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Date : 20031210

Dossier : T-2009-02

Référence : 2003 CF 1441

ENTRE :

                                                         PATRICK EDWARDS

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, pour le compte de

SA MAJESTÉ LA REINE, LA COMMISSAIRE DE SERVICE

CORRECTIONNEL CANADA ET LE DIRECTEUR

DE L'ÉTABLISSEMENT DE JOYCEVILLE

                                                                                                                                        défendeurs

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE von FINCKENSTEIN

CONTEXTE


[1]                 Monsieur Edwards est détenu à l'établissement fédéral de Joyceville; il purge une peine d'emprisonnement de dix ans pour tentative de meurtre, agression armée et rapt ainsi que pour avoir proféré des menaces contre son ancienne amie. Une équipe de gestion des cas a examiné les rapports de police, dans lesquels étaient résumées les allégations faites par plusieurs victimes, y compris l'ancienne amie de M. Edwards, selon lesquelles M. Edwards avait commis des infractions sexuelles. L'équipe a conclu que M. Edwards devait subir l'évaluation dont font l'objet les délinquants sexuels (l'évaluation) conformément à l'article 37 des Instructions permanentes (les IP) 700-04.

[2]                 Monsieur Edwards a refusé de subir cette évaluation. Les autorités carcérales ci-après désignées lui ont donc refusé, à trois paliers, l'accès aux visites familiales privées (les VFP) : (1) le directeur de l'établissement de Joyceville (17 mai 2002), (2) le sous-commissaire (23 août 2002) et (3) la commissaire (4 novembre 2002). L'instance porte sur la décision prise par la commissaire, qui a expressément conclu ce qui suit :

[TRADUCTION] [...] étant donné que vous avez été accusé d'infractions sexuelles, il a été recommandé de procéder à une évaluation visant à permettre de déterminer si les programmes pour délinquants sexuels sont appropriés. Il n'a pas encore été décidé qu'il est nécessaire de participer à ces programmes. Toutefois, tant que vous ne vous soumettrez pas à cette évaluation et qu'une décision ne sera pas prise au sujet du programme auquel vous devez participer, les VFP ne peuvent pas être envisagées.

La commissaire a fondé sa décision sur l'article 37 des IP 700-04.

POINTS LITIGIEUX

[3]                 Le demandeur soulève deux questions :

1.          L'exigence voulant qu'un détenu subisse l'évaluation prévue à l'article 37 des IP 700-04 est-elle ultra vires de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20 (la Loi)?


2.          La commissaire exerce-t-elle son pouvoir discrétionnaire de la façon appropriée en exigeant que M. Edwards subisse avec succès une évaluation visant à permettre de déterminer s'il convient qu'il participe aux programmes pour délinquants sexuels avant de se voir accorder les VFP?

Première question :     L'exigence voulant qu'un détenu subisse une évaluation est-elle ultra vires de la Loi?

Norme de contrôle

[4]                 La norme de contrôle applicable à l'interprétation d'une disposition législative est celle de la décision correcte (Laliberté c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F. no 548).

Dispositions législatives pertinentes

[5]                 Les dispositions fondamentales de la Loi sont fort claires. L'article 3 de la Loi énonce son objet, à savoir :

3. [...] à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.

3. ... to contribute to the maintenance of a just, peaceful and safe society by

(a) carrying out sentences imposed by courts through the safe and humane custody and supervision of offenders; and

(b) assisting in the rehabilitation of offenders and their reintegration into the community as law-abiding citizens through the provision of programs in penitentiary and in the community


[6]                 Dans l'exécution du mandat qui lui est conféré par la Loi, la commissaire est guidée par les principes énoncés aux alinéas 4a) et b), à savoir :

4. a) la protection de la société est le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel;

4. (a) that the protection of society be the paramount consideration in the corrections process;

b) l'exécution de la peine tient compte de toute information pertinente dont le Service dispose, notamment des motifs et recommandations donnés par le juge qui l'a prononcée, des renseignements obtenus au cours du procès ou dans la détermination de la peine ou fournis par les victimes et les délinquants, ainsi que des directives ou observations de la Commission nationale des libérations conditionnelles en ce qui touche la libération;

(b) that the sentence be carried out having regard to all relevant available information, including the stated reasons and recommendations of the sentencing judge, other information from the trial or sentencing process, the release policies of, and any comments from, the National Parole Board, and information obtained from victims and offenders; ...

[7]                 En vertu de l'article 23, la commissaire doit, après le transfèrement d'une personne au pénitencier :

23 [...] dans les meilleurs délais après la condamnation ou le transfèrement d'une personne au pénitencier, prendre toutes mesures possibles pour obtenir :

23 ...take all reasonable steps to obtain, as soon as is practicable,

a) les renseignements pertinents concernant l'infraction en cause;

(a) relevant information about the offence;

b) les renseignements personnels pertinents, notamment les antécédents sociaux, économiques et criminels, y compris comme jeune contrevenant;

(b) relevant information about the person's personal history, including the person's social, economic, criminal and young-offender history;

c) les motifs donnés par le tribunal ayant prononcé la condamnation, infligé la peine ou ordonné la détention - ou par le tribunal d'appel - en ce qui touche la peine ou la détention, ainsi que les recommandations afférentes en l'espèce;

(c) any reasons and recommendations relating to the sentencing or committal that are given or made by

(i) the court that convicts, sentences or commits the person, and

(ii) any court that hears an appeal from the conviction, sentence or committal;

d) les rapports remis au tribunal concernant la condamnation, la peine ou l'incarcération;

(d) any reports relevant to the conviction, sentence or committal that are submitted to a court mentioned in subparagraph (c)(i) or (ii); and

e) tous autres renseignements concernant l'exécution de la peine ou de la détention, notamment les renseignements obtenus de la victime, la déclaration de la victime quant aux conséquences de l'infraction et la transcription des observations du juge qui a prononcé la peine relativement à l'admissibilité à la libération conditionnelle.

(e) any other information relevant to administering the sentence or committal, including existing information from the victim, the victim impact statement and the transcript of any comments made by the sentencing judge regarding parole eligibility.


[8]                 Selon l'article 76, les renseignements ainsi obtenus sont utilisés pour :

76    [...] offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale.

76    ...provide a range of programs designed to address the needs of offenders and contribute to their successful reintegration into the community.

[9]                 L'article 71 prévoit que ces programmes visent à favoriser les rapports avec la collectivité et avec la famille :

71. (1) Dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la sécurité de quiconque ou du pénitencier, le Service reconnaît à chaque détenu le droit, afin de favoriser ses rapports avec la collectivité, d'entretenir, dans la mesure du possible, des relations, notamment par des visites ou de la correspondance, avec sa famille, ses amis ou d'autres personnes de l'extérieur du pénitencier.

71. (1) In order to promote relationships between inmates and the community, an inmate is entitled to have reasonable contact, including visits and correspondence, with family, friends and other persons from outside the penitentiary, subject to such reasonable limits as are prescribed for protecting the security of the penitentiary or the safety of persons.

[10]            L'article 91 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition DORS/92-620 (le Règlement) prévoit ensuite ce qui suit :

91. (1) Sous réserve de l'article 93, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui peut autoriser l'interdiction ou la suspension d'une visite au détenu lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire :

91. (1) Subject to section 93, the institutional head or a staff member designated by the institutional head may authorize the refusal or suspension of a visit to an inmate where the institutional head or staff member believes on reasonable grounds

a) d'une part, que le détenu ou le visiteur risque, au cours de la visite :

(i) soit de compromettre la sécurité du pénitencier ou de quiconque,

(ii) soit de préparer ou de commettre un acte criminel;

(a) that, during the course of the visit, the inmate or visitor would

(i) jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person, or

(ii) plan or commit a criminal offence; and

b) d'autre part, que l'imposition de restrictions à la visite ne permettrait pas d'enrayer le risque.

(b) that restrictions on the manner in which the visit takes place would not be adequate to control the risk.

(2) Lorsque l'interdiction ou la suspension a été autorisée en vertu du paragraphe (1) :

(2) Where a refusal or suspension is authorized under subsection (1),

a) elle reste en vigueur tant que subsiste le risque visé à ce paragraphe;

(a) the refusal or suspension may continue for as long as the risk referred to in that subsection continues; and

b) le directeur du pénitencier ou l'agent doit informer promptement le détenu et le visiteur des motifs de cette mesure et leur fournir la possibilité de présenter leurs observations à ce sujet.

(je souligne)

(b) the institutional head or staff member shall promptly inform the inmate and the visitor of the reasons for the refusal or suspension and shall give the inmate and the visitor an opportunity to make representations with respect thereto.

(emphasis added)

[11]            L'article 97 de la Loi autorise la commissaire à établir des règles concernant :

a) la gestion du Service;

b) les questions énumérées à l'article 4;

c) toute autre mesure d'application de cette partie et des règlements.

(a) for the management of the Service;

(b) for the matters described in section 4; and

(c) generally for carrying out the purposes and provisions of this Part and the regulations.

[12]            En vertu de l'article 98 de la Loi « [l]es règles établies en application de l'article 97 peuvent faire l'objet de directives du commissaire » .

[13]            Conformément à ces pouvoirs, la commissaire a ensuite adopté les Instructions permanentes, et notamment l'article 37 des IP 700-04, qui prévoit ce qui suit :

37 Les délinquants sexuels suivants doivent y être aiguillés pour y subir une évaluation :

Les délinquants qui purgent actuellement une peine pour une infraction sexuelle;

Les délinquants qui ont des antécédents d'infractions sexuelles;

Les délinquants dont l'infraction à l'origine de la peine actuelle ou les antécédents criminels comportent des infractions sexuelles, que ces infractions aient donné lieu à des condamnations ou non.

37 The following offenders shall be referred for specialized sex offender assessment:

Offenders whose current offence is a sexual offence;

Offenders who have a history of sexual offences;

Offenders whose current or past offences involved sexual offences, whether or not the latter resulted in conviction.


Analyse

[14]            L'avocat du demandeur affirme que l'article 37 des IP 700-04 est ultra vires étant donné qu'il autorise la commissaire à prendre en considération des infractions dont M. Edwards n'a pas été déclaré coupable. Il soutient que la commissaire devrait uniquement être autorisée à demander l'évaluation visant les délinquants sexuels lorsque le délinquant a été reconnu coupable d'une infraction sexuelle.

[15]            Pour répondre à cette question, il faut d'abord examiner le régime de la Loi. Les dispositions susmentionnées montrent clairement que la Loi vise avant tout à assurer le maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité. Pour atteindre cet objectif, il faut assurer l'exécution des peines d'une façon sécuritaire et humaine qui facilite la réadaptation des délinquants. La commissaire doit obtenir autant de renseignements que possible au sujet des délinquants et, à la lumière de ces renseignements, offrir une gamme de programmes visant à contribuer à la réinsertion sociale du délinquant. L'un des programmes se rapporte aux visites familiales.

[16]            Dans tous ces programmes, la sécurité du public est toujours une considération prédominante. Bien sûr, dans le cas des visites familiales, la sécurité des personnes qui rendent visite au délinquant entre en ligne de compte. C'est ce qui ressort du libellé de l'article 71, selon lequel un détenu se voit accorder des visites familiales « [d]ans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la sécurité de quiconque ou du pénitencier » (non souligné dans l'original).


[17]            L'article 97 autorise la commissaire à adopter des instructions permanentes. Ces instructions se rapportent clairement au fonctionnement du Service. Elles permettent à la commissaire de s'acquitter du mandat qui lui est conféré à l'article 3 en appliquant les principes énoncés à l'article 4, dans le but d'offrir la gamme de services dont il est fait mention à l'article 76. L'un des objectifs consiste à faciliter les visites en vertu de l'article 71 tout en assurant la sécurité des personnes qui visitent le pénitencier. Il n'est pas logique de demander à la commissaire d'obtenir, en vertu de l'article 23, des renseignements de toutes les sources énumérées dans cette disposition et d'omettre ensuite de tenir compte de ces renseignements lorsqu'il s'agit de déterminer si l'on peut en toute sécurité autoriser les visites familiales. En effet, la famille d'un délinquant est souvent victime d'infractions sexuelles. Il s'agit donc d'un renseignement fort pertinent dont il faut tenir compte en déterminant si les visites familiales doivent être autorisées malgré le risque que la chose comporte pour les membres de la famille.

[18]            L'article 97 autorise l'adoption de la disposition figurant à l'article 37 des IP 700-04; l'article 37 vise à faciliter l'application du régime de la Loi, et notamment son objet exprès et ses principes de fonctionnement. Il prévoit des lignes directrices opérationnelles pour l'application de l'article 91 du Règlement. Cette disposition est donc intra vires de la Loi.


Deuxième question : La commissaire exerce-t-elle son pouvoir discrétionnaire de la façon appropriée en exigeant que M. Edwards subisse avec succès l'évaluation avant de se voir accorder les VFP?

Norme de contrôle

[19]            Compte tenu de l'approche pragmatique et fonctionnelle, des éléments polyvalents sont clairement présents dans ce cas-ci. D'une part, le fait que la Loi ne renferme aucune clause privative donne à entendre qu'il n'est pas nécessaire de faire preuve d'une grande retenue à l'égard de la décision de la commissaire. D'autre part, la commissaire est un expert en matière de gestion des pénitenciers, en particulier pour ce qui est de la sécurité des détenus et des visiteurs. De plus, l'affaire met en cause les droits individuels de M. Edwards, mais elle met aussi en cause l'obligation de la commissaire de veiller à la sécurité et au bien-être de la famille du délinquant. Compte tenu de ces éléments et du fait qu'une question mixte de fait et de droit est en cause, à savoir l'application de « limites raisonnables » au cas particulier de M. Edwards, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer est celle de la décision raisonnable simpliciter.

Analyse


[20]            L'avocat du demandeur maintient que son client est implicitement [TRADUCTION] « contraint » à subir une évaluation pour délinquants sexuels. Or, les délinquants sexuels sont au bas de la hiérarchie sociale, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement. Il est soutenu que M. Edwards, du simple fait qu'il doit subir cette évaluation, sera considéré comme un délinquant sexuel et sera stigmatisé en tant que tel. Le demandeur affirme que la commissaire a donc exercé d'une façon inappropriée son pouvoir discrétionnaire à son détriment.

[21]            Les renseignements versés au dossier de M. Edwards et dont la commissaire disposait révèlent que M. Edwards s'est livré à des actes de violence à l'encontre de femmes auxquelles il était intimement lié. En effet, il a été accusé :

- d'avoir, en 1991, poignardé une amie enceinte, causant une blessure d'une profondeur de 12 cm (page 25 du dossier du demandeur);

- d'avoir, en 1994, asséné des coups de pied sur la tête de sa conjointe de fait avec qui il avait eu un enfant, qui était alors âgé de trois ans, de lui avoir tiré les cheveux, de l'avoir égratignée et de lui avoir donné des coups de poing (page 25 du dossier du demandeur);

- d'avoir, en 1996, mis en danger d'une façon criminelle une femme avec qui il vivait, d'avoir proféré des menaces à son endroit et de l'avoir par sa négligence mise en danger (page 29 du dossier du demandeur).

[22]            En 2001, le demandeur a été reconnu coupable des infractions ci-après énoncées, commises en 1996 :

- tentative de meurtre, agression armée, rapt et menaces à l'endroit d'une femme qu'il fréquentait depuis quatre mois (page 23 du dossier du demandeur).


D'une part, ces renseignements donneraient à première vue à entendre qu'il peut y avoir un risque pour la « sécurité » de personnes au sens de l'article 71 de la Loi, à savoir la conjointe et les enfants du demandeur qui rendront visite à celui-ci. D'autre part, le demandeur n'a jamais été reconnu coupable d'une infraction sexuelle. Il faut également se rappeler que l'article 71 prévoit expressément ce qui suit :

71. (1) Dans les limites raisonnables fixées par règlement pour assurer la sécurité de quiconque ou du pénitencier, le Service reconnaît à chaque détenu le droit, afin de favoriser ses rapports avec la collectivité, d'entretenir, dans la mesure du possible, des relations, notamment par des visites ou de la correspondance, avec sa famille, ses amis ou d'autres personnes de l'extérieur du pénitencier.

71. (1) In order to promote relationships between inmates and the community, an inmate is entitled to have reasonable contact, including visits and correspondence, with family, friends and other persons from outside the penitentiary, subject to such reasonable limits as are prescribed for protecting the security of the penitentiary or the safety of persons.

[23]            La commissaire a publié une directive et des instructions permanentes au sujet des VFP. La directive de la commissaire 770, intitulée VISITES, prévoit ce qui suit à l'article 23 :

23. Tous les détenus sont admissibles aux visites familiales privées sauf ceux qui :

   1. risquent en ce moment de se livrer à des actes de violence familiale;

   2. bénéficient de permissions de sortir sans surveillance pour des raisons familiales; ou

   3. sont incarcérés dans une unité spéciale de détention, ou encore en attente d'un transfèrement vers cette unité ou d'une décision à cet égard.

23. All inmates are eligible for private family visiting except those who are:

   a. assessed as being currently at risk of becoming involved in family violence;

   b. in receipt of unescorted temporary absences for family contact purposes; or

   c. in a special handling unit or are awaiting decision or have been approved for transfer to a special handling unit.

[24]            De plus, l'article 3 des IP 700-12, intitulées VISITES FAMILIALES PRIVÉES, est ainsi libellé :


Admissibilité - Délinquants

3 Tous les délinquants sont admissibles aux visites familiales privées sauf ceux :

   a. dont l'évaluation démontre qu'ils risquent en ce moment de se livrer à des actes de violence familiale;

   b. qui bénéficient d'une permission de sortir sans surveillance aux fins de rapports familiaux;

   c. qui sont incarcérés dans une unité spéciale de détention, ou encore en attente d'un transfèrement vers cette unité ou d'une décision à cet égard.

Eligibility - Offenders

3 All offenders are eligible for private family visits except those who are:

   a. assessed as being currently at risk of becoming involved in family violence;

   b. in receipt of unescorted temporary absences for family contact; or

   c. in a special handling unit or are awaiting decision or have been approved for transfer to a special handling unit.

[25]            Enfin, la DC 726, intitulée PROGRAMMES CORRECTIONNELS, prévoit ce qui suit :

11. L'affectation des délinquants à un programme correctionnel particulier doit se faire en fonction de leur plan correctionnel et des critères de sélection du programme.

11. Offenders shall be assigned to a correctional program based on their Correctional Plan and on established correctional program selection criteria.

12. La participation des délinquants aux programmes correctionnels doit être volontaire et fondée sur un consentement éclairé.

12. Offender participation in correctional programs shall be voluntary and based on informed consent.

13. Les programmes correctionnels doivent :

   a. être fondés sur la théorie et les recherches connexes (modèle empirique du changement);

13. Correctional programs must:

   a. be based on theory and supporting research (empirically-based model of change);

   b. cibler les facteurs criminogènes;

   b. target criminogenic factors;

   c. répondre aux différents besoins des délinquantes, des délinquants autochtones et d'autres groupes de délinquants ayant des besoins particuliers;

   c. address the diverse needs of women, Aboriginal and other groups of offenders with special requirements;

   d. être axés sur l'acquisition de compétences;

   d. be skills-oriented;

   e. prendre en compte les caractéristiques particulières des délinquants de sorte que ces derniers en bénéficient autant que possible (réceptivité);

   e. take into account the particular characteristics of offenders to help ensure that they derive maximum benefit (responsivity);

   f. être adaptés - quant à leur portée, intensité, durée et type de groupe - aux profils des risques et des besoins des délinquants (intensité des programmes);

   f. address the particular risk and need profiles of offenders through their scope, intensity, duration and type of group setting (program intensity);

   g. offrir une gamme continue d'interventions des établissements à la collectivité (continuité des interventions);

   g. ensure a continuum of care between institutions and the community (continuity of care);

   h. inclure une description détaillée de leur contenu;

   h. include a detailed program description;

   i. comprendre un plan en matière de suivi et d'évaluation;

   i. include a plan for monitoring and evaluation; and

   j. être dispensés :

          * en utilisant des méthodes de traitement éprouvées,

          * dans l'environnement le moins restrictif possible sans mettre la sécurité des membres du personnel, des délinquants et du public en péril,

          * en conformité avec les normes approuvées.

(je souligne)

   j. be delivered:

          * using proven treatment methods,

          * in the least restrictive environment possible consistent with staff, offender and public safety, and

          * according to approved standards.

(emphasis added)

[26]            Monsieur Edwards a terminé avec succès le « Programme d'intensité élevée de prévention de la violence familiale » comme l'exige le Service (page 72 du dossier du demandeur). Dans le rapport y afférent, on n'indique pas si, selon l'évaluation, M. Edwards « risque en ce moment de se livrer à des actes de violence familiale » . Il est simplement déclaré ce qui suit à la fin du rapport :

[TRADUCTION] Monsieur Edwards est intimement lié à une femme (Diane) et, même s'il ne s'est livré à aucun acte de violence à l'endroit de celle-ci, il a déjà entretenu deux relations de violence. Comme dans tous les cas de ce genre, la relation devrait être surveillée.

(Page 76 du dossier du demandeur)

[27]            L'interprétation donnée par la commissaire au paragraphe 71(1) de la Loi ne semble pas raisonnable compte tenu des faits concernant M. Edwards. Il m'est difficile de concilier la condition voulant que l'on procède à une évaluation avant d'accorder les VFP et :

- le fait que M. Edwards n'a pas été reconnu coupable d'une infraction sexuelle;

- le Rapport final sur la performance du délinquant au programme, attestant que M. Edwards a participé avec succès au Programme d'intensité élevée de prévention de la violence familiale;


- le principe énoncé à l'article 12 de la DC 726, à savoir que la participation des détenus aux programmes correctionnels doit être volontaire et fondée sur un consentement éclairé;

- les dispositions précises relatives aux visites familiales énoncées à l'article 23 de la DC 770 et à l'article 3 des IP 700-12, qui limitent uniquement les VFP lorsque la violence familiale suscite des préoccupations.

[28]            La Loi prévoit que M. Edwards a droit aux VFP dans certaines limites raisonnables. Dans ces conditions, je conclus que la commissaire a commis une erreur en décidant que le fait d'exiger que M. Edwards subisse avec succès l'évaluation visant les délinquants sexuels avant de se voir accorder des VFP constitue une « limite raisonnable » .


[29]            Par conséquent, la demande sera accueillie. L'affaire sera renvoyée à la commissaire pour être réexaminée à la lumière des dispositions des directives du commissaire 726 et 770 et des instructions permanentes 700-12.

« K. Von Finckenstein »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 10 décembre 2003

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         T-2009-02

INTITULÉ :                                                        PATRICK EDWARDS

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, pour le compte de SA MAJESTÉ LA REINE, LA COMMISSAIRE DE SERVICE CORRECTIONNEL CANADA ET LE DIRECTEUR DE L'ÉTABLISSEMENT DE JOYCEVILLE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 4 DÉCEMBRE 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                     LE 10 DÉCEMBRE 2003

COMPARUTIONS :

Brian A. Callender                                                POUR LE DEMANDEUR

R. Jeff Anderson                                                   POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian A. Callender                                                POUR LE DEMANDEUR

Kingston (Ontario)

Morris Rosenberg                                                 POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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