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     Date : 20000224

     Dossier : T-875-99


Ottawa (Ontario), le jeudi 24 février 2000

En présence de Madame le juge Reed


ENTRE :

     MICHAEL OMINAYAK, JAMES OMINAYAK, BETSY OMINAYAK,

     PAUL OMINAYAK, KIM OMINAYAK, EDNA OMINAYAK, DENISE OMINAYAK,

     VIOLET OMINAYAK, TRUDY WHITEHEAD, VERONICA WHITEHEAD,

     MARINA CARDINAL, NORA LABOUCAN, JUNE OMINAYAK,

     IDA CHRISTAIN, HARVEY RIVARD, GLORIA OMINAYAK,

     GLADYS CALLIOU, MARTHA OMINAYAK, EDITH RIVARD,

     PETER CALLIOU, SONIA HAMELIN, LORNA HAMELIN,

     ELSIE HAMELIN, LORI AUGER, LORNA VERHAGE, DELMA

     SUPERVAULT, MARLENE SUPERNAULT, DENNIS LABOUCAN,

     HELEN CALLIOU, MARINA CALLIOU (GLADUE), BILLY JOE LABOUCAN,

     BARB OMINAYAK, JUANITA LABOUCAN, KENNY LABOUCAN,

     YVONNE BUC, RICHARD SUPERNAULT, DARCY OMINAYAK, VIOLA

     SUPERNAULT, VERNA SUPERNAULT, ISABEL SUPERNAULT,

     AUGUST SUPERNAULT, BRIAN SUPERNAULT, MELVIN OMINAYAK,

     LISA OMINAYAK, GERALD LABOUCAN, BRIAN LABOUCAN,

     DALE LABOUCAN, RAMONA LABOUCAN, RALPH LABOUCAN

     et CORRINE LABOUCAN,

     requérants

     - et -


     SHARON VENNE en sa qualité de directrice du scrutin

     pour les élections tenues le 25 avril 1999 par

     LA NATION INDIENNE DE LUBICON LAKE,

     intimée.



     ORDONNANCE




     LA COUR,

     Vu les conclusions déposées le 4 février 2000 par l'avocat des demandeurs à la suite de l'avis d'examen de l'état de l'instance,

     Attendu que le retard dans la procédure était largement imputable à la défenderesse,

     ORDONNE CE QUI SUIT :

     i)      la procédure se poursuivra à titre d'instance à gestion spéciale;
     ii)      les avocats des parties déposeront auprès du greffe de la Cour, conjointement ou séparément, d'ici au 2 mars 2000, un projet d'échéancier pour le dépôt des dossiers de la requête.

     Signé : B. Reed

     ________________________________

     Juge



Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.




     Date : 20000224

     Dossier : T-875-99


Ottawa (Ontario), le jeudi 24 février 2000

En présence de Madame le juge Reed


ENTRE :

     MICHAEL OMINAYAK, JAMES OMINAYAK, BETSY OMINAYAK,

     PAUL OMINAYAK, KIM OMINAYAK, EDNA OMINAYAK, DENISE OMINAYAK,

     VIOLET OMINAYAK, TRUDY WHITEHEAD, VERONICA WHITEHEAD,

     MARINA CARDINAL, NORA LABOUCAN, JUNE OMINAYAK,

     IDA CHRISTAIN, HARVEY RIVARD, GLORIA OMINAYAK,

     GLADYS CALLIOU, MARTHA OMINAYAK, EDITH RIVARD,

     PETER CALLIOU, SONIA HAMELIN, LORNA HAMELIN,

     ELSIE HAMELIN, LORI AUGER, LORNA VERHAGE, DELMA

     SUPERVAULT, MARLENE SUPERNAULT, DENNIS LABOUCAN,

     HELEN CALLIOU, MARINA CALLIOU (GLADUE), BILLY JOE LABOUCAN,

     BARB OMINAYAK, JUANITA LABOUCAN, KENNY LABOUCAN,

     YVONNE BUC, RICHARD SUPERNAULT, DARCY OMINAYAK, VIOLA

     SUPERNAULT, VERNA SUPERNAULT, ISABEL SUPERNAULT,

     AUGUST SUPERNAULT, BRIAN SUPERNAULT, MELVIN OMINAYAK,

     LISA OMINAYAK, GERALD LABOUCAN, BRIAN LABOUCAN,

     DALE LABOUCAN, RAMONA LABOUCAN, RALPH LABOUCAN

     et CORRINE LABOUCAN,

     demandeurs (requérants)

     - et -


     SHARON VENNE en sa qualité de directrice du scrutin

     pour les élections tenues le 25 avril 1999 par

     LA NATION INDIENNE DE LUBICON LAKE,

     défenderesse (intimée).



     ORDONNANCE




     LA COUR,

     Vu l'avis de requête déposé le 21 janvier 2000, par laquelle les demandeurs concluent à ce qui suit :

1.      ordonnance à la défenderesse Sharon Venne de se procurer et de faire tenir à leurs avocats une copie de la liste des membres de la Nation indienne de Lubicon Lake à la date du 25 avril 1999;
2.      ordonnance à Dwight Gladue de se présenter, pour contre-interrogatoire sur son affidavit, aux bureaux de Roddick & Johnson, avocats, au no 2 4716 - 91 Avenue, Edmonton (Alberta) T6B 2L1, à la date et à l'heure que fixera la Cour;
3.      ordonnance portant allocation aux demandeurs des dépens de la requête sur une base avocat-client, payables immédiatement quel que soit le sort du principal;

     ORDONNE CE QUI SUIT :

1.      Sharon Venne se procurera et fera tenir aux avocats des demandeurs, d'ici au 3 mars 2000, une copie de la liste des membres de la Nation indienne de Lubicon Lake à la date du 25 avril 1999;
2.      Dwight Gladue se présentera aux bureaux de Roddick & Johnson, avocats, au 2 4716-91 Avenue, Edmonton (Alberta), à la date et à l'heure convenues entre M. Gladue, l'avocat des demandeurs et l'avocat de la défenderesse, et ce d'ici au mercredi 8 mars 2000 au plus tard;
3.      Les parties pourront, par consentement mutuel ou unilatéralement, me demander par écrit de changer l'un ou l'autre des délais fixés aux paragraphes précédents;
4.      La défenderesse paiera immédiatement aux demandeurs, quel que soit le sort du principal et sur une base avocat-client, les dépens subis par ces derniers à l'occasion de leur requête du 21 janvier 2000, comme à l'occasion de la requête déposée par la défenderesse le 2 février 2000.

     Signé : B. Reed

     ________________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.




     Date : 20000224

     Dossier : T-875-99


Ottawa (Ontario), le jeudi 24 février 2000

En présence de Madame le juge Reed


ENTRE :

     MICHAEL OMINAYAK, JAMES OMINAYAK, BETSY OMINAYAK,

     PAUL OMINAYAK, KIM OMINAYAK, EDNA OMINAYAK, DENISE OMINAYAK,

     VIOLET OMINAYAK, TRUDY WHITEHEAD, VERONICA WHITEHEAD,

     MARINA CARDINAL, NORA LABOUCAN, JUNE OMINAYAK,

     IDA CHRISTAIN, HARVEY RIVARD, GLORIA OMINAYAK,

     GLADYS CALLIOU, MARTHA OMINAYAK, EDITH RIVARD,

     PETER CALLIOU, SONIA HAMELIN, LORNA HAMELIN,

     ELSIE HAMELIN, LORI AUGER, LORNA VERHAGE, DELMA

     SUPERVAULT, MARLENE SUPERNAULT, DENNIS LABOUCAN,

     HELEN CALLIOU, MARINA CALLIOU (GLADUE), BILLY JOE LABOUCAN,

     BARB OMINAYAK, JUANITA LABOUCAN, KENNY LABOUCAN,

     YVONNE BUC, RICHARD SUPERNAULT, DARCY OMINAYAK, VIOLA

     SUPERNAULT, VERNA SUPERNAULT, ISABEL SUPERNAULT,

     AUGUST SUPERNAULT, BRIAN SUPERNAULT, MELVIN OMINAYAK,

     LISA OMINAYAK, GERALD LABOUCAN, BRIAN LABOUCAN,

     DALE LABOUCAN, RAMONA LABOUCAN, RALPH LABOUCAN

     et CORRINE LABOUCAN,

     demandeurs (requérants)

     - et -


     SHARON VENNE en sa qualité de directrice du scrutin

     pour les élections tenues le 25 avril 1999 par

     LA NATION INDIENNE DE LUBICON LAKE,

     défenderesse (intimée).




     ORDONNANCE




     LA COUR,

     ATTENDU que l'ordonnance rendue par écrit le 7 février 2000 ne concorde pas entièrement avec la décision et les motifs y afférents, prononcés oralement à l'audience,

     DIT ET JUGE que la demande modifiée qui a été signifiée à la défenderesse et déposée par les demandeurs le 16 février 2000, a été régulièrement déposée, en conformité avec la décision et les motifs y afférents, prononcés oralement à l'audience du 7 février 2000. Les chefs de demande et conclusions contenus dans cette demande modifiée seront jugés au fond par le juge du principal.

     Signé : B. Reed

     ________________________________

     Juge


Traduction certifiée conforme,




Bernard Olivier, LL.B.




     Date : 20000224

     Dossier : T-875-99


ENTRE :

     MICHAEL OMINAYAK, JAMES OMINAYAK, BETSY OMINAYAK,

     PAUL OMINAYAK, KIM OMINAYAK, EDNA OMINAYAK, DENISE OMINAYAK,

     VIOLET OMINAYAK, TRUDY WHITEHEAD, VERONICA WHITEHEAD,

     MARINA CARDINAL, NORA LABOUCAN, JUNE OMINAYAK,

     IDA CHRISTAIN, HARVEY RIVARD, GLORIA OMINAYAK,

     GLADYS CALLIOU, MARTHA OMINAYAK, EDITH RIVARD,

     PETER CALLIOU, SONIA HAMELIN, LORNA HAMELIN,

     ELSIE HAMELIN, LORI AUGER, LORNA VERHAGE, DELMA

     SUPERVAULT, MARLENE SUPERNAULT, DENNIS LABOUCAN,

     HELEN CALLIOU, MARINA CALLIOU (GLADUE), BILLY JOE LABOUCAN,

     BARB OMINAYAK, JUANITA LABOUCAN, KENNY LABOUCAN,

     YVONNE BUC, RICHARD SUPERNAULT, DARCY OMINAYAK, VIOLA

     SUPERNAULT, VERNA SUPERNAULT, ISABEL SUPERNAULT,

     AUGUST SUPERNAULT, BRIAN SUPERNAULT, MELVIN OMINAYAK,

     LISA OMINAYAK, GERALD LABOUCAN, BRIAN LABOUCAN,

     DALE LABOUCAN, RAMONA LABOUCAN, RALPH LABOUCAN

     et CORRINE LABOUCAN,

     demandeurs (requérants)

     - et -


     SHARON VENNE en sa qualité de directrice du scrutin

     pour les élections tenues le 25 avril 1999 par

     LA NATION INDIENNE DE LUBICON LAKE,

     défenderesse (intimée).



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



Le juge REED

[1]      Les présents motifs se rapportent à deux requêtes, l'une déposée le 21 janvier 2000 par les demandeurs, et l'autre, le 2 février 2000 par la défenderesse. Le 7 février 2000, la Cour a rendu sa décision sur la requête de la défenderesse et prononcé à cette occasion de brefs motifs à l'audience même. Ces motifs sont développés infra. La Cour a différé sa décision relative à la requête des demandeurs puisque l'avocat de la défenderesse a demandé à déposer des conclusions écrites à ce sujet. Ces conclusions ont été maintenant reçues et les motifs qui suivent expliquent la décision de la Cour sur cette requête.

[2]      Le recours en contrôle judiciaire, qui est à l'origine de ces deux requêtes, a été déposé le 18 mai 1999 contre une décision prise par Sharon Venne, directrice du scrutin, lors de l'élection le 25 avril 1999 du chef et du conseil de la Nation indienne de Lubicon Lake. Selon les demandeurs, elle refusait de laisser voter quiconque prenait part à l'action T-2060-96 (tendant à la création d'une nouvelle bande, la Bande crie de Little Buffalo) à moins qu'il n'affirmât par affidavit qu'il s'en dissociait.

La requête du 2 février 2000

[3]      Par sa requête, la défenderesse concluait à ordonnance portant : (1) irrecevabilité du recours en contrôle judiciaire des demandeurs, ou (2) exclusion de ce recours des demandeurs qui n'avaient pas déposé leur affidavit respectif, et (3) autorisation à la défenderesse de retirer du dossier l'affidavit en date du 10 novembre 1999 de Dwight Gladue.

[4]      La fin de non-recevoir opposée par la défenderesse au recours en contrôle judiciaire en date du 18 mai 1999 tirait argument de ce qu'il n'y avait pas un énoncé précis de la réparation demandée, contrairement à ce que prescrit la règle 301d) des Règles de la Cour fédérale. Le défaut d'articuler le chef de demande dans l'acte introductif d'instance du 18 mai 1999 est un vice dont la Cour autorisera la rectification. Il n'y a jamais eu aucun doute quant au chef de demande en l'espèce. De surcroît, la demande portait ce vice lorsqu'elle fut déposée en mai dernier. La défenderesse ne l'a pas relevé dans sa réponse, et c'est maintenant seulement qu'elle le fait. Je conclus qu'elle n'en a subi aucun préjudice, et que le vice lui-même n'est qu'une erreur matérielle. À mon avis, le défaut d'articuler le chef de demande est un vice dont il y a lieu d'autoriser la rectification, par application de la règle 59b).

[5]      L'avocat de la défenderesse soutient aussi que le recours est irrecevable parce que l'annulation de la décision de Mme Venne n'aurait aucune conséquence pratique. Que selon les éléments de preuve produits par les demandeurs, seuls cinq individus se sont vu refuser le droit de vote, et comme les conseillers qui ont été élus l'ont été par plus de cinq voix, cette cause n'aurait aucune conséquence pratique. Il s'agit là d'un point à décider par le juge du fond. La jurisprudence applicable pose que la voie à suivre pour contester un recours est de comparaître et de présenter ses conclusions à l'audition de ce recours, et non pas à y opposer une fin de non-recevoir. C'est en ces termes que la décision David Bull Laboratories (Can.) Inc. c. Pharmacia Inc., [1995] 1 C.F. 588, 176 N.R. 48 (sub. nom. Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)), 58 C.P.R. (3d) 209 (C.A.), a été commentée dans Sgayias, Kinnear, Rennie, Saunders, Federal Court Practice, 2000, page 153 :

     [TRADUCTION]

     La voie à suivre pour contester un avis de requête introductive d'instance, que l'intimé tient pour injustifié, consiste à comparaître et à présenter ses arguments à l'audition de la requête, et non à y opposer une fin de non-recevoir. Bien que la Cour ait compétence pour rejeter sommairement toute requête qui est si irrégulière qu'elle est parfaitement futile, il faut qu'il s'agisse d'un cas vraiment exceptionnel.

Des commentaires en ce sens se trouvent aussi en pages 506 et 507 de cet ouvrage.

[6]      Dans la cause David Bull, il a été jugé qu'en cas de recours en contrôle judiciaire, l'essentiel était de mettre l'affaire en état le plus tôt possible en vue de son audition. Il s'agit donc de décourager, et non d'encourager, les fins de non-recevoir; voir Association of Distillers c. Canada (Ministre de la Santé) (1998), 148 F.T.R. 215; Lazar c. Canada (P.G.) (T-459-98, 16 juin 1998) (C.F. 1re inst.); Agawa c. Hewson (T-764-98, 18 juin 1998) (C.F. 1re inst.); et Merck Frosst Canada Inc. et al. c. Apotex Inc. et al. (1997), 128 F.T.R. 222.

[7]      Passons maintenant à la requête en exclusion des demandeurs qui n'ont pas déposé leur affidavit respectif à l'appui de la demande. L'argument proposé à cette fin est dénué de fondement. La personne qui agit en contrôle judiciaire n'est pas tenue de déposer ses propres affidavits; v. Nelson c. Canada (Commissaire du Service correctionnel) (1996), 206 N.R. 180 (C.A.F.). De fait, il a été jugé qu'un recours en contrôle judiciaire pouvait se poursuivre en l'absence de tout affidavit du ou des demandeurs; v. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Chak (T-1681-98, 10 mai 1999). Le contrôle judiciaire a pour objet la validité de la décision entreprise, en l'occurrence celle de Sharon Venne, directrice du scrutin nommée par le chef et le conseil de la bande. Le fait que chaque demandeur ait produit ou non un affidavit ne saurait être un motif d'exclusion de l'un quelconque d'entre eux. Il y a lieu de revenir, à ce propos, sur la jurisprudence citée supra, savoir que les requêtes interlocutoires ne sont pas encouragées dans la procédure de contrôle judiciaire. Les délais prévus par les Règles montrent qu'il s'agit de mettre l'affaire en état d'audition le plus diligemment possible.

[8]      Passons maintenant à la requête en autorisation pour la défenderesse de retirer l'affidavit en date du 10 novembre 1999 de Dwight Gladue. Cet affidavit explique la procédure mise en place par Mme Venne pour les élections en question et identifie en particulier 42 personnes qui se sont vu refuser le droit de voter pare qu'elles ne voulaient pas se dissocier, par affidavit, de l'action no T-2060-96.

[9]      La défenderesse cherche à retirer cet affidavit du dossier parce que son avocat n'a pas l'intention de s'en servir dans son argumentation; il estime qu'il n'ajoute rien à la position de la défenderesse, citant à l'appui du retrait la décision Bhatnager c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1986] 2 C.F. 3 (1re inst.), paragraphe 10. Dans cette dernière cause, le juge Strayer a autorisé l'intimée à retirer un affidavit, assimilant ce retrait à la décision de ne pas citer un témoin du fait que cet affidavit ne faisait pas encore partie des preuves et témoignages produits.

[10]      L'affaire Bhatnager n'était pas une procédure de contrôle judiciaire : l'intimée était assignée à comparaître et expliquer pourquoi elle ne devrait pas être jugée coupable d'outrage à la justice pour inobservation d'une ordonnance de la Cour. En matière d'outrage à la justice, les témoignages sont habituellement donnés de vive voix. Or dans cette affaire, les témoins se trouvaient surtout à l'étranger (en Inde), et le juge Strayer a autorisé la poursuite de l'instance avec les témoignages par affidavit. La raison pour laquelle l'intimée a voulu retirer l'affidavit était que son auteur se trouvait à la Nouvelle-Delhi et, de ce fait, ne pouvait être contre-interrogé.

[11]      J'estime que l'affaire Bhatnager est un cas à part, eu égard aux faits de la cause. Je conviens avec l'avocat des demandeurs qu'un retrait de l'affidavit de M. Gladue équivaudrait au cas où une partie fait comparaître un témoin à la barre, l'interroge, puis cherche à faire supprimer son témoignage du dossier, et qu'il n'y a rien de commun avec la décision de ne pas citer un témoin.

[12]      L'avocat de la défenderesse cite encore l'affaire Syntex Inc. et al. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1995), 94 F.T.R. 215, où le juge Gibson était saisi d"une requête en retrait d'affidavits, à remplacer par d'autres ayant une " substance sensiblement identique " mais émanant d'autres témoins. Il s'agissait d'une procédure de contrôle judiciaire, et le juge Gibson a évoqué le précédent Bhatnager . Il a rappelé les principes sous-tendant la règle posant qu'une fois déposés, les affidavits ne peuvent être retirés, lesquels principes avaient été analysés dans R.O.M. Construction Ltd. v. Heeley et al. (1982), 46 A.R. 366 (Q.B.). Il a jugé que l'autorisation de retirer des affidavits et de les remplacer par d'autres ayant à peu près la même teneur, relevait des pouvoirs discrétionnaires du juge. Dans cette affaire cependant, il n'était pas disposé à l'autoriser puisque le témoin de remplacement était moins au courant des faits de la cause que le témoin primaire.

[13]      En l'espèce, il y a indubitablement tentative de retirer du dossier des éléments de preuve pertinents qui y ont été versés. L'affidavit en question a été déposé le 12 novembre 1999, à la suite de l'ordonnance en date du 26 octobre 1999 de la Cour à la défenderesse de déposer dans les 30 jours tous les affidavits sur lesquels elle comptait s'appuyer. La requête en retrait d'affidavit doit être examinée à la lumière de l'affidavit déjà déposé par Mme Venne et par lequel elle affirmait qu'elle ne savait pas s'il y avait une liste des membres de la bande ou une liste de ceux qui avaient le droit de voter aux élections du 25 avril 1999. Non seulement le retrait empêchera le contre-interrogatoire, mais il est manifestement un élément de la stratégie visant à limiter l'accès des demandeurs aux éléments d'information pertinents. Le fait que l'avocat de la défenderesse décide maintenant qu'il ne tient pas à invoquer cet affidavit n'est pas une raison acceptable pour en autoriser le retrait.

[14]      Par ces motifs, la requête en date du 2 février 2000 de la défenderesse a été rejetée. La Cour a pris en délibéré la question des dépens, à décider en même temps que les dépens relatifs à la requête en date du 21 janvier 2000 des demandeurs.

La requête du 21 janvier 2000

[15]      Cette requête des demandeurs tend à la production par Mme Venne de la liste des membres de la bande à la date du 25 avril 1999 et à la comparution de M. Gladue pour contre-interrogatoire sur son affidavit.

[16]      L'avocat de la défenderesse soutient que Mme Venne ne peut pas être forcée à produire la liste des membres de la bande à la date du 25 avril 1999, puisqu'elle ne l'avait jamais eue en sa possession. Comme noté supra, elle a affirmé, par affidavit en date du 28 janvier 2000, qu'elle n'avait jamais vu une liste d'électeurs ou une liste des membres de la bande. (L'avocat des demandeurs soutient que du fait de ce seul aveu, la Cour peut faire droit en cet état de la cause à leur chef de requête, sans plus).

[17]      La défenderesse cite encore à l'appui Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l'information), [1998] 1 C.F. 337 (1re inst.); Société canadienne des postes c. A.F.P.C. (1999), 164 F.T.R. 288; Brychka c. Canada (1998), 141 F.T.R. 258; Beno c. Le juge Létourneau et al. (1997), 130 F.T.R. 183; Veale c. M.R.N. (1998), 143 F.T.R. 33; Eli Lilly and Co. c. Novopharm Ltd. (1996), 67 C.P.R. (3d) 362 (1re inst.). Ces précédents ne lui sont d'aucun secours.

[18]      Dans Canada (P.G.) c. Canada (Commissaire à l'information), la requête en communication de documents a été rejetée parce que les documents en question étaient protégés et que la loi applicable en exemptait la divulgation.

[19]      Dans Société canadienne des postes, la requête en production de documents a été rejetée parce que la requérante n'avait demandé ni la communication des documents en question au moment de la décision entreprise, ni leur versement dans le dossier.

[20]      Dans Brychka, la Cour a déclaré inadmissibles les nouvelles preuves médicales qui n'avaient pas été soumises à l'autorité dont la décision était attaquée.

[21]      Dans Beno, les documents demandés étaient énumérés en termes très généraux, par exemple : " toutes correspondance, notes, notes de service, procès-verbaux de réunions et discussions que les commissaires et leurs collaborateurs, dont les avocats, ont reçus ou préparés " au sujet de la délivrance d'avis en application de l'article 13, et de l'interconnexion des phases de l'enquête sur la Somalie. La Cour a rejeté la requête en production de ces documents par plusieurs motifs : il n'était pas certain que les documents internes de la Commission avaient un rapport avec le recours des demandeurs contre les avis délivrés en application de l'article 13; la requête était trop générale et trop vague; il n'était même pas certain que ces documents existaient; les demandeurs avaient déjà accès à tous les documents pertinents, lesquels faisaient partie du dossier de la procédure devant l'autorité responsable.

[22]      Dans l'affaire Veale, le demandeur cherchait à se faire communiquer le contenu du dossier fiscal d'autres contribuables. Il a été jugé que ces renseignements étaient confidentiels et qu'il n'avait le droit de consulter que les renseignements relatifs à son propre dossier fiscal.

[23]      Dans l'affaire Eli Lilly, il a été jugé que le contre-interrogatoire sur les affidavits déposés dans le cadre d'un recours en contrôle judiciaire est plus restreint que l'interrogatoire préalable et est limité aux éléments pertinents qui se dégagent de ces affidavits. Et que la documentation et les réponses recherchées en l'occurrence ne tombaient pas dans cette catégorie.

[24]      En l'espèce, il se peut que Mme Venne n'eût pas en sa possession la liste des membres de la bande ou la liste des électeurs, mais il ressort du dossier qu'elle se fondait sur une liste de ce genre pour décider qui était admissible à voter et qui ne l'était pas. C'est ce qui se dégage des questions qu'elle posait au commis à l'inscription des membres de la bande. Le ou les documents en question ne sont certainement ni confidentiels ni protégés, et certaines personnes qui participaient à la réunion lui ont demandé de produire la liste des membres de la bande. Cette demande n'est ni vague ni générale; elle porte sur des documents spécifiques. Elle a un rapport direct avec l'affidavit de Mme Venne. Le Rapport final de la directrice du scrutin, Élection du 25 avril 1999 de Lubicon, est mentionné dans cet affidavit et a été versé au dossier de la demande.

[25]      Il ne s'agit donc pas d'un cas où les documents demandés n'étaient pas utilisés par l'autorité qui a rendu la décision attaquée; ni d'un cas où il n'y a pas eu de demande qu'ils soient produits pour être versés au dossier de la demande; ni d'un cas où ils sont confidentiels ou protégés de par leur nature; ni d'un cas où ils représentent des éléments de preuve nouveaux qui n'étaient pas produits devant l'autorité en question; ni d'un cas où ils ne présentent aucun rapport avec le recours en contrôle judiciaire ou avec l'affidavit de Mme Venne. Ce ou ces documents doivent être produits. La Cour rendra une ordonnance en ce sens.

[26]      La défenderesse refuse de faire comparaître M. Gladue pour contre-interrogatoire par ce motif que son avocat ne compte pas invoquer son témoignage.

[27]      Les conclusions écrites déposées par cet avocat n'ajoutent guère aux arguments supra, qu'a proposés la défenderesse pour demander le retrait de l'affidavit de M. Gladue du dossier. Par les motifs ci-dessus, il est clair que celui-ci doit comparaître pour être contre-interrogé. Une ordonnance sera rendue en ce sens.

[28]      Vu l'attitude entièrement déraisonnable de la défenderesse vis-à-vis de la procédure, elle est condamnée à verser immédiatement aux demandeurs leurs dépens des deux requêtes, et ce sur une base avocat-client.

     Signé : B. Reed

     ________________________________

     Juge

Ottawa (Ontario),

le 24 février 2000


Traduction certifiée conforme,



Bernard Olivier, LL.B.


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



DOSSIER No :              T-875-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Michael Ominayak c. Sharon Venne


LIEU DE L'AUDIENCE :          Edmonton (Alberta)


DATE DE L'AUDIENCE :          Mercredi 9 février 2000

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MME LE JUGE REED


LE :                      Jeudi 24 février 2000



ONT COMPARU :


M. Richard Gariepy                  pour le demandeur

M. Ronald Johnson                  pour la défenderesse



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Richard Gariepy                  pour le demandeur

Edmonton (Alberta)

Roddick & Johnson                  pour la défenderesse

Edmonton (Alberta)

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