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Date : 20030905

Dossier : T-99-01

Référence : 2003 CF 1035

Ottawa (Ontario), le 5 septembre 2003

Présent :            L'honorable juge Blais

ENTRE :

                                                               S & M BRANDS, INC.,

                                                         d.b.a. BAILEY'S CIGARETTES

                                                                                                                                                  demanderesse

                                                                                   et

                                             ALAIN PAUL, DONALD PAUL, LUC PAUL

                                                  et GESTION A.D.L. TOBACCO ENR.

                                                                                                                                                       défendeurs

                                                                                   et

                                             ALAIN PAUL, DONALD PAUL, LUC PAUL

                                                  et GESTION A.D.L. TOBACCO ENR.

                                                                                                                         demandeurs reconventionnels

                                                                                   et

                                                               S & M BRANDS, INC.,

                                                         d.b.a. BAILEY'S CIGARETTES

                                                                                                                     défenderesse reconventionnelle

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


1.                    Il s'agit d'une requête des défendeurs visant à permettre à monsieur Normand Gobeil et à madame Christine Gobeil de les représenter et d'assister leur procureur lors de l'interrogatoire hors cour de monsieur Steven Bailey.

2.                    Dans l'ordonnance en date du 30 juillet 2003, madame le juge Simpson a fixé l'interrogatoire du représentant de la demanderesse monsieur Stephen Bailey aux 12 et 13 août 2003.

3.                    Étant inhabile à suivre l'interrogatoire en anglais, les défendeurs Alain Paul, Donald Paul et Luc Paul ont demandé à monsieur Normand Gobeil et à madame Christine Gobeil, les anciens propriétaires de l'entreprise, d'être présents à l'interrogatoire aux fins d'assister l'avocat au dossier. De plus, suivant le paragraphe 11 de l'affidavit de monsieur Alain Paul daté du 13 août 2003, monsieur Paul, à titre de président de Gestion A.D.L. Tobacco Enr., nomme monsieur et madame Gobeil à titre de représentants de Gestion A.D.L. Tobacco Enr. pour être présents lors de l'interrogatoire.

4.                    Il apparaît clairement de la preuve présentée devant la Cour que l'incapacité pour les défendeurs Alain Paul, Donald Paul et Luc Paul de comprendre la langue anglaise alors que l'interrogatoire du représentant de la partie demanderesse se fera en anglais constitue un handicap sérieux dont les défendeurs seront susceptibles de subir un préjudice.

5.                    Il est proposé que monsieur et madame Gobeil représentent les défendeurs; ceux-là ont une connaissance approfondie des événements qui se sont produits entre les parties, ayant agi à l'époque des événements à titre de représentants de la co-défenderesse Gestion A.D.L. Tobacco Enr. dans ses discussions avec la partie demanderesse S & M Brands Inc., cela pourrait permettre une plus grande efficacité lors de l'interrogatoire.

6.                    Les parties de part et d'autre ont également soulevé la possibilité sinon la probabilité que Normand Gobeil et Christine Gobeil soient des témoins lors de l'audition au fond de cette cause.


7.                    Le procureur de la partie demanderesse suggère que monsieur et madame Gobeil sont des tiers ayant un intérêt dans le dossier puisqu'ils sont les anciens propriétaires de l'entreprise et qu'à cet effet, ils ne devraient pas être autorisés à représenter les parties lors de l'interrogatoire.

8.                    La question s'est déjà présentée tant devant la Cour fédérale que dans d'autres instances que des tiers aient été autorisés à assister un procureur lors d'un interrogatoire hors Cour.

9.                    Dans Nash c. Sanjel Cementers Ltd., 2 C.P.R. (4th) 528, le protonotaire Hargrave précise:

[3] [...] Dans certaines circonstances, il y a lieu qu'un expert assiste à un interrogatoire préalable pour donner des conseils, mais d'autres catégories de personnes peuvent souvent, par entente ou par ordonnance, être présentes afin de favoriser un déroulement harmonieux et efficace de l'interrogatoire préalable. [...]

[21] En fait, lorsqu'il est possible à une partie de rendre un interrogatoire plus efficace, plus utile et plus complet en tirant profit, dès lors, des connaissances d'une personne au courant des méandres de l'affaire, cette connaissance devrait être accessible au moment où elle est utile.

10.              Plus loin, le protonotaire Hargrave ajoute:

[23] Contrairement à l'instruction, l'interrogatoire préalable est une procédure privée. Il ne faut quand même pas oublier que les règles et la procédure qui s'appliquent à l'interrogatoire préalable visent à fournir une procédure efficiente et efficace. En outre, l'interrogatoire préalable vise, entre autres choses, à éviter toute surprise à l'instruction. Enfin, le processus de l'interrogatoire préalable doit être juste pour les deux côtés.

[24] Pour atteindre ces objectifs, l'avocat peut vouloir amener à l'interrogatoire une personne-ressource, un spécialiste ou un conseiller dans un certain domaine pertinent. La spécialité peut être celle d'un expert indépendant que l'avocat peut appeler à témoigner à l'instruction, mais dans d'autres cas, le spécialiste en question peut être un gestionnaire de documents, un expert technique ou simplement une personne qui connaît le dossier et qui, par l'application de ses connaissances, mais sans s'immiscer dans l'affaire, est essentielle à la fois à l'avocat et au bon déroulement de l'interrogatoire préalable. [...]

11.              Je n'ai nulle hésitation à conclure que monsieur et madame Gobeil entrent définitivement dans cette catégorie.


12.              Également, le juge Klebuc, dans le dossier Ormiston v. Matrix Financial Corp., [2002] S.J. No. 383, 2002 SKQB 257, Q.B.G. No. 2298 of 2000 J.C.S., après avoir rappelé plusieurs causes de jurisprudence dont l'arrêt Nash précité, a établi certains principes généraux applicables quant à la présence de tiers-parties lors de l'interrogatoire. Il précise au paragraphe 16:

[16] From the aforementioned and other authorities reviewed, I have extracted the following general principles applicable to the presence of nonparties at examinations for discovery:

1.      Only the parties and their respective counsel, or in the case of the corporation, its agent, may attend an examination for discovery unless the parties have consented to the presence of a non-party, or the examining officer has granted the non-party leave to be present. In this jurisdiction, the local registrar or deputy registrar would normally be the examining officer, and failing them, a judge of this Court.

2.      The examining officer and/or judge may exercise his or her discretion by granting leave for a non-party to assist at an examination in any of the following circumstances, which are not intended to constitute an exclusive list or to limit the discretion of aforementioned persons:

(a)     where the level of expert knowledge, technical, scientific or otherwise, relevant to the issues in an action is beyond counsel and therefore legal counsel may be unable to conduct a proper examination without the assistance of an expert, specialist or technician. For example, the calculation of damages in a personal injury action is a matter that counsel should be able to address and therefore the presence of an accountant normally would not be permitted at an examination. The qualification of the expert assistant need not meet the thresholds applicable to experts testifying at trial;

(b)    a non-party who is not a professional expert concerning a particular complex issue before the court but who has the knowledge or abilities that will make the discovery process run smoothly and expeditiously, usually will be allowed to attend an examination for discovery in the capacity of an expert assistant. The ability to manage documents in an action involving a substantial number of documents, or familiarity with financial records, may be sufficient to warrant such person being given leave to assist at an examination;

(c)     where a party requires the assistance of a non-party in special circumstances; for example, an aged mother might be accompanied by her son or daughter.

3.      The burden of establishing that a specific non-party should be allowed to attend at an examination for discovery rests with the party seeking the non-party's assistance. In most circumstances an affidavit setting out the applicant's needs, counsel's concerns and how the non-party can assist will be essential.

4.      Where the applying party has met the requirements set forth in paragraphs 2 and 3, the burden of proving prejudice or other ground for excluding the non-party rests with the party opposing his or her inclusion from the examination for discovery process.


13. Le procureur de la partie demanderesse a cité certaines jurisprudences qui doivent être écartées puisque dans la majorité des cas il s'agissait soit de tiers-parties directement reliées à la cause en l'instance ou encore qui pouvaient subir un préjudice du résultat de l'interrogatoire ou encore qui tentaient de s'immiscer à l'intérieur d'une instance sans y avoir été invitées. Dans le cas qui nous occupe, il est clair qu'il ne s'agit pas d'une tentative de monsieur et madame Gobeil de s'immiscer dans une affaire qui ne les regarde pas mais plutôt de répondre favorablement à une demande d'une des parties d'assister le procureur avec leur consentement.

14. Le procureur de la partie demanderesse a fait état, à juste titre, qu'un interrogatoire préalable demeure une affaire privée entre les parties et qu'il ne serait pas raisonnable que la présence de tiers-parties puisse être autorisée de façon régulière lors de ces interrogatoires. Je suis d'accord avec le procureur de la partie demanderesse mais force est d'admettre que la situation particulière du dossier ainsi que les arguments convaincants à l'effet que la présence de monsieur Normand Gobeil et de madame Christine Gobeil fera en sorte que le processus de l'interrogatoire sera plus expéditif et ce, avec le consentement des défendeurs, sont des arguments de taille.

15. Finalement, bien qu'il n'ait pas été établi devant moi que Gestion A.D.L. Tobacco Enr. soit une corporation mais qu'il apparaît davantage qu'il s'agisse d'un « general partnership » , il semble qu'à titre de président de ce « general partnership » monsieur Alain Paul ait décidé de nommer monsieur et madame Gobeil pour le représenter lors de l'interrogatoire. Ceci constitue, par ailleurs, un geste tout à fait légitime puisque le président dudit partnership est sans nul doute mieux placé que quiconque pour décider qui est le mieux placé pour représenter le groupe pour assister l'avocat lors de l'interrogatoire.

16. En conséquence, la requête de la partie défenderesse m'apparaît bien fondée.

                                           ORDONNANCE


LA COUR ORDONNE QUE:

-                       Monsieur Normand Gobeil et madame Christine Gobeil soient autorisés à assister le procureur des défendeurs lors de l'interrogatoire du représentant de la demanderesse monsieur Steven Bailey;

-                       La date de l'interrogatoire ayant été déjà fixée par madame le juge Simpson au 12 et 13 août 2003, les parties devront prendre les dispositions pour que ledit interrogatoire puisse se tenir dans les 30 jours de la présente ordonnance;

-                       Le tout avec dépens en faveur des parties défenderesses.

                      Pierre Blais                         

                J.C.F.


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                         

DOSSIER :                 T-99-01

INTITULÉ :              S & M BRANDS, INC. ET AL

v.

ALAIN PAUL ET AL

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Montréal

DATE DE L'AUDIENCE :                              18 août 2003

MOTIFS : l'Honorable juge Blais

DATE DES MOTIFS :                                     5 septembre 2003

COMPARUTIONS:

Me Francis Rouleau                                              POUR LE DEMANDEUR

Me Daniel Artola et Me Olivier Kaade              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Blake Cassels & Graydon

Toronto, Ontario                                                  POUR LE DEMANDEUR

McCarthy Tétrault                                               

Montréal, Québec                                                POUR LE DÉFENDEUR

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