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Date : 20031105

Dossier : T-632-01

Référence : 2003 CF 1294

Toronto (Ontario), le 5 novembre 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

AFFAIRE INTÉRESSANT la demande d'enregistrement de la

marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin sous le

numéro de série 686 179 déposée par Anheuser-Busch Incorporated

ET les articles 56 et 59 de la Loi sur les marques de commerce

du Canada, L.R.C. 1985, ch. T-13

ENTRE :

                                                                 MOLSON CANADA                                                                 

demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH INCORPORATED

défenderesse

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 La Cour statue sur l'appel interjeté par Molson Canada (Molson, l'appelante ou l'opposante) en vertu de l'article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. 1985, ch. T-13 (la Loi) d'une décision en date du 16 février 2001 par laquelle le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition formée par Molson à l'enregistrement, par traductionAnheuser-Busch Incorporated (Anheuser ou l'intimée), de la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin.


[2]                 Molson sollicite une ordonnance :

1.          faisant droit à son appel et infirmant la décision du registraire des marques de commerce et déclarant que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin de l'intimée n'est pas enregistrable et n'est pas distinctive et que l'intimée n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de cette marque de commerce;

2.          lui adjugeant les dépens du présent appel.

traduction

Contextetraduction

Introduction

[3]                 traductionMolson s'oppose à la demande présentée par Anheuser en vue de faire enregistrer sous le numéro 686 179 la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin.

[4]                 La demande était fondée sur un emploi projeté au Canada et sur un emploi et un enregistrement aux États-Unis en liaison avec de la bière. Anheuser a renoncé au droit à l'emploi exclusif du mot DRAFT indépendamment de la marque de commerce. À la suite de la procédure d'opposition, Anheuser a renoncé au droit à l'emploi exclusif du mot GOLDEN indépendamment de la marque de commerce.

[5]                 La demande d'Anheuser a été déposée le 18 juillet 1991. Elle a été modifiée le 9 juin 1992 et le 17 novembre 1995. Anheuser a revendiqué et obtenu la date de priorité du 6 mai 1991 sur le fondement de sa demande d'enregistrement de la marque de commerce aux États-Unis.

[6]                 La demande a été annoncée dans le Journal des marques de commerce le 2 décembre 1992.

[7]                 traductionMolson a déposé une déclaration d'opposition le 27 janvier 1993. Une déclaration d'opposition modifiée a été produite le 22 septembre 1998. L'opposante faisait valoir les moyens suivants au soutien de son opposition (ainsi que le registraire les a résumés dans sa décision) :

[traduction] a) La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce étant donné que la requérante ne pouvait être convaincue qu'elle a le droit d'employer ou d'enregistrer sa marque de commerce au Canada compte tenu de l'existence de l'enregistrement que l'opposante a obtenu pour ses marques de commerce ci-après énumérées.

b) La présente demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30 de la Loi sur les marques de commerce étant donné que la requérante n'avait pas l'intention d'affecter la marque de commerce à l'usage précisé dans sa demande ou à quelque usage que ce soit.

c) La marque de commerce revendiquée n'est pas enregistrable, compte tenu de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce parce qu'elle crée de la confusion avec les marques de commerce déposées qu'elle possède déjà et qui visent des [traduction] « boissons alcoolisées fabriquées en brasserie » ou des [traduction] « boissons alcoolisées fermentées » ci-après énumérées :

Marque de commerce                                                                  Enregistrement no

MOLSON'S GOLDEN ALE & dessin                    100 941

GOLDEN ALE & dessin                                                             114 145

MOLSON GOLDEN ALE & dessin                                        161 252


MOLSON GOLDEN & dessin                                                  290 098

MOLSON GOLDEN                                                                  292 103

GOLDEN ALE & dessin                                                             293 246

MOLSON GOLDEN & dessin                                                  309 841

GOLDEN                                                                                      498 157

Au soutien du moyen qu'elle tire de l'alinéa 12(1)d), l'opposante se fonde aussi sur sa marque de certification MOLSON GOLDEN & dessin, enregistrée sous le numéro 471 067 [...]traduction

d) La requérante n'est pas la personne qui a droit à l'enregistrement de la marque de commerce revendiquée parce qu'à la date du dépôt de la présente demande et à tous les autres moments, la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin créait de la confusion avec les marques de commerce susmentionnées de l'opposante qui étaient déjà employées au Canada.

e) La marque de commerce revendiquée n'est pas distinctive de ce qui précède. L'opposante vend à grande échelle des boissons alcoolisées fermentées au Canada et les a annoncées en liaison avec les marques de commerce susmentionnées qui contiennent toutes le mot GOLDEN.

[8]                 Anheuser a produit le 24 juin 1993 une contre-déclaration en réponse à la déclaration d'opposition.

[9]                 Devant le registraire des marques de commerce, Molson a déposé en preuve les affidavits de Margaret Swain, David Perkins et Hui Ming Zheng. Anheuser a pour sa part déposé en preuve les affidavits souscrits par L. Jane Sargeant, Todd D. Bailey, Cynthia L. Martens, Robert W. White, William S. Campbell et Isis E. Caulder.


[10]            Devant la Cour fédérale, Molson a soumis d'autres éléments de preuve en produisant les affidavits de Michael S. Downey, Kimberley Anne Lane et D. Jill Roberts. Anheuser a déposé des éléments de preuve complémentaires en produisant les affidavits de Frederik N. Meyer, Sharyn Costin, Lloyd Potter et David Sunday.

Décision du registraire des marques de commerce

[11]            Aux termes de sa décision du 16 février 2001, le registraire des marques de commerce a rejeté l'opposition formée par Molson à l'enregistrement de la marque de commerce. Les motifs du registraire sont exposés ci-après.

[12]            Le registraire a conclu que les faits allégués par Molson ne permettaient pas à cette dernière de soutenir que le paragraphe 30(1) de la Loi n'avait pas été respecté.

[13]            Le registraire a estimé que la demande respectait sur le plan formel les exigences de l'alinéa 30e) de la Loi. Il a également signalé que Molson n'avait soumis aucun élément de preuve à l'appui de son allégation que Anheuser n'avait pas l'intention d'employer la marque de commerce comme elle le prétendait ou même de l'employer tout court. Il a conclu que la preuve rapportée par Anheuser n'était pas incompatible avec son affirmation qu'elle avait l'intention d'utiliser la marque MICHELOB GLODEN DRAFT & dessin au Canada.


[14]            Le registraire a déclaré que les autres moyens d'opposition tournaient tous autour de la question de la confusion. Il a affirmé que le moyen le plus solide invoqué par l'opposante était celui qu'elle tirait de l'alinéa 12(1)d) de la Loi sur les marques de commerce, vu la marque de commerce GOLDEN de l'opposante enregistrée sous le numéro 498 157.

[15]            Le registraire a estimé que la marque de Anheuser possédait un caractère distinctif inhérent lorsqu'on l'examine dans son ensemble par rapport aux marchandises visées par la présente demande, malgré le fait que les mots GOLDEN et DRAFT sont tous les deux descriptifs lorsqu'on les applique à de la « bière » et malgré que Anheuser avait renoncé à les revendiquer avec sa marque de commerce. Citant deux arrêts de la Cour d'appel, le registraire a conclu que la marque de commerce déposée GOLDEN de l'opposante donnait une description claire des boissons alcoolisées fermentées et qu'elle possédait donc un caractère distinctif inhérent faible.

[16]            Pour ce qui est de la mesure dans laquelle les marques de commerce étaient devenues connues et la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux avaient été en usage, le registraire a signalé que Anheuser n'avait pas encore commencé à employer sa marque de commerce au Canada et qu'il fallait donc considérer que celle-ci était encore inconnue au Canada. En revanche, le registraire a conclu que la marque de commerce déposée GOLDEN de l'opposante était bien connue au Canada en combinaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON'S en liaison avec des boissons alcoolisées fermentées.


[17]            Pour ce qui est de la nature des marchandises des parties et de la nature du commerce associés à leurs marchandises respectives, le registraire a conclu que la « bière » de Anhseuser était identique aux boissons alcoolisées fermentées de l'opposante visées par l'enregistrement no 498 157 et que les circuits de distribution associés à ces marchandises seraient identiques.

[18]            Dans son examen du degré de ressemblance des marques de commerce en litige, le registraire a constaté que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin de Anheuser et la marque déposée GOLDEN de l'opposante offraient peu de similitudes sur le plan de la présentation et qu'elles n'offraient que certaines similitudes sur le plan du son et des idées qu'elles suggèrent.

[19]            Comme autre facteur permettant d'apprécier les risques de confusion entre les marques de commerce en litige, le registraire a relevé le fait que, suivant certains affidavits, outre l'opposante, deux autres brasseurs canadiens utilisent le mot GOLDEN sur leurs étiquettes de bouteilles de bière. Le registraire a constaté que la preuve ne permettait pas d'en savoir plus au sujet de l'ampleur de l'utilisation de ces marques au Canada.

[20]            En résumé, le registraire a déclaré ce qui suit :

[traduction] Pour appliquer le critère de la confusion, j'ai considéré qu'il s'agit d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Même en considérant que les marchandises et la nature du commerce des parties sont les mêmes, je conclus malgré tout qu'il n'existe aucun risque sérieux de confusion entre la marque de commerce de la requérante et l'une ou l'autre des marques de commerce de l'opposante, y compris sa marque déposée GOLDEN, étant donné qu'il y a peu de ressemblance entre les marques sur le plan de la présentation, du son et des idées suggérées par les marques de commerce en litige et que la marque de commerce GOLDEN de l'opposante est une marque intrinsèquement faible dont il a été démontré seulement qu'elle n'est devenue bien connue au Canada qu'en combinaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON's. Il ressort par ailleurs de la preuve qu'il y a eu un certain emploi par des tiers de marques de commerce incorporant le mot GOLDEN pour de la bière sur le marché canadien.


[21]            Le registraire a par conséquent rejeté les autres moyens d'opposition.

Prétentions et moyens de l'appelante

[22]            L'appelante Molson rappelle que lorsque aucun nouvel élément de preuve n'est porté à la connaissance de la Cour fédérale, la norme de contrôle des décisions du registraire est celle de la décision raisonnable simpliciter et ce, que la décision soit axée sur les faits ou qu'elle soit le résultat de l'exercice du pouvoir discrétionnaire du registraire. L'appelante fait valoir que, comme de nouveaux éléments de preuve ont été présentés qui auraient pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. L'appelante précise toutefois que le défaut du registraire d'établir une distinction entre les différentes dates pertinentes sur les questions d'enregistrabilité et de droit à l'enregistrement, son défaut d'aborder la question de l'absence de caractère distinctif et son défaut de tenir compte de la famille de marques de commerce de Molson et le fait qu'il a outrepassé sa compétence en contestant l'enregistrement de la marque de commerce GOLDEN dans le cadre de la procédure d'opposition, constituent tous des erreurs de droit qui justifient l'infirmation de sa décision, peu importe la norme de contrôle appliquée.


[23]            En ce qui concerne le caractère distinctif inhérent dont il est question à l'alinéa 6(5)a) de la Loi, l'appelante fait valoir que le registraire ne disposait d'aucun élément de preuve qui lui aurait permis de conclure que sa marque de commerce déposée GOLDEN décrit clairement les marchandises qu'elle vise. Elle ajoute qu'en considérant la question du caractère distinctif inhérent de la marque de commerce GOLDEN de l'appelante comme chose jugée, le registraire a commis une erreur de droit. L'appelante fait remarquer que, dans la demande initiale, l'intimée n'a pas renoncé à revendiquer le mot « GOLDEN » et qu'elle ne l'a fait de son plein gré qu'après le dépôt de la déclaration d'opposition. Elle en conclut que le mot « GOLDEN » possède un caractère distinctif inhérent en liaison avec les marchandises visées par la famille de marques de commerce déposées de Molson et que ce caractère a été renforcé par l'usage et la publicité de longue date que la société a faites de ses produits sur le marché canadien. L'appelante fait en outre valoir que, comme Molson est propriétaire de la marque de commerce déposée incorporant le mot GOLDEN, la marque doit être à la fois distinctive et valide, étant donné qu'il n'y a pas d'éléments de preuve contraires.

[24]            En ce qui a trait à la période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage, l'appelante estime que l'alinéa 6(5)b) de la Loi favorise nettement Molson, car elle vend de la bière sous les marques de commerce de la famille GOLDEN à grande échelle et de façon ininterrompue depuis le milieu des années cinquante, alors que l'intimée n'a pas encore commencé à utiliser sa marque de commerce.

[25]            Sur la nature des marchandises, c'est-à-dire le critère prévu à l'alinéa 6(5)c) de la Loi, l'appelante affirme qu'il ressort à l'évidence de la preuve que les marchandises que les parties vendent sous leurs marques de commerce respectives sont identiques.

[26]            Suivant l'appelante, il ressort de la preuve que la nature du commerce des parties serait également identique au sens de l'alinéa 6(5)d) de la Loi. Elle ajoute que lorsqu'il y a chevauchement des circuits de distribution et qu'il existe des produits qui se livrent directement concurrence, le risque de confusion est évident.

[27]            Pour ce qui est du degré de ressemblance au sens de l'alinéa 6(5)e) de la Loi, l'appelante affirme que l'intimée a pris la totalité de la marque de commerce GOLDEN de Molson et l'a incorporée dans sa marque de commerce. Comme l'octroi de licences est une pratique courante dans l'industrie de la bière, il y aurait un risque évident de confusion, compte tenu de la présumée réputation de la marque de commerce GOLDEN. L'appelante ajoute que le fait que le mot « MOLSON » figure aussi sur l'étiquette ne modifie en rien le caractère distinctif de la marque GOLDEN. Vu la réputation dont jouiraient la marque de commerce GOLDEN et les marques de commerce de la famille GOLDEN appartenant à Molson, il existerait un risque véritable qu'en voyant la marque de commerce de Anheuser, le consommateur moyen croie soit que cette marque fait l'objet d'une licence, soit qu'elle fait partie de la série de marques de commerce de Molson.

[28]            En ce qui concerne les autres circonstances de l'espèce, l'appelante affirme que, comme Molson est propriétaire d'une famille de marques de commerce qui sont utilisées depuis de nombreuses années en liaison avec des marchandises qui sont identiques à celles qui sont visées par la demande de marque de commerce de l'intimée, les risques de confusion sont évidents.

[29]            L'appelante estime que la question du caractère distinctif doit être dissociée de celle de la confusion. Elle soutient que le registraire a tout simplement omis d'aborder la question de l'absence de caractère distinctif et que, ce faisant, il a commis une erreur de droit. Elle ajoute que l'intimée a pris en entier la marque de commerce déposée GOLDEN de l'appelante et qu'elle l'a interpolée entre le terme géographique « Michelob » et le terme générique « draft » et que, pour cette raison, la marque de commerce de l'intimée n'est pas adaptée à distinguer ses marchandises de celles de Molson. L'appelante affirme que l'enregistrement de la marque de commerce de l'intimée irait à l'encontre de l'article 19 et du paragraphe 22(1) de la Loi.

[30]            Vu ce qui précède, l'intimée ne se serait, selon l'appelante, pas acquittée du fardeau constant et onéreux qui lui incombait de démontrer que sa marque de commerce est enregistrable et qu'elle est distinctive et qu'elle est la personne qui a droit à son enregistrement.

Prétentions et moyen de l'intimée

[31]            Selon l'intimée, Anheuser, le seul point litigieux est de savoir si le registraire a commis une erreur en concluant qu'il n'y a pas de vrai risque de confusion entre la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin et les marques de commerce GOLDEN et MOLSON GOLDEN de Molson.


[32]            L'intimée soutient que les nouveaux éléments de preuve présentés dans le cadre du présent appel ne font que reprendre et confirmer ceux dont disposait le registraire et qu'ils n'auraient pas eu d'effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. La norme de contrôle serait donc celle de la décision raisonnable simpliciter.

[33]            L'intimée soutient que, pour que Molson obtienne gain de cause sur chacun de ses moyens d'opposition, il faudrait que le registraire conclue à l'existence d'un risque de confusion entre les marques en litige. Elle ajoute qu'une fois que le registraire avait conclu qu'il n'existait pas de risque sérieux de confusion en réponse au moyen le plus solide de Molson, les autres moyens que Molson tirait de la confusion ne pouvaient non plus prospérer.

[34]            Suivant l'intimée, l'examen des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi démontre que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin ne risque pas de créer de la confusion avec l'une ou l'autre des marques de commerce de Molson contenant le mot GOLDEN.


[35]            L'intimée soutient que sa marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin possède un caractère distinctif inhérent pour ce qui est des marchandises visées par la présente demande. Elle souligne que le premier mot de la marque, MICHELOB, est tout à fait unique et inusité et qu'il possède donc un caractère distinctif inhérent en ce qui a trait aux marchandises. L'intimée ajoute que la marque comporte aussi un dessin fantaisiste illustrant la lettre A et un aigle. L'intimée soutient que, comme la Cour d'appel fédérale l'a rappelé, le mot GOLDEN évoque clairement de la bière et une marque constituée du mot GOLDEN est par conséquent très faible, s'agissant de bière. L'intimée estime que tous les brasseurs de bière devraient pouvoir employer le terme GOLDEN. Elle ajoute qu'en ce qui concerne la question du caractère distinctif inhérent de la marque GOLDEN en liaison avec de la bière, il n'était pas nécessaire pour le registraire d'aller au-delà du sens des mots « golden » et « beer » et que c'est à juste titre qu'il a cité de la jurisprudence de la Cour d'appel fédérale à l'appui de cette conclusion.

[36]            L'intimée affirme qu'il ressort par ailleurs de la preuve que l'appelante emploie toujours le mot GOLDEN en étroite proximité avec le mot Molson. Elle soutient que l'inclusion des marques maison milite contre l'existence d'un risque de confusion.

[37]            L'intimée soutient que les risques de confusion sont peu élevés en raison des différences marquées qui existent entre les éléments du dessin des marques respectives des parties ainsi que de l'énoncé descriptif du mot GOLDEN dans la marque MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin.

[38]            L'intimée conteste l'argument de Molson suivant lequel ses marques de commerce déposées constituent une « famille » et elle ajoute que Molson n'a pas droit à une protection plus étendue à ce titre. Elle soutient que Molson a seulement établi qu'elle avait utilisé une série successive de variantes de sa marque MOLSON GOLDEN.


[39]            L'intimée soutient que le registraire ne s'est pas prononcé sur la validité de la marque GOLDEN enregistrée par Molson. Elle estime que le registraire n'est pas sorti de sa compétence en faisant observer que la marque GOLDEN de l'appelante possédait un caractère distinctif inhérent faible en raison de ses qualités descriptives et elle ajoute que ces propos étaient pertinents dans le cadre de la présente opposition.

[40]            Suivant l'intimée, tous les moyens d'opposition invoqués dans le présent appel tournent autour de la question de la confusion et c'est souvent lorsqu'on doit déterminer si une marque projetée crée de la confusion avec une autre marque qu'on est appelé à se prononcer sur l'absence de caractère distinctif. Elle ajoute qu'il s'agit d'un moyen d'opposition distinct parce qu'il est possible de tenir compte de l'emploi de marques par d'autres personnes que l'opposante. Elle en déduit que le registraire a appliqué le bon critère en rejetant le moyen d'opposition que Molson tirait de l'absence de caractère distinctif, après avoir conclu qu'il n'existait pas de risque sérieux de confusion entre les marques en litige.

Question en litige

[41]            L'appel de la décision du registraire des marques de commerce devrait-il être accueilli?

Dispositions législatives applicables

[42]              Voici les dispositions pertinentes de la Loi sur les marques de commerce :



2. « distinctive » Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.

[...]

« marque de commerce » Selon le cas:

2. "distinctive", in relation to a trade-mark, means a trade-mark that actually distinguishes the wares or services in association with which it is used by its owner from the wares or services of others or is adapted so to distinguish them;

. . .

"trade-mark" means


a) marque employée par une personne pour distinguer, ou de façon à distinguer, les marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou les services loués ou exécutés, par elle, des marchandises fabriquées, vendues, données à bail ou louées ou des services loués ou exécutés, par d'autres;

b) marque de certification;

c) signe distinctif;

d) marque de commerce projetée.

6.(2) L'emploi d'une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques de commerce sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces marchandises ou ces services soient ou non de la même catégorie générale.

6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris:

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de commerce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas suivants:     

[...]

d) elle crée de la confusion avec une marque de commerce déposée;

...             

16. (1) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article 30 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 38, d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou services, à moins que, à la date où le requérant ou son prédécesseur en titre l'a en premier lieu ainsi employée ou révélée, elle n'ait créé de la confusion :

. . .

a) soit avec une marque de commerce antérieurement employée ou révélée au Canada par une autre personne;

b) soit avec une marque de commerce à l'égard de laquelle une demande d'enregistrement avait été antérieurement produite au Canada par une autre personne;

c) soit avec un nom commercial qui avait été antérieurement employé au Canada par une autre personne.

19. Sous réserve des articles 21, 32 et 67, l'enregistrement d'une marque de commerce à l'égard de marchandises ou services, sauf si son invalidité est démontrée, donne au propriétaire le droit exclusif à l'emploi de celle-ci, dans tout le Canada, en ce qui concerne ces marchandises ou services.

(a) a mark that is used by a person for the purpose of distinguishing or so as to distinguish wares or services manufactured, sold, leased, hired or performed by him from those manufactured, sold, leased, hired or performed by others,

(b) a certification mark,

(c) a distinguishing guise, or

(d) a proposed trade-mark;

6.(2) The use of a trade-mark causes confusion with another trade-mark if the use of both trade-marks in the same area would be likely to lead to the inference that the wares or services associated with those trade-marks are manufactured, sold, leased, hired or performed by the same person, whether or not the wares or services are of the same general class.

6.(5) In determining whether trade-marks or trade-names are confusing, the court or the Registrar, as the case may be, shall have regard to all the surrounding circumstances including

(a) the inherent distinctiveness of the trade-marks or trade-names and the extent to which they have become known;

(b) the length of time the trade-marks or trade-names have been in use;

(c) the nature of the wares, services or business;

(d) the nature of the trade; and

(e) the degree of resemblance between the trade-marks or trade-names in appearance or sound or in the ideas suggested by them.

12. (1) Subject to section 13, a trade-mark is registrable if it is not

...

(d) confusing with a registered trade-mark;

[...]

16. (1) Any applicant who has filed an application in accordance with section 30 for registration of a trade-mark that is registrable and that he or his predecessor in title has used in Canada or made known in Canada in association with wares or services is entitled, subject to section 38, to secure its registration in respect of those wares or services, unless at the date on which he or his predecessor in title first so used it or made it known it was confusing with

(a) a trade-mark that had been previously used in Canada or made known in Canada by any other person;

(b) a trade-mark in respect of which an application for registration had been previously filed in Canada by any other person; or

(c) a trade-name that had been previously used in Canada by any other person.

19. Subject to sections 21, 32 and 67, the registration of a trade-mark in respect of any wares or services, unless shown to be invalid, gives to the owner of the trade-mark the exclusive right to the use throughout Canada of the trade-mark in respect of those wares or services.


22. (1) Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.

[...]

30. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de commerce produit au bureau du registraire une demande renfermant :

[...]

d) dans le cas d'une marque de commerce qui est, dans un autre pays de l'Union, ou pour un autre pays de l'Union, l'objet, de la part du requérant ou de son prédécesseur en titre désigné, d'un enregistrement ou d'une demande d'enregistrement sur quoi le requérant fonde son droit à l'enregistrement, les détails de cette demande ou de cet enregistrement et, si la marque n'a été ni employée ni révélée au Canada, le nom d'un pays où le requérant ou son prédécesseur en titre désigné, le cas échéant, l'a employée en liaison avec chacune des catégories générales de marchandises ou services décrites dans la demande;

e) dans le cas d'une marque de commerce projetée, une déclaration portant que le requérant a l'intention de l'employer, au Canada, lui-même ou par l'entremise d'un licencié, ou lui-même et par l'entremise d'un licencié;

...

I) une déclaration portant que le requérant est convaincu qu'il a droit d'employer la marque de commerce au Canada en liaison avec les marchandises ou services décrits dans la demande.

22. (1) No person shall use a trade-mark registered by another person in a manner that is likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching thereto.

....

30. An applicant for the registration of a trade-mark shall file with the Registrar an application containing

...

(d) in the case of a trade-mark that is the subject in or for another country of the Union of a registration or an application for registration by the applicant or the applicant's named predecessor in title on which the applicant bases the applicant's right to registration, particulars of the application or registration and, if the trade-mark has neither been used in Canada nor made known in Canada, the name of a country in which the trade-mark has been used by the applicant or the applicant's named predecessor in title, if any, in association with each of the general classes of wares or services described in the application;

(e) in the case of a proposed trade-mark, a statement that the applicant, by itself or through a licensee, or by itself and through a licensee, intends to use the trade-mark in Canada;

....

(I) a statement that the applicant is satisfied that he is entitled to use the trade-mark in Canada in association with the wares or services described in the application.



38. (1) Toute personne peut, dans le délai de deux mois à compter de l'annonce de la demande, et sur paiement du droit prescrit, produire au bureau du registraire une déclaration d'opposition.

(2) Cette opposition peut être fondée sur l'un des motifs suivants :

a) la demande ne satisfait pas aux exigences de l'article 30;

b) la marque de commerce n'est pas enregistrable;

c) le requérant n'est pas la personne ayant droit à l'enregistrement;

d) la marque de commerce n'est pas distinctive.


38. (1) Within two months after the advertisement of an application for the registration of a trade-mark, any person may, on payment of the prescribed fee, file a statement of opposition with the Registrar.

(2) A statement of opposition may be based on any of the following grounds:

(a) that the application does not conform to the requirements of section 30;

(b) that the trade-mark is not registrable;

(c) that the applicant is not the person entitled to registration of the trade-mark; or

(d) that the trade-mark is not distinctive.


56. (1) Appel de toute décision rendue par le registraire, sous le régime de la présente loi, peut être interjeté à la Cour fédérale dans les deux mois qui suivent la date où le registraire a expédié l'avis de la décision ou dans tel délai supplémentaire accordé par le tribunal, soit avant, soit après l'expiration des deux mois.


56. (1) An appeal lies to the Federal Court from any decision of the Registrar under this Act within two months from the date on which notice of the decision was dispatched by the Registrar or within such further time as the Court may allow, either before or after the expiration of the two months.          


Analyse et décision

[43]       Norme de contrôle


La Cour d'appel fédérale a déclaré ce qui suit dans l'arrêt Brasseries Molson c. John Labatt Ltd. [2000] 3 C.F. 145, (2000), 5 C.P.R. (4th) 180 (C.A.F.), autorisation d'appel à la C.S.C. refusé, [2000] C.S.C.R. no 161, à la page 196 :

Je pense que l'approche suivie dans les affaires Benson & Hedges et McDonald's Corp. est conforme à la conception moderne de la norme de contrôle. Même s'il y a, dans la Loi sur les marques de commerce, une disposition portant spécifiquement sur la possibilité d'un appel à la Cour fédérale, les connaissances spécialisées du registraire sont reconnues comme devant faire l'objet d'une certaine déférence. Compte tenu de l'expertise du registraire, et en l'absence de preuve supplémentaire devant la Section de première instance, je considère que les décisions du registraire qui relèvent de son champ d'expertise, qu'elles soient fondées sur les faits, sur le droit ou qu'elles résultent de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, devraient être révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter. Toutefois, lorsqu'une preuve additionnelle est déposée devant la Section de première instance et que cette preuve aurait pu avoir un effet sur les conclusions du registraire ou sur l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le juge doit en venir à ses propres conclusions en ce qui concerne l'exactitude de la décision du registraire.

J'estime que la Cour a exposé dans cet extrait les règles de droit qui doivent être appliquées en l'espèce.


[44]       J'ai pris connaissance des affidavits supplémentaires qui ont été produits dans le cadre de l'appel dont la Cour est saisie et j'estime que ces nouveaux éléments de preuve auraient pu avoir un effet sur les conclusions de fait du registraire. Parmi ces nouveaux éléments de preuve, signalons ceux qui tendent à démontrer que la bière biologique Golden Promise, la bière Fuller's Golden Pride et l'ale Golden Promise ne se trouvent plus sur le marché canadien et que les demandes d'enregistrement des marques de commerce Golden Pride et Golden Promise ont été abandonnées, ainsi que des éléments complémentaires qui mettent la preuve à jour jusqu'à la date pertinente en ce qui concerne la question de l'enregistrabilité. La norme de contrôle applicable est donc celle de la décision correcte.

[45]       Bien que les appels visés à l'article 56 de la Loi soient souvent qualifiés de nouveaux procès, ce qualificatif n'est pas tout à fait exact, car l'appel interjeté en vertu de l'article 56 appelle aussi un examen des conclusions du registraire.

[46]       Le registraire a-t-il commis une erreur en concluant à l'absence de confusion entre la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin d'Anheuser et les marques de commerce de l'opposante?

Le registraire a affirmé que les autres moyens d'opposition - qui concernaient l'absence d'enregistrabilité, l'absence de droit à l'enregistrement et l'absence de caractère distinctif - tournaient tous autour de la question de la confusion. Il a ajouté que le moyen le plus solide invoqué par l'opposante était celui qu'elle tirait de l'alinéa 12(1)d) de la Loi en raison de l'existence de la marque de commerce GOLDEN de l'opposante enregistrée sous le numéro 498 157. Il a poursuivi en affirmant à juste titre que, dans le cas du moyen fondé sur l'alinéa 12(1)d), la charge de présentation de la preuve incombait à Anheuser, qui devait établir qu'il n'existait pas de risque véritable de confusion entre sa marque de commerce et celle de l'opposante à la date de la décision, laquelle est la date applicable en ce qui concerne l'examen du moyen d'opposition tiré de l'alinéa 12(1)d).


[47]       Aux termes de l'alinéa 12(1)d), une marque de commerce est enregistrable si elle ne crée par de confusion avec une marque de commerce déposée. Le registraire a affirmé que, pour décider s'il existe un risque véritable de confusion entre les marques, il devait tenir compte de toutes les circonstances de l'espèce et notamment des facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi, qui dispose :

6.(5) En décidant si des marques de commerce ou des noms commerciaux créent de la confusion, le tribunal ou le registraire, selon le cas, tient compte de toutes les circonstances de l'espèce, y compris :

a) le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

b) la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

c) le genre de marchandises, services ou entreprises;

d) la nature du commerce;

e) le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent.

Le registraire s'est ensuite penché sur la question de savoir s'il existait ou non un risque de confusion en l'espèce.

[48]       Selon le paragraphe 6(2) de la Loi, une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l'emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les marchandises liées à ces marques sont fabriquées, vendues, données à bail ou louées, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés par la même personne, que ces marchandises ou ces services fassent partie ou non de la même catégorie générale.


[49]       Dans l'arrêt Miss Universe, Inc. c. Bohna, [1995] 1 C.F. 614, (1994), 58 C.P.R. (3d) 381 (C.A.F.), le juge Décary déclare ce qui suit, aux pages 387 à 389 :

Principes applicables

Pour décider si l'emploi d'une marque de commerce ou d'un nom commercial cause de la confusion avec une autre marque de commerce ou un autre nom commercial, la Cour doit se demander si, comme première impression dans l'esprit d'une personne ordinaire ayant un vague souvenir de l'autre marque ou de l'autre nom, l'emploi des deux marques ou des deux noms, dans la même région et de la même façon, est susceptible de donner l'impression que les services reliés à ces marques ou à ces noms sont fournis par la même personne, que ces services appartiennent ou non à la même catégorie générale (voir les art. 6(2),(3) et (4) de la Loi; Rowntree Company Limited c. Paulin Chambers Company Limited et al., [1968] R.C.S. 134; Oshawa Holdings Ltd. c. Fjord Pacific Marine Industries Ltd. (1981), 55 C.P.R. (2d) 39 (C.A.F.); Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1988] 3 C.F. 91 (C.A.), à la p. 99, juge en chef Thurlow; et Canadian Schenley Distilleries Ltd. c. Canada's Manitoba Distillery Ltd. (1975), 25 C.P.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.), à la p. 12, juge Cattanach.

En décidant s'il y a vraisemblance de confusion, la Cour doit tenir compte de toutes les circonstances, y compris celles visées au paragraphe 6(5) précité.

Il appartient toujours à celui qui demande à enregistrer une marque de commerce d'établir que, selon la prépondérance des probabilités, il n'y a aucune probabilité de confusion avec une autre marque de commerce déjà employée et enregistrée (voir les arrêts Sunshine Biscuits, Inc. c. Corporate Foods Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 53 (C.F. 1re inst.), à la p. 57, juge Cattanach, et Molnlycke Aktiebolag c. Kimberly-Clark of Canada Ltd. (1982), 61 C.P.R. (2d) 42 (C.F. 1re inst.), à la p. 46, juge Cattanach.

Plus la marque est solide, plus grande est l'étendue de la protection qui devrait lui être accordée et plus il sera difficile au requérant de se décharger de l'obligation qui lui incombe. Comme l'a remarqué le juge Mahoney (tel était alors son titre) dans l'arrêt Carson c. Reynolds, [1980] 2 C.F. 685 (1re inst.), à la p. 691, une marque de commerce peut être :

... si généralement associée à [une personne] que l'emploi de celle-ci avec d'autres marchandises ou services, même s'ils n'ont absolument rien à voir avec des services de divertissement, créerait de la confusion en ce que ce double emploi donnerait vraisemblablement à entendre que toutes ces marchandises et services, quels qu'ils soient, ont un rapport direct avec [cette personne] . . .


Nombreux sont les exemples, dans la jurisprudence relative aux oppositions à l'enregistrement des marques de commerce, de l'étendue de la protection à accorder à des marques qui sont solides. [...] Il en est de même dans les actions en contrefaçon [...] et les affaires relatives aux injonctions [...] dans lesquelles des marques plus faibles ont également obtenu gain de cause (voir par exemple « La Bagagerie Willy Ltée » pour la vente et la réparation des valises, par opposition à « La Bagarerie » pour les articles de cuir (Bagagerie SA c. Bagagerie Willy Ltée (1992), 97 D.L.R. (4th) 684 (C.A.F.)), une action en contrefaçon.

Les facteurs énoncés aux alinéas 6(5)a) à e) n'ont pas à être interprétés comme ayant le même poids en toutes circonstances. Lorsque par exemple, on compare une marque de commerce qui est forte et une marque de commerce projetée, les critères c) et d), c'est-à-dire le genre de marchandises, services ou entreprises et la nature du commerce, ne sont pas particulièrement déterminants. Comme l'a noté le juge Joyal dans l'arrêt Polysar Ltd. c. Gesco Distributing Ltd., (1985), 6 C.P.R. (3d) 289, aux pages 298 et 299, 36 A.C.W.S. (2d) 184 (C.F. 1re inst.) :

Le principe selon lequel les critères énumérés au paragraphe 6(5) n'ont pas tous le même poids est particulièrement pertinent en l'espèce. Chaque cas de confusion peut justifier qu'on accorde plus d'importance à l'un de ces critères . ...

Je tiens à faire une dernière observation. Il me semble qu'en ce qui concerne la nature des marchandises, le lien entre deux marques concurrentes doit faire l'objet d'un examen beaucoup plus rigoureux lorsqu'on compare une marque projetée à une marque établie depuis longtemps. La réputation d'une marque découle manifestement de son caractère distinctif, c'est-à-dire une combinaison de voyelles, de syllabes et de sons comportant une qualité inhérente qui évoque, non seulement les marchandises précises éventuellement énumérées dans l'enregistrement de la marque, mais aussi l'image qui s'attache à toutes les diverses activités exercées par son propriétaire. À mon avis, voilà ce qu'on entend essentiellement par l'expression « sens secondaire » . À l'appui de ce principe directeur, je me contenterai de citer les affaires Kodak et Vogue. . . J'avoue qu'aucune décision jurisprudentielle antérieure ne porte exactement sur la même question. Néanmoins, lorsqu'il s'agit d'une marque comme KODAK, en raison de son caractère distinctif inhérent, ou VOGUE, en raison de son influence prédominante dans le domaine de la mode, les tribunaux ont conféré une protection qui dépasse largement le domaine des appareils photo, d'une part, et celui des revues de mode, d'autre part. L'objet fondamental de la Loi sur les marques de commerce, de la Loi sur la concurrence déloyale, S.R.C. 1952, ch. 274 ou de l'ancien droit à l'action en passing-off en vertu de la common law, est de protéger les droits acquis, peu importe s'ils découlent de l'usage ou de l'enregistrement. Le requérant qui veut employer la marque Kodak en rapport avec des bicyclettes, ou la marque Vogue en rapport avec des bijoux de fantaisie, porte effectivement atteinte à des droits acquis. Ce requérant aura parfois gain de cause, mais pour citer les paroles de Lord Watson dans l'arrêt Eno v. Dunn, (1890), 15 App. Cas. 252, à la p. 257:

[traduction] . . . il doit justifier l'enregistrement de sa marque de commerce en montrant de façon affirmative qu'elle n'induira pas en erreur. Il m'apparaît comme une conséquence nécessaire, en cas de doute, que sa demande doit être rejetée.

et le juge Rouleau dans l'arrêt Maple Leaf Confections Ltd. c. Maple Leaf Gardens Ltd., (1986), 12 C.P.R. (3D) 511, aux pages 519 et 520, 10 C.I.P.R. 267, 7 F.T.R. 72 :


Néanmoins, il ne fait pas de doute que lorsqu'on examine les facteurs énumérés au paragraphe 6(5) de la Loi sur les marques de commerce, il n'y a pas lieu d'accorder la même importance à chacun d'entre eux. Il peut être justifié dans un cas particulier d'accorder une plus grande valeur à un critère donné. Comme je l'ai déjà précisé, j'estime que la marque et le dessin de l'intimée sont solides et qu'ils sont bien connus partout au Canada. En pareil cas, les tribunaux ont statué que la distinction entre les marchandises et la nature du commerce des deux marques concurrentes perd de l'importance.

Pour que l'on conclue à la vraisemblance de la confusion, il n'est pas nécessaire que les parties exercent dans le même domaine ou la même industrie, ni que les services soient du même genre ou de la même qualité. Les marques de commerce utilisées en liaison avec des marchandises et des services d'une certaine qualité, destinés à une catégorie d'acheteurs, peuvent causer de la confusion avec les marques de commerce désignant des marchandises et des services d'un genre ou d'une qualité différents, destinés à une catégorie différente d'acheteurs (voir l'arrêt Bagagerie SA c. Bagagerie Willy Ltée, précité).

[50]      Caractère distinctif inhérent - Alinéa 6(5)a)

Le registraire a conclu que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin d'Anheuser possédait un caractère distinctif inhérent lorsqu'on l'examinait dans son ensemble et ce, même si les mots GOLDEN et DRAFT sont tous les deux descriptifs lorsqu'on les applique à de la bière et même si Molson y avait renoncé en les dissociant de sa marque de commerce. Le registraire a conclu que la marque déposée GOLDEN de l'opposante est nettement distinctive. Molson avance que le registraire ne disposait d'aucuns éléments de preuve tendant à démontrer que la marque de commerce GOLDEN de Molson décrivait clairement le produit. Je tiens toutefois à signaler que, dans l'arrêt John Labatt Ltd. c. Molson Cos. Ltd., (1987), 19 C.P.R. (3d) 88 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale déclare ce qui suit, à la page 89 :

.... « golden » est un terme dont l'un des sens premiers désigne une couleur. Cette couleur s'applique à la plupart des bières [...] (il y a même des éléments de preuve en ce sens, mais nous estimons que la couleur de la bière est un fait dont nous pouvons prendre connaissance d'office).

De plus, dans l'arrêt Molson Companies Ltd. c. John Labatt Ltd., (1994), 58 C.P.R. (3d) 527 (C.A.F.), la Cour d'appel déclare, aux pages 528 et 529 :


. . . Les mots anglais « gold » (or) et « golden » (doré) [...] sont des adjectifs qui, tout comme « blond » , « ambré » , « pâle » , « brun » et « foncé » , ne font que décrire des catégories dans lesquelles peut entrer une marque de bière donnée [...] Cela se rapproche d'ailleurs de l'emploi des adjectifs qualificatifs « rouge » , « blanc » , « rosé » et « jaune » pour décrire les vins. Chacune de ces épithètes est d'usage courant et sert à préciser la nature et la catégorie du produit; elles ne constituent pas la marque de commerce du producteur.

Je suis convaincu que le registraire n'a pas commis d'erreur en considérant le mot GOLDEN comme nettement descriptif.

[51]       J'estime par ailleurs que c'est à juste titre que le registraire a conclu que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin possède un caractère distinctif inhérent. La marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT comprend le mot « MICHELOB » ainsi qu'un dessin illustrant la lettre A et un aigle, ce qui, à mon sens, confère à la marque un caractère distinctif inhérent et milite contre la confusion. Je tiens par ailleurs à signaler que les marques de deux parties sont comprises dans leurs « marques maison » . L'emploi du mot « GOLDEN » par Molson a toujours été principalement associé au mot « MOLSON » et depuis 1969, « MOLSON » a toujours fait partie de l'étiquette de la « MOLSON GOLDEN » (contre-interrogatoire de Michael S. Downey, questions 36 à 44).

[52]       Période pendant laquelle les marques de commerce ont été en usage - Alinéa 6(5)b)

Il est acquis aux débats que ce facteur favorise l'opposante. La conclusion que le registraire a tirée est donc bien fondée.


[53]       Genre de marchandises, services ou entreprises - Alinéa 6(5)c)

Les conclusions tirées par le registraire au sujet du genre des marchandises des parties sont bien fondées.

[54]       Nature du commerce - Alinéa 6(5)d)

Le registraire a conclu à bon droit que la nature du commerce et des circuits de distribution des marchandises étaient identiques.

[55]       Degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu'ils suggèrent - Alinéa 6(5)e)

Voici ce que le registraire a déclaré au sujet de ce facteur :

[traduction] Pour ce qui est du degré de ressemblance entre les marques de commerce en litige [alinéa 6(5)e)], je constate que la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin de la requérante et la marque déposée GOLDEN de l'opposante offrent peu de similitudes sur le plan de la présentation et qu'elle n'offrent que certaines similitudes sur le plan du son et des idées qu'elles suggèrent [...] La marque de la demanderesse incorpore en totalité la marque enregistrée de l'opposante qui n'en constitue qu'un élément mineur.

[56]       Dans l'arrêt Park Avenue Furniture Corp. c. Wiches/Simmons Bedding Ltd., (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), la Cour d'appel dit ce qui suit, à la page 426 :

Je suis d'accord avec l'appelante pour dire que les marques doivent être examinées dans leur ensemble. Sur ce point précis, voici ce que déclare H. G. Fox :


[traduction] Pour appliquer ces critères, le premier principe à invoquer est celui selon lequel les marques doivent être examinées dans leur ensemble et non en tant qu'éléments distincts. Il faut analyser l'idée qu'évoque chaque marque, c'est-à-dire l'impression nette qu'elle laisse globalement dans l'esprit. C'est la marque en son entier qu'il faut examiner pour en arriver ensuite à une décision sur la question de savoir si cette marque est susceptible de créer de la confusion avec une marque déjà enregistrée [...] Le véritable critère est celui de savoir si l'ensemble de la marque dont on projette l'enregistrement risque de causer une erreur, de tromper ou de créer de la confusion dans l'esprit des personnes habituées à la marque de commerce existante. C'est la combinaison des marques dans leur ensemble qu'il faut examiner, et c'est leur effet ou idée générale qu'il faut comparer.

Dans le jugement British Drug Houses, Ltd. v. Battle Pharmaceuticals, (1944), 4 C.P.R. 48, [1944] 4 D.L.R. 577, [1944] Ex. C.R. 239; affd 5 C.P.R. 71, [1946] 1 D.L.R. 289, [1946] S.C.R. 50, la Cour de l'Échiquier du Canada était saisie d'une requête présentée en vertu de la Loi sur la concurrence déloyale, 1932, S.C. 1932, ch. 38, dans sa rédaction alors en vigueur, en vue de faire radier l'enregistrement de la marque de commerce MULTIVIMS au motif qu'elle était similaire à la marque de commerce MULTIVITE de la requérante. Voici les propos qu'a tenus le juge Thorson en examinant le risque qu'une confusion soit crée dans l'esprit des négociants ou des utilisateurs des marchandises si les deux marques étaient employées en même temps et dans la même région :

[traduction] Il est, je crois, de jurisprudence constante que lorsqu'une marque de commerces est composée d'une combinaison d'éléments, on ne doit pas, dans le but de décider si elles sont semblables, les diviser selon leurs éléments constitutifs, concentrer son attention sur les éléments qui sont différents et conclure que, parce que ces éléments sont différents, les marques sont différentes en leur entier. Les marques de commerce peuvent être semblables lorsqu'on les examine dans leur ensemble, même si des différences peuvent ressortir de certains de leurs éléments, si on les examine isolément. C'est la combinaison des éléments qui constitue la marque de commerce et lui confère son caractère distinctif, et c'est l'effet de la marque de commerce dans son ensemble, plutôt que l'un de ses éléments particuliers, qu'il y a lieu d'examiner.

[57]       Dans le même ordre d'idées, dans l'affaire United Artists Corp. c. Pink Panther Beauty Corp., (1998), 80 C.P.R. (3d) 247 (C.A.F.), le juge Linden s'est penché sur l'application de l'alinéa 6(5)e) de la Loi aux pages 263 et 264 :

Bien sûr, il est inutile de procéder à cette analyse lorsque les marques sont identiques. Toutefois, lorsqu'elles sont similaires, le registraire ou le tribunal doivent évaluer l'impression qu'elles font sur le public. Même s'il faut examiner la marque comme un tout (et non la disséquer pour en faire un examen détaillé), il est tout de même possible d'en faire ressortir des caractéristiques particulières susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la perception du public. Dans la décision Ikea Ltd/Ikea Ltée c. Idea Design Ltd., (1987), 13 C.P.R. (3d) 476 (C.F. 1re inst.), le juge Dubé a conclu que, même si les marques IKEA et IDEA se ressemblaient phonétiquement, il n'existait pas de risque de confusion. Il a déclaré :

Une seule lettre diffère dans les deux noms mais la lettre « K » dans IKEA se remarque d'une façon frappante et donne à la marque une forte allure scandinave alors que la marque IDEA évoque surtout un concept ou une pensée [...]


[58]       Lorsqu'on examine dans leur ensemble la marque MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin et les marques MOLSON, force est de constater qu'elles offrent peu de ressemblances sur le plan de la présentation. C'est bien ce que montrent les annexes C et D de l'affidavit de Michael S. Downey. Il existe peu de similitude entre ces étiquettes et la marque de commerce projetée MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin d'Anheuser.

[59]       Dans le jugement Knirps International GMB H c. S.R.O. Apparels (Canada) Inc., (1990), 28 C.P.R. (3d) 434 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau déclare, à la page 439 :

La situation en l'espèce est semblable à celle d'une décision très récente rendue par le juge Dubé dans l'affaire Molson Cos. Ltd. c. John Labatt Ltd. (T-404-89, décision non publiée rendue le 18 janvier 1990 [publiée depuis : 28 C.P.R. (3d) 457, 19 A.C.W.S. (3d) 1369]), dans laquelle le juge a confirmé la décision du registraire, qui avait statué que l'emploi des mots WINCHESTER GOLD en liaison avec de la bière ne créait pas de confusion avec les mots GOLDEN ou MOLSON GOLDEN, étant donné qu'en soit, le mot « golden » est une marque faible qui est descriptive des marchandises et qui apparaît souvent dans le registre. On a fait remarquer dans cette décision qu'en faisant une comparaison, la première partie de la marque de commerce mérite qu'on lui accorde une plus grande signification (citant Cantine Torresella S.r.l. c. Carbo, (1987), 16 C.P.R. (3d) 137, 14 C.I.P.R. 234 (C.F. 1re inst.) et qu'on doit examiner la marque de commerce dans son ensemble et en tenant compte de l'usage qu'en ont fait les parties, au lieu de se limiter à une comparaison entre, dans cette affaire, les mots GOLD et GOLDEN.

Les mêmes considérations valent dans le cas qui nous occupe dans lequel le premier mot de la marque de commerce projetée de l'intimée est MICHELOB.


[60]       Le registraire a estimé qu'il n'existait qu'une certaine ressemblance sur le plan du son et des idées suggérées par la marque de commerce MICHELOB GOLDEN DRAFT & dessin d'Anheuser et la marque de commerce déposée GOLDEN de l'opposante et il a déclaré que la marque de l'intimée incorporait en totalité la marque de commerce déposée de Molson mais qu'il ne s'agissait que d'un élément relativement mineur. Mes observations m'amènent à conclure que les conclusions que le registraire a tirées sur ce facteur étaient bien fondées.

[61]       Toutes les circonstances de l'espèce

Sous cette rubrique, le registraire s'est penché sur la question de l'état du registre en examinant l'affidavit souscrit par L. Jane Sargeant. Il a estimé que cet élément de preuve n'était pertinent que dans la mesure où il permettait de tirer des conclusions au sujet de l'état du marché et il a ajouté qu'on ne peut tirer de telles conclusions que si l'on réussit à repérer un nombre élevé d'enregistrements. Le registraire a tenu compte, à titre de circonstance de l'espèce, des recherches effectuées par Mme Sargeant dans la base de données CD-NAMESEARCH en vue de repérer toutes les demandes et tous les enregistrements n'appartenant pas à l'opposante qui renferment les mots GOLD ou GOLDEN. Le registraire n'a toutefois accordé aucune valeur à ces éléments de preuve.

[62]       Une autre circonstance de l'espèce dont le registraire a tenu compte était l'achat, par M. Bailey, de bière dont l'étiquette arborait les mots GOLD ou GOLDEN. Le registraire a estimé que les marques des tiers qui contenaient le mot GOLD n'étaient pas pertinentes et que l'existence d'étiquettes contenant le mot GOLD démontrait que ce mot était employé au Canada par d'autres tiers que l'opposante, mais que ces éléments de preuve ne permettaient pas de connaître l'ampleur de cette utilisation.

[63]       Le registraire a examiné d'autres circonstances de l'espèce qui lui avaient été signalées.


[64]       J'estime que les conclusions que le registraire a tirées au sujet des circonstances de l'espèce étaient bien fondées.

[65]       Molson affirme que le registraire a commis une erreur en ne considérant pas les incidences de l'existence de sa « famille » de marques de commerce GOLDEN comme une des circonstances de l'espèce. Molson est d'avis que le public est susceptible de considérer qu'une autre marque qui présente la caractéristique commune d'appartenir à la même famille comme une marque désignant un autre des produits fabriqués par le propriétaire de la famille de marques de commerce.

[66]       La liste de marques de commerce de Molson qui comprennent le mot GOLDEN se trouve au paragraphe 2 de l'affidavit que Kimberley Anne Lane a souscrit le 18 avril 2001. Il ressort de l'examen de cette liste que le seul mot qui est commun à toutes les marques de commerce est le mot GOLDEN, mot qui a été jugé descriptif. La Cour d'appel fédérale a statué que le mot GOLDEN est un adjectif qui « tout comme « blond » , « ambré » , « pâle » , « brun » et « foncé » , ne [fait] que décrire des catégories dans lesquelles peut entrer une marque de bière donnée [...] (voir l'arrêt Molson Companies Ltd. c. John Labbatt Ltd., précité). Je ne suis pas convaincu que la liste de marques de commerce de Molson constitue une famille de marques de commerce.

[67]       Le registraire a tiré la conclusion suivante :


[traduction] Pour appliquer le critère de la confusion, j'ai considéré qu'il s'agit d'une question de première impression et de souvenir imparfait. Même en considérant que les marchandises et la nature du commerce des parties sont les mêmes, je conclus malgré tout qu'il n'existe aucun risque sérieux de confusion entre la marque de commerce de la requérante et l'une ou l'autre des marques de commerce de l'opposante, y compris sa marque déposée GOLDEN, étant donné qu'il n'y a qu'une certaine ressemblance en ce qui concerne la présentation, le son et les idées suggérées par les marques de commerce en litige et que la marque de commerce GOLDEN de l'opposante est une marque intrinsèquement faible dont il a été démontré seulement qu'elle n'est devenue bien connue au Canada qu'en combinaison avec sa marque maison MOLSON ou MOLSON's. Il ressort par ailleurs de la preuve qu'il y a eu un certain emploi par des tiers de marques de commerce incorporant le mot GOLDEN pour de la bière sur le marché canadien. Je rejette donc les autres moyens d'opposition.

Je suis d'avis que c'est à bon droit que le registraire a conclu qu'il n'existait pas de risque sérieux de confusion entre les marques de commerce en litige.

[68]       Le registraire a-t-il commis une erreur de droit et a-t-il outrepassé sa compétence en contestant la validité de la marque de commerce déposée GOLDEN de Molson dans le cadre de la procédure d'opposition?


Molson semble prétendre qu'en considérant la marque de commerce GOLDEN comme une marque descriptive, le registraire a en fait contesté la validité de son enregistrement. Bien que je convienne que, dans le contexte d'une procédure d'opposition, le registraire n'a pas compétence pour radier une marque de commerce du registre, je n'irais pas jusqu'à souscrire à l'interprétation que Molson fait de la décision du registraire en l'espèce. La Cour d'appel fédérale a rejeté un argument semblable à celui qu'invoque Molson dans l'arrêt Canada Games Co. c. Llumar Star Kites Inc. (1995), 64 C.P.R. (3d) 1 (C.F. 1re inst.), conf. : (1996), 69 C.P.R. (3d) 454 (C.AF.)). Ainsi que le juge Simpson l'a jugé dans l'affaire Canada Games, le registraire est tenu, aux termes de l'alinéa 6(5)a), d'examiner le caractère distinctif inhérent et acquis pour apprécier les risques de confusion entre les marques de commerce. La conclusion que le mot « golden » a trait au caractère distinctif inhérent et à la force de la marque et non à sa validité en soi. C'est donc à bon droit que le registraire a estimé que la marque de commerce GOLDEN est descriptive, et il n'a pas outrepassé sa compétence ni statué sur la validité de l'enregistrement de la marque GOLDEN de Molson.

[69]      Absence de caractère distinctif en tant que moyen d'opposition distinct

Molson soutient que le registraire a commis une erreur de fait et de droit en ne tenant pas compte du quatrième moyen d'opposition qui était articulé à l'alinéa 3d) de la déclaration d'opposition modifiée et qui était fondé sur l'alinéa 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce, en l'occurrence l'argument que la marque de commerce revendiquée dans la demande ne distingue pas véritablement les marchandises en liaison avec lesquels la marque est employée et qu'elle n'est pas adaptée à les distinguer de celles de Molson. Molson affirme que les moyens tirés de la confusion et de l'absence de caractère distinctif sont des moyens d'opposition distincts et que c'est ainsi que le registraire aurait dû les traiter.

[70]       Il est de jurisprudence constante que la confusion avec une marque de commerce déposée et l'absence de caractère distinctif d'une marque de commerce dont on demande l'enregistrement sont deux motifs de contestation distincts. Ainsi, dans l'arrêt Miss Universe, Inc. c. Bohna, précité, la Cour d'appel fédérale déclare, à la page 387 :

Il y a lieu de se rappeler, dès le départ, que si l'on combine les alinéas 12(1)d), (2)b) et 38(2)d), la confusion avec une marque de commerce enregistrée et l'absence de caractère distinctif d'une marque de commerce dont on demande l'enregistrement sont deux motifs de contestation distincts, bien qu'en vertu de l'alinéa 6(5)a), le caractère distinctif inhérent d'une marque de commerce est un facteur à considérer lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a confusion.


[71]       Dans l'ouvrage Hughes on Trade Marks, édition à feuilles mobiles (Markham (Ontario), Butterworths, 1984), _ 32, les auteurs Hughes, Roger T. et T.P. Ashton déclarent ce qui suit au sujet du caractère distinctif (à la page 458) :

[traduction]Une demande qui a été approuvée et qui a été publiée aux fins d'opposition peut faire l'objet d'une opposition au motif qu'elle ne possède pas un caractère distinctif suffisant. Bien que le caractère distinctif d'une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l'examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l'article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d'enregistrement au motif qu'elle n'est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, parce qu'il n'y a pas que l'opposant qui fait partie de ceux qui sont susceptibles d'employer la marque [...]

[72]       Dans le jugement Clarco Communications Ltd. c. Sassy Publishers Inc., (1994), 54 C.P.R. (3d) 418 (C.F. 1re inst.), le juge Denault déclare, à la page 428 :

Le moyen d'opposition en cause est énoncé à l'alinéa 38(2)d) de la Loi sur les marques de commerce : « la marque de commerce n'est pas distinctive. » Le terme « distinctive » est défini à l'article 2 de la façon suivante :

Relativement à une marque de commerce, celle qui distingue véritablement les marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée par son propriétaire, des marchandises ou services d'autres propriétaires, ou qui est adaptée à les distinguer ainsi.


Bien que le caractère distinctif d'une marque de commerce soit très souvent apprécié lors de l'examen de la question de savoir si la marque de commerce projetée crée de la confusion avec une autre marque de commerce au sens de l'article 6 de la Loi, il est possible de rejeter une demande d'enregistrement au motif qu'elle n'est pas distinctive, indépendamment de la question de la confusion, à condition que ce moyen soit invoqué dans une opposition. Il en est ainsi en raison des mots « autres propriétaires » figurant dans la définition, qui peuvent s'appliquer à toute autre personne, et en raison de l'écart entre les dates pertinentes pour l'examen de ces questions. L'appelante a soutenu que le paragraphe 17(1) s'appliquait au moyen fondé sur le caractère non distinctif, de façon que l'opposante ne pouvait s'appuyer sur la preuve relative aux « autres propriétaires » qui ne seraient pas ses prédécesseurs en titre. Je ne peux souscrire à cet argument. Le caractère distinctif est une caractéristique fondamentale et essentielle d'une marque de commerce. Le moyen fondé sur l'absence de caractère distinctif peut donc être soulevé en opposition par quiconque et s'appuyer sur le défaut de distinguer ou d'être adapté à distinguer la marque de commerce projetée des marchandises de tous les autres propriétaires.

Une demande d'enregistrement peut faire l'objet d'une opposition et peut être refusée pour cause d'absence de caractère distinctif indépendamment de la question de la confusion.

[73]       Molson affirme que le registraire n'a pas examiné et tranché le quatrième moyen d'opposition suivant lequel la marque de l'intimée n'est pas distinctive (alinéa 38(2)d) de la Loi). Or, le registraire a statué sur tous les moyens d'opposition car il précise bien dans sa décision qu'il [traduction] « rejette les autres moyens d'opposition de l'opposante » . La question qui se pose est celle de savoir s'il a tranché correctement le moyen tiré de l'alinéa 38(2)d).

[74]       Il ressort de l'examen des moyens d'opposition que l'argument tiré par Molson de l'absence de caractère distinctif était fondé sur la confusion. Voici en effet comment est libellé le moyen d) dans la déclaration d'opposition modifiée :

[traduction] L'opposante fonde son opposition sur le moyen énoncé à l'alinéa 38(2)d), en l'occurrence que la marque de commerce revendiquée dans la demande n'est pas distinctive eu égard aux faits articulés dans la présente déclaration d'opposition et aussi parce qu'elle n'est pas adaptée de manière à distinguer les marchandises en liaison avec lesquelles la requérante se propose de les employer des marchandises d'autres personnes, y compris celles de l'opposante, et la marque de commerce de la requérante n'est pas adaptée de manière à les distinguer ainsi.

Sans restreindre la portée de ce qui précède, compte tenu des faits articulés en l'espèce, la marque de commerce n'est pas distinctive de la requérante. L'opposante vend à grande échelle des boissons alcoolisées fermentées au Canada et les a annoncées en liaison avec les marques de commerce susmentionnées qui contiennent toutes le mot GOLDEN. Au moment des faits, l'opposante vendait à grande échelle des boissons alcoolisées fermentées au Canada et les annonçait en liaison avec ses marques de commerce susmentionnées. La marque de commerce GOLDEN est distinctive de l'opposante et, par conséquent, la marque de commerce revendiquée ne saurait être distinctive de la requérante.


[75]       Le moyen d'opposition invoqué est que la marque de commerce n'est pas distinctive compte tenu des faits articulés dans la présente déclaration d'opposition. Les seuls faits allégués dans la déclaration d'opposition ont trait à la confusion. Par ailleurs, les seuls éléments de preuve avancés par Molson au sujet du moyen tiré de l'absence de caractère distinctif est l'emploi qu'elle fait de ses propres marques de commerce, avec lesquelles elle affirme que la marque de Anheuser crée de la confusion.

[76]       En l'espèce, le registraire a examiné les arguments invoqués par Molson au sujet de la confusion en fonction de l'argument le plus solide, c'est-à-dire le moyen d'opposition tiré de l'absence d'enregistrabilité. C'était le moyen le plus solide qui permettait de conclure à la confusion parce que l'affaire serait jugée en fonction des éléments de preuve produits à la date pertinente de la décision du registraire au sujet de l'enregistrabilité. À cette date, Molson pouvait invoquer l'enregistrement de sa marque GOLDEN ainsi qu'une de ses marques de certification. Elle ne pouvait les invoquer au moment de l'évaluation des deux autres moyens d'opposition tirés des alinéas 38(2)c) et d) étant donné que les marques de Molson n'étaient pas enregistrées lors de l'examen de ces moyens. La marque de commerce GOLDEN a été enregistrée le 30 juillet 1998 et la marque de certification MOLSON GOLDEN a été enregistrée le 13 février 1997. Le registraire a examiné la marque de commerce GOLDEN jusqu'à la date de la décision et a conclu que la marque de Anheuser ne créait pas de confusion avec les marques de Molson.


[77]       Ainsi que je l'ai déjà dit, Molson s'est fondée sur les faits allégués au soutien des autres moyens d'opposition pour établir l'absence de caractère distinctif. En l'absence de conclusion de risque de confusion sur le fondement des éléments de preuve qui existaient à la date de la décision (on pouvait tenir compte d'un plus grand nombre d'éléments de preuve à ce moment précis en l'espèce qu'aux dates retenues pour se prononcer sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur l'absence de caractère distinctif), le registraire ne pouvait conclure à la confusion lors des dates retenues pour se prononcer sur l'absence de droit à l'enregistrement et sur l'absence de caractère distinctif). La date pertinente pour évaluer l'absence de droit à l'enregistrement était la date de la demande d'enregistrement et, dans le cas de l'absence de caractère distinctif, la date applicable était celle du dépôt de l'opposition.

[78]       Comme aucun risque de confusion n'a été établi par les éléments de preuve présentés au sujet du moyen tiré de l'absence d'enregistrabilité, je suis d'accord avec le registraire pour dire qu'il est impossible de conclure à l'existence d'un risque de confusion pour appuyer le moyen tiré de l'absence de caractère distinctif. La confusion était le seul moyen invoqué par Molson au soutient de son argument que la marque de Anheuser n'est pas distinctive.

[79]       Comme nul n'a laissé entendre que la marque de commerce de Anheuser ne permettait pas de distinguer les marchandises de celle-ci de celles d' « autrui » qui étaient distinctes de celles de Molson, le moyen tiré de l'absence de caractère distinctif pouvait être jugé en même temps que la question de la confusion. En conséquence, le registraire n'a pas commis d'erreur en se prononçant comme il l'a fait sur le moyen d'opposition tiré par Molson de l'absence de caractère distinctif.


[80]       Molson a également invoqué comme moyen d'opposition l'absence de droit à l'enregistrement en vertu de l'alinéa 38(2)c) de la Loi. La date à retenir pour se prononcer sur la question de l'absence de droit à l'enregistrement est celle à laquelle est présentée la demande d'enregistrement de la marque. Or, le registraire a bien dit qu'il rejetait les autres moyens d'opposition de Molson, lesquels comprenaient de toute évidence le moyen tiré de l'absence de droit à l'enregistrement. La confusion est également le motif qui a été avancé pour justifier ce moyen d'opposition. J'appliquerais à ce moyen le même raisonnement que celui que j'ai suivi pour me prononcer sur le moyen tiré de l'absence de caractère distinctif et, comme les éléments de preuve présentés à l'appui du moyen tiré de l'absence d'enregistrabilité n'ont pas permis d'établir qu'il existait un risque de confusion, je suis d'accord avec le registraire pour dire qu'on ne pouvait conclure qu'il existe un risque de confusion qui justifie le moyen tiré de l'absence de droit à l'enregistrement.

[81]       Le registraire a retenu les bonnes dates en ce qui concerne la question de l'enregistrabilité et c'est à bon droit qu'il a estimé que des dates différentes s'appliquaient aux autres moyens d'opposition.

[82]       Je suis d'avis que l'appel de Molson doit être rejeté, car les conclusions du registraire étaient bien fondées.

[83]      Les dépens de l'appel sont adjugés à Anheuser.


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.          L'appel de Molson est rejeté;

2.          Les dépens de l'appel sont adjugés à Anheuser.

                                          « John A. O'Keefe »

ligne

                                                                                                             Juge                             

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-632-01

INTITULÉ :                                          MOLSON CANADA

demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH, INCORPORATED

défenderesse

LIEU DE L'AUDIENCE :                   OTTAWA (ONTARIO)          

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 5 MAI 2003           

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                         LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                        LE 5 NOVEMBRE 2003         

COMPARUTIONS :              Adèle Finlayson

John S. Macera            

Pour la demanderesse

Mark L. Robbins

Pour l'intimée

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Macera & Jarzyna

Ottawa (Ontario)

Pour la demanderesse

Bereskin & Parr

Toronto (Ontario)         

Pour l'intimée


COUR FÉDÉRALE

Date : 20031105

Dossier : T-632-01

ENTRE :

MOLSON CANADA

                 demanderesse

et

ANHEUSER-BUSCH, INCORPORATED

                défenderesse

                                                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                                                                                                                 


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