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                                                                                                                                           Date : 20030205

                                                                                                                                       Dossier : T-992-92

                                                                                                           Référence neutre : 2003 CFPI 127

ENTRE :

                                                    ALMECON INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                       ANCHORTEK LTD., EXPLOSIVES LIMITED,

                                                         ACE EXPLOSIVES ETI LTD.

                                                    et WESTERN EXPLOSIVES LTD.

                                                                                                                                              défenderesses

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE O'REILLY

  • [1]                 Les défenderesses demandent l'annulation du certificat de taxation des dépens délivré par l'officier taxateur Charles Stinson le 23 décembre 2002. Ce dernier a refusé de reporter la taxation des dépens jusqu'à ce qu'il soit statué de manière définitive sur les appels interjetés en l'espèce, l'audition de ces derniers devant avoir lieu à Toronto les 10 et 11 février 2003.
  • [2]                 Dans un jugement rendu le 19 décembre 2001, le juge Gibson a accueilli l'action pour contrefaçon de brevet intentée par la demanderesse. Le 23 mai suivant, il a rendu une ordonnance supplémentaire concernant les dépens.

[3]                 Les défenderesses font aujourd'hui valoir que la taxation des dépens était prématurée. Elles avancent deux arguments. Premièrement, étant donné que les appels seront bientôt entendus, il est dans l'intérêt de la justice que la taxation des dépens n'ait lieu qu'une fois les décisions rendues. Deuxièmement, le juge Gibson aurait envisagé que la question des dépens ne puisse être réglée qu'une fois le montant des dommages-intérêts établi. J'examinerai brièvement chacun de ces arguments.

A. L'audition imminente des appels

  • [4]                 Les défenderesses ont porté en appel les deux jugements du juge Gibson, celui rendu sur le fond, et celui portant sur les dépens. Les appels seront entendus quelques jours après l'audition de la présente requête. Invoquant la règle 3, les défenderesses soutiennent que le règlement juste, expéditif et économique de la question des dépens exige que leur taxation ait lieu après qu'il aura été statué sur les appels. Elles font valoir que, si elles ont gain de cause, toute taxation des dépens à ce stade-ci devra être reprise.
  • [5]                 Dans les observations qu'elles ont présentées au juge Gibson relativement aux dépens, les défenderesses soutiennent avec insistance que ceux-ci ne devraient faire l'objet d'aucune décision avant le règlement définitif sur le fond. Dans sa décision concernant les dépens, le juge Gibson ne se prononce pas précisément sur cette possibilité. Toutefois, compte tenu des observations qui lui ont été présentées, j'en déduis que le juge Gibson a rejeté l'argument que la taxation des dépens ne devait pas avoir lieu.

  • [6]                 L'avocat représentant les défenderesses dans le cadre de la requête, Me Jeremy Want, n'a pu citer un arrêt de jurisprudence appuyant la prétention qu'aucune taxation des dépens ne devrait avoir lieu avant qu'il ne soit statué sur les appels. À son avis, l'absence de jurisprudence découle de ce que les parties conviennent généralement, en pareilles circonstances, de reporter la taxation des dépens. Il appartient donc à la Cour d'en décider lorsque, comme en l'espèce, les parties n'en conviennent pas.
  • [7]                 L'avocat de la demanderesse, Me Henry Lue, a cité des décisions où la Cour a procédé à la taxation des dépens sans attendre l'issue d'un appel : Monsanto Canada Inc. et al. c. Schmeiser et al. (2002), 19 C.P.R. (4th) 524 (C.F. 1re inst.), Dableh c. Ontario Hydro (1994), 84 F.T.R. 102, 57 C.P.R. (3rd) 387 (C.F. 1re inst.) et Mennes c. Procureur général du Canada (T-2019-98) (O.T). La décision Dableh est particulièrement pertinente. Dans cette affaire, le demandeur avait sollicité la suspension de la taxation des dépens jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel. Le juge McKay a conclu qu'aucun des motifs justifiant la suspension n'était présent, même si le demandeur s'exposait à une faillite personnelle. Dans la présente affaire, les défenderesses n'ont pas demandé de suspension ni fait valoir l'existence de motifs justifiant une telle mesure.
  

  • [8]                 Les défenderesses accordent de l'importance à une lettre que l'avocat de la demanderesse a fait parvenir à leur avocat le 22 novembre 2002. L'avocat de la demanderesse proposait que les appels soient entendus dans une autre ville (Toronto) afin d'obtenir une date plus rapprochée et signalait que [traduction] « l'obtention d'une décision à une date rapprochée s'impose vu la position des défenderesses selon laquelle la taxation des dépens et le renvoi devraient avoir lieu après le règlement de l'appel » . Les défenderesses en déduisant que la demanderesse était disposée à renoncer à la taxation des dépens jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel, dans la mesure où elles avaient accepté d'avancer le début de l'audition. Les défenderesses ont collaboré avec la demanderesse pour avancer la date d'audition des appels, et c'est tout à leur honneur. Or, l'on ne saurait voir dans la lettre une concession de la demanderesse quant au moment auquel devraient être taxés les dépens.
  • [9]                 Compte tenu de ce qui précède, je ne vois aucune raison de conclure que l'officier taxateur a rejeté à tort la demande des défenderesses de reporter la taxation des dépens jusqu'à ce qu'il ait été statué sur leurs appels.
  

B. La décision du juge Gibson concernant les dépens

[10]            Après avoir énoncé ses directives à l'officier taxateur, le juge Gibson dit ce qui suit :

[traduction] Ce qui précède est ordonné sous réserve de toute décision, fondée sur la règle 420, relative à une offre écrite de règlement qui n'aurait pas encore été communiquée à la Cour.

Les défenderesses font valoir à bon droit que le juge Gibson reconnaissait que l'application de la règle 420 pouvait exiger le rajustement des dépens. Cela prouve, selon elles, que le juge Gibson s'attendait à ce qu'il n'y ait pas de taxation des dépens avant que le montant des dommages-intérêts n'ait été établi.


  • [11]            La règle 420 permet de doubler le montant des dépens lorsque le demandeur obtient un jugement aussi avantageux ou plus avantageux que l'offre de règlement. De toute évidence, cette règle ne peut s'appliquer que lorsque le montant des dommages-intérêts est connu, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Les défenderesses prétendent donc que les dépens ne peuvent être évalués avec certitude qu'une fois fixé le montant des dommages-intérêts.
  • [12]            Cependant, la règle 420 ne s'applique que de manière restreinte. Elle n'exige pas la réévaluation complète des dépens, et son application peut simplement avoir pour effet de majorer, selon un facteur mathématique, le montant déjà calculé. Son existence ne fait pas obstacle à la taxation immédiate des dépens.
  
  • [13]            De plus, je n'interprète pas la décision du juge Gibson de la manière préconisée par les défenderesses. Au contraire, en déterminant qu'un facteur en particulier pouvait modifier ultérieurement le montant des dépens, l'on peut conclure que le juge Gibson ne voyait aucun obstacle à la taxation immédiate des dépens conformément à ses directives.
  • [14]            Par conséquent, je ne vois aucun motif pour lequel la taxation des dépens ne pourrait avoir lieu sans tarder.
  

C. Dispositif

[15]            La requête est rejetée. L'officier taxateur Stinson procédera à la taxation des dépens sans attendre plus longtemps.

  • [16]            L'avocat de la demanderesse a demandé, pour la requête, l'adjudication de dépens procureur-client. Je ne suis pas convaincu qu'une telle mesure soit justifiée en l'espèce. La demanderesse aura droit à des dépens entre parties, qui seront taxés par M. Stinson.
  • [17]            Les deux avocats m'ont exhorté à établir le calendrier de la taxation. La première étape, soit le contre-interrogatoire de l'avocat de la demanderesse, Me Ronald E. Dimock, aura lieu au plus tard un mois après l'audition de l'appel. L'audience pour la taxation elle-même aura lieu au plus tard deux mois après l'audition de l'appel.
  

                                                                                                                                   « James W. O'Reilly »    

                                                                                                                                                                 Juge                  

OTTAWA (Ontario)

5 février 2002

   

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL. B.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                   AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                     T-992-92

  

INTITULÉ DE LA CAUSE : ALMECON INDUSTRIES LTD. c. ANCHORTEK LTD., EXPLOSIVES LIMITED, ACE EXPLOSIVES ETI LTD. et WESTERN EXPLOSIVES LTD.

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                           Ottawa (Ontario)

  

DATE DE L'AUDIENCE :                           4 février 2003

  

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :     Monsieur le juge O'Reilly

  

DATE DES MOTIFS :                                  5 février 2003

  

ONT COMPARU :

Me Henry Lue                                                                     POUR LA DEMANDERESSE

  

Me Jeremy E. Want                                                           POUR LES DÉFENDERESSES

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dimock Stratton Clarizio s.r.l.

Toronto (Ontario)                                                              POUR LA DEMANDERESSE

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)                                                               POUR LES DÉFENDERESSES


    

                                                                                                                                           Date : 20030205

                                                                                                                                       Dossier : T-992-92

Ottawa (Ontario), le 5 février 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY

ENTRE :

                                                    ALMECON INDUSTRIES LTD.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                       ANCHORTEK LTD., EXPLOSIVES LIMITED,

                                                         ACE EXPLOSIVES ETI LTD.

                                                    et WESTERN EXPLOSIVES LTD.

                                                                                                                                              défenderesses

                                                                     ORDONNANCE

                                                    (rendue à l'audience, le 4 février 2003)

  

VU l'avis de requête des défenderesses visant l'obtention de ce qui suit :

  

18.              Une ordonnance annulant le certificat de taxation des dépens délivré par M. Stinson en date du 23 décembre 2002.


19.              Une ordonnance selon laquelle la taxation des dépens en l'espèce aura lieu, si nécessaire, après que les questions portées en appel auront été réglées de manière définitive et, toujours au besoin, après la tenue d'un renvoi concernant la question des dommages-intérêts et des profits.

       L'adjudication, pour la requête, de dépens procureur-client.

21.              Toute autre réparation que la Cour juge opportune.

  

APRÈS l'audition de toutes les parties dans le cadre d'une téléconférence et la lecture des documents produits,

  

LA COUR ORDONNE :

1.          Le rejet de la requête des défenderesses visant l'annulation du certificat de taxation des dépens délivré par l'officier taxateur, M. Charles Stinson, le 23 décembre 2002.

2.          La taxation des dépens par M. Stinson sans délai supplémentaire et, plus particulièrement, le contre-interrogatoire sur affidavit de l'avocat de la demanderesse, Me Ronald E. Dimock, au plus tard un mois après l'audition de l'appel en l'espèce et la tenue d'une audience pour la taxation des dépens au plus tard deux mois après l'audition de l'appel.

3.                    L'adjudication à la demanderesse des dépens de la requête, taxés par l'officier taxateur.

                   « James W. O'Reilly »        Juge                 

Traduction certifiée conforme

Claire Vallée, LL. B.

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