou en Europe, et surtout, si vous étiez connu sous un autre nom quelque part dans le monde. On ne m'a fourni aucune explication logique justifiant pourquoi cela n'a pas été fait et je trouve injuste que vous soyez maintenu en détention parce qu'Immigration Canada n'est pas convaincu de votre identité et que le Ministère vous charge de prouver votre identité en produisant de nouveaux documents.

Je ne pense pas que votre maintien en détention soit justifié. J'ordonne donc votre mise en liberté, puisqu'il n'existe, en dehors de votre identité, aucune autre raison de vous maintenir en détention, étant donné que l'on n'a pas fait valoir que vous représentiez un danger pour le public canadien ou que vous risquiez de prendre la fuite. [...] [Non souligné dans l'original.]

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES ET RÉGLEMENTAIRES APPLICABLES

[15]            L'article 58 de la Loi, qui décrit les circonstances dans lesquelles un étranger [traduction] « doit être mis en liberté » , dispose :


58. (1) La section prononce la mise en liberté du résident permanent ou de l'étranger, sauf sur preuve, compte tenu des critères réglementaires, de tel des faits suivants :

58. (1) The Immigration Division shall order the release of a permanent resident or a foreign national unless it is satisfied, taking into account prescribed factors, that


a) le résident permanent ou l'étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

(a) they are a danger to the public;b) le résident permanent ou l'étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi, ou à la procédure pouvant mener à la prise par le ministre d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

(b) they are unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2);

c) le ministre prend les mesures voulues pour enquêter sur les motifs raisonnables de soupçonner que le résident permanent ou l'étranger est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux;

(c) the Minister is taking necessary steps to inquire into a reasonable suspicion that they are inadmissible on grounds of security or for violating human or international rights; or

d) dans le cas où le ministre estime que l'identité de l'étranger n'a pas été prouvée mais peut l'être, soit l'étranger n'a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier fait des efforts valables pour établir l'identité de l'étranger.

(d) the Minister is of the opinion that the identity of the foreign national has not been, but may be, established and they have not reasonably cooperated with the Minister by providing relevant information for the purpose of establishing their identity or the Minister is making reasonable efforts to establish their identity.



58(2) Mise en détention par la Section de l'immigration

(2) La section peut ordonner la mise en détention du résident permanent ou de l'étranger sur preuve qu'il fait l'objet d'un contrôle, d'une enquête ou d'une mesure de renvoi et soit qu'il constitue un danger pour la sécurité publique, soit qu'il se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l'enquête ou au renvoi.

58(2) Detention - Immigration Division

(2) The Immigration Division may order the detention of a permanent resident or a foreign national if it is satisfied that the permanent resident or the foreign national is the subject of an examination or an admissibility hearing or is subject to a removal order and that the permanent resident or the foreign national is a danger to the public or is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing or removal from Canada.

58(3) Conditions

(3) Lorsqu'elle ordonne la mise en liberté d'un résident permanent ou d'un étranger, la section peut imposer les conditions qu'elle estime nécessaires, notamment la remise d'une garantie d'exécution.

                                                                    

                 [Non souligné dans l'original.]

58(3) Conditions

(3) If the Immigration Division orders the release of a permanent resident or a foreign national, it may impose any conditions that it considers necessary, including the payment of a deposit or the posting of a guarantee for compliance with the conditions.

                                       [emphasis mine]


[16]            L'article 58 mentionne les critères prévus. Les articles 244 et 247 du Règlement décrivent ces critères :


244. Pour l'application de la section 6 de la partie 1 de la Loi, les critères prévus à la présente partie doivent être pris en compte lors de l'appréciation :

244. For the purposes of Division 6 of Part 1 of the Act, the factors set out in this Part shall be taken into consideration when assessing whether a person


a) du risque que l'intéressé se soustraie vraisemblablement au contrôle, à l'enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d'une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2) de la Loi;

(a) is unlikely to appear for examination, an admissibility hearing, removal from Canada, or at a proceeding that could lead to the making of a removal order by the Minister under subsection 44(2) of the Act;b) du danger que constitue l'intéressé pour la sécurité publique;

(b) is a danger to the public; or

c) de la question de savoir si l'intéressé est un étranger dont l'identité n'a pas été prouvée.

(c) is a foreign national whose identity has not been established.

247. (1) Pour l'application de l'alinéa 244c), les critères sont les suivants :

a) la collaboration de l'intéressé, à savoir s'il a justifié de son identité, s'il a aidé le ministère à obtenir cette justification, s'il a communiqué des renseignements détaillés sur son itinéraire, sur ses date et lieu de naissance et sur le nom de ses parents ou s'il a rempli une demande de titres de voyage;

b) dans le cas du demandeur d'asile, la possibilité d'obtenir des renseignements sur son identité sans avoir à divulguer de renseignements personnels aux représentants du gouvernement du pays dont il a la nationalité ou, s'il n'a pas de nationalité, du pays de sa résidence habituelle;

c) la destruction, par l'étranger, de ses pièces d'identité ou de ses titres de voyage, ou l'utilisation de documents frauduleux afin de tromper le ministère, et les circonstances dans lesquelles il s'est livré à ces agissements;

d) la communication, par l'étranger, de renseignements contradictoires quant à son identité pendant le traitement d'une demande le concernant par le ministère;

e) l'existence de documents contredisant les renseignements fournis par l'étranger quant à son identité.

Non-application aux mineurs

247(2)

(2) La prise en considération du critère prévu à l'alinéa (1)a) ne peut avoir d'incidence défavorable à l'égard des mineurs visés à l'article 249.

                 [Non souligné dans l'original.]

247. (1) For the purposes of paragraph 244(c), the factors are the following:

(a) the foreign national's cooperation in providing evidence of their identity, or assisting the Department in obtaining evidence of their identity, in providing the date and place of their birth as well as the names of their mother and father or providing detailed information on the itinerary they followed in travelling to Canada or in completing an application for a travel document;

(b) in the case of a foreign national who makes a claim for refugee protection, the possibility of obtaining identity documents or information without divulging personal information to government officials of their country of nationality or, if there is no country of nationality, their country of former habitual residence;

(c) the destruction of identity or travel documents, or the use of fraudulent documents in order to mislead the Department, and the circumstances under which the foreign national took that actions;

(d) the provision of contradictory information with respect to identity at the time of an application to the Department; and

(e) the existence of documents that contradict information provided by the foreign national with respect to their identity.

Non-application to minors

247(2)

(2) Consideration of the factors set out in paragraph (1)(a) shall not have an adverse impact with respect to minor children referred to in section 249.

                                       [emphasis mine]


ANALYSE

[17]            Le ministre invoque trois motifs pour justifier l'annulation de la décision du tribunal.


[18]            Premièrement, l'avocate du ministre soutient qu'en décidant de l'opportunité de la mise en liberté du défendeur, le tribunal a tenu compte d'un critère dépourvu de pertinence, savoir le fait que CIC avait signifié une mesure d'interdiction de séjour au nom de Randheer Singh Gill, le nom qui, aux dires du défendeur, était son véritable nom (on avait déterminé que le nom qui apparaissait sur son permis de conduire et sur la photocopie de son certificat de naissance n'était probablement pas le sien). L'avocate du ministre soutient que ce critère n'est pas pertinent selon la Loi, à preuve l'arrêt Maple Lodge Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2. Le ministre dit qu'une mesure d'interdiction de séjour n'est pas une attestation de l'identité d'une personne; elle indique tout simplement qu'une personne connue sous ce nom par les autorités canadiennes est interdite de séjour au Canada et qu'elle doit être renvoyée dans son pays d'origine.

[19]            Le ministre invoque un deuxième motif, savoir que le tribunal a omis de tenir compte de deux des critères visés au paragraphe 247(1) du Règlement, c'est-à-dire les alinéas c) et e).

[20]            Selon l'avocate du ministre, il aurait fallu tenir compte des critères suivants pour déterminer si son identité n'avait pas été établie : l'absence de titres de voyage (billet d'avion), le retour du faux passeport à un passeur (alinéa c) du Règlement) et l'expertise de CIC qui dit que le certificat de naissance et le permis de conduire n'étaient probablement pas authentiques (alinéa e) du Règlement).


[21]            L'avocate du ministre fait en outre valoir que le tribunal a tiré une conclusion de fait erronée d'une manière abusive ou arbitraire lorsqu'il a conclu que les autorités de l'immigration étaient convaincues de l'identité du défendeur parce qu'elles avaient signifié une mesure d'interdiction de séjour au nom qui apparaissait sur le permis de conduire et la photocopie du certificat de naissance du défendeur.

[22]            Je veux mentionner les points suivants concernant le régime législatif prévu par la Loi et le Règlement pour ce qui touche la mise en liberté ou la détention d'un ressortissant étranger dont l'identité n'a pas été établie :

(1)        l'article 58 de la Loi prévoit la mise en liberté obligatoire par la Section de l'immigration, d'un étranger, sauf sur preuve de l'un des quatre faits prévus;

(2)        pour ce qui touche le défendeur, le seul fait pertinent invoqué par le ministre a été l'alinéa 58(1)d) en matière d'identité;

(3)        l'alinéa 58(1)d) ne s'applique que si le ministre est d'avis que l'identité de l'étranger n'a pas été prouvée, mais pourrait l'être. En l'espèce, le ministre a émis cette opinion;

(4)        la question de savoir si une personne qui est détenue doit être mise en liberté dépend de l'appréciation d'un commissaire de la Section de l'immigration de l'une de deux circonstances : l'étranger n'a pas collaboré raisonnablement avec le ministre en lui fournissant des renseignements pertinents permettant d'établir son identité ou le ministre fait des efforts valables pour établir son identité;


(5)        en l'espèce, le tribunal semble dire que le ministre ne faisait pas d'efforts valables qui lui permettraient d'établir l'identité du défendeur. Cette décision n'a pas été contestée et il reste à examiner la question de la collaboration du défendeur ou son manque de collaboration;

(6)        aux fins de l'appréciation, la Section de l'immigration doit tenir compte des critères prévus;

(7)        dans le cas d'une personne dont l'identité n'a pas été établie, les critères prévus sont énumérés à l'article 247 du Règlement;

(8)        un contrôle des critères prévus à l'article 247 du Règlement donne à penser qu'il sont particulièrement opportuns dans le but de déterminer si un étranger a collaboré d'une manière raisonnable en fournissant des renseignements pertinents qui permettent d'établir son identité;

(9)        dans l'appréciation du degré de collaboration, il me semble qu'il y a deux types de critères prévus. Dans un premier temps, il s'agit des critères qui permettent de dire qu'il y a eu une collaboration positive, conformément à l'alinéa 247(1)a), en justifiant de son identité ou en aidant le ministère à obtenir cette justification. Deuxièmement, il s'agit des critères qui constituent une preuve du manque de collaboration de manière à ce qu'il soit difficile d'établir l'identité, par exemple la destruction des passeports et des billets d'avion, l'utilisation de documents frauduleux ou l'existence de documents contredisant les renseignements fournis par l'étranger quant à son identité;


(10)      il appartient à la Section de l'immigration d'apprécier ces critères en décidant s'il faut que l'étranger demeure en détention ou qu'il soit mis en liberté avec conditions. J'ajoute que s'il est décidé qu'il existe des motifs de détention, la Section de l'immigration doit contrôler les critères énumérés à l'article 248.

[23]            Je constate que la nouvelle Loi met l'accent sur l'identification. Par exemple, aux termes du paragraphe 100(4), il incombe au demandeur d'établir que sa demande peut être renvoyée à la Section de la protection des réfugiés et il doit fournir tous les documents et renseignements exigés par les règles de la Commission. L'article 7 des Règles de la Section de la protection des réfugiés prévoit que le demandeur d'asile transmet des documents acceptables pour établir son identité et que, s'il ne peut le faire, il en donne la raison et indique quelles mesures il a prises pour s'en procurer. En outre, selon l'article 106 de la Loi, la Section de la protection des réfugiés prend en compte, s'agissant de crédibilité, le fait que, n'étant pas muni de papiers d'identité acceptables, le demandeur ne peut raisonnablement en justifier la raison et n'a pas pris les mesures voulues pour s'en procurer.

[24]            Le juge Nadon, alors qu'il siégeait à la Section de première instance de la Cour fédérale, a insisté sur l'importance de l'identité d'une personne dans la décision Elazi c. Canada (M.C.I.) (2000), 191 F.T.R. 205, aux paragraphes 16 et 17, à l'instar d'autres juges de la Cour, dans des décisions récentes.

[25]            Je suis d'accord avec les arguments du ministre en l'espèce.

[26]            Selon moi, le tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de deux critères prévus dans l'appréciation de la question de savoir si la détention du défendeur devait se poursuivre. Les critères qui n'ont pas été pris en compte sont les alinéas 247(1)c) et e). Il s'agit d'une erreur de droit.

[27]            En outre, je suis également d'avis que le tribunal a tenu compte d'un critère non pertinent en décidant de la mise en liberté du défendeur. Ce critère non pertinent était le fait que la mesure d'interdiction de séjour avait été rendue au soi-disant véritable nom du défendeur, savoir le nom qui apparaissait sur son permis de conduire et la photocopie de son certificat de naissance. Il s'agit également d'une erreur de droit.

[28]            Enfin, le ministre a raison de prétendre que le tribunal a tiré une conclusion de fait erronée à laquelle il est arrivé d'une manière abusive et arbitraire, quand il a conclu que les autorités de l'immigration étaient convaincues de l'identité du défendeur parce qu'elles avaient décidé de signifier la mesure d'interdiction de séjour au nom inscrit sur des documents dont l'authenticité était douteuse. Une telle conclusion est contraire à l'opinion du ministre donnée en vertu de l'alinéa 58(1)d).

[29]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du tribunal est annulée et la détention du défendeur doit être contrôlée par un tribunal différemment constitué de la Section de l'immigration. Aucune question n'est certifiée.

                                                                              _ François Lemieux _             

                                                                                                             Juge                             

OTTAWA (ONTARIO)

LE 28 NOVEMBRE 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                               IMM-4191-02

INTITULÉ :                              MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

RANDHEER SINGH GILL

LIEU DE L'AUDIENCE :      MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :    LE 2 JUILLET 2003    

                                                         

MOTIFS :                                 LE JUGE LEMIEUX

DATE DES MOTIFS :           LE 28 NOVEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Marie-Claude Demers              POUR LE DEMANDEUR

aucune                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                       POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Randheer Singh Gill                    POUR SON PROPRE COMPTE

Montréal (Québec)


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