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Date : 20030722

Dossier : IMM-2516-02

Référence : 2003 CF 907

Ottawa (Ontario), le mardi 22 juillet 2003

EN PRÉSENCE DE Madame la juge Dawson

ENTRE :

                                                    BOGDAN HRABCHUK

(aussi appelé BOHDAN HRABCHUK)

                                                                                                                                 demandeur

                                                                        et

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                   défendeur

                           MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LA JUGE DAWSON


[1]                Monsieur Hrabchuk est un citoyen ukrainien qui a été désigné candidat d'une province par le Manitoba le 19 septembre 2000, sous le régime alors applicable du paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement), où cette expression est définie comme suit :


« candidat d'une province » désigne un immigrant dont l'admission constitue un avantage appréciable pour le développement industriel d'une province, aux termes d'un accord conclu entre le ministre et le gouvernement de cette province conformément à l'article 109 de la Loi.

"provincial nominee" means an immigrant whose admission is considered, pursuant to an agreement under section 109 of the Act between the Minister and the government of the province to which the immigrant intends to proceed, to be of significant benefit to the industrial development of that province.


[2]                Par la suite, M. Hrabchuk a demandé la résidence permanente au Canada. Sa demande a fait l'objet d'un examen initial sur dossier à l'ambassade du Canada à Kiev, où on lui a attribué 99 points d'appréciation. Selon le STIDI, l'agent des visas, en réponse à une demande de décision de sélection, a écrit : [traduction] « fera l'objet d'une décision de sélection favorable » . Deux questions restaient donc à régler : l'admissibilité et la vérification des antécédents professionnels et des études de M. Hrabchuk. L'ambassade a alors pris des mesures pour vérifier l'expérience professionnelle et la formation de M. Hrabchuk.


[3]                Or, l'ambassade a été informée, à la suite des vérifications, que l'un des deux diplômes produits par M. Hrabchuk comme preuve de sa formation de soudeur n'avait jamais été décerné par l'établissement en question. L'agent des visas s'est alors demandé si M. Hrabchuk n'avait pas déformé les faits touchant sa formation et, par lettre, a exigé des explications. M. Hrabchuk a fourni les explications demandées dans une lettre où il sollicitait aussi une entrevue afin de remplir [traduction] « les conditions d'immigration » . L'agent des visas n'a pas jugé convaincantes ou crédibles les explications données par M. Hrabchuk concernant le diplôme contesté. M. Hrabchuk a alors engagé un avocat, qui a communiqué à l'agent des visas d'autres documents se rapportant à l'expérience professionnelle et aux études du demandeur et a lui aussi demandé une entrevue pour celui-ci afin qu'il pût convaincre l'agent des visas qu'il avait répondu véridiquement aux questions, n'avait pas délibérément produit des documents inexacts et était bel et bien un soudeur qualifié au chalumeau et à l'arc électrique.

[4]                L'agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente de M. Hrabchuk sans lui accorder d'entrevue. La seule raison donnée en contre-interrogatoire de son refus d'entrevue était la suivante :

[traduction] J'ai donné au demandeur la possibilité de dissiper mes soupçons touchant les faux documents qu'il avait produits. Ses explications ne m'ont pas convaincu. Je n'ai pas estimé qu'une entrevue était justifiée, et j'ai rendu ma décision en conséquence.

[5]                L'agent des visas n'a accordé de poids à aucun des autres documents produits à l'appui de la demande parce qu'ils provenaient directement de M. Hrabchuk, lequel, aux termes de la lettre de rejet, avait [traduction] « montré [qu'il était] prêt à produire de faux documents » .

[6]                Pour les motifs exposés ci-dessous, j'ai conclu que l'agent des visas a commis une erreur susceptible de révision en rejetant la demande de M. Hrabchuk sans lui accorder d'entrevue.


[7]                À l'époque considérée, l'admission au Canada était régie par la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (la Loi). Le principe général relatif à l'admissibilité des immigrants était formulé au paragraphe 6(1) de la Loi dans les termes suivants :


6(1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et de ses règlements, tout immigrant, notamment tout réfugié au sens de la Convention, ainsi que toutes les personnes à sa charge peuvent obtenir le droit d'établissement si l'agent d'immigration est convaincu que l'immigrant satisfait aux normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourra ou non réussir son installation au Canada, au sens des règlements, et si oui, dans quelle mesure. [Non souligné dans l'original.]

6(1) Subject to this Act and the regulations, any immigrant, including a Convention refugee, and all dependants, if any, may be granted landing if it is established to the satisfaction of an immigration officer that the immigrant meets the selection standards established by the regulations for the purpose of determining whether or not and the degree to which the immigrant will be able to become successfully established in Canada, as determined in accordance with the regulations. [underlining added]


[8]                Le Règlement prévoyait aux paragraphes 8(1) et (2) les normes de sélection suivantes :



8. (1) Sous réserve de l'article 11.1, afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge, à l'exception d'un parent, d'un réfugié au sens de la Convention cherchant à se réinstaller et d'un immigrant qui entend résider au Québec, pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas apprécie l'immigrant ou, au choix de ce dernier, son conjoint :

a) dans le cas d'un immigrant qui n'est pas visé aux alinéas b) ou c), suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I;

b) dans le cas d'un immigrant qui compte devenir un travailleur autonome au Canada, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, autre que le facteur visé à l'article 5 de cette annexe;

c) dans le cas d'un entrepreneur, d'un investisseur ou d'un candidat d'une province, suivant chacun des facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I, sauf ceux visés aux articles 4 et 5 de cette annexe;

d) [Abrogé, DORS/85-1038, art. 3]

e) [Abrogé, DORS/91-433, art. 3]

(2) Un agent des visas doit donner à l'immigrant qui est apprécié suivant les facteurs énumérés dans la colonne I de l'annexe I le nombre voulu de points d'appréciation pour chaque facteur, en s'en tenant au maximum fixé à la colonne III, conformément aux critères visés dans la colonne II de cette annexe vis-à-vis de ce facteur. [Non souligné dans l'original.]

8(1) Subject to section 11.1, for the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants, other than a member of the family class, a Convention refugee seeking resettlement or an immigrant who intends to reside in the Province of Quebec, will be able to become successfully established in Canada, a visa officer shall assess that immigrant or, at the option of the immigrant, the spouse of that immigrant

(a) in the case of an immigrant, other than an immigrant described in paragraph (b) or (c), on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I;

(b) in the case of an immigrant who intends to be a self-employed person in Canada, on the basis of each of the factors listed in Column I of Schedule I, other than the factor set out in item 5 thereof;

(c) in the case of an entrepreneur, an investor or a provincial nominee, on the basis of each of the factors listed in column I of Schedule I, other than the factors set out in items 4 and 5 thereof;

(d) [Revoked, SOR/85-1038, s. 3]

(e) [Revoked, SOR/91-433, s. 3]

(2) A visa officer shall award to an immigrant who is assessed on the basis of factors listed in Column I of Schedule I the appropriate number of units of assessment for each factor in accordance with the criteria set out in Column II thereof opposite that factor, but he shall not award for any factor more units of assessment than the maximum number set out in Column III thereof opposite that factor. [underlining added]


[9]                Le droit à une entrevue était régi par l'article 11.1 du Règlement, auquel renvoie le paragraphe 8(1). Cet article disposait ce qui suit :



11.1 Afin de déterminer si un immigrant et les personnes à sa charge pourront réussir leur installation au Canada, l'agent des visas n'est pas obligé de tenir une entrevue, sauf si l'immigrant, d'après l'étude de sa demande de visa et des documents à l'appui :

a) soit est visé à l'alinéa 8(1)a) et se voit accorder au moins le nombre suivant de points d'appréciation pour les facteurs mentionnés à la colonne I des articles 1 à 8 de l'annexe I, y compris, dans les cas où le présent règlement l'exige, au moins un point d'appréciation pour chacun des facteurs mentionnés à la colonne I des articles 3 et 4 de cette annexe :

(i) 60 points d'appréciation, dans le cas d'un immigrant qui n'est pas un parent aidé,

(ii) 55 points d'appréciation, dans le cas d'un parent aidé visé à l'alinéa 10(1)b),

(iii) 45 points d'appréciation, dans le cas d'un parent aidé visé à la division 10(1.1)d)(i)(A),

(iv) 50 points d'appréciation, dans le cas d'un parent aidé visé à la division 10(1.1)d)(i)(B);

b) soit est un candidat d'une province, un entrepreneur, un investisseur ou un travailleur autonome. [Non souligné dans l'original.]

11.1 For the purpose of determining whether an immigrant and the immigrant's dependants will be able to become successfully established in Canada, a visa officer is not required to conduct an interview unless, based on a review of the visa application and the documents submitted in support thereof,

(a) the immigrant is an immigrant described in paragraph 8(1)(a) and is awarded, for the factors set out in column I of items 1 to 8 of Schedule I, including, where required by these Regulations, at least one unit of assessment for each of the factors set out in column I of items 3 and 4 of that Schedule,

(i) at least 60 units of assessment, where the immigrant is not an assisted relative,

(ii) at least 55 units of assessment, where the immigrant is an assisted relative referred to in paragraph 10(1)(b),

(iii) at least 45 units of assessment, where the immigrant is an assisted relative referred to in clause 10(1.1)(d)(i)(A), and

(iv) at least 50 units of assessment, where the immigrant is an assisted relative referred to in clause 10(1.1)(d)(i)(B); or

(b) the immigrant is an entrepreneur, an investor, a provincial nominee or a self-employed person. [underlining added]


[10]            Le Règlement prévoyait donc expressément qu'un candidat d'une province devait être apprécié sur la base des facteurs énumérés à la colonne 1 de l'annexe I du Règlement (exception faite des quatrième et cinquième facteurs). En outre, si l'étude de sa demande de visa et des documents à l'appui révélait que l'immigrant était candidat d'une province, l'agent des visas était obligé de tenir une entrevue afin de déterminer si l'immigrant et les personnes à sa charge pourraient réussir leur installation au Canada.

[11]            Cette interprétation est étayée par le Guide sur les opérations de Citoyenneté et Immigration Canada, où l'on trouvait l'instruction suivante à l'intention des agents des visas concernant les candidats des provinces :

S'il est à espérer que des entrevues avec les candidats seront rarement nécessaires, les demandes des candidats des provinces ne devraient pas être rejetées sans qu'il y ait eu entrevue [Non souligné dans l'original.]


[12]            L'avocate du ministre, se fondant sur le libellé des dispositions du Règlement relatives au neuvième facteur de l'annexe I, a fait valoir qu'une entrevue n'était obligatoire que pour l'appréciation de la personnalité. Je regrette de ne pouvoir souscrire à cet argument. Le paragraphe 6(1) de la Loi prescrivait l'appréciation de l'immigrant en fonction des normes réglementaires de sélection visant à déterminer s'il pourrait ou non réussir son installation au Canada. À mon avis, le paragraphe 8(1) du Règlement établissait ces normes de sélection et était subordonné à l'article 11.1 de celui-ci. Or, l'article 11.1 disposait que, pour certaines catégories de demandeurs, l'appréciation de la probabilité de réussite dans l'installation ne devait être formulée qu'après une entrevue. L'une de ces catégories était celle des candidats des provinces.

[13]            L'avocate du ministre a aussi fait valoir que l'agent des visas, se fondant sur son examen de la demande et des documents à l'appui, avait décidé d'émettre un visa, sous réserve de la vérification de l'expérience et de la formation, et que, par conséquent, la demande avait « dépassé l'étape de l'entrevue » . Par suite, a-t-il soutenu, il n'était pas obligatoire d'accorder une entrevue à M. Hrabchuk. Je ne puis à ce point restreindre le sens manifeste du libellé du paragraphe 8(1) et de l'article 11.1 du Règlement. L'agent des visas n'était pas tenu d'accueillir la demande de résidence permanente de M. Hrabchuk, mais, à mon sens, pour autant que celui-ci détenait un certificat de désignation valide, il a commis une erreur susceptible de révision en rejetant cette demande sans lui avoir accordé d'entrevue.

[14]            La demande de contrôle judiciaire est en conséquence accueillie.


[15]            Les avocates n'ont pas présenté de question pour la certification, et aucune n'est soulevée par le présent dossier.

ORDONNANCE

[16]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et la décision de l'agent des visas communiquée par lettre en date du 3 mai 2002 est annulée.

2.          La demande est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen.

« Eleanor R. Dawson »

                                                                                                                                           Juge                           

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                            COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                                        

                                       AVOCATES INSCRITES AU DOSSIER

DOSSIER :                             IMM-2516-02

INTITULÉ :                            Bogdan Hrabchuk (aussi appelé Bohdan Hrabchuk)

c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :      Winnipeg (Manitoba)

DATE DE L'AUDIENCE :    9 juillet 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :            Madame la juge Dawson

DATE DES MOTIFS :           22 juillet 2003

COMPARUTIONS :

Mira Thow                                POUR LE DEMANDEUR

Penny Piper                               POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Zaifman Associates

Winnipeg (Manitoba)                 POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg

Sous-procureur général POUR LE DÉFENDEUR

du Canada


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