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Date : 20020711

Dossier : T-28-01

Ottawa (Ontario), le 11 juillet 2002

En présence de Madame le juge Layden-Stevenson

ENTRE :

                                                         THOMAS C. CAHILL

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


Date : 20020711

Dossier : T-28-01

Référence neutre : 2002 CFPI 773

ENTRE :

                                                         THOMAS C. CAHILL

                                                                                                                                        demandeur

                                                                            et

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LAYDEN-STEVENSON


        Le demandeur Thomas C. Cahill est employé dans la fonction publique fédérale depuis le mois de décembre 1983. Le 17 janvier 2000, il a déposé une plainte auprès de la Commission de la fonction publique (la CFP) en alléguant ne pas avoir été traité d'une façon conforme au droit de priorité qui lui était reconnu au paragraphe 30(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, dans sa forme modifiée (la Loi). À la suite d'une enquête qui a été effectuée en vertu de l'article 7.1 de la Loi, l'agent de recours, dans une décision en date du 21 décembre 2000, a conclu que la plainte n'était pas fondée. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l'agent chargé de recours.

        Il s'agit de savoir si cette affaire n'a plus qu'un intérêt théorique et, dans la négative, si la politique de la CFP relative aux bénéficiaires de priorité contrevient aux dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi.

        Jusqu'au mois d'octobre 1999, le demandeur travaillait à Service correctionnel Canada, à l'établissement de Bath, à Kingston (Ontario). Le 21 octobre, il a quitté ce poste pour se réinstaller à Ottawa avec sa conjointe. En vertu de la Loi, il avait droit à un congé de cinq ans désigné comme congé en raison de la réinstallation du conjoint; il s'est prévalu de ce droit. Lorsque le poste qu'il occupait auparavant à l'établissement de Bath a été comblé par un autre fonctionnaire du ministère, le 20 décembre 1999, les dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi ont pris effet à l'égard du demandeur. En résumé, le paragraphe 30(1) prévoit que les fonctionnaires qui sont en congé et qui sont remplacés par une autre personne ont le droit d'être nommés en priorité absolue à tout nouveau poste de la fonction publique auquel ils se portent candidats.


        À l'automne 1999, en prévision de son installation à Ottawa (Ontario), le demandeur a transmis son curriculum vitae à la CFP et à divers ministères fédéraux. Il s'inquiétait de ses perspectives d'emploi parce que son expérience se rapportait à l'exploitation et qu'il n'était pas bilingue. Il voulait obtenir un emploi le plus tôt possible et il était prêt à accepter un poste pour une période déterminée plutôt que pour une période indéterminée afin d'obtenir un emploi.

        Le demandeur a rencontré le conseiller en ressources humaines à la CFP et a demandé à être présenté comme candidat en sa qualité de fonctionnaire ayant, en vertu de la loi, droit à la priorité. Il a demandé à être présenté pour une trentaine de postes et, au mois de mars 2000, sa candidature avait été présentée une cinquantaine de fois. Le 21 mars 2000, le demandeur a obtenu un poste pour une période déterminée auprès du ministère de la Justice et, au mois de novembre 2001, il a accepté un poste pour une période indéterminée auprès du ministère du Solliciteur général.


        Au moment où il a déposé sa plainte au mois de janvier 2000, le demandeur n'avait pas d'emploi. L'enquête sur la plainte a été effectuée au moyen d'une entrevue factuelle qui a eu lieu le 9 mai 2000 à Ottawa. D'autres renseignements ont été soumis par la CFP le 22 mai et la réponse que le demandeur a donnée à ces renseignements a été soumise le 24 mai. Après l'entrevue factuelle, l'agent de recours a demandé des renseignements additionnels auprès de divers ministères. Le demandeur avait obtenu un poste (qui était disponible pour une période indéterminée, mais qui, selon le choix que le demandeur avait fait, était devenu un poste pour une période déterminée) avant la date de l'entrevue factuelle et avait fait savoir au conseiller en ressources humaines qu'il ne voulait plus être présenté puisqu'il occupait un poste au ministère de la Justice, mais il ne s'est pas désisté de sa plainte. Le demandeur avait deux préoccupations principales au sujet de la façon dont il avait été traité et il voulait aller de l'avant et faire examiner l'affaire. En premier lieu, le demandeur s'inquiétait de ce que, après que sa candidature eut été présentée à de nombreux postes pour une période déterminée, il n'avait eu que cinq ou six entrevues au cours des six mois qui avaient précédé une offre d'emploi. Il semblait au demandeur qu'après la présentation, les ministères réévaluaient les candidats et les éliminaient souvent. En second lieu, le demandeur croyait que l'élément de la politique de la CFP se rapportant à la dotation des postes pour une période déterminée contrevenait aux dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi.

        L'enquête a eu lieu et l'agent de recours a fait connaître sa décision le 21 décembre 2000 sous la forme d'un [TRADUCTION] « Rapport d'enquête sur dossier » de vingt-six pages. Le 10 janvier 2001, le demandeur a présenté une demande de contrôle judiciaire à l'encontre de la décision; il demandait les réparations ci-après énoncées :

[TRADUCTION] Une ordonnance enjoignant à la CFP de présenter la candidature du demandeur à tous les postes pour lesquels la CFP le juge qualifié, et ce, qu'il s'agisse d'une nomination pour une période déterminée ou d'une nomination pour une période indéterminée. Cette ordonnance est nécessaire afin de protéger le droit reconnu au demandeur en vertu du paragraphe 30(1) de la LEFP d'être nommé sans concours et en priorité absolue à un poste de la fonction publique pour lequel la Commission le juge qualifié.


Si la Cour se prononce en sa faveur, le demandeur demande à la Cour de lui accorder les dépens et des dommages-intérêts ou toute autre réparation qu'elle estime raisonnable et juste par suite de l'omission de la CFP d'observer le paragraphe 30(1) de la LEFP et du préjudice financier qui lui a ainsi été causé. À la date de la présente demande, le demandeur réclame des dommages-intérêts d'un montant de 25 000 $ par suite de la perte de salaire et d'avantages.

        Étant donné que le demandeur a renoncé à la deuxième demande de réparation au début de l'audience, je n'ai pas à examiner cette question. Il suffit de dire qu'avant de comparaître à l'audience, le demandeur a appris que la Cour n'avait pas compétence pour accorder des dommages-intérêts dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire.

        L'autre question, la question relative au caractère théorique, est plus importante. Il est reconnu qu'au mois de novembre 2001, le demandeur a accepté un poste pour une période indéterminée au sein du ministère du Solliciteur général. Par conséquent, les dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi sur lesquelles le demandeur se fonde ne s'appliquent plus parce que le statut prioritaire du demandeur a pris fin lorsqu'il a accepté un poste pour une période indéterminée.

      Il n'est donc pas surprenant que le défendeur soutienne que la demande n'a plus qu'un intérêt théorique. Le demandeur, qui est prêt à reconnaître que la demande n'a plus qu'un intérêt théorique si la Cour arrive à cette conclusion, déclare agir pour son propre compte et ne pas connaître la doctrine relative au caractère théorique; il affirme que lorsqu'il avait présenté la demande de contrôle judiciaire au mois de janvier 2001, il n'avait pas prévu que l'affaire ne serait entendue qu'au mois d'avril 2002.



      En se fondant sur l'arrêt Borowski c. Canada (Procureur général) et autres, [1989] 1 R.C.S. 342, le défendeur affirme que, conformément à la doctrine relative au caractère théorique, si la décision du tribunal n'a pas pour effet de résoudre un litige qui a des conséquences sur les droits des parties, le tribunal devrait refuser d'entendre l'affaire. L'analyse en deux temps énoncée dans l'arrêt Borowski comporte l'examen de la question de savoir : (i) si le différend concret et tangible a disparu; (ii) dans l'affirmative, si le tribunal doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l'affaire. Le défendeur affirme que s'il est répondu par l'affirmative à la première question, en d'autres termes, s'il n'existe aucun « litige actuel » , l'affaire n'a plus qu'un intérêt théorique. Il affirme que, puisque le demandeur a accepté une offre d'emploi pour une période indéterminée au mois de novembre 2001, il a perdu son droit de priorité et le différend a donc disparu. Quant à la deuxième étape de l'analyse, le défendeur se fonde sur l'arrêt Alliance de la fonction publique du Canada c. Communications Security Establishment (1989), 97 N.R. 382 (C.A.F.), et soutient que la Cour ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour entendre la demande au fond parce que la politique de la CFP, selon laquelle les ministères ne sont pas tenus de demander une autorisation en matière de priorités à la CFP pour doter des postes pour une période déterminée de moins de 12 mois, n'a pas une importance nationale et ne comporte pas de décisions contradictoires. Le défendeur soutient que le demandeur peut tout au plus espérer, si la Cour devait conclure que la décision de l'agent de recours est erronée, que l'affaire soit renvoyée pour être à nouveau tranchée par un agent différent. Pareil résultat ne peut avoir aucun effet pratique pour le demandeur, qui occupe maintenant un poste pour une période indéterminée et qui a perdu son droit de priorité.

      Je suis d'accord avec le défendeur pour dire que la question qui est ici en litige n'a plus qu'un intérêt théorique parce qu'elle ne satisfait pas au critère relatif au « litige actuel » . Un tribunal peut néanmoins décider d'examiner une question théorique si les circonstances justifient la chose. Or, le fait que le demandeur ne connaît pas la doctrine relative au caractère théorique et le fait qu'il y a eu un retard systémique ne constituent pas des circonstances de ce genre. Dans l'arrêt Borowski, la Cour suprême du Canada a examiné les trois raisons d'être de la doctrine relative au caractère théorique, à savoir l'exigence d'un contexte contradictoire, l'économie des ressources judiciaires et la nécessité de faire preuve de retenue judiciaire et de ne pas empiéter sur la fonction législative de notre structure politique. La Cour a expressément dit que le simple fait que la même question puisse se présenter de nouveau, et même fréquemment, ne justifie pas à lui seul l'audition de l'affaire si elle est devenue théorique parce qu'il est préférable de trancher la question dans un véritable contexte contradictoire à moins que le litige ne disparaisse avant d'être résolu. Tel n'est pas ici le cas.


      Je conclus que lorsque le statut prioritaire du demandeur a pris fin au mois de novembre 2001, il n'existait plus de litige actuel entre les parties et que l'affaire n'avait donc plus qu'un intérêt théorique. Je ne suis pas convaincu, et le demandeur n'a pas tenté de me convaincre, qu'il faudrait consacrer des ressources judiciaires à l'examen de l'affaire lorsque même un résultat favorable au demandeur n'aurait aucun effet pratique. La demande de contrôle judiciaire doit être rejetée. Subsidiairement, si je me trompe en tirant cette conclusion, je rejetterais de toute façon la demande, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.

      Le demandeur conteste la politique que la CFP a mise en oeuvre pour traiter le cas des fonctionnaires qui ont droit à la priorité en vertu du paragraphe 30(1) de la Loi, qui est ainsi libellé :


30. (1) Lorsqu'il est en congé et qu'une autre personne a été nommée ou mutée pour une période indéterminée à son poste, le fonctionnaire a le droit, pendant son congé et la période d'une année qui le suit, d'être nommé sans concours et en priorité absolue à un autre poste de la fonction publique pour lequel la Commission le juge qualifié.

30. (1) Where an employee is on leave of absence and another person has been appointed or deployed for an indeterminate period to the position that was occupied by the employee, the employee is entitled, during the leave of absence and for a period of one year thereafter, to be appointed, without competition and in priority to all other persons, to another position in the Public Service for which, in the opinion of the Commission, the employee is qualified.



      La preuve indique que la CFP considère que les fonctionnaires qui sont visés par le paragraphe 30(1) ont le droit d'être nommés en priorité absolue à un poste de la fonction publique fédérale pour lequel ils sont qualifiés. La CFP a mis sur pied une infrastructure administrative destinée à établir un lien entre les fonctionnaires qui ont droit à la priorité et les postes à doter. Aucune disposition de la Loi ne précise la nature de l'infrastructure. Les bénéficiaires de priorité peuvent présenter leur candidature à des postes de leur propre chef ou ils peuvent se prévaloir de l'infrastructure administrative de la CFP. L'infrastructure vise principalement à assurer que les candidats ayant droit à la priorité aient une possibilité raisonnable de se présenter aux postes vacants.


      L'infrastructure administrative comporte deux composantes; elle est définie au chapitre 3 - intitulé « Priorités » des Politiques et lignes directrices en matière de dotation de la CFP. La première composante se rapporte aux postes pour une période indéterminée et aux postes pour une période déterminée de plus de 12 mois. La CFP a un service d'autorisation et de présentation en ce qui concerne cette composante. La CFP tient un répertoire national des bénéficiaires de priorité, lequel renferme des renseignements au sujet des études et des compétences, de la mobilité et des types d'emplois auxquels la candidature des bénéficiaires en question pourrait être présentée. La CFP consulte le répertoire et présente aux ministères concernés les intéressés disponibles qui ont droit à la priorité et qui semblent satisfaire aux exigences des postes à doter. Les ministères déterminent leurs besoins en dotation, énoncent les qualités requises, évaluent les candidats et décident quels candidats sont qualifiés. L'autorisation en matière de priorités est nécessaire pour toutes les nominations et elle est accordée si la CFP ne trouve aucun bénéficiaire qualifié de priorité ou si elle convient avec le ministère que les candidats ayant droit à la priorité qui ont été présentés ne sont pas qualifiés et qu'il n'est pas approprié de les former à nouveau. Les ministères sont chargés de déterminer les qualités requises et de décider des méthodes d'évaluation à employer pour déterminer les qualités d'un candidat. La CFP suppose que l'expertise concernant le contenu d'un emploi incombe au ministère concerné. Elle examine les renseignements obtenus afin de s'assurer qu'une évaluation a été effectuée et que les résultats sont raisonnables.

      La deuxième composante se rapporte aux postes pour des périodes déterminées plus brèves de moins de 12 mois. Cette composante comporte une recherche autonome d'emploi. Les postes à doter sont habituellement annoncés par les ministères au moyen d'affiches ou sur l'Internet. On demande aux bénéficiaires de priorité de présenter directement leur candidature aux ministères qui annoncent les postes. Si un tel bénéficiaire demande à la CFP de présenter sa candidature à un poste, la CFP le fera parfois, si sa charge de travail le lui permet. Le fait qu'un bénéficiaire de priorité présente directement sa candidature au ministère sans être présenté par la CFP ne change rien au droit à la priorité; les ministères sont tenus de respecter ce droit. Rien n'oblige un ministère à obtenir une autorisation en matière de priorités de la CFP avant de doter ces postes. La preuve montre que la plupart des postes à court terme sont comblés par des candidats venant de l'extérieur de la fonction publique.


      En général, la CFP préfère mettre l'accent, au point de vue de l'exploitation, sur la présentation des bénéficiaires de priorité à des emplois pour une période indéterminée ou à des emplois à long terme pour une période déterminée et s'assurer qu'il y a un mécanisme de rechange permettant aux bénéficiaires de priorité d'avoir directement accès à des emplois à court terme pour une période déterminée, et ce, parce que pareils bénéficiaires ne cherchent habituellement pas à occuper des postes pour des périodes déterminées.

      La plainte que le demandeur a déposée au sujet de la politique de la CFP se rapporte à la deuxième composante de l'infrastructure. Le demandeur soutient fondamentalement que la politique énoncée dans la deuxième composante a pour effet de permettre à la CFP d'exclure des dispositions du paragraphe 30(1) de la Loi les nominations pour une période déterminée de moins de 12 mois et les prolongations pour une période déterminée. Ce faisant, le demandeur affirme que la CFP fait une distinction entre les nominations pour une période déterminée et les nominations pour une période indéterminée alors que la Loi ne crée pas pareille distinction et que la politique de la CFP viole donc la Loi. Le demandeur ne conteste pas le droit de la CFP d'établir une politique ou le droit de la CFP de mettre en place des procédures administratives, mais il affirme que pareilles procédures ne doivent pas aller à l'encontre des dispositions législatives. L'argument invoqué par le demandeur sur ce point a été avancé devant l'agent de recours lors de l'enquête effectuée par la CFP. L'agent de recours a conclu que la politique n'était pas contraire au paragraphe 30(1) de la Loi. Il est donc utile d'énoncer les passages des paragraphes 74, 83 et 84 du rapport, dans lesquels cette question est traitée :


[TRADUCTION] Cette politique n'est pas contraire au paragraphe 30(1) de la Loi en ce sens que les droits des fonctionnaires qui peuvent être nommés en priorité continuent à être respectés. En cherchant à établir l'équilibre entre les droits prévus par la loi et des procédures administratives abordables, la CFP a mis l'accent, dans ses politiques, sur la présentation des bénéficiaires de priorité à des postes à doter pour des périodes indéterminées et à des postes à doter à long terme pour des périodes déterminées, tout en veillant à ce qu'il y ait un autre mécanisme permettant à ceux-ci d'avoir directement accès aux emplois à court terme pour des périodes déterminées, c'est-à-dire à leur permettre d'effectuer une « recherche autonome d'emploi » . La CFP est autorisée à établir pareille politique dans le cadre de l'infrastructure administrative régissant le placement des personnes qui peuvent être nommées en priorité. [...]

Comme il en a ci-dessus été fait mention, la Commission de la fonction publique est responsable de la création d'une infrastructure administrative qui donnerait effet au paragraphe 30(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, en veillant à ce que le cas des candidats ayant le droit d'être nommés en priorité soit traité conformément à leur droit. À coup sûr, un certain nombre d'acteurs sont en cause dans l'administration d'un système de priorité, et la définition des rôles et responsabilités est donc une question complexe. [...] Il n'est pas facile d'établir l'équilibre entre les droits prévus par la loi et l'application de procédures administratives à la mesure de ses moyens.

En résumé, la preuve indique en l'espèce que M. Cahill a été évalué par rapport aux qualités requises pour deux postes, qu'il a été jugé qualifié et que des offres d'emploi lui ont été faites. M. Cahill a refusé une offre et il a été nommé à l'autre poste. Par conséquent, le paragraphe 30(1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique a été respecté, mais pas dans le délai prévu par M. Cahill. La politique de la CFP indiquant qu'une autorisation en matière de priorités n'est pas nécessaire dans le cas des nominations effectuées pour une période déterminée de moins de 12 mois, n'est pas contraire au paragraphe 30(1) de la Loi, en ce sens que les droits des fonctionnaires qui peuvent être nommés en priorité continuent à être respectés. La CFP est autorisée à établir pareille politique dans le cadre de l'infrastructure administrative régissant le placement des fonctionnaires pouvant être nommés en priorité. Le manque de communication ou la mauvaise communication existant dans ce cas-ci entre les diverses parties en cause dans le système semblerait donner à entendre qu'il est justifié pour les responsables du système d'autorisation de priorités de la CFP d'assurer un meilleur suivi, mais je conclus que les allégations qui ont été faites dans cette plainte ne sont pas fondées.

C'est à l'égard de ces conclusions que le demandeur sollicite le contrôle judiciaire.


      L'article 35 de la partie IV de la Loi autorise la CFP à prendre toute mesure d'ordre réglementaire nécessaire selon elle à l'application de la Loi. Or, aucun règlement n'a été pris. La CFP a plutôt établi des politiques. Dans la décision Girard c. Canada (1994), 79 F.T.R. 219, Monsieur le juge Rouleau a traité de la distinction à faire entre une politique et un règlement. Il a conclu qu'une politique n'a pas force de loi parce qu'elle ne comporte pas les éléments essentiels d'un règlement. Une politique est de nature administrative plutôt que de nature législative. Dans cette décision-là, le juge Rouleau a conclu que la Cour ne devait pas examiner la politique administrative en question. Dans la décision Byer c. Canada, 2002 CFPI 518, [2002] A.C.F. no 672, Madame le juge Tremblay-Lamer est arrivée à la même conclusion.

      Une politique peut être obligatoire sur le plan interne pour les personnes qui sont tenues de la mettre en oeuvre, mais elle ne peut pas être utilisée ou être invoquée comme moyen de créer des droits externes. Le principe fondamental veut qu'il soit considéré comme non approprié pour les tribunaux d'intervenir dans la politique gouvernementale en l'absence d'une contestation fructueuse fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés : Centre hospitalier Mont-Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), [2001] 2 R.C.S. 281.

      Eu égard aux circonstances de l'espèce, je ne vois rien qui permette de déroger à ce principe fondamental. Mon avis est renforcé par l'article 35 de la Loi dont il a ci-dessus été fait mention et par le paragraphe 41(1), qui est libellé comme suit :



41. (1) Avec l'approbation du gouverneur en conseil, la Commission peut exempter un poste, une personne ou une catégorie de postes ou de personnes de l'application de tout ou partie de la présente loi, si elle estime pareille application difficilement réalisable et contraire aux intérêts de la fonction publique.


       Rien n'indique que le paragraphe 41(1) ait été invoqué en l'espèce, mais il ressort clairement de la disposition en question ainsi que de la Loi dans son ensemble que le législateur voulait conférer à la CFP de larges pouvoirs à l'égard de l'administration de la Loi. Je conclus donc que l'intervention de la Cour en ce qui concerne la politique en question n'est pas appropriée et n'est pas justifiée.

         Enfin, si j'avais conclu qu'il était approprié d'examiner à fond la décision du 21 décembre 2001, j'aurais jugé convaincantes les conclusions tirées par l'agent de recours. Je souscris à l'avis selon lequel la politique de la CFP ne viole pas le paragraphe 30(1) de la Loi.

         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Carolyn A. Layden-Stevenson »

Juge

Ottawa (Ontario)

le 11 juillet 2002

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                              T-28-01

INTITULÉ :                                                                             Thomas C. Cahill

c.

le procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                                                    le 17 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                    Madame le juge Layden-Stevenson

DATE DES MOTIFS :                                                          le 11 juillet 2002

COMPARUTIONS:

M. Thomas C. Cahill                                                                                            POUR SON PROPRE COMPTE

Mme Marie-Josée Montreuil                                                                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Morris Rosenberg                                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada                                       

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