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Date : 19990323


Dossier : T-2107-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 MARS 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE :


WRIGLEY CANADA INC.,

demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,

défenderesse.

     ORDONNANCE

     VU la demande présentée par la demanderesse afin de modifier le nom de la demanderesse tel qu"il apparaît dans l"intitulé de la cause en rayant le mot "Inc.", l"avocat de la défenderesse ne s"y objectant pas;

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     L"intitulé de la cause en l"espèce est modifié afin de remplacer Wrigley Canada Inc. par Wrigley Canada.

     J. Richard

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


Date : 19990323

Dossier : T-2107-97

ENTRE :


WRIGLEY CANADA,

demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,


défenderesse.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

NATURE DE L"INSTANCE

[1]      Il s"agit en l"espèce d"une demande de jugement sommaire présentée par la demanderesse afin d"obtenir un jugement déclaratoire.


[2]      La demanderesse demande essentiellement à la Cour un jugement déclaratoire portant que son produit, "EXTRA gomme sans sucre", est un aliment et non une drogue au sens de la Loi sur les aliments et drogues , L.R.C. (1985), ch. F-27 (la Loi), même si la compagnie présente le produit comme pouvant prévenir la carie dentaire.

[3]      Les parties reconnaissent qu"il n"y a aucune question de fait exigeant la tenue d"un procès et que la seule question qui doit être tranchée est une question de droit.

HISTORIQUE

[4]      À divers moments depuis juillet 1986, Wrigley Canada a tenté de faire de la publicité selon laquelle la gomme sans sucre EXTRA combattait la carie dentaire.

[5]      En l986, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes a rejeté un texte publicitaire sur la gomme sans sucre EXTRA indiquant qu"elle "combattait la carie" pour le motif que cette affirmation était telle que la gomme à mâcher était présentée comme étant une drogue.

[6]      Dans une lettre datée du 23 février 1987, l"adjoint du directeur de la Division de l"évaluation des médicaments, Bureau des médicaments en vente libre, Santé Canada, a d"abord pris la position exposée ci-dessous :

         [traduction]

         "Extra" n"est pas une drogue et ne contient aucune substance active. Elle est réglementée à titre "d"aliment" et toute question relative aux revendications qui peuvent être faites ou non relativement à ce produit doit être acheminée à la Direction des aliments de la Direction générale de protection de la santé.                 

[7]      À la suite de rencontres et de discussions avec Santé Canada, le message publicitaire suivant a été diffusé à la télévision aux environs du 26 octobre 1987 :

         [traduction]

         de nouvelles études dentaires ont révélé que la gomme sans sucre EXTRA prise après une collation sucrée entraîne une diminution des acides qui peuvent causer les caries.                 

[8]      Dans une lettre datée du 30 octobre 1987, le sous-ministre de la Santé de l"époque a fait état des revendications susmentionnées et s"est exprimé en ces termes :

         [traduction]

         Cette revendication a été tranchée à la suite de discussions avec des représentants de la Direction générale de la protection de la santé et du ministère de la Consommation et des Affaires commerciales; cependant, une plainte commerciale nous oblige maintenant à réexaminer la revendication. Nous sommes maintenant d"avis que la dernière phrase, savoir "peuvent causer des caries" est une revendication relative à une "drogue" et que, par conséquent, cette formulation est inacceptable en ce qui à trait à un aliment.

[9]      Après d"autres discussions avec Santé Canada, le Dr Liston a déclaré dans une lettre datée du 18 novembre 1987 : [traduction] "La politique de la Direction est que toute mention du fait qu"un produit peut prévenir une maladie est réputée être une revendication relative à une drogue". La lettre reprenait la définition de terme "drogue" de la Loi sur les aliments et drogues et contenait également ce qui suit :

         [traduction]

         Entre-temps, vos clients pourront songer à une formulation différente, acceptable pour eux, de leur message publicitaire, s"ils souhaitent continuer à promouvoir la gomme sans sucre EXTRA comme aliment.         

[10]      Wrigley Canada prétend que "l"effet sur les glandes salivaires", savoir la production de salive dans la bouche par l"effet combiné de la mastication et de la saveur de la gomme, diminue les acides qui forment la plaque dentaire et qui causent les caries et que, par conséquent, le fait de mâcher de la gomme sans sucre permet réellement de combattre la carie.

[11]      Aucune des décisions rendues par le CRTC ou par Santé Canada concernant cette gomme à mâcher n"a été contestée par voie de contrôle judiciaire et je n"ai pas été saisi d"une demande de contrôle judiciaire de ces décisions.

[12]      À l"heure actuelle, la gomme sans sucre EXTRA est emballée, étiquetée et vendue à titre d"aliment.

[13]      On trouve les termes suivants sur l"emballage du produit de la demanderesse : "N"entraînera pas de carie". La demanderesse veut utiliser la revendication : "Prévient la carie dentaire".

QUESTION EN LITIGE

[14]      La question en litige en l"espèce est celle de savoir si le produit "EXTRA gomme sans sucre" de la demanderesse est visé par la définition d"un "aliment" dans la Loi ou, s"il est présenté comme pouvant prévenir la carie dentaire, s"il est visé par la définition d"une "drogue" dans la Loi.

DISPOSITIONS DE LA LOI

[15]      Voici les définitions de l"article 2 de la Loi qui sont particulièrement pertinentes en l"espèce :


"drug" "drogue"

"drug" includes any substance or mixture of substances manufactured, sold or represented for use in

"drogue" "drug"

"drogue" Sont compris parmi les drogues les substances ou mélanges de substances fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant servir :

(a) the diagnosis, treatment, mitigation or prevention of a disease, disorder or abnormal physical state, or its symptoms, in human beings or animals,

a) au diagnostic, au traitement, à l"atténuation ou à la prévention d"une maladie, d"un désordre, d"un état physique anormal ou de leurs symptômes, chez l"être humain ou les animaux;

(b) restoring, correcting or modifying organic functions in human beings or animals, or

b) à la restauration, à la correction ou à la modification des fonctions organiques chez l"être humain ou les animaux;

(c) disinfection in premises in which food is manufactured, prepared or kept;

c) à la désinfection des locaux où des aliments sont gardés.

"food" "aliment"

"food" includes any article manufactured, sold or represented for use as food or drink for human beings, chewing gum, and any ingredient that may be mixed with food for any purpose whatever;

"aliment" "food"

"aliment" Notamment tout article fabriqué, vendu ou présenté comme pouvant servir de nourriture ou de boisson à l"être humain, la gomme à mâcher ainsi que tout ingrédient pouvant être mélangé avec un aliment à quelque fin que ce soit.

ANALYSE

[16]      Les aliments et drogues sont réglementés différemment sous le régime de la Loi sur les aliments et drogues et du Règlement sur les aliments et drogues. De façon générale, aucun permis n"est exigé pour fabriquer, importer ou vendre des aliments. Les ingrédients doivent être de "catégorie alimentaire" et les aliments doivent être fabriqués conformément aux bonnes pratiques de fabrication des aliments.

[17]      L"annexe B du Règlement sur les aliments et drogues décrit le régime réglementaire qui régit la fabrication et la vente d"aliments. Les fabricants d"aliments n"ont besoin d"aucun permis et n"ont aucun droit à payer.

[18]      L"annexe C du Règlement sur les aliments et drogues décrit le régime réglementaire qui régit la fabrication et la vente d"une drogue. D"autres dispositions, non pertinentes en l"espèce, s"appliquent aux drogues contrôlées.

[19]      Contrairement aux aliments, chaque drogue doit faire l"objet d"un processus de demande pour lequel des droits sont exigés et toute drogue doit avoir un numéro d"identification avant d"être vendue. Toute modification de la composition de la drogue exige une nouvelle demande, de nouveaux frais et un nouveau numéro d"identification. Les installations qui servent à la fabrication, à l"emballage, à l"étiquetage, aux essais, à la distribution, à la vente en gros ou à l"importation d"une drogue sont également assujetties au processus de délivrance de permis.

[20]      Par conséquent, les drogues sont réglementées plus sévèrement que les aliments. Il est clair qu"une distinction a été faite entre la réglementation des aliments et celle des drogues afin d"assurer la protection du public en veillant à ce que les produits qui sont présentés comme étant bons pour la santé, au sens des alinéas a) , b) et c), soient sécuritaires et efficaces. Le Parlement a prévu par loi que les personnes qui souffrent de certaines maladies et qui se fient à un produit pour en atténuer les effets doivent être certaines que leur confiance n"est pas mal placée. Pour ce genre de produits, le régime réglementaire applicable aux aliments est clairement insuffisant pour protéger l"intérêt public.

[21]      La demanderesse prétend que le Parlement a déclaré en termes clairs et non équivoques à l"article 2 de la Loi que la gomme à mâcher était un aliment.

[22]      La demanderesse affirme que la gomme sans sucre EXTRA est un aliment et non une drogue et que, par conséquent, elle n"est pas assujettie au Règlement sur les drogues. Elle insiste toutefois sur le fait que le public consommateur est néanmoins protégé par les dispositions des lois sur la protection du consommateur. Elle devra s"assurer que les revendications relatives à la gomme sans sucre EXTRA ne sont pas frauduleuses ni trompeuses et qu"elles reposent sur des essais adéquats et réguliers qui viennent les étayer.

[23]      La défenderesse soutient que lorsque la publicité faite à l"égard d"un produit fait valoir, comme en l"espère, que celui-ci "n"entraînera pas de carie", ce produit doit être réglementé à titre d"aliment. Toutefois, lorsqu"un fabricant de gomme à mâcher décide d"aller plus loin et prétend que son produit "empêche la carie dentaire", le produit est visé par l"article 2 de la Loi et doit être réglementé à titre de drogue.

CONSTATATIONS

[24]      Le produit de la demanderesse est de la gomme à mâcher.

[25]      Le produit de la demanderesse est visé par la définition d""aliment" à l"article 2 de la Loi sur les aliments et drogues en raison des termes "gomme à mâcher" qui y figurent.

[26]      J"estime que le produit en cause, la gomme sans sucre EXTRA, est une substance ou mélange de substances au sens de la définition de "drogue" à l"article 2 de la Loi sur les aliments et drogues .

[27]      J"estime également que la revendication proposée du produit, savoir qu"il "empêche la carie dentaire", présente le produit comme pouvant servir au traitement, à l"atténuation et à la prévention d"une maladie ou d"un désordre.

[28]      La gomme sans sucre EXTRA est une drogue au sens de l"article 2 de la Loi sur les aliments et drogues .

CONCLUSION

[29]      La gomme à mâcher, une substance ou un mélange de substances, pourrait néanmoins être une "drogue" dans certaines conditions appropriées même si elle est mentionnée dans la définition d""aliment". Un produit peut être réglementé à titre d"aliment ou à titre de drogue selon la fin pour laquelle il est fabriqué, vendu ou présenté par le fabricant ou le vendeur.

[30]      La Cour a dit dans une décision concernant l"interprétation des mêmes termes :

         La Cour en arrive donc à la conclusion que, contrairement à ce qu"affirme le juge de première instance, un article qui constitue un aliment peut également constituer une substance susceptible d"être considérée comme une drogue en vertu de la loi. La distinction essentielle entre les deux termes est le fait qu"une substance constituera une drogue aux fins de la loi si elle est vendue ou présentée comme pouvant servir à l"une des fins décrites aux sous-paragraphes a ), b) ou c) de la définition. Cette interprétation est certes conforme aux objectifs de la loi qui visent à protéger le consommateur tant en matière d"aliment que de drogue. Une personne ne peut représenter qu"une substance peut être utilisée pour traiter une maladie qu"à la condition de se soumettre aux exigences de la loi et des règlements en matière de drogue. Une personne ne peut vendre un article qu"elle représente comme étant un aliment qu"à la condition de se soumettre aux exigences de la Loi en matière d"aliments. Un article vendu comme aliment deviendra, pour les fins de la loi, une drogue si l"aliment est vendu comme pouvant servir au traitement d"une maladie. C"est au juge qu"il appartient de déterminer suivant la preuve si l"objet visé est une substance vendue dans les conditions prévues aux sous-paragraphes a ), b) ou c) de la définition du terme "drogue".1

[31]      Il n"est pas contesté que la demanderesse souhaite promouvoir l"utilisation de la gomme sans sucre EXTRA dans le but de prévenir la carie dentaire et que, ce faisant, elle vend ou présente son produit comme pouvant servir à l"atténuation ou à la prévention d"une maladie, d"un désordre, d"un état physique anormal ou de leurs symptômes.

[32]      Je conclus que la gomme sans sucre EXTRA, si elle est présentée de cette façon, devrait être classée comme drogue, au sens de la Loi, même si elle également définie comme aliment dans la Loi.

DÉCISION

[33]      La Cour déclare que le produit "EXTRA gomme sans sucre" est une drogue au sens de la Loi sur les aliments et drogues lorsqu"il est présenté comme pouvant servir à la prévention de la carie dentaire.

[34]      La demande de jugement sommaire de la demanderesse est rejetée avec dépens.

     J. Richard

     Juge en chef adjoint

Ottawa (Ontario)

23 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL. B.


Date : 19990323


Dossier : T-2107-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 23 MARS 1999

EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT

                        

ENTRE :


WRIGLEY CANADA,

demanderesse,


- et -


SA MAJESTÉ LA REINE,

défenderesse.

     ORDONNANCE

     VU la demande de jugement sommaire présentée par la demanderesse afin d"obtenir un jugement déclaratoire portant que son produit "EXTRA gomme sans sucre" est un aliment et non une drogue au sens de la Loi sur les aliments et drogues , L.R.C., (1985), ch. F-27 (la Loi), même s"il est présenté comme pouvant prévenir la carie dentaire;

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

  1. .      La Cour déclare que le produit "EXTRA gomme sans sucre" est une drogue au sens de la Loi sur les aliments et drogues lorsqu"il est présenté comme pouvant prévenir la carie dentaire.
  2. .      La demande de jugement sommaire de la demanderesse est rejetée avec dépens.

     J. Richard

     Juge en chef adjoint

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

N DU GREFFE :                  T-2107-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          WRIGLEY CANADA,

demanderesse,

                         ET

                         SA MAJESTÉ LA REINE,

défenderesse.

LIEU DE L"AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :              16 mars 1999

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD EN DATE DU 23 mars 1999

ONT COMPARU :

Me Gordon B. Greenwood                      pour la demanderesse
Me Frederick Woyiwada                      pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Gordon B. Greenwood                      pour la demanderesse

Maclaren Corlett

Ottawa (Ontario)

Me Morris Rosenberg                          pour la défenderesse

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


__________________

1 R. c. Gilbert Blondin, Pierre-André Gaulin, Compagnie Easy-Ac Product & Service Ltd. (décision non publiée, 7 juin 1992, Cour supérieure (Chambre criminelle), Province de Québec, District de Hull) aux p. 9 et 10.

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