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Date : 20030829

Dossier : T-1114-02

Référence : 2003 CF 1014

OTTAWA (ONTARIO), LE 29 AOÛT 2003

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX                             

ENTRE :

                                                                      BRAD KEMPO

                                                                                                                                                     demandeur

                                                                                   et

                                               SA MAJESTÉ DU CHEF DU CANADA

                                                                                                                                               défenderesse

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Les présents motifs se rapportent à un appel interjeté par le demandeur, Brad Kempo, à l'encontre d'une décision rendue le 16 janvier 2003 par le protonotaire Hargrave. L'appel avait été ajourné sine die, mais il a récemment été entendu à Vancouver (Colombie-Britannique).


[2]                 Le demandeur, qui agissait pour son propre compte, avait invoqué l'article 229 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les Règles) et l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5 (la Loi) (cet article a par la suite été modifié par la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, dont l'adoption a donné lieu à l'ajout de nouvelles dispositions à l'article 38) pour demander au protonotaire Hargrave d'ordonner à la défenderesse, Sa Majesté la Reine (la Reine), de produire, sans autres formalités, des documents à l'égard desquels elle avait revendiqué le privilège de non-divulgation dans son affidavit de documents. Toutefois, le demandeur n'a pas contesté la validité, que ce soit sur le plan constitutionnel ou sur un autre plan, de la nouvelle procédure prévue dans les nouvelles dispositions de l'article 38.

[3]                 Le 13 septembre 2002, le demandeur a déposé une déclaration dans laquelle il réclamait à la Reine des dommages-intérêts de plusieurs millions de dollars. Il alléguait que, depuis 1990, la défenderesse avait, par l'intermédiaire de différents organismes et mandataires, commis des actes illégaux, illicites, frauduleux, négligents et conspirateurs à son endroit et à l'endroit d'une société qu'il contrôlait et qui a été désignée comme codemanderesse. La question de la qualité de cette société a été laissée en suspens jusqu'à ce que les questions touchant la représentation soient tranchées.

[4]                 Après avoir déposé sa défense, la Reine a produit un affidavit de documents dans lequel elle a revendiqué le privilège de non-divulgation à l'égard de neuf documents [traduction] « dont le contenu et les détails sont des renseignements sensibles, et dont la divulgation pourrait compromettre les affaires internationales ou la sécurité nationale » .

[5]                 Le procureur général du Canada a autorisé la divulgation des faits suivants en vertu de l'article 38.03 de la Loi :

(1)        il avait reçu l'avis prévu à l'article 38.01 de la Loi;

(2)        il n'avait pas autorisé la divulgation des neuf documents en vertu de l'article 38.03 de la Loi;

(3)        il allait formuler une demande auprès de la Cour fédérale en application de l'article 38.04.

[6]                 L'ordonnance par laquelle le protonotaire Hargrave a rejeté la requête du demandeur est libellée comme suit :

[traduction] La requête des demandeurs est rejetée. Toutefois, ce rejet ne porte pas atteinte à toute autre demande que les demandeurs pourraient faire concernant la procédure prévue à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, qui a été invoquée par le défendeur.

[7]                 Le protonotaire Hargrave a énoncé par écrit les motifs de sa décision. Il était d'avis que l'article 229 des Règles et l'article 37 de la Loi n'étaient d'aucun secours au demandeur qui tentait d'obtenir la production de documents, et ce, essentiellement parce que le privilège invoqué « reprend le texte de la définition de « renseignements sensibles » qui figure à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada et ses plus récentes modifications » . Cette définition est rédigée comme suit :



« renseignements sensibles » Les renseignements, en provenance du Canada ou de l'étranger, qui concernent les affaires internationales ou la défense ou la sécurité nationales, qui se trouvent en la possession du gouvernement du Canada et qui sont du type des renseignements à l'égard desquels celui-ci prend des mesures de protection.

"sensitive information" means information relating to international relations or national defence or national security that is in the possession of the Government of Canada, whether originating from inside or outside Canada, and is of a type that the Government of Canada is taking measures to safeguard.


[8]                 Le protonotaire a souligné qu'un avis avait été donné au procureur général du Canada conformément au paragraphe 38.01(1) de la Loi qui, a-t-il dit, « dispose qu'un participant dans le cadre d'une instance, qui est tenu de divulguer ou prévoit de divulguer des renseignements sensibles, doit aviser le procureur général du Canada de la possibilité de divulgation » . Il a aussi mentionné que la preuve par affidavit présentée par le défendeur démontrait que la procédure prévue à l'article 38 de la Loi avait été suivie.

[9]                 Le protonotaire Hargrave a conclu ceci au paragraphe 8 de ses motifs :

[8]    L'article 38 de la Loi constitue un code de pratique et de procédure précis et détaillé concernant la détermination d'un privilège touchant des renseignements sensibles. Les demandeurs n'aiment peut-être pas la procédure énoncée à l'article 38; cependant, non seulement celle-ci régit-elle la présente instance, mais en outre l'audition de la présente requête, telle qu'elle a été rédigée, n'offre aucune possibilité ni de contester l'article 38 de la Loi, ni d'en déterminer l'étendue.

[10]            Je conviens avec l'avocat de la défenderesse qu'en l'espèce la décision du protonotaire Hargrave n'est pas une décision discrétionnaire à laquelle s'applique la norme de révision énoncée dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] 2 C.F. 425 (C.A.). La nature de la décision du protonotaire comporte plutôt des questions de droit que celui-ci devait trancher correctement.


[11]            Le protonotaire a expliqué de façon claire et convaincante le régime législatif prévu à l'article 38 de la Loi sur la preuve au Canada, modifié par la Loi antiterroriste. Cette disposition a eu pour effet d'abroger les articles 37 et 38 de la Loi sur la preuve au Canada que le demandeur appelant invoque.

[12]            La décision du protonotaire est manifestement correcte sur le plan juridique, et l'argument du demandeur appelant selon lequel la portée du nouvel article 38 se limite aux cas où le privilège de non-divulgation est invoqué pour des raisons liées au terrorisme est dénué de fondement.

                                           ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE :

1.         L'appel est rejeté avec dépens.

                                                                              _ François Lemieux _             

                                                                                                             Juge                          

Traduction certifiée conforme

Aleksandra Koziorowska


                                       COUR FÉDÉRALE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                        T-1114-02

INTITULÉ :                       Brad Kempo c. Sa Majesté du chef du Canada

                                                         

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (C.-B.)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 18 août 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : le juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :           le 29 août 2003

COMPARUTIONS :

Brad Kempo                        POUR LE DEMANDEUR

pour son propre compte

Glenn Rosenfeld                   POUR LA DÉFENDERESSE

Jan Brongers

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brad Kempo                        AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

Ministère de la Justice          POUR LA DÉFENDERESSE

Ottawa (Ontario)

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