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Date : 20030417

Dossier : T-343-02

Référence : 2003 CFPI 452

Montréal (Québec), le 17 avril 2003

En présence de : L'Honorable juge Danièle Tremblay-Lamer

ENTRE :

                          JEAN-JUDES FAUCHER

                                                                Demandeur

                                    et

                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                Défendeur

                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision du Président du tribunal disciplinaire (le « président » ) selon laquelle il a trouvé le demandeur coupable de l'infraction disciplinaire prévue au paragraphe 40 l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992 ch. 20 (la « Loi » ).

[2]                 Le demandeur est détenu à l'établissement de détention Archambault.


[3]                 Le 17 décembre 2001, l'agent correctionnel Cloutier l'a obligé à lui fournir un échantillon d'urine. Celui-ci a demandé à l'agent Cloutier la permission d'appeler son avocat pour savoir si l'échantillon d'urine pouvait révéler de l'ADN qui pourrait être utilisé contre lui dans d'autres causes. L'agent Cloutier a refusé sa demande.

[4]                 Une audition disciplinaire a eu lieu devant le président indépendant du tribunal disciplinaire de l'établissement Archambault et le demandeur a été trouvé coupable de l'infraction reprochée.

[5]                 Le demandeur soutient que le tribunal disciplinaire a erré en condamnant le demandeur alors que celui-ci avait proposé un règlement informel de la situation.

[6]                 Malgré les prétentions du demandeur, je suis d'avis qu'il ne revient pas au président du tribunal disciplinaire d'enquêter sur le bien-fondé de la décision de porter une accusation disciplinaire contre un détenu mais au directeur de l'établissement pénitencier, et ce, conformément au pouvoir que lui confère le paragraphe 41(2) de la Loi, qui se lit comme suit:



(2)    À défaut de règlement informel, le directeur peut porter une accusation d'infraction disciplinaire mineure ou grave, selon la gravité de la faute et l'existence de circonstances atténuantes ou aggravantes.


    Si le demandeur estimait qu'il y avait eu règlement informel en l'espèce et conséquemment que le directeur ne pouvait prendre la décision de porter une accusation disciplinaire contre lui, il aurait dû contester cette décision au moyen de la procédure de grief prévue aux articles 90 et 91 de la Loi et aux articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en libertésous condition, (DORS/92-620).

[8]                 Le demandeur ne s'est pas prévalu de cette procédure. Il soumet que la procédure de grief n'est pas disponible lorsqu'il s'agit d'infractions disciplinaires puisque l'article 39 de la Loi énonce que seuls les articles 40 à 44 et les règlements sont à prendre en compte en matière de discipline.

[9]                 Il est vrai que la Loi prévoit expressément qu'un détenu ne puisse être trouvé coupable d'une infraction disciplinaire qu'en conformité avec les articles 40 à 44 de la Loi. La version anglaise est plus claire à cet égard: "Inmates shall not be disciplined otherwise than in accordance with sections 40 to 44 and the regulations".

[10]            Cette exigence de la loi n'exclue pas à mon avis la possibilité de contester une décision préalable à l'audition par le président au moyen de la procédure de grief. Ainsi, il sera possible de contester la décision du directeur de porter une accusation d'infraction disciplinaire par la procédure de grief.


[11]            La Directive du Commissaire 580 prévoit d'ailleurs un tel recours à l'article 55:


Un détenu peut présenter un grief lorsqu'il estime que:

                a. Un agent de l'établissement qui a présidé l'audience n'a pas respecté les procédures établies; ou

                b. Les agents de l'établissement n'ont pas suivi les procédures adéquates préalables à l'audition du cas par un président indépendant.

                (Je souligne).

Inmates may use the grievance procedure when they consider that:

                a. an institutional official who chaired the hearing failed to adhere to established procedures; or

                b. institutional officials did not adhere to proper procedures prior to a hearing by the independent chairperson.

                (My emphasis).


[12]            Par contre, l'article 56 de la Directive du Commissaire 580 indique que les décisions rendues par le président indépendant ne peuvent faire l'objet d'un grief.

[13]             Le président indépendant est nommé en vertu de l'alinéa 24(1)a) de la Loi qui prévoit que le ministre doit nommer à titre de président indépendant chargé de procéder à l'audition des accusations d'infraction disciplinaire grave, une personne qui connaît le processus de prise de décisions administratives et qui n'est pas un agent ou un délinquant:


24. (1) Le ministre doit nommer :

a) à titre de président indépendant chargé de procéder à l'audition des accusations d'infraction disciplinaire grave, une personne qui connaît le processus de prise de décisions administratives et qui n'est pas un agent ou un délinquant;

24. (1) The Minister shall appoint

(a) a person, other than a staff member or an offender, who has knowledge of the administrative decision-making process to be an independent chairperson for the purpose of conducting hearings of serious disciplinary offences;


[14]            L'article 9 de la Directive du Commissaire 580 indique que l'infraction du paragraphe 40 l) de la Loi est une infraction grave qui sera jugé par un président indépendant:


9.    Si un détenu est accusé en vertu du paragraphe 40 k) ou l) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, il sera normalement réputé avoir commis une infraction grave et sera jugé par un président indépendant.

9. If an inmate is charged under subsection 40 (k) or (l) of the Corrections and Conditional Release Act, this will normally be considered a major offence and will be heard by the independent chairperson.


[15]            Le paragraphe 43(3) de la Loi prévoit que la personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée:


(3) La personne chargée de l'audition ne peut prononcer la culpabilité que si elle est convaincue hors de tout doute raisonnable, sur la foi de la preuve présentée, que le détenu a bien commis l'infraction reprochée.

3) The person conducting the hearing shall not find the inmate guilty unless satisfied beyond a reasonable doubt, based on the evidence presented at the hearing, that the inmate committed the disciplinary offence in question.


[16]            Ainsi, le rôle de la personne chargée de l'audition, en l'espèce le président, est de tenir une audition afin de déterminer si le détenu est coupable hors de tout doute raisonnable de l'infraction disciplinaire pour lequel il a reçu un avis d'infraction et non de déterminer si l'accusation aurait dû être portée. Il n'y a aucune disposition expresse dans la Loi ni dans les règlements prévoyant que le président doive se substituer au directeur afin de déterminer si les circonstances permettaient d'en venir à un règlement informel.


[17]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                                                                                    « Danièle Tremblay-Lamer »          

      J.C.F.C.


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                         

DOSSIER :                     T-343-02

INTITULÉ:                    JEAN-JUDES FAUCHER

                                                                Demandeur

                                    et

                      PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                Défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :         Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :         Le 15 avril 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE:

L'HONORABLE JUGE TREMBLAY-LAMER

DATE DES MOTIFS :           Le 17 avril 2003

COMPARUTIONS:

Me Daniel Royer                              POUR LE DEMANDEUR

Me Éric Lafrenière                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Labelle, Boudrault, Côté et associés        POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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