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Date : 20011129

Dossier : T-754-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1315

ENTRE :

                                                        BAUER NIKE HOCKEY INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                                   et

                                                                      PAUL REGAN

                                                                                                                                                      défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

[1]                 Il s'agit d'une requête présentée par le défendeur dans le cadre d'une action en contrefaçon de brevet en vue d'obtenir une ordonnance radiant le paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse ou, subsidiairement, une ordonnance enjoignant à la demanderesse de fournir de plus amples précisions sur ce paragraphe de même que sur le paragraphe 24 de la déclaration modifiée de la demanderesse.


Genèse de l'instance

[2]                 Le défendeur est l'inventeur et le propriétaire du brevet canadien no 2219072 (le brevet 072), qui a été délivré le 22 août 2000. L'invention révélée dans le brevet 072 est un maillot de hockey muni d'un protège-poignet et d'un protège-cou intégrés, ce qui permet au joueur de hockey de s'habiller et de se déshabiller plus rapidement et simplifie l'entretien et le rangement des vêtements de hockey et des dispositifs de protection.

[3]                 La demanderesse fabrique et vend des produits qui comportent certains éléments et certaines caractéristiques de l'invention révélée par le brevet 072.

[4]                 Le 9 août 2001, la demanderesse a signifié au défendeur une déclaration modifiée dans laquelle elle sollicitait notamment les réparations suivantes :

           a)         un jugement déclarant que les produits de la demanderesse ne contrefont pas les revendications du brevet 072;

           b)         un jugement déclarant invalides certaines des revendications du brevet 072.


[5]                 Au paragraphe 24 de sa déclaration modifiée, la demanderesse allègue que le brevet 072 est invalide au motif qu'il ne respecte pas l'article 28.3 de la Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-4 (la Loi), étant donné que l'objet que définit la revendication était évident pour une personne versée dans l'art ou la science dont relève l'objet. La demanderesse énumère en outre quatorze (14) documents sur l'état antérieur de la technique au soutien de cette allégation.

Analyse

[6]                 Je vais d'abord examiner le paragraphe 25 contesté de la déclaration modifiée de la demanderesse.

[7]                 Voici le texte du paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse :

Le brevet en cause est invalide conformément à l'article 27(3) de la Loi sur les brevets puisque le mémoire descriptif ne décrit pas d'une façon exacte et complète la prétendue invention et n'expose pas clairement le mode de fabrication de la prétendue invention dans des termes complets, clairs, concis et exacts, qui permettent à toute personne versée dans l'art visé par le brevet en cause de fabriquer la prétendue invention. L'insuffisance de la description est due au fait que la réalisation préférentielle décrite ne constitue pas la meilleure manière de réaliser la prétendue invention.

[8]                 Quant à la raison pour laquelle il demande la radiation de ce paragraphe, le défendeur renvoie la Cour à la dernière phrase de ce paragraphe et en particulier au fait que la demanderesse y emploie l'expression « la meilleure manière » .

[9]                 Suivant le défendeur, cette expression déclenche l'application de l'alinéa 27(3)c) de la Loi, qui ne s'applique pas aux faits de l'espèce, étant donné que l'invention en cause n'est pas une « machine » au sens du paragraphe 27(3) de la Loi, lequel est ainsi libellé :


(3) Le mémoire descriptif doit_:

a) décrire d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'invention;

c) s'il s'agit d'une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l'application;

d) s'il s'agit d'un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention en cause d'autres inventions.

(3) The specification of an invention must

(a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;

(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it pertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it;

(c) in the case of a machine, explain the principle of the machine and the best mode in which the inventor has contemplated the application of that principle; and

(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions.

[10]            La demanderesse concède que la présumée invention n'est pas une « machine » au sens de l'alinéa 27(3)c) et elle admet qu'elle ne se fonde nullement sur cet alinéa.


[11]            La demanderesse souligne toutefois que l'expression « la meilleure manière » qui est employée au paragraphe 25 de sa déclaration modifiée évoque la formulation « la meilleure manière de réaliser la prétendue invention » (mots non soulignés dans l'original), qui désigne l'obligation faite à tout inventeur de révéler la meilleure façon de réaliser l'invention conformément aux exigences des alinéas 27(3)a) et b) de la Loi.

[12]            Suivant le paragraphe 3 des observations écrites de la demanderesse, la phrase contestée qui se trouve au paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse ne vise que :

L'obligation de décrire dans son brevet la meilleure manière de réaliser l'invention telle que l'a conçue son inventeur existe depuis toujours. Elle s'inscrit dans le cadre de l'exigence de divulgation complète prévue aux sous-paragraphes 27(3)a) et b) de la Loi sur les brevets (la « Loi » ), et elle s'applique conséquemment à l'égard de toute invention, y compris les objets manufacturés comme le chandail de hockey avec un protège-cou intégré de Regan.

                [TRADUCTION] « En common law, un brevet était toujours jugé invalide, non seulement lorsque l'inventeur induisait le public en erreur, mais aussi s'il ne communiquait pas toutes les connaissances qu'il possédait au sujet de l'invention [...] Ce principe n'est qu'un aspect de l'obligation d'agir de bonne foi imposée à l'inventeur lorsqu'il révèle son invention et il est repris par la loi, qui oblige le requérant à « décrire d'une façon [...] complète l'invention » [...] L'inventeur est simplement tenu de décrire d'une façon exacte et complète en quoi consiste son invention, ce qui suppose nécessairement qu'il doit expliquer la meilleure manière dont il a conçu l'application de son invention. » (Nous soulignons.)

                -              Harold FOX, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions, 4e éd., Carswell Co. Ltd., Toronto, 1969, à la p. 180 (onglet l.4)

                Ce « duty of disclosing the best method as contemplated by the inventor » dont parle Fox découle de l'exigence de bonne foi qui se rattache à l'obligation statutaire « to fully describe the invention » qui est prévue au sous-paragraphe 27(3)a) de la Loi.

[13]            En conséquence, pour ce qui est de la radiation du paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse, je dois me ranger du côté de la demanderesse et conclure, pour les motifs que je viens d'exposer, qu'il n'est pas évident et manifeste que le paragraphe 25 en question devrait être radié. Par conséquent, cette partie de la requête du défendeur est rejetée.


[14]            Je passe maintenant aux éclaircissements réclamés par le défendeur au sujet du paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse et en particulier à sa requête qu'il soit ordonné à la demanderesse d'expliquer les faits sur lesquels elle se fonde pour affirmer que le mémoire descriptif du brevet 072 est incomplet au motif qu'il ne précise pas la meilleure manière de réaliser l'invention.

[15]            Je conviens avec le défendeur qu'il y a lieu d'ordonner à la demanderesse de répondre à cette demande précise, en l'occurrence d'expliquer les faits sur lesquels elle se fonde. Ainsi que le défendeur l'a fait remarquer, si la demanderesse peut affirmer que le brevet ne révèle pas le mode de réalisation préféré, elle peut certainement indiquer sur quel fondement repose cette allégation.

[16]            Bien qu'il soit possible de trouver des décisions qui vont dans le sens contraire, je préfère en l'espèce me fonder sur des jugements qui font davantage autorité pour étayer ma conclusion (voir les décisions Denharco Inc. c. Forespro Inc., [1999_] F.C.J. 849, page 3, paragraphes 10 et 11; B & J Manufacturing Co. c. Canadian Pneumatic Tool Co. (Ltd.) (1984), 77 C.P.R. (2d) 257, à la page 259 et Contour Optik Inc. c. Hakim Optical Laboratory Ltd., [2001] F.C.J. 275, aux pages 11 et 12).

[17]            Quant aux précisions réclamées par le défendeur au sujet du paragraphe 24 de la déclaration modifiée de la demanderesse, je suis également d'accord avec lui pour dire qu'il y a lieu d'ordonner à la demanderesse de préciser quels sont les extraits des documents énumérés au paragraphe 24 de sa déclaration modifiée sur lesquels elle se fonde pour affirmer que le brevet 072 est invalide au motif qu'il ne respecte pas l'article 28.3 de la Loi.

[18]            Il est de jurisprudence constante qu'on ne peut se contenter de renvoyer à une liste de brevets ou à d'autres publications lorsqu'il y a allégation d'absence de nouveauté ou d'évidence. La partie qui invoque la nouveauté ou l'évidence doit fournir des précisions exactes sur les documents auxquels on renvoie dans les allégations (Denharco Inc., précité).

[19]            Une ordonnance sera rendue en conséquence.

          « Richard Morneau »      

                                                                                                Protonotaire                             

Montréal (Québec)                                                                                                               

Le 29 novembre 2001

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


                          COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ :


T-754-01

BAUER NIKE HOCKEY INC.          

                                                                    demanderesse

et

PAUL REGAN

                                                                          défendeur


LIEU DE L'AUDIENCE :Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :Le 2 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

DATE DES MOTIFS :Le 29 novembre 2001

COMPARUTIONS :


Marc-André Huot

pour la demanderesse


Gregory A. Piasetzki

John Bujan

pour le défendeur


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Smart & Biggar

Montréal (Québec)

pour la demanderesse

Piasetzki & Nenniger

Toronto (Ontario)

pour le défendeur



Date : 20011129

Dossier : T-754-01

Montréal (Québec), le 29 novembre 2001

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

ENTRE :

                              BAUER NIKE HOCKEY INC.

                                                                                          demanderesse

                                                         et

                                            PAUL REGAN

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

La demanderesse devra, dans les trente (30) jours suivant la date du prononcé de la présente ordonnance, préciser :

           1.         Les raisons pour lesquelles elle affirme que le mémoire descriptif du brevet canadien no 2219072 est insuffisant au motif qu'il n'explique pas la meilleure façon de réaliser l'invention. Les autres précisions réclamées par le défendeur au sujet du paragraphe 25 de la déclaration modifiée de la demanderesse sont refusées;


           2.         Les extraits des documents énumérés au paragraphe 24 de la déclaration modifiée de la demanderesse sur lesquels la demanderesse se fonde pour affirmer que le brevet canadien no 2219072 est invalide au motif qu'il ne respecte pas l'article 28.3 de la Loi sur les brevets.

Le défendeur a quinze (15) jours à compter de la date de la signification des précisions susmentionnées pour déposer et signifier sa défense.

Comme chacune des parties obtient en partie gain de cause, les dépens suivront l'issue de la cause.

La requête du défendeur est à tous autres égards rejetée.

          « Richard Morneau »      

                                                                                                Protonotaire                             

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL. L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                Date : 20011129

                                             Dossier: T-754-01

ENTRE :

BAUER NIKE HOCKEY INC.

                                                   demanderesse

et

PAUL REGAN

                                                           défendeur

                                                                                                     

        MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                                                                     

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