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Date: 20011210

Dossier: T-428-01

Référence neutre : 2001 CFPI 1351

Entre :

                                                                       APOTEX INC.

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                                        GLAXO GROUP LIMITED et

                                                          GLAXO WELLCOME INC.

                                                                                                                                              défenderesses

                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE KELEN:

[1]        Il s'agit d'un appel formé en vertu de l'article 51 des Règles de la Cour fédérale (1998) contre l'ordonnance, en date du 24 septembre 2001, par laquelle le protonotaire adjoint Giles a rejeté la requête des défenderesses visant la radiation des paragraphes 6, 7 et 8 de la réponse et défense à la demande reconventionelle.


[2]        Selon la norme de contrôle applicable à l'appel d'une ordonnance discrétionnaire du protonotaire, il doit être démontrable que celle-ci est entachée « d'erreur flagrante » parce que fondée sur un principe de droit inexact. La Cour d'appel fédérale a statué dans l'arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd, [1993] 2 C.F. 425, [1993] A.C.F. no 103 :

[¼] le juge saisi de l'appel contre l'ordonnance discrétionnaire d'un protonotaire ne doit pas intervenir sauf dans les deux cas suivants :

l'ordonnance est entachée d'erreur flagrante, en ce sens que le protonotaire a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu d'un mauvais principe ou d'une mauvaise appréciation des faits,

b) l'ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l'issue du principal.

  

[3]        Les paragraphes 6, 7 et 8 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle font référence à deux affaires dans lesquelles les défenderesses ont demandé à la Cour fédérale de rendre une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité pour le coprécipité de céfuroxime axétil d'Apotex. Ces paragraphes invoquent les décisions rendues par la Section de première instance et par la Section d'appel de la Cour fédérale dans le cadre de poursuites engagées en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (le Règlement) relativement au produit en cause dans la présente affaire.

[4]        Il est bien établi que les recours exercés en application du Règlement suivent une procédure sommaire, différente de celle qui régit l'action conventionnelle en contrefaçon de brevet; elle a pour but de déterminer s'il convient ou non d'interdire au Ministre de délivrer un avis de conformité. Voir à ce sujet Warner-Lambert Canada Inc., Parke-Davis Division c. Canada (Ministre de la Santé), 2001 CFPI 931, [2001] A.C.F. no 1335, le juge Dawson, au paragraphe 53.


[5]        La Cour doit déterminer en l'espèce si les paragraphes 6, 7 et 8 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle, lesquels font référence à ces affaires, devraient être radiés en application de l'article 221 des Règles de la Cour fédérale (1998), qui permet à la Cour d'ordonner la radiation de tout paragraphe d'un acte de procédure au motif, notamment :

(i)             qu'il n'est pas pertinent ou est redondant;

(ii)            qu'il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

(iii)           qu'il risque de nuire à l'instruction équitable de l'action ou de la retarder;

(iv)           qu'il constitue autrement un abus de procédure.

Dans le cadre d'une requête fondée sur l'article 221 des règles, la Cour doit présumer que les faits allégués sont vrais et déterminer si ceux-ci font progresser ou étayent la réponse et défense à la demande reconventionnelle ou si, au contraire, ils sont nettement et manifestement futiles.

[6]        Il est reconnu que la Cour refuse généralement de radier les « parties en trop » d'une déclaration qui ne sont pas préjudiciables, et qu'en cas de doute, il y a lieu d'autoriser l'acte de procédure afin que le juge du fond puisse prendre connaissance de toute preuve pertinente au soutien de l'acte de procédure : Imperial Parking Ltd. c. Barrington (1995), 104 F.T.R. 132, [1995] A.C.F. no 1638 (C.F. 1re inst.), le protonotaire Hargrave, et Huzar c. Canada (1997), 139 F.T.R. 81, [1997] A.C.F. no 1556 (C.F. 1er inst.), affaire dans laquelle le protonotaire Hargrave, aux paragraphes 13, 14 et 15, a déterminé ce qui suit :

[¼] Pour être radiée, il faut qu'une déclaration soit nettement et indubitablement futile. Lorsqu'un requérant allègue qu'une action est scandaleuse, futile ou vexatoire, selon les termes mêmes de la Règle 419(1)c), le critère est tout aussi sévère, voire plus sévère qu'au regard de la Règle 419(1)a) [la Règle 419 a été remplacée par la Règle 221] [¼]

Lorsqu'une affaire soulève des questions de droit importantes ou contentieuses, des points de droit controversés, ou des points sur lequel [sic] le droit n'est pas nettement fixé, ce n'est pas dans le cadre d'une requête sommaire en radiation qu'il y a lieu de les examiner mais, plutôt, à l'occasion d'un procès ou [sic] sont exposés l'ensemble des faits de la cause [¼]


En matière de procédure, le dernier point à rappeler est qu'une cour de justice n'ordonnera pas la radiation des parties superfétatoires d'une déclaration dans la mesure où elle [sic] ne causent aucun préjudice [¼]

[7]        En l'espèce, la demanderesse soutient que les poursuites antérieures constituent une preuve pertinente, que la Cour, dans une décision de 31 pages, a examiné et interprété les brevets particuliers se rapportant à la formulation d'Apotex qui fait l'objet du litige et enfin, que la Cour d'appel fédérale, le 2 avril 2001, a maintenu cette décision, s'exprimant comme suit dans Glaxo Group Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2001 CAF 96, au paragraphe 16 :

Il ne peut pas y avoir contrefaçon des revendications du brevet 313 si les deux éléments ne sont pas présents dans le céfuroxime axétil qui est utilisé.

[8]        La demanderesse admet que ni la préclusion ni la chose jugée ne trouvent ici application, mais elle soutient que cette décision revêt néanmoins une certaine pertinence lors d'une poursuite postérieure mettant en cause le même brevet. Les défenderesses, au paragraphe 18 de la défense et demande reconventionnelle, contestent quant à elles [TRADUCTION] « la qualification de l'historique procédural des affaires T-415-98 et T-806-00 » . Par conséquent, la question de la « qualification » de ces poursuites est déjà soulevée dans les actes de procédure.

[9]        La demanderesse plaide donc que les poursuites antérieures sont pertinentes, alors que les défenderesses leur nient ce caractère. Bien qu'il ne fasse pas de doute qu'une action en contrefaçon de brevet constitue un recours indépendant et distinct de celui engagé en application du Règlement, il reste que l'historique des poursuites et les décisions de la Cour sont susceptibles de présenter quelque pertinence.


[10]      En conséquence, le protonotaire pouvait valablement décider de ne pas ordonner la radiation des paragraphes précités de la réponse et défense à la demande reconventionnelle, puisqu'ils peuvent présenter une certaine pertinence, qu'ils ne sont pas scandaleux, non plus que frivoles ou vexatoires, et qu'ils ne nuiront pas à l'instruction équitable et efficace de l'affaire. Le fait d'invoquer une poursuite antérieure n'est pas en soi nettement et indubitablement futile. Quoiqu'il en soit, la jurisprudence a établi que la Cour n'ordonne pas la radiation des parties simplement superflues, dans la mesure où elles n'entraînent aucun préjudice. En l'espèce, le fait d'invoquer les deux poursuites intentées dans le passé en application du Règlement n'empêche pas la Cour de rendre une décision nouvelle et indépendante dans l'action en contrefaçon de brevet dont elle est saisie. Il est irréaliste et déraisonnable de la part des défenderesses de demander à la Cour de ne tenir aucun compte de l'historique des poursuites opposant les parties relativement à des questions connexes.

[11]      La demanderesse prétend également que les poursuites antérieures sont pertinentes pour justifier que les dépens procureur-client de la demande reconventionnelle soient adjugés en sa faveur. La jurisprudence est contradictoire en ce qui a trait à la question de savoir si les actes de procédures se rapportant aux dépens sont nécessaires ou appropriés : Bonner et al. c. Day et al. (1985), 49 O.R. (2d) 268, 47 C.P.C. 278 (H.C.J.), le juge Rosenberg. Il est évident que la demanderesse avertit les défenderesses qu'elle entend se servir de leurs tentatives antérieures infructueuses de l'empêcher d'agir, dans le but de demander que les dépens de la demande reconventionnelle lui soient attribués. Il n'y a pas lieu de résoudre, dans le cadre de la requête en radiation, le conflit jurisprudentiel portant sur le caractère approprié des actes de procédures concernant les dépens. Les questions de droit litigieuses, comme celle-là, devraient être laissées à l'appréciation du juge du fond.


[12]      Pour ces motifs, je conclus que le protonotaire n'a pas commis une « erreur flagrante » en rejetant la requête en radiation des paragraphes 6, 7 et 8 de la réponse et défense à la demande reconventionnelle.

  

ORDONNANCE

[13]      En conséquence, l'appel est rejeté et les dépens sont adjugés à la demanderesse quelle que soit l'issue de la cause.

  

« Michael A. Kelen »                

Juge

OTTAWA (ONTARIO)

10 DÉCEMBRE 2001

TRADUCTION CERTIFIÉE CONFORME

                                                                        

Ghislaine Poitras, LL.L.


                                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                                        T-428-01

INTITULÉ :                                                     APOTEX INC. - ET- GLAXO GROUP LIMITED ET AL.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                           19 novembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE PAR MONSIEUR LE JUGE KELEN

DATE DES MOTIFS :                                   10 décembre 2001

  

COMPARUTIONS :

  

M. David Scrimger

POUR LA DEMANDERESSE

M. Patrick Kierans

M. Peter Wilcox

POUR LES DÉFENDERESSES

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Ogilvy Renault

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

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